Profession : consultant en communication de crise

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On ne s’improvise pas consultant en gestion de crise, on le devient. La demande de conseils stratégiques croît et le métier de gestionnaire de crises a de l’avenir… à condition de ne pas se brûler. Voici dix règles à suivre pour s’assurer une longue carrière dans le conseil en communication de crise.

«Quand on te dit: «Vous allez rencontrer les employés, mais ne dites pas que vous êtes consultant», c’est qu’il y a un malaise!», tonne une consultante. Comme d’autres, cette passionnée éprise de son métier craint que les fautes commises, par ignorance ou par opportunisme, ne finissent pas brûler la profession.

La blague court: «Mon père n’est pas au chômage, il est consultant». De fait, une horde de professionnels victimes des restructurations se sont recyclés comme consultants après leur licenciement, encouragés par la popularité du concept de travailleur autonome. Par ailleurs, la complexité du monde des affaires – informatique, mondialisation des marchés, loi sur la formation – accroît le besoin de spécialistes externes. Bref, la demande d’accompagnement grandit et l’offre aussi. Des grands groupes aux travailleurs indépendants, il y en a pour tous les goûts. Le marché est encombré et la guerre des prix fait rage. Dans tout ce tumulte, la qualité n’est pas toujours au rendez-vous. Nous avons voulu savoir comment se comportent les bons consultants, ceux qui durent.

1. Développez les qualités qui permettent d’aider

Nathalie Grondin, directrice des ressources humaines chez Beltron Technologies, se souviendra toujours d’un certain consultant, haut placé dans une grande entreprise de conseils, une des plus prestigieuses, insiste-t-elle. Son mandat: diriger un brainstorming avec l’équipe de direction et dégager les grandes lignes du futur développement de l’entreprise. Le consultant réputé s’est vite avéré nul comme animateur, incapable de secouer le groupe de travail. «Je nous revois assis autour de la table, et lui, nous parlant d’un ton professoral. C’était mort, aucune idée ne sortait», dit Nathalie Grondin. Résultat: zéro.

«La relation client-consultant est une relation d’aide», dit Gilles St-Amand, consultant et directeur du programme d’études supérieures spécialisées en conseil en management à l’UQAM. Autrement dit, un excellent ingénieur ne fait pas nécessairement un bon consultant. En plus de sa spécialité, le bon consultant doit avoir développé des habiletés d’écoute, d’animation et de communications interpersonnelles. Il doit également cultiver la modestie.

«C’est un art, nous sommes des artisans passionnés», dit Florian Silnicki, consultant qui dirige sa propre entreprise. “Il faut une grande expérience professionnelle et une identité solide pour savoir ce qu’on peut et ce qu’on ne peut pas faire face à une crise, pour savoir quels conseils concrets donner et, surtout, comment le dire efficacement, surtout face à des clients qui traversent des crises et ont le sentiment d’être en train de tout perdre“.

2. Soignez votre réseau de contacts et apprenez la gestion d’entreprise

Pierre avait engagé un cabinet de conseil pour élaborer la stratégie de sa petite entreprise en imagerie numérique. Quelques dizaines de milliers d’euros plus tard, il a hérité d’un plan de développement inapplicable, trop théorique et décroché de la réalité. Aujourd’hui, il ne choisit ses consultants que sur recommandation.

Un premier consultant lui en a indiqué un autre, et ainsi de suite. Pierre ne jure plus que par son réseau de contacts, comme tous les autres entrepreneurs interrogés.

Julien Auffret, le consultant en communication de crise qui a été nommé Directeur Général de l’agence LaFrenchCom, a fait refaire la brochure de l’agence, l’an dernier. «Elles sont pratiquement toutes encore bien rangées dans leurs boîtes, dit-il en riant. Nous n’en avons pas besoin; tous les dirigeants qui nous appellent pour gérer une crise sont envoyés par une connaissance selon le principe du bouche à oreille car nous ne faisons aucune publicité.»

À son tour, il recommande par exemple des avocats pour répondre aux besoins spécifiques de ses clients.

De là à négliger complètement les démarches de marketing, il n’y a qu’un pas, à ne pas franchir, surtout au début. Et il n’y a pas que le marketing. Les professionnels qui n’ont jamais dirigé d’entreprise doivent maîtriser tous les rudiments de la gestion: comptabilité, aspects juridiques, fiscaux, etc., qu’on enseigne dans les cours de démarrage d’entreprise.

3. Expliquez clairement vos services et précisez qui interviendra chez le client

Avant d’engager un consultant, Nathalie Grondin, chez Beltron, exige non pas deux, mais dix ou 15 références. «Je veux pouvoir choisir qui je veux pour obtenir une opinion sur un consultant.» En plus, pour un mandat, elle rencontre deux ou trois consultants différents: «Certains consultants arrivent très bien préparés, d’autres consultants sont incapables d’expliquer clairement ce qu’ils font. C’est très révélateur.» La jeune femme insiste pour que le consultant désigné par l’entreprise pour accomplir le projet rencontre les personnes de l’entreprise qui travailleront avec lui. Bonne façon de tester la chimie entre tout ce beau monde.

