La demande de transparence est devenue, en quelques années, un élément incontournable de notre société contemporaine. Cette évolution serait louable si les dérives ne tendaient pas à remplacer purement et simplement cette demande somme toute logique. Nous vivons dans une société où chacun s’observe, où tout est filmé, enregistré, épié et commenté.
Pierre Rosanvallon écrit à propos de la transparence dans « La Contre Démocratie » que « le citoyen croit qu’il va pouvoir exercer ce contrôle (…) ; or si le politique est transparent, il n’est plus rien. ». Un dirigeant – qu’il soit politique ou chef d’entreprise – doit-il, donc, tout dire et tout montrer ? C’est ici que le communicant de crise entre en scène.
La réponse est : Non. Le droit de savoir n’est pas le droit de tout savoir. Le secret, qu’il soit professionnel, industrielle ou de la défense, est essentiel à la vie de la cité. Le secret fait partie de la vie des organisations. Ainsi, dans une entreprise, le secret des affaires est une nécessité tout comme le chef des armées ne peut évidemment pas révéler les plans d’attaque d’une opération militaire.
La transparence à outrance imposée par la doxa ambiante fait, certes, le bonheur d’une partie de l’opinion publique, mais alimente surtout le soupçon perpétuel vis-à-vis de nos dirigeants, des chefs d’entreprises … Et alors que l’obsession de la transparence s’impose comme une tyrannie dont le tribunal médiatique est le bras armé, le secret professionnel est peu à peu grignoté de toutes parts. Allons-nous, peu à peu, vers le pays des « purs » ? Celui dans lequel les conversations privées sont étalées sur la place publique, où nous guillotinerons nos dirigeants, parce qu’au fond, ils l’auraient bien mérité selon certains ?
Psychologues, avocats, médecins, communicants de crise : probablement plus que jamais, les hommes ont besoin de pouvoir se confier et d’être aidé. Être communicant de crise, c’est être à la fois un avocat et un psychologue.
Le secret nous protège. Protégeons-le.
La transparence entaille régulièrement en profondeur le secret.
Les hackers arrivent même régulièrement à percer le secret de certains messages personnels, violant la vie privée de nos clients ayant notoriété médiatique et visibilité numérique.
Comment être contre le secret qui assure la sécurité nationale ? Qui est favorable à ce que les services secrets n’opèrent plus dans le secret ?
Comment être contre le secret des sources qui protège les journalistes ? Qui peut accepter que les médias ne puissent plus rien publier sans craindre pour leur vie ?
Comment être contre le secret de la vie privée qui protège l’intimité la plus précieuse ? Des fans ont-ils besoin de connaître les préférences sexuelles ou les confessions religieuses de leurs artistes préférés ?
Comment être contre le secret de l’instruction qui protège de la calomnie et de la fausse nouvelle ? Des investisseurs ont-ils besoin de connaître le contenu d’accusations portées par un concurrent malveillant qui, peu crédibles, n’aboutiront jamais à des poursuites pénales ou civiles ?
Comment être contre le secret médical qui empêche de divulguer l’état de santé d’un patient ? Des clients ont-ils besoin de connaître une malformation physique qui vous complexe ?
Comment être contre le secret qui protège des procédés de fabrication industrielle ? A-t-on besoin de connaître la recette du Coca-Cola à partir du moment où nous en connaissons la composition ?
Comment accepter qu’un mineur qui fait l’objet d’une protection policière soit pris en photo à la sortie de son école au motif d’illustrer un article sur son père, chef d’entreprise réputé, à la tête de l’une des principales entreprises de France ?
Chacun peut comprendre que le concept élastique de transparence est à manier avec prudence, sous peine de revenir en boomerang contre ceux qui l’avait en étendard. La transparence se confronte nécessairement aux limites des droits individuels et des libertés publiques.
Contrairement à une légende urbaine, le conseiller en communication de crise ne cherche jamais à dissimuler une vérité bonne à dire, mais respecte le secret, et sait aussi dire à son client de se taire quand une révélation prématurée provoquerait plus de mal que de bien.
La transparence affichée suppose trop souvent aux yeux de ceux qui la pourfendent la perfection.
Nous ne sommes que des Hommes et nous aurions besoin d’être parfaits ?
Quel que soit le but poursuivi, aucun conseiller en communication de crise ne se grandirait en rompant avec cette tradition du secret à laquelle notre profession jusqu’à présent s’honorait d’être fidèle dans le monde entier en agissant notamment auprès des plus grands avocats.
Les confidences d’un client à son conseiller en communication de crise doivent rester son secret. Le secret professionnel est aussi une pudeur envers l’émotion de son client.
La transparence n’est pas la négation du secret. C’est la révélation de ce qui doit être public.
Le secret des opérations médiatiques que nous concevons pour nos clients demeure un des grands principes de guerre : quels avantages y a-t-il à avertir « l’ennemi » qu’on va l’attaquer demain à l’aube en lançant une OPA ou en lançant un produit innovant qui constituera une révolution sectorielle ?
D’où, face à la complexité croissante de l’environnement de l’information, dans un monde hyperconcurrentiel et voyeuriste, le secret est souvent la clef de la survie de nos clients.
Au quotidien, nous travaillons avec les principaux médias afin que l’information couverte par le secret industriel et commercial dont la divulgation porterait préjudice aux intérêts de nos clients ne soit pas publiée.
Ce bavardage constant d’animateurs TV qui s’en va dans toutes les directions et nulle part, ce déferlement d’émotions qui devient rarement savoir au nom d’une transparence érigée en religion sont dangereux pour la société dans son ensemble.
La transparence revendiquée d’activistes névrosés en tout genre a rarement été synonyme de comprendre. La volonté de détruire l’activité de nos clients était en revanche flagrante.
Quelle est la valeur de la révélation d’une information à une foule incapable d’en tirer un quelconque savoir ? Quelle est la valeur d’un petit bout de vérité sans compréhension d’un dossier judiciaire complexe ? La transparence sectaire, c’est d’abord l’incompréhension et donc la peur. Nous continuerons de croire que le juge, le procureur et le policier doivent se taire. Que la suspicion publique généralisée est une dérive malsaine de la société contemporaine.
Le respect de la vie privée est une valeur à protéger.
Certaines choses méritent d’être cachées au public, qui n’a pas d’intérêt à les connaître.
Le secret n’est en rien un blanc-seing donné au tricheur pour tricher, d’où l’intérêt de la publicité des formalités légales par exemple.
Qui peut croire que l’exercice de la libre concurrence ne suppose pas un certain secret stratégique ?
Si chacun souhaite le maximum de transparence de la part de ses partenaires ou de ses concurrents, il souhaite aussi le maximum de confidentialité pour ses propres affaires.
On pourrait croire que le secret renforce la position des puissants. C’est tout le contraire. Ils ont d’autant plus à perdre qu’ils sont plus exposés que chacun de nous.
N’oubliez jamais que ce qu’il y a d’encombrant dans la transparence, c’est que c’est toujours la transparence des autres.