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Le marketing en mode social

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Le marketing en mode social

Séduire ou fidéliser des salariés-clients devient une priorité pour les DRH car, derrière la satisfaction des collaborateurs, il y a leur engagement, lequel vaut de l’or.

Pour devenir un DRH 2.0, il est donc impératif de maîtriser la question du marketing en mode social.

Le marketing a investi l’ensemble des sphères de la société : politique, causes d’intérêt général, culture, santé… et flirte même avec le travail !

Dans un contexte mouvant de guerre des talents, de crise de fidélité, de comportement professionnel « zappeur » et de turnover , il s’agit de gérer les ressources humaines comme des clients, en cherchant à gagner et conserver leur attachement et, par là-même, affirmer la fonction RH dans son rôle majeur de services.

Les RH, de la gestion au marketing en passant par la communication

La planète RH, entre crise et mutation : La guerre des talents

L’environnement hyper concurrentiel impose aux entreprises d’être hyper performantes et d’attirer, de séduire, pour recruter les plus talentueux. Or, malgré la crise, son cortège de plans de compression d’effectif et l’augmentation du taux du chômage, jamais il n’a été aussi difficile de recruter.

La « chasse » aux meilleurs potentiels est également liée à un élément plus structurel : la quête d’une main-d’œuvre particulièrement qualifiée, la recherche de formations pointues, de profils spécifiques presque virtuels… le fameux mouton à cinq pattes.

Ce besoin d’attraction risque également d’être exacerbé par le vieillissement de la population active, les générations sur le départ du babyboom ne compensant pas le nombre d’arrivants sur le marché du travail.

Dans ce contexte, les entreprises se doivent d’être de plus en plus dynamiques pour attirer des candidats à forte « plus-value » , trouver la « perle rare » et se démarquer de leurs concurrents.

Si, à court terme, le ton est à l’économie, il y va de la survie de l’entreprise d’anticiper la gestion de ses effectifs maintenant, d’assurer un vivier pour les jours meilleurs, et de retenir ses talents internes.

L’entreprise n’est plus un pôle de stabilité

L’entreprise n’est plus ce cocon protecteur face à l’adversité. Celle-ci est aussi et surtout à l’intérieur.

On y vit au rythme des fusions, des acquisitions, des restructurations. Incertitude, stress, rivalités, harcèlement, rares sont les entreprises où ne règne pas une petite peur souterraine. Les fantômes du licenciement se baladent parfois dans les couloirs, accompagnés de leur escorte de rumeurs et de sordides complots.

Avec les NTIC, on est par ailleurs passé à un mode de développement informationnel, caractérisé par la décentralisation, la reconstitution d’unités autonomes et coordonnées horizontalement en « réseau » . Dans ce nouveau modèle, un « néo-management » a fait son apparition : celui-ci est passé d’un mode contrainte, règles, discipline, à un mode de l’autodiscipline, de la prise d’initiatives, du dépassement de soi : le schéma traditionnel est bousculé, il n’y a plus de véritable frontière entre les dirigeants et les opérationnels.

Les trajectoires professionnelles sont enfin dominées par une logique de court terme : turnover, raccourcissement des cycles professionnels.

L’entreprise n’est donc plus un pôle de stabilité. Le nécessaire besoin de mobilité émerge. Souvent, les salariés changent de poste pour évoluer, d’un point de vue salarial ou de l’intérêt pour leur travail. Si les ressources sont devenues beaucoup plus volatiles, c’est aussi que l’entreprise n’a pas su, ou voulu, les retenir. Les cycles de vie professionnelle sont ainsi raccourcis. La démission est désormais un acte de management de sa propre carrière.

Le désenchantement de la relation entreprise-salarié

On constate un éclatement des repères et un sentiment de défiance accru vis-à-vis de l’entreprise, jugée indifférente au devenir à long terme de ses salariés.

La direction est de moins en moins identifiable à un être humain, mais à une sorte de nébuleuse au physique de fonds de pension et à la tête d’établissement bancaire.

Les collaborateurs s’interrogent de plus en plus sur le sens à donner à leur travail dans un contexte où domine la seule loi du profit, et où les hommes semblent être des pions interchangeables, des « variables d’ajustement » . Beaucoup plus méfiants, ils adoptent de plus en plus la stratégie « œil pour œil, dent pour dent » , une posture calculatrice vis-à-vis de leur employeur, où l’engagement conditionnel domine.

