Les compagnies aériennes : communiquer face à une crise

crash avion

Des agences en communication de crise apprennent aux compagnies aériennes à communiquer face à une crise

L’International Air Transport Association, basée à Genève, et des agences spécialisées dans la communication de crise préparent régulièrement ses membres à faire face aux médias après un accident afin de gérer la crise.  Une nouvelle formation en communication de crise qui rencontre un grand succès après le drame du SR 111.

Les compagnies aériennes n’ont jamais été autant sensibilisées au thème de la communication de crise. Le crash du vol SR 111 de Swissair en septembre 1998 a fait prendre conscience à toute la profession qu’une catastrophe pouvait frapper même les compagnies les plus réputées.

La gestion de la crise du vol 111 Swissair

Le vol 111 Swissair est un vol régulier de la Swissair, assuré par un McDonnell Douglas MD-11, au départ de New York-JFK et à destination de Genève-Cointrin qui s’est abîmé le 2 septembre 1998 dans l’océan Atlantique en raison d’un incendie à bord.

Le McDonnell Douglas MD-11 HB-IWF a sombré dans l’océan Atlantique au sud-ouest d’Halifax à 8 km des côtes de la Nouvelle-Écosse (Canada). La totalité des 229 personnes présentes à bord, soit 215 passagers et 14 membres d’équipage, ont péri.

Le vol décolle de JFK à 20 h 18 (HAE). Cinquante-trois minutes plus tard, à une altitude de 33 000 pieds (soit 10 060 m), l’équipage perçoit une odeur de brûlé. Un quart d’heure plus tard, une fumée devient visible et plusieurs systèmes tombent en panne. L’équipage lance un signal « pan-pan » en demandant un déroutement sur Boston Logan mais est dirigé vers l’aéroport d’Halifax distant de seulement 56 miles (104 km).

  • À 22 h 19, l’avion n’est plus qu’à 54 km de Halifax mais est encore trop haut (21 000 pieds) et l’équipage doit entamer un 360 degrés pour allonger sa distance de descente.
  • À 22 h 23, l’avion atteint 10 000 pieds et se trouve à environ 60 km de l’aéroport.
  • À 22 h 24, alors qu’il est en circuit autour de l’aéroport pour vidange par délestage en mer du carburant, l’équipage se déclare en détresse (message “Mayday”). Le contact est perdu une minute plus tard après un nouvel appel de détresse. Ce fut le dernier contact radio avec le vol SR111. L’avion percute l’océan à 22 h 31 selon les sismographes d’Halifax, tuant sur le coup tous les occupants du MD-111.

Les deux pilotes parlent en même temps sur la fréquence et, dans la salle de contrôle, où plusieurs échanges sont en cours, le contrôleur n’entend pas la phrase clé :

Copilote : « Il faut qu’on se pose tout de suite »
Il répond, n’ayant pas entendu :
Contrôleur : « Swissair 111, encore quelques kilomètres, je vous suis »

Le contrôleur aérien, Bill Pickrell, n’a pas entendu la demande d’atterrissage d’urgence, un raté qui pendant des mois, des années va l’obséder. Bill Pickrell : « Je ne suis pas sûr d’être capable de décrire convenablement ce que j’éprouve, ce qui s’est passé ce soir-là, j’ai dû y repenser un bon millier de fois, est-ce que j’aurais pu faire davantage ? Est-ce que j’ai commis une erreur ? Est-ce que j’ai ma part dans ce qui est arrivé ? Mais, j’ai fini par comprendre que de toute manière je n’aurais rien pu faire d’autre, tout ce qu’on pouvait faire, on l’a fait. »

La communication de crise pour compagnies aériennes.

L’International Air Transport Association, l’organisation internationale des compagnies aériennes, a lancé quelques jours avant le crash de Halifax un produit de communication de crise pour ses membres. «Nous le destinions plutôt aux petits transporteurs, se rappelle William Gaillard, porte-parole de l’organisation. Mais les grandes compagnies avec lesquelles nous avions développé le produit l’ont rapidement acheté.»