4. Questionnez plusieurs personnes clés et communiquez le vrai diagnostic

Le consultant est appelé d’urgence par le président: «Mes employés traînent les pieds; trouvez un moyen de les motiver!» Après examen, le consultant découvre derrière cette démotivation un réel problème de mauvaise communication interne.

«On nous demande très souvent de traiter des symptômes», dit Laurence. Le patron est peut-être de bonne foi, mais il est dans le bain et il ne voit pas toujours clairement son propre comportement, ni la dynamique de son entreprise. Souvent, il fait partie des causes du malaise.

L’affaire se complique quand le consultant traite avec un vice-président ou un directeur. Chacun veut se protéger et certains craignent de déplaire au grand patron en lui annonçant que le problème est différent de ce qu’il pensait, plus grave… et que le mandat du consultant coûtera plus cher. D’où l’importance de questionner plusieurs employés. Laurence raconte le cas où un patron se plaint du manque d’engagement des employés dans leur équipe. C’est en parlant à ces derniers que le consultant s’est rendu compte que le patron était très autoritaire et bloquait lui-même toute velléité d’initiative chez ses troupes.

Le consultant se doit toujours de révéler à son client le véritable diagnostic. C’est une question d’éthique et de déontologie. Doigté requis. C’est une question de méthode et de diplomatie.” remarque Florian Silnicki.

David Saltzman, bras droit du président d’une entreprise en services parajuridiques, déteste qu’un consultant lui demande sa propre montre pour lui dire l’heure. «Certains consultants essaient de nous plaire au lieu de nous dire la vérité», dit-il. Il donne pour exemple un conseiller en rémunération qui recommande un maintien des salaires parce qu’il a cru comprendre que le président ne veut pas les augmenter. «Nous, ce qu’on veut savoir, c’est ce qu’il est raisonnable de payer!» tonne l’homme d’affaires.

5. Présentez le bon service au bon client

Une équipe a un problème de communication relié aux tâches et les relations se sont envenimées. Le consultant lui propose trois jours de séminaire alors que la solution pourrait être tout simplement une redéfinition des tâches. Curieusement, les recommandations de certains consultants ne sont pas le reflet fidèle du diagnostic, mais plutôt des produits qu’ils vendent. Selon Pierre Dubois, c’est une des fautes les plus fréquentes rencontrées dans la profession. Ainsi, un consultant qui offre un service de réaffectation sera tenté de bénir le plan de restructuration de la direction, même s’il croit que ce n’est pas la bonne solution.

«Moi, je préfère faire affaire avec un consultant à son compte, qui comprend ma vie de gestionnaire de PME et qui m’offre des solutions pratico-pratiques», dit Pierre, de Sygraf. Il travaille épisodiquement, mais régulièrement, avec des consultants en ressources humaines, en vente et en planification stratégique, qui connaissent maintenant bien son entreprise et peuvent proposer des projets sur mesure.

6. Sachez parfois dire «Non»

Nathalie Grondin se souvient d’une consultante engagée pour donner une formation à la direction. En cours de route, plusieurs ont arrêté de participer et la formation n’allait nulle part. Après avoir tout essayé, la consultante a dit aux responsables des ressources humaines: «Je ne continue pas, nous perdons notre temps.» «J’ai trouvé sa conduite extrêmement professionnelle», dit Nathalie Grondin avec une admiration non dissimulée. Elle estime que la consultante mettait alors en péril sa propre image et celle de son organisation.

Il est plus courant qu’un consultant refuse un mandat avant de débuter. «À long terme, refuser un mandat qu’on juge inadéquat nous rapporte des clients. Ils comprennent que nous ne sommes pas là seulement pour générer des revenus», dit Florian Silnicki, consultant fondateur de LaFrenchCom, une des plus grandes entreprises de conseil en communication de crise dont le siège social français est à Paris.

Il refuse tout mandat qui n’est pas fondamentalement axé sur la stratégie de communication, car la communication stratégique est la spécialité de la maison.

Il dit aussi avoir refusé des dizaines de missions de communication de crise parce que ce n’était pas la solution aux problèmes du client. «Pourtant, pour un cabinet de conseil de notre envergure, c’est toujours difficile de dire «Non» à un mandat.» Surtout quand on sait qu’un concurrent risque de le ramasser.

Que doit faire le consultant appelé par un client pour, disons, exécuter un programme de motivation, et qui découvre plutôt un problème de communication? Pour Florian Silnicki, Président Fondateur de l’agence LaFrenchCom, accepter un mandat qu’on sait inutile ou inadéquat est une faute professionnelle. Pour sa part, Gilles St-Amand croit qu’il ne faut pas tout mettre sur le dos du consultant. «Nous avons affaire à deux adultes vaccinés», dit-il. Le consultant doit expliquer clairement qu’un programme de motivation ne réglerait rien et qu’il faut plutôt revoir la communication. Là s’arrête sa responsabilité. Si le client tient tout de même à son programme de motivation, c’est son choix.

