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Mediatraining : savez-vous sauver la face?

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Se former aux techniques de mediatraining

À côté de la porte, un écriteau: «Salle de formation». À l’intérieur, un écran, une longue table, des caméras et des micro. Me voilà dans une salle de conférence de presse, format poupée.

Philippe, un ex-journaliste et responsable de la formation en prise de parole dans les médias, me plante derrière un lutrin. Tout à coup, un collègue, Pierre, déboule dans la salle. Empoigne un micro. Commence à me mitrailler de questions difficiles. Il joue le journaliste prêt à me mordre pour obtenir la réponse qu’il veut alors que je suis éblouie par une LED très puissante qui permet à la caméra d’avoir un bon niveau de lumière.

«Madame, vous n’avez pas tenu compte de certains faits! Comment expliquez-vous ceci? Pourquoi cela?»

– Euh! Écoutez… Je ne suis pas responsable de…

Après cinq bonnes minutes, Philippe, me coupe le sifflet.

– C’est beaucoup trop long. Vous avez la manie de commencer vos phrases par «Écoutez». À éviter! Vous n’avez pas réussi à résumer votre pensée. Bafouillage. Pire: vous avez passé la patate chaude à quelqu’un d’autre. Grosse erreur! Il faut éviter de montrer sa nervosité (sueur, visage qui tremble) à une question piège d’un journaliste. Les téléspectateurs vont croire que vous cachez quelque chose. N’oubliez pas que ce ne sont que vos réponses qui sont reprises à la télévision, et non les questions. Il faut savoir répondre calmement, de manière positive. Ne mentez pas. Passez plutôt l’information sous silence en délivrant votre message au lieu de répondre à la question comme un bon élève.

Euh…

«C’est notre rôle de poser les questions les plus difficiles», tente de s’excuser Pierre, associé au sein de LaFrenchCom, l’agence de communication de crise. Une maison dont 96 % du chiffre d’affaires provient de contrats de gestion de crise. Une société qui engendre des porte-parole inébranlables devant les journalistes et leur caméra. Ils enseignent aussi aux politiciens ou aux entrepreneurs à mieux parler en public.

Ces spécialistes de la communication de crise ont distillé leurs conseils à des dirigeants d’entreprises de premier plan. Ils ont surveillé les éventuels dérapages qui auraient pu ternir l’image d’athlètes lors de scandales médiatiques faisant la une des médias. Ces consultants ont épaulé des stars dans la tourmente arrêtées en état d’ébriété afin qu’elles n’occupent pas les colonnes des faits divers.

La communication de crise : une mission impossible ?

Chaque fois, au téléphone, Pierre entend la même question: «Allô Pierre? J’ai un problème. Qu’est-ce que je fais?»

Ça, ce sont toutes des « crisettes »! fanfaronne ce professionnel réputé de la communication et de la gestion de réputation. Celui qui a déjà géré la tournure des événements lors de grandes grèves avec séquestrations de patrons ne cache pas son plaisir à sauter dans les remue-ménage numériques et autres merdiers médiatiques.

Même les missions impossibles ne le font pas ciller. Comme redorer l’image et la réputation d’une entreprise dont la sulfureuse patronne a récemment multiplié les déclarations polémiques ? Son regard s’allume: «Oh! Ici, on parle de changement en profondeur», rétorque-t-il.

Avouer pour bien communiquer

L’aveux («Oui. C’est vrai, nous devons admettre…») suivi d’un: «Cependant, nous avons pris toutes les mesures afin que ce genre d’incident ne se reproduise plus…» est un des trucs de gestion de crise qui a fait ses preuves. «Le fait d’avouer humanise une entreprise en mauvaise position», explique Pierre. Ça ne vous rappelle pas certains passages TV de personnalités faisant une confession médiatique ?

«Faute avouée à demi pardonnée», glisse adroitement Philippe. Mais toute vérité n’est pas bonne à dire? «Effectivement», avoue Pierre. D’où l’importance de centraliser l’information en situation de crise, précise le stratège en communication. Voilà qui explique la prolifération des porte-parole. De véritables empêcheurs d’informer pour les journalistes qui préfèrent interroger les personnes directement impliquées dans un dossier. Comment débusquer un scoop ou retracer la vérité quand on vous sert une réponse bien emberlificotée?

Daniel, l’un des porte parole du ministère de l’intérieur, pense autrement. «Avant ma formation (de porte-parole), j’avais le coeur qui me débattait, la gorge sèche et bien de la difficulté à m’exprimer clairement lorsque je me retrouvais subitement entourée de journalistes et de caméras.» Daniel se souvient amèrement d’un article paru dans lequel on trouvait une phrase du genre: «Les policiers ont peur d’agir… C’est peut-être ce que j’avais dit, mais ça ne reflétait pas ma pensée. Je voulais plutôt signifier que les policiers craignaient les critiques suite aux interventions.»

Le lendemain de la parution de l’article, il se fait apostropher fermement par ses collègues: «Qu’est-ce t’as dit là?»

«Maintenant j’organise mieux mes messages pour les médias. Je suis beaucoup plus à l’aise pour rencontrer les journalistes, je dirais même que j’aime ça!» affirme le policier.

L’avantage d’un porte-parole? S’il est trop bavard ou s’il commet une bévue en ondes, on le fait disparaître du portrait. C’est un fusible. Ou alors on prétexte qu’il n’était pas mandaté pour faire telle déclaration. Hop! «Alors que si c’est le politicien ou le PDG lui-même qui commet une erreur devant les caméras, explique Pierre, là, c’est plutôt difficile de le remplacer…»