Communication de crise : comment gérer le stress et la peur

Le stress et la peur en communication de crise

Nous mesurons le passage du temps aux changements qu’ils observent. Nous estimons l’heure à la position du soleil ou de la lune dans le ciel. Nous savons en quelle saison nous sommes au temps qu’il fait et au feuillage des arbres. Nous évaluons notre âge aux changements survenus depuis notre naissance jusqu’à notre mort.

Quand nos clients traversent une crise, ils disent souvent : « C’était il y a deux jours seulement ? J’ai l’impression que cela fait un mois ! ». Ou bien : « Ça s’est passé la semaine dernière ? C’est comme si c’était il y a un mois ! »

Parce qu’une crise apporte beaucoup de changements et parce que nous assimilons naturellement le changement au passage du temps, nos clients ont l’impression que le temps s’accélère brutalement pour eux. Le nombre de changements vécus pendant une crise augmente de manière exponentielle par rapport à leur vie habituelle, donc cela leur donne l’impression que le temps passe plus vite d’où l’importance de l’anticipation de la gestion de crise.

Ils ont d’ailleurs tendance à rejeter les changements associés à cette accélération du temps. Même si les changements sont un aspect inévitable de l’existence, la plupart de nos clients détestent cela.

Face à la crise, les clients qui sont stressés ont naturellement tendance à résister au changement et font appel à de vieilles convictions et de vieilles pratiques pour y faire face. Il est intéressant d’examiner d’où provient cette résistance au changement.

Une partie de notre cerveau commence à se développer in utero. Elle stocke les réactions émotionnelles à tout ce qui se produit dans notre vie. Elle ressemble à un programme informatique complexe avec des capacités illimitées. C’est cette partie du cerveau qui est à l’origine de nos réactions inconscientes et immédiates face au danger, aussi est-elle programmée pour mieux se souvenir des expériences négatives que des expériences positives.

Cette partie du cerveau commence à être programmée dans notre enfance. Elle développe un historique propre à chacun d’entre nous de ce que nous aimons et n’aimons pas, ce qui est bien et mal, comment les choses devraient et ne devraient pas se dérouler.

C’est cet historique unique qui nous construit. Ce sont ces convictions qui sont imprimées dans notre cerveau. Cette partie du cerveau contribue en quelque sorte à la construction de ce guide intérieur.

Vous avez peut-être entendu parler des biais inconscients. Il s’agit de toute distorsion d’expérience par un observateur ou journaliste dont celui-ci n’a pas conscience. Cela peut inclure une modification et une sélectivité non intentionnelles liées à la perception, la mémorisation, la représentation et l’interprétation…

Notre cerveau établit notre cadre de référence – notre zone de confort inconsciente et néanmoins très puissante – par rapport auquel nous évaluons tout ce qu’il nous arrive. Ce cadre de référence inconscient est par nature négatif, parce qu’il a été conçu pour nous protéger des menaces.

En effet, notre cerveau écarte une grande partie de la capacité de réflexion, plus lente et plus consciente, pour nous permettre de réagir rapidement. Donc, la réaction contrôlée par le cerveau, par cette zone de confort, est programmée pour résister au changement.

Cette introduction permet de comprendre pourquoi communiquer est plus difficile dans un contexte de crise, car c’est un fait avéré, et non une simple impression de votre part. En tant qu’êtres humains, il nous est alors plus difficile de traiter les informations de manière logique et il y a une raison biologique à cela.

La partie antérieure du cerveau, appelée le cortex préfrontal, est le siège des fonctions dites directives. Comme son nom l’indique, elle gère les actions qu’on associe généralement aux fonctions directives – le raisonnement, la résolution de problème et le contrôle de soi. Autant d’éléments très utiles lors d’une crise.

Mais il y a un problème. Quand nous atteignons un certain niveau de stress – notre niveau maximal – le cortex préfrontal n’a plus la main. C’est une autre partie du cerveau qui prend le contrôle. Celle-ci prend sa charge très au sérieux et elle est toute-puissante. Elle fonctionne un peu comme un dictateur.