Le salarié n’entend pas « donner » plus à son entreprise que le travail pour lequel il est payé. Cela débouche sur une forme d’opportunisme en termes d’emploi et de mobilité qui vient exacerber la volatilité des salariés.

Cette prise de distance du salarié envers l’entreprise montre qu’il y a un énorme paradoxe : ce que vit le salarié et ce qu’il souhaite pour sa vie professionnelle ne correspondent plus à ce que propose l’entreprise.

Montée en puissance des exigences du salarié consommateur

Dans le même temps, les attentes des salariés envers leur employeur se sont complexifiées. Plus particulièrement chez les cadres, de nouvelles exigences sont posées : une rémunération attrayante ne suffit plus, l’entreprise doit offrir des opportunités de développement professionnel, d’épanouissement et d’équilibre vie privée/vie professionnelle. La vision du travail a évolué, elle devient plus personnelle et individualiste.

Le développement personnel, le souci de soi, la dimension psychologique de la relation au travail prennent une importance considérable. Tout comme le consommateur rejette les produits standards, le salarié veut être l’objet d’attentions spécifiques. Il attend du choix, des réponses individualisées, voire personnalisées.

Semble se dessiner un contrat psychologique émergeant rompant avec la logique traditionnelle, fondée sur la loyauté et l’obéissance indéfectible.

Comment séduire « La Gen Y » en communiquant ?

La « Generation Why » (Gen Y), catégorie qui désigne les personnes nées approximativement entre 1978 et 1990, est porteuse de cette nouvelle relation à l’entreprise, plus distanciée, mélange d’hédonisme et de pragmatisme.

Les enfants du Net, nés avec les NTIC, ont un rapport aux nouveaux médias qui façonne en quelque sorte leur rapport au monde, et en particulier à l’entreprise où la culture de l’instantanéité, de la rapidité doit être de mise : tout savoir et tout avoir rapidement, « tout, tout de suite et maintenant » .

Nés avec le spectacle du chômage et de l’insécurité financière et témoins de nombreux scandales financiers, ils n’ont pas envie de « se faire avoir » . Ils sont sans état d’âme. Ainsi, les candidats n’hésitent pas à « mettre l’employeur à l’essai » , même pour un stage, la notion d’engagement moral et de confiance vis-à-vis de l’entreprise tendant à s’effacer. Ils sont aussi plus impatients. Ils veulent progresser, gagner plus et être reconnus rapidement. Le rapport au temps s’accélère, ce qui a l’art de déstabiliser l’entreprise.

Les nouvelles missions de la fonction RH

Les directions générales attendent de la fonction RH qu’elle soit désormais un véritable partenaire, capable d’influencer les choix, mais aussi de démontrer sa valeur ajoutée.

Les managers souhaitent, pour leur part, que les RH jouent le rôle d’un véritable Business Partner , engagé, qui puisse les accompagner sur le terrain et non pas d’un arbitre sur la touche.

Les collaborateurs attendent, quant à eux, un garant de l’équité, de l’écoute, du respect et du lien social.

Le curseur des missions RH se déplace des fonctions purement administratives vers des missions plus soft, mais plus stratégiques que sont le recrutement, le développement, la fidélisation. Cette orientation business à tous les niveaux permet à la direction des ressources humaines de ne plus seulement être considérée comme un centre de coût, mais comme un centre d’investissement pour une gestion optimale des ressources humaines, donc comme un centre de profit à terme.

La fonction Ressources humaines devient par ailleurs très attentive à l’image qu’elle dégage. Elle s’empare des sujets sociaux et sociétaux. Elle doit faire face aujourd’hui à la question du sens et de l’éthique, et en est le porteur au nom de l’entreprise.

Le laboratoire « ressources humaines »

La notion de marketing interne est apparue au début des années 80, en élargissant le domaine d’application des outils du marketing aux problématiques internes à l’entreprise. Cette démarche, centrée sur les « Hommes », considérés comme les véritables leviers du succès de l’organisation, accompagne la réflexion, la volonté d’ouvrir le dialogue par la participation de plus en plus forte des salariés.

Le marketing interne vise la satisfaction, la motivation, l’implication, la mobilisation interne des collaborateurs dans une seule et même direction : atteindre les objectifs économiques de l’entreprise et accompagner son développement. C’est « l’art » de transformer l’organisation en un espace marchand.