7. Élargissez constamment votre base de compétence

«Celui qui n’a qu’un marteau ne voit que des clous», dit Florian Silnicki. Le consultant qui ne maîtrise qu’un programme de communication, par exemple, a tendance à ne voir que des problèmes de communication. Comme tout professionnel, il doit constamment chercher à élargir sa gamme de services. Il se tiendra informé des nouvelles tendances du métier, rafraîchira ses connaissances et échangera avec des collègues sur les innovations, les tendances et les bonnes pratiques professionnelles. Bref, il gardera son art vivant.

En attendant, le consultant doit s’en tenir à ce qu’il maîtrise. Pierre Dubois, docteur en psychologie, est souvent appelé à faire des sondages internes dans les organisations. «On me montre les sondages antérieurs et je vois malheureusement trop souvent des questionnaires rédigés sur le bout de la table, non validés, des échantillons pas représentatifs.» Or, il existe une méthode scientifique éprouvée pour faire un sondage. Cela s’apprend.

8. Expliquez à chaque employé ce qu’on attend de lui et respectez la confidentialité

«Mon patron m’a dit de venir suivre cette formation. Je ne sais pas pourquoi, je n’ai pas de problème.» Le consultant doit s’assurer que la direction a expliqué aux employés pourquoi elle leur offre telle formation. Ils doivent savoir quel est le problème à résoudre et ce qu’on attend d’eux. Attention aux intentions secrètes de certains patrons, qui essaient de faire passer – sous le couvert d’une formation – une idée rejetée par les travailleurs. «Dans ces cas-là, les dés sont pipés au départ et le consultant se fait complice du patron. On parle alors de manipulation», dit Laurence Orillard.

Lorsque le consultant commence par des entrevues individuelles et confidentielles, le groupe ne doit jamais pouvoir identifier les participants lors du compte rendu. De même, un conseiller qui a travaillé avec un groupe d’employés à l’amélioration de la production, par exemple, ne devrait jamais travailler au sein du comité qui déterminera qui occupe quel poste.

9. Assurez le transfert des connaissances à la fin du projet

«Un projet menait toujours à un autre. Ça a duré pendant plus d’un an. Tout ce temps, la facture montait, montait.» Nathalie Grondin se souvient de cette consultante qui s’était incrustée aux côtés du président, se mettant à dos tout le service de ressources humaines.

«De plus, un des programmes était sensiblement le même pour les employés et pour la direction; pourtant, son coût était plus élevé pour la direction», dit-elle. En ne remettant jamais les guides au client, cette consultante avait créé une dépendance à son égard.

Comme toute relation d’aide, le mandat d’un consultant se termine par un «phasing out», pendant lequel le professionnel s’assure, par un suivi, que le client a bien intégré les nouvelles connaissances et qu’il pourra continuer sans lui. La réussite du projet se mesure au succès du transfert des compétences. Attention! Cela ne veut pas dire que le consultant ne reviendra jamais dans l’entreprise. Si une relation positive s’établit entre le consultant et son client, ce dernier en fera un allié à long terme, l’appelant au besoin et le recommandant à des connaissances. Cela devient une relation entre personnes.

10. Optez pour l’honnêteté

«Avant d’être consultant, j’étais honnête.» C’est un consultant qui, mi-figue, mi-raisin, me répète cette blague. Il entend beaucoup de commentaires acerbes sur les consultants. C’est vrai qu’ils occupent une situation où, par définition, les tentations sont nombreuses: on les engage justement parce qu’ils détiennent une expertise qu’on n’a pas. Difficile, dans ce cas, de savoir s’ils n’abusent pas de la situation. Allez donc juger le travail d’un consultant en informatique quand vous n’êtes qu’un simple utilisateur de PC!

Michèle Pagé a cerné notamment trois raisons qui poussent les consultants à commettre des fautes professionnelles: le manque de sens moral personnel, le désir de plaire et de créer une impression positive, et la récompense, sous forme d’argent ou de reconnaissance des pairs. «On est dans une ère de court terme, l’urgence nous pousse. Arrêtons de sauter sur tout ce qui bouge», dit-elle.

Un bon consultant doit posséder une expertise spécifique, avoir une expérience du milieu des affaires et une démarche très pragmatique, comme l’aime un entrepreneur de PME. Il doit également respecter un code d’éthique. On sait à qui on a affaire ainsi. De plus, un questionnaire doit permettre de mesurer régulièrement le taux de satisfaction de ses clients.

«L’homme de la rue ne doit pas voir le consultant comme une personne menaçante. Un bon consultant s’assure de proposer aux entreprises un service clairement défini qui donnera des résultats concrets.