D’abord, elle écarte totalement le cortex préfrontal pour qu’il n’y ait pas d’ordres contradictoires pendant la crise. En effet, il ne faudrait pas que d’un côté cette partie du cerveau vous dise de courir pendant que le cortex préfrontal vous dit de rester calme et de réfléchir une seconde. Dans une bataille ou une guerre, il ne peut pas y avoir deux généraux, qui donnent des ordres contradictoires.

Florian Silnicki rappelle souvent à nos consultants en communication de crise qu’il ne faut jamais oublier que quand nos clients sont la proie du stress, une partie du cerveau bloque la partie du cerveau chargée du raisonnement rationnel et du contrôle de soi.

Ensuite, cette partie du cerveau recherche dans les souvenirs accumulés des informations sur ce qui aide le corps à se calmer. Cette réaction est unique, propre à chaque personne. La solution pour vous apaiser dépend de chaque expérience vécue au cours de votre vie et de la manière dont la partie du cerveau a traité cette expérience dans le passé, car une autre partie du cerveau se nourrit et apprend des expériences passées.

C’est pour cette raison qu’un dirigeant qui a des tendances boulimiques ou alcooliques aura, face à la crise, souvent recours à l’alcool ou la nourriture en période de stress intense, sauf si elle a habitué son cerveau à trouver d’autres moyens de se calmer. Quelqu’un qui devient violent sous l’effet du stress tapera sur les objets ou les personnes qui l’entourent. Quelqu’un qui s’anesthésie en regardant des émissions sans intérêt à la télévision se raccrochera à cette habitude plutôt que d’affronter le problème.

On désigne ces réflexes comme le combat, la fuite ou la paralysie. Pourquoi ? Parce que tout ce que nous faisons en réaction au stress peut se rapprocher de l’une de ces trois attitudes.

La bonne nouvelle, c’est qu’on peut apprendre au cerveau à réagir différemment – même s’il est impossible de bloquer totalement l’action du cerveau, ce qui ne serait d’ailleurs pas une bonne idée. Cette partie du cerveau est l’une des parties les plus anciennes de notre cerveau. Elle s’est développée pour nous aider dans les situations de vie ou de mort, par exemple si vous aperceviez un tigre derrière un arbre.

Dans une telle situation, nous n’avons pas le temps de réfléchir et de nous dire « hé, mais je crois avoir entendu un grognement. Ça doit être un tigre. Je ferais mieux de courir. OK, ça y est, je cours ». En crise, l’improvisation est interdite. Il faut savoir quoi répondre.

Dans ce type de moment, vous ne voulez pas que votre cortex préfrontal essaie de rationaliser les choses et vous dise : « Mais est-ce vraiment un tigre ? Et si c’était autre chose – un gros chat par exemple ? Tu aurais l’air malin si tu te mettais à courir et hurler de peur parce que tu crois avoir vu un chat derrière un arbre. »

Si notre cerveau prenait le temps de dérouler toute cette réflexion, le tigre nous aurait déjà dévorés avant que nous ayons fini de débattre de la meilleure option à suivre. C’est pour cela que notre cerveau nous aide de manière automatique et inconsciente. En fait, grâce à cette partie du cerveau, nous n’avons pas même besoin d’entendre consciemment le grognement mentionné plus haut, ou son équivalent. Nous avons déjà pris nos jambes à notre cou avant d’avoir compris pourquoi. Cette partie du cerveau est donc d’une aide précieuse.

De nos jours, il est rare de rencontrer des tigres, mais cette partie du cerveau ne le sait pas, aussi peut-elle réagir au fait d’être en retard au travail (par exemple) comme s’il s’agissait d’une affaire de vie ou de mort. Si vous vous êtes un jour retrouvé dans un embouteillage alors que vous vous rendiez à une réunion importante et que vous avez commencé à bramer comme un fou, c’est à cette partie du cerveau que vous devez cette réaction.

Rééduquez son cerveau

Savoir comment fonctionne le cerveau et ce qui déclenche la réaction de combat, fuite ou paralysie peut nous aider à éviter ce réflexe. On peut, en y consacrant du temps et beaucoup d’énergie, apprendre à son cerveau à rester calme lors de situations de stress.

