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La professionnalisation du marketing politique en France

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Importé des Etats-Unis, le marketing politique a été utilisé en France au début des années 1960 par Gaston Defferre et Jean Lecanuet, « professionnalisé » par Valéry Giscard d’Estaing et a contribué à faire gagner François Mitterrand. 

La publicité politique n’est pas chose nouvelle en communication politique. Napoléon III, lors des premières élections au suffrage universel direct en 1849, a fait fabriquer des boîtes d’allumettes avec son image et des médailles à son effigie. 

Mais elle s’est imposée ensuite dans les démocraties pour faire connaître les candidats.

Aux Etats-Unis, ailleurs ensuite, des publicitaires se sont spécialisés dans la politique en vendant un homme ou un projet politique comme on vend un produit, sur le modèle des techniques de marketing commercial. 

En France, la candidature de Gaston Defferre à l’élection présidentielle de 1965 a commencé comme un jeu, par un article de Jean Ferniot dans l’Express, le 19 septembre 1963: « Monsieur X contre De Gaulle ». Un mois plus tard seulement, le journaliste révèla l’identité du candidat.

En 1965, Jean Lecanuet, souriant à l’affiche comme à l’écran, fait une percée à la télévision et dans les urnes. Inconnu, crédité au départ de 3% dans les sondages, il obtient 15% au premier tour, contribuant au ballottage du Général de Gaulle et à la réputation de l’agence Services et Méthodes de Michel Bongrand, pionnière du marketing politique.

Alors que les gaullistes avaient beaucoup raillé les « dents blanches » de Lecanuet, « lancé comme une lessive », ils recourent aux services de Michel Bongrand pour concevoir la principale affiche de leur campagne législative de 1967. Deux ans plus tard, Georges Pompidou utilise ceux d’Havas-Conseil, qui propose le premier portrait d’un candidat en couleurs.

Pour Jérôme Bourdon, chercheur à l’INA, Valéry Giscard d’Estaing « est le premier président et peut-être le premier homme politique à avoir appliqué en France (ce) savoir encore neuf ».

« Sans y être pousssé, semble-t-il, par des conseillers en communication« , il s’est déjà présenté à la télévision en pull-over et y a joué de l’accordéon en chemise à carreaux, alors qu’il était ministre des Finances.

En 1974, VGE sollicite Jacques Hintzy, de l’agence Havas-Conseil, qui forme une petite structure de communication, avec deux créatifs. Ils sont mal accueillis par l’état-major giscardien, qui se sent dépossédé.

« De tous, le cas de Mitterrand est peut-être le plus exemplaire pour comprendre le basculement dans le marketing politique, en raison même de la résistance originellement instinctive des socialistes aux pratiques commerciales », souligne Christian Delporte, professeur d’histoire contemporaine.

Il se convertit à la publicité politique, en 1976, avec Jacques Séguéla, et « apparaît seul sur une affiche », avec le slogan « Le socialisme, une idée qui fait son chemin ».

La « force tranquille » de 1981, celle de l’homme « rassurant », est déjà là. En 1988, sur l’affiche « La France unie », Mitterrand a la tête tournée vers la droite, « l’avenir ». « Son nom n’est même pas présent », relèvent deux spécialistes, Xavier Mémin et Anne Paillet.

Les années 1980 généralisent le recours aux gourous de la publicité. Jean-Michel Goudard et Bernard Brochand conçoivent pour Jacques Chirac la première campagne de « teasing » politique (plusieurs volets), « Vivement demain » (1985-1986). Dans le dernier visuel, Chirac, seul, bras en V, sourire éclatant, promet: « Demain vous appartient ».