Une vingtaine de sociétés, parmi lesquelles Lufthansa, United Airlines, Austrian Airlines, Canadian Airlines et South African Airways notamment, ont signé un accord avec l’IATA pour que leurs troupes s’entraînent avec elle à gérer les crises et que les experts de l’association soient à leurs côtés pour mieux communiquer en cas de malheur. Beaucoup d’autres parmi les 260 membres de l’association pourraient suivre, par le biais notamment des grandes alliances commerciales.

«Malheureusement, lors d’une crise, ce n’est pas ce que la compagnie fait qui compte mais comment elle est perçue», explique Florian Silnicki, Expert en communication de crise et Fondateur de l’agence LaFrenchCom. «TWA a fait un excellent travail en juillet 1996 lors du crash d’un de ses avions au large de New York. Mais il n’y avait personne pour raconter leur histoire à la presse ce qui est un problème.»

Traumatisme de l’accident

Un accident dans le transport aérien traumatise les consciences plus qu’ailleurs. «Le voyageur fait partie de la classe moyenne et l’identification joue à plein pour le téléspectateur.» Un directeur trop froid interviewé à la télévision ou un chef d’escale qui ne sait pas renseigner la presse, et c’est la réputation d’une compagnie qui en prend un coup durablement. L’inverse est aussi vrai. Bien que frappée par le plus grand accident de son histoire, Swissair est devenue l’entreprise préférée des Suisse alors que le même sondage réalisé l’année précédente plaçait la société en septième position.

«Les compagnies aériennes font partie d’une industrie globale et continuent trop souvent de communiquer de manière locale», prévient Florian Silnicki.

Dans les années 70, un appareil de la Lufthansa s’est crashé au Kenya et les images du drame n’ont été diffusées que trois jours plus tard à la télévision allemande. «En février 1998, un avion de la China Airlines a eu un accident. Quelques minutes après la télévision japonaise diffusait les premières images et un quart d’heure ne s’était pas écoulé qu’un soi-disant expert de BBC World spéculait sur les causes de l’accident alors même qu’il se trompait sur le type d’avionLes transporteurs doivent pouvoir réagir partout où un accident peut se produire. Le programme de l’IATA passe notamment par un entraînement à destination de tous les chefs d’escale. Ces représentants des compagnies se retrouvent en général les premiers au contact avec les médias.

La généralisation de certaines pratiques commerciales peut poser problème en cas de catastrophe. C’est le cas notamment des vols en partage de code. Un seul avion peut aujourd’hui transporter des passagers munis de billets émis par cinq compagnies différentes. Ce qui laisse imaginer les problèmes de coordination en cas de crise s’il n’y a pas eu de travail préalable. «Ne pas développer de plan de crise au niveau des alliances mondiales est suicidaire», martèle Florian Silnicki, qui signale que certaines grandes compagnies qui proposent une centaine de destinations ne sont pas encore correctement préparées.

La communication de crise condamnée au succès en matière aérienne

La communication de crise semble condamnée au succès. Les compagnies d’assurance demandent de plus en plus aux industries à risques de mettre en place des procédures standardisées pour gérer les crises et la communication face aux crises qui peuvent naitre.

De plus, les prestations de communication de crise sont bon marché: des agences en communication de crise facturent quasiment à prix coûtant leurs services. Au total, une formation coûte de 5000 euros pour un simple audit à 250 000 euros pour un cycle de séminaires complet de communication de crise pour apprendre à gérer les journalistes, à faire face aux médias, à maitriser les réseaux sociaux, …

Enfin, les deux grands constructeurs, Airbus et Boeing, qui ont apporté leur soutien actif lors du développement du projet, recommandent le produit à leurs clients. William Gaillard conclut: «Même les grands motoristes comme Rolls-Royce font désormais appel à nous dans ce domaine et les aéroports pourraient bien être les prochains sur notre liste