Le marketing interne s’inscrit dans le paradigme relationnel où la notion d’échange, de donnant-donnant est centrale. Pour cela, il est nécessaire d’instaurer des liens de confiance à long terme et de fidélisation.

Dans le cadre de cet échange, les promesses de chacun sont respectées : satisfaction individuelle de chacun des collaborateurs, et objectifs de performance des RH et de l’entreprise. Le marketing interne repose en effet sur le postulat que seul un personnel formé, impliqué, motivé et satisfait est en mesure de donner corps aux objectifs fixés par l’entreprise.

Dans le cadre du marketing RH, l’entreprise est traitée comme un produit que candidats et collaborateurs découvrent, choisissent, apprécient, rejettent. Ils deviennent des clients que l’on va tenter de séduire, de fidéliser. La démarche consiste donc à « vendre » l’entreprise et ses politiques en se basant sur les besoins des individus : en externe, pour recruter, et en interne, pour revitaliser, renforcer le lien avec ses collaborateurs.

Elle peut utiliser deux démarches : la première consiste essentiellement à communiquer. L’entreprise puise alors, selon la nature des messages véhiculés, sur des outils tels que les sites Web, le parrainage, les campagnes de publicité/de recrutement RH, les relations presse, l’édition de brochures, les forums métiers, les relations écoles ou les annonces presse ;la seconde est plus « techniciste » . Il s’agit d’offrir, de distribuer et de packager des prestations RH ciblées (suivi des hauts potentiels, gestion des expatriés, formation etc.) et intelligentes. Les auteurs s’attardent sur les modalités à mettre en œuvre pour ce faire.

Nos ressources humaines = nos clients

Un vrai parallèle théorique : Comportement d’achat du collaborateur

Il existe une grande similitude entre le comportement du salarié vis-à-vis de son entreprise, des prestations fournies et celui du consommateur. Il opère selon un processus identique : définition d’un besoin, recherche d’informations, opération d’achat, évaluation. L’attitude du consommateur ou du salarié est une prédisposition pour un comportement donné qui conduit à évaluer favorablement ou défavorablement un objet, un programme, un produit/service, une marque, une personne.

De la satisfaction à la fidélité du « cliemployé »

Il existe de nombreuses similitudes entre la fidélité du client à l’égard de la marque et celle du salarié vis-à-vis de l’entreprise. Les bons clients et les bons salariés ont besoin d’être satisfaits, engagés, de percevoir les bénéfices de l’échange et d’être traités justement par l’organisation. Les deux peuvent être insatisfaits et désengagés, mais ils continueront peut-être à acheter le produit ou à rester dans l’organisation du fait des coûts de changement.

Les enjeux du marketing et des RH se rejoignent sur le principe de la satisfaction et de la fidélisation des clients/des ressources. Seule la nature des leviers change.

En marketing, la fidélisation s’appréhende à travers la satisfaction et l’engagement, l’implication du consommateur vis-à-vis de la marque. Appliquée aux ressources humaines, la fidélité du collaborateur conserve cette double composante, elle est à la fois attitude et comportement. Un collaborateur fidèle est quelqu’un ayant une faible tendance à consulter les offres d’emploi externes et disposant d’un fort sentiment d’appartenance envers son employeur. Comme en marketing, les expériences d’achat successives de prestations RH, les échanges avec la DRH viennent nourrir, renforcer ou au contraire diminuer l’adhésion à l’égard de la marque-employeur.

Du CRM à l’ERM

Depuis les années 1990, les entreprises sont passées de stratégies de marketing dit « transactionnel » ou « centré produit » , à des stratégies de marketing dit « relationnel » ou « orienté client » .

Les politiques de « fidélisation clients » , aussi appelées programmes de « CRM » (Customer relationship management), se sont développées en misant sur des relations durables et étroites avec les consommateurs. Il ne s’agit plus seulement de conquête de clients à court terme, mais d’une relation dans le long terme prenant en compte la gestion du « cycle de vie » du client et favorisant la « proximité » et l’interactivité. Ce type de marketing s’est aujourd’hui généralisé. Consumer magazines , blogs, mailing, cartes de fidélité, newsletters personnalisées représentent ainsi aujourd’hui un tiers des dépenses média et hors média. Cela a modifié profondément l’approche du marché.

