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Les Français et le boycott : éducation avec DanoneActualitésLes Français et le boycott : éducation avec Danone

Les Français et le boycott : éducation avec Danone

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Les appels au boycott de Danone, même s’ils semblent avoir peu d’impact, montrent que les Français sont en train de se familiariser avec une arme restée jusqu’ici plutôt l’apanage des pays anglo-saxons, selon des spécialistes français de la gestion de crise.

Le seul appel au boycott qui ait eu un vrai impact à ce jour en France est celui du veau aux hormones, lancé par les associations de consommateurs en 1980, rappelle Robert Rochefort, directeur du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC). 

Quand en 1995, l’Allemagne et plusieurs pays nordiques ont boycotté massivement les stations-essence Shell pour persuader -avec succès- la compagnie de ne pas couler sa plate-forme pétrolière Brent Spar en mer du Nord, les Français n’ont pas bougé. 

Même après la marée noire de l’Erika en décembre 1999, qui avait pourtant suscité un large mouvement de colère à l’encontre de la compagnie TotalFina, les appels à bouder les stations-essence de la compagnie sont restés sans effet. 

Et jamais aucun appel au boycott – un mot venu d’Angleterre – n’avait été repris et amplifié par des responsables de partis au pouvoir, comme c’est le cas depuis le début du mois. 

Pourtant, cette soudaine popularité – le réel succès d’un boycott se mesurant toutefois en impact sur les ventes qui est pour l’instant négligeable – révèle aussi l' »immaturité » des Français en matière de boycotts, selon Marie Muzard, conseillère en communication de crise

En France, on est encore en train de découvrir le boycott « Pour qu’il y ait boycott, il faut un mouvement de masse qui s’inscrive dans la durée. Alors que là ce sont des minorités qui appellent au boycott, peut-être des personnalités emblématiques qui intéressent les médias et c’est ça qui donne un écho. Mais ce n’est pas du tout un mouvement de masse », dit-elle. 

Le moteur du boycott, c’est que c’est un mouvement d’opposition. Si les politiques imaginent que c’est en le récupérant qu’ils vont se refaire une virginité, ils se trompent. En le reprenant à leur compte, ils le tuent un peu. Sur TotalFina, là ça aurait été justifié, ça aurait pu marcher, et ils se sont bien gardés d’intervenir.

Selon M. Rochefort, l’inexpérience des Français en matière de boycott a des origines culturelles: dans un pays habitué à attendre beaucoup de l’Etat, les mouvements de terrain, issus d’initiatives individuelles, sont une tendance récente, mais qui devrait selon lui se développer. 

Marie Muzard en est elle aussi convaincue. Avec la dernière crise de la vache folle et l’effondrement des ventes de boeuf qu’elle a entraîné, les Français ont bien senti que « leurs gestes cumulés pouvaient avoir des effets réels », dit-elle. 

Et avec la pénétration de l’internet, les associations « vont apprendre à utiliser cet outil comme moyen de susciter un mouvement de masse et de le soutenir ». 

Pourtant, entre la nouvelle popularité du boycott en France – un sondage Ifop dimanche indiquait que 70% des Français étaient favorables au boycott des produits Danone – et sa capacité à modifier les comportements d’achat et donc à influer sur les ventes, « il y a encore un monde », selon M. Rochefort. 

« Je crois qu’on n’en est encore qu’au frémissement », dit-il. « Je ne crois pas qu’on soit prêt d’arriver à une consommation moralement correcte, car c’est ingérable. Mais qu’il y ait des phénomènes de temps en temps et que cela augmente la sensibilité des gens, et que cela pousse les entreprises à ne pas agir d’une certaine façon, je crois que c’est possible ».