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Danone : une mauvaise communication de crise

Au palmarès des mauvaises stratégies de communication de crise en 2020, on retrouve celle du groupe Danone. La découverte de larves dans le lait en poudre infantile de sa marque Gallia, a tenu en émoi l’opinion publique. Les internautes puis les médias se sont emparés de l’affaire et une crise s’est dévoilée au grand jour. Face au manque de réactivité de la marque, la colère du public a inondé les réseaux sociaux et mis à mal la réputation du groupe.

Erreur n°1 : Refuser de se remettre en question

En février 2020, convergent simultanément trois dépôts de plaintes de parents, dans des régions différentes, incriminant la présence de larves dans le lait infantile Gallia du groupe Danone.

L’affaire débute par une plainte déposée à Saint-Malo, reprise par la presse dans le quotidien régional Ouest France. Après une forte température et un passage aux urgences, la mère déclare dans l’interview que son enfant finit par régurgiter un ver de 6 à 7 cm. Analysé par l’hôpital, ce ver est parasitaire, autrement dit, il a été ingéré par l’enfant et non produit par son organisme.

Au même moment, une autre famille dépose plainte dans le Puy-de-Dôme, pour des faits similaires : une larve vivante a été trouvée dans leur boîte de lait infantile. Un autre cas se fait connaître dans les Landes. In fine, c’est 9 familles qui se font connaître, selon un décompte réalisé par la radio RTL.

L’alerte est médiatiquement et juridiquement lancée. L’opinion publique se tourne rapidement vers Danone et attend une réponse forte digne de la notoriété du groupe industriel. Les familles consommatrices de ce lait infantile ont besoin d’être rassurées.

Face à la polémique, Danone campe sur ses positions intransigeantes. Si faute il y a, elle provient d’une mauvaise maintenance qui serait intervenue après leur site de production. Danone estime que la présence de larves dans ses boîtes de lait infantile ne peut pas être possible lors de l’étape de fabrication.

L’arrogance est une grave erreur de communication de crise. Le groupe adopte l’image d’une entreprise inattaquable. Il ne se remet pas en question.
Le consommateur, qui attend de savoir ce qui est mis en oeuvre pour que cela ne se reproduise plus, fait face à un positionnement qui n’est pas rassurant.
Le client préfère alors ne plus consommer le produit, au risque d’une conséquence sanitaire grave pour son enfant.

Erreur n°2 : Adopter un positionnement catégorique

En communication de crise, mieux vaut rester prudent dans ses affirmations. Le rétropédalage a pour effet de faire perdre toute crédibilité à l’entreprise.
Danone semblait s’enorgueillir d’un processus industriel sans faille. La présence de larves ne s’expliquerait pas et ne pourrait absolument pas être liée à la fabrication du lait en poudre.

L’agence nationale de sécurité sanitaire, l’ANSES, publie au même moment un avis, en février 2020, sur la préparation de lait en poudre des nourrissons.

Elle démontrerait, entre autres, que l’environnement de fabrication ne peut éviter la présence d’insectes. De surcroît, quand le lait en poudre se déverse dans les contenants, cette étape ne serait pas stérilisée.
Globalement, l’environnement de fabrication ne peut être totalement garant d’une absence totale de corps étrangers.

Autre erreur tactique de communication de crise : en affirmant que la présence de vers dans le lait infantile est nécessairement imputable à une faute survenue après fabrication, Danone met en lumière un élément de langage peu efficace d’autant qu’il lui revient en boomerang en étant un élément d’aggravation de la défiance de l’opinion publique.

Comment des boîtes de lait infantile supposées scellées peuvent avoir permis à des larves d’y pénétrer lors de l’entreposage ? Comment un risque aussi basique n’a-t-il pas pu être anticipé et combattu ?
Cette hypothèse est plus qu’impossible pour les consommateurs. Danone perd un peu plus en crédibilité en se dissimulant derrière un argumentaire qui n’apparaît pas cohérent pour les publics de l’entreprise.

Erreur n°3 : Rejeter la faute sur le plus faible et manquer d’empathie

Dans cette affaire, le rôle du grand “méchant” revient automatiquement au groupe Danone face à la santé de nourrissons. L’opinion publique prend naturellement fait et cause pour les parents inquiets pour la santé de leurs bébés.

La première réaction de Danone manque d’empathie et consiste à balayer d’un revers sa potentielle erreur. Pire, Danone finit même par rejeter la faute sur la mauvaise conservation du produit par les parents !

Un argument inacceptable pour les consommateurs, qui se sont sentis méprisés et pas écoutés.

Erreur n°4 : Une prise en main tardive

Face au déferlement médiatique, la réaction de Danone reste immuable. Dans ses deux premiers communiqués de presse, le groupe tient une défense reposant sur le déni.

La présence de larves n’est pas de son fait. Elle provient forcément d’une mauvaise gestion des produits après fabrication.

Il faudra un troisième communiqué de presse pour voir naître une réaction rassurante pour le consommateur : la mise en place d’investigations internes.

Cette succession rapide de communiqués de presse pour les mêmes accusations reflètent parfaitement  à la fois la faiblesse de la stratégie de communication de crise déployée initialement et ce qu’il faut éviter en communication de crise.

Dans un secteur industriel comme l’alimentaire où la défiance des consommateurs n’a cessé de s’accroître ces dix dernières années, l’analyse des mesures de sécurité sanitaires doit être la priorité.
Il faut avant tout informer et rassurer le consommateur sur l’identification des facteurs de risques et les dispositif de prévention des risques. Deux éléments essentiels pour ne pas rompre le rapport de confiance, qui induirait inévitablement une chute des ventes.

Erreur n°5 : Un rapport de confiance altéré

La réputation d’une entreprise repose d’abord sur la confiance qui lui est portée par l’opinion publique. Ce type de crise sanitaire est parfaitement anticipable en gestion de crise afin de limiter l’impact de la crise sur l’image et la réputation de l’entreprise malmenée.

Pour sauvegarder son image, et donc sa valorisation, l’entreprise doit faire preuve de compassion et rester pro-active face aux risques de ses activités. Elle doit communiquer sur sa situation et s’excuser sans hésiter sur d’éventuelles erreurs auxquelles ses équipes vont expressément remédier.

Communiquer sur l’ensemble des actions à venir face à la crise permet de rassurer les publics de l’entreprise en leur prouvant que vous avez pris les choses en mains afin de limiter les désagréments potentiels de la crise.

Le dirigeant ou un représentant de l’entreprise doit prendre la parole après avoir suivi une formation Mediatraining.

Chez Danone, dans la première conférence de presse, la directrice financière s’exprime sur le sujet, ce qui est surprenant vu sa fonction. Ce n’est pas spontanément l’interlocutrice la plus adéquate. Le poste de directrice financière est par ailleurs un obstacle d’empathie dans la perception du public.

Cette stratégie de communication de crise laisse à penser au public que les dirigeants souhaitent se désengager de toutes responsabilités, voire ne pas prendre en considération la situation, ce qui a contribué à exacerber la colère des clients de l’entreprise.