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La communication sous contrainte judiciaire et les patrons

Question :

« Le dirigeant que je suis a le vertige quand il constate l’ampleur de l’inflation pénale de la vie des affaires à laquelle je dois faire face. Ma responsabilité pénale est élargie quotidiennement. Votre agence de communication de crise réputée est spécialisée en communication sous contrainte judiciaire, peut-on s’appeler afin que j’anticipe la gestion de crise médiatique, la protection de mon image et de la réputation de mon entreprise?« 

Réponse :

Les chefs d’entreprise que nous accompagnons ont effectivement mal à leurs droits. L’inflation pénale qui caractérise la vie des affaires les inquiète. Les entreprises doivent avoir une une grande vigilance dans leurs actes.

Nous assurons la communication des avocats et de leurs clients. Les fuites médiatiques et sur internet en matière pénale sont scandaleuses. Les procès sont de plus en plus médiatiques. Un client nous disait récemment lors d’une formation mediatraining « Alors que j’étais aux Etats-Unis, j’ai appris que j’étais mis en examen pour corruption dans une affaire de détournement de fonds par un cadre d’une société de distribution dont j’ignorais tout. Je me suis trouvé au tribunal correctionnel. J’ai évidemment bénéficié d’une relaxe… Il y a quelques années, j’avais aussi appris par les médias que j’étais mis en examen pour homicide involontaire; pendant plusieurs heures, les 4.500 salariés de mon entreprise ont pensé que j’avais tué un homme. C’était en tant que président d’une compagnie aérienne, à la suite d’un accident grave. L’affaire s’est terminée par un non-lieu. Mais une entreprise ne peut être dirigée par un homme sur qui les salariés ont des doutes, les patrons doivent se prémunir et préserver leur image. »

Le vent des affaires continue de souffler. Juges et chefs d’entreprise s’affrontent quotidiennement. Le rôle d’une agence de communication sous contrainte judiciaire est de protéger l’image et la réputation des entreprises et de leurs dirigeants exposés aux risques.

Et aujourd’hui le pouvoir des premiers inquiète les seconds. Les patrons passés entre les mains de la justice sont peu diserts. Unanimement, leurs proches témoignent: l’expérience laisse au mieux un goût amer, au pire des traces plus profondes, même si on ne s’est pas retrouvé derrière les barreaux d’où le recours désormais systématiques aux agences de gestion de crise afin de suivre des formations de préparation à la garde à vue et des médiatrainings afin de savoir répondre aux questions des journalistes.

La « crucifixion pénale » des patrons, pour reprendre l’expression de l’avocat Daniel Soulez-Larivière, aura-t-elle eu son utilité ? Le pénal n’existe-t-il pas aussi pour faire peur ? Les événements des derniers mois auront peut-être rappelé à l’ordre certains esprits qui prenaient des libertés avec le droit. « Les excès judiciaires auront rendu certains patrons sans doute plus raisonnables« , nous confie un ancien magistrat aujourd’hui conseiller du président d’un grand groupe privé, qui a pour mission dans l’entreprise « la détection et la conjuration autant que possible des risques judiciaires en établissant une cartographie des risques approfondie« . Signe des temps, quelques grands patrons cherchent les conseils d’hommes du sérail, pour les aider à décrypter le langage du monde judiciaire.

Certaines affaires ont aussi mis à jour les limites d’un droit pénal des sociétés qui aurait besoin d’un toilettage pour s’adapter aux nouvelles conditions de la vie économique internationale comme la législation sur les abus de biens sociaux, un délit « fourre-tout ». L’interprétation « extensive » des textes sur les abus de biens sociaux est montrée du doigt. La notion même d’intérêt social de l’entreprise est au coeur de la polémique.

Les juges ne sont pas absents du débat. Ils sont plusieurs à admettre que l’arsenal de textes dont ils disposent n’est pas forcément satisfaisant. Pour eux, la balle est clairement dans le camp du législateur. Le second point en question – la révision du délai de prescription – est loin de faire l’unanimité. Les juristes d’entreprise ne souhaitent majoritairement pas – contrairement à ce qu’on pourrait penser – une modification du délai actuel. En fait, leurs préoccupations se situent finalement sur un autre plan.

Faire face à l’insécurité juridique du dirigeant d’entreprise. Sans parler de « psychose », les chefs d’entreprise se sentent en situation d’insécurité juridique : qui peut être sûr de n’avoir jamais franchi la ligne blanche ? Qui peut être sûr de ne pas se trouver un jour au pénal ? Il n’y a pas que le célèbre ABS. Les manques du droit civil engendrent une pénalisation de la vie des affaires. Il suffit d’une plainte avec constitution de partie civile pour qu’un grand patron se trouve entendu même comme témoin par un juge. Dès lors, l’entreprise et son dirigeant sont exposés, déstabilisés. Et parfois la seule façon de se défendre efficacement – et d’avoir accès à son dossier – passe par la mise en examen.

Avec désormais une double exposition, à travers la responsabilité pénale de la personne physique et, depuis la réforme du Code pénal, la responsabilité de la personne morale. Et là, la sanction peut être encore plus lourde de conséquences pour le bon fonctionnement de l’entreprise.

La priorité aujourd’hui passe par la prévention et la gestion des risques pénal. Or les entreprises n’ont pas toutes mis en place les dispositifs nécessaires – délégations de pouvoirs, ou plus simplement audit des risques auxquels elles sont exposées en matière pénale.

Toutefois, si la prévention des risques n’est pas synonyme de risque zéro, les chefs d’entreprise ne peuvent plus négliger le rôle du juridique dans le développement de leur activité: qu’il ne faut plus jamais mener une action dans une entreprise en oubliant le risque pénal qu’elle peut engendrer. Le monde de l’entreprise méconnaît la mécanique judiciaire; ils doivent prendre le réflexe d’examiner les conséquences judiciaires de toute décision.