Le cerveau a la capacité de changer continuellement, tout au long de la vie, grâce à la neuroplasticité. Cette notion est un mot valise constitué de « neurones » et « plasticité ».

Les neurones, qui sont les cellules nerveuses du cerveau, sont reliés les uns aux autres pour assurer les opérations nécessaires au fonctionnement du corps. Ils établissent constamment de nouvelles connexions pour aider le cerveau à apprendre et stocker des informations. La plasticité désigne le fait que les cellules nerveuses peuvent facilement changer de forme.

Cela nous permet de « rééduquer » notre cerveau et de nous débarrasser des anciennes réactions automatiques issues de l’enfance. En alimentant constamment le cerveau avec de nouveaux stimuli liés à des sensations positives et calmes, notre cerveau peut être reprogrammé.

Pour en revenir à la communication sensible, notre vie professionnelle suscite suffisamment de stress au quotidien pour déclencher inconsciemment des réactions de combat, fuite ou paralysie. Nous ne pouvons pas identifier et gérer les manifestations individuelles de ces réactions (manger un paquet de chips pour telle personne, s’affaler sur le canapé pour regarder la télévision sans interruption pour telle autre), mais nous pouvons avoir en tête que ces réactions existent. Nous devrions donc arrêter d’assimiler une bonne communication à « des informations présentées et comprises de manière rationnelle ». De nombreux outils sont disponibles pour gérer les personnes stressées face à la crise.

Les meilleurs experts en communication de crise savent qu’il est possible d’apprendre à maitriser nos propres réactions au stress. Une des méthodes possibles consiste à trouver un mot d’ordre à se répéter calmement dans une position confortable. Les formations Mediatraining permettent de s’y exercer. Par exemple, si votre entreprise recrute de nombreux employés plus jeunes, qui mettent en place des changements plébiscités par votre chef, mais auxquels vous résistez, un bon mot d’ordre pourrait être : « laisse tomber et laisse faire, mise sur le lacher-prise ».

Un peu comme un slogan, l’important est de trouver une formule facile à retenir. Idéalement, elle doit contenir des allitérations ou des rimes, car cela aide la mémorisation.

Nos clients face à la crise, ont souvent naturellement tendance à résister à tous les changements, et puis un jour ils se disent que leur existence serait plus agréable et moins stressante si ils pouvaient se convaincre d’apprécier toutes les surprises et les coups de théâtre qui font le sel de la vie. Ils se trouvent généralement différents mots d’ordre pour s’aider. En voici un :

Allez, détends-toi. Les choses finissent toujours par s’arranger.

Il faut se le répéter plusieurs fois par jour. Quand vous commencez à vous inquiéter, « Allez, détends-toi » vous aidera à vous rappeler que les hauts et les bas sont tout à fait normaux dans une existence. Cela vous rappellera que 90 % des choses qui vous inquiètent ne se produisent en fait jamais.

Prononcer un mot d’ordre en respirant à fond doit faire partie de votre réaction automatique face à la crise : dès que vous commencez à sentir monter le stress, les mots « Allez, détends-toi » vous viennent à l’esprit, car vous avez rééduqué et entrainé la partie inconsciente de votre cerveau. Au lieu de vous énerver sur quelqu’un ou de vous gaver de chocolat, votre cerveau vous rappellera votre mot d’ordre, puis vous fera respirer à fond.

C’est une idée toute simple, qui ne nécessite que la répétition et la régularité, mais elle permet d’obtenir d’excellents résultats. Vous pouvez aussi régler votre téléphone de manière à ce qu’il vous envoie un mot d’ordre à intervalle régulier, toutes les quelques heures. Cela vous aidera à garder l’esprit clair pendant la journée face à la crise, car comme tous nos clients vous êtes sans doute souvent inondé d’appels, d’e-mails, de réunions et autres notifications parasitant votre concentration et donc votre énergie.

Nous coachons des dirigeants sur une infinité de sujets, comme obtenir de meilleurs résultats de la part de leurs équipes face à la crise, avoir plus d’influence lors des réunions avec un public hostile ou présentations sensibles, etc. Si vous vous connaissez bien et si vous êtes honnête avec vous-même, vous pouvez venir à bout des vieux réflexes néfastes.