Ce changement de vision peut et doit s’appliquer aux salariés de l’entreprise. D’où le développement du concept de l’ERM (Employee relationship management), une manière de rechercher la satisfaction des collaborateurs comme on recherche celle des clients.

De même que le marketing de la relation client permet de développer le capital client, le marketing RH, en interne, va permettre de pérenniser une démarche de fidélisation ciblée, axée sur le développement de la valeur ou du capital de chaque « cliemployé » . La personnalisation favorise la fidélité des salariés. C’est cette démarche de segmentation, d’individualisation au plus près des attentes des salariés qui va créer la fidélité, car ils vont avoir conscience de l’intérêt qu’ils ont à rester. Elle accroît par la même occasion la performance globale de la fonction RH, donc de l’entreprise. Par ailleurs, comme dans la relation client, plus la relation est pérenne, plus elle s’enrichit et noue un lien étroit entre le salarié et l’entreprise.

L’individualisation de l’offre RH et l’entreprise à la carte

La tendance est à la personnalisation de l’offre RH, en termes de services, de programmes et d’itinéraires.

De la même façon que pour un bon vendeur, il n’y a pas de client moyen, il ne doit pas exister un collaborateur moyen. Cette évolution vers une prise en compte des attentes de chaque individu peut constituer une solution permettant de répondre à la diversité croissante des attentes des salariés. C’est là une « révolution » dans la gestion des hommes, l’entreprise étant historiquement plus préoccupée par la gestion des flux que la qualité relationnelle.

On assiste à une forte évolution des RH vers une gestion plus individualisée du recrutement, de la gestion de carrière, de la rémunération (fondée sur des objectifs personnels), du temps de travail, de la formation. En parallèle, la généralisation des entretiens d’évaluation favorise l’expression de besoins personnels des salariés, la gestion du temps de travail. Le surmesure tend à se développer, les programmes sont de moins en moins standardisés, ils sont plus adaptables.

Ce passage progressif d’une gestion collective au profit d’une gestion individualisée sur certains axes des ressources humaines a évolué sous le double effet d’une perte de puissance des organisations syndicales dans le jeu des politiques RH, d’une disparition d’une culture du collectif, et celui d’une demande croissante de la part des collaborateurs de prendre en compte leurs spécificités.

En parallèle, les revendications individualistes ont été exacerbées. Ce mouvement répond aussi au besoin pour l’entreprise d’accroître son efficacité et sa performance organisationnelle, grâce à des individus davantage autonomes et responsabilisés.

Les entreprises qui laissent le choix aux salariés sur la composition de leur rémunération et de leurs avantages sociaux restent assez rares en France. Les formules « à la carte » sont beaucoup plus répandues dans les pays anglo-saxons où le package de base de la rémunération est beaucoup plus light (il n’inclut pas la retraite, ni la mutuelle, etc.) et donc potentiellement plus ajustable.

Innovations sociales et service à la personne

Si l’on veut motiver ses salariés, il est nécessaire de leur créer les conditions de bien-être. Pour fidéliser, outre les dispositifs de parcours professionnels, la formation, la mobilité, le management… qui sont au cœur même du métier de la GRH, des dispositifs complémentaires se développent de plus en plus, venant améliorer le bien-être au travail (conciergeries, crèches d’entreprises, programme pour arrêter de fumer, résorption des risques psychosociaux et du stress au travail, etc.).

Le développement de ces services reste toutefois embryonnaire. Cela ne doit en aucun cas venir supplanter le cœur d’action des RH qui demeure la gestion des parcours professionnels (meilleure traçabilité, développement des compétences), la mobilité, la formation, etc. Il s’agit de prestations « périphériques » au sens propre du terme, un plus. Certains font part de leur scepticisme, entre risque de « gadgétisation » de ces services et de surprotection des collaborateurs, comme le stage pour arrêter de fumer.

Avènement de la figure du « collaboracteur »

À l’image des consommateurs, dont le pouvoir grandit aujourd’hui, en particulier sur la toile, les collaborateurs sont de plus en plus acteurs de la relation, ils veulent jouer un rôle actif, interagir, collaborer et participer à la définition de l’offre et s’organisent en véritables communautés par affinités électives. L’interactivité et la participation sont en effet aujourd’hui au cœur des démarches marketing. Elles sont indispensables pour offrir des prestations sur mesure et personnalisées.

La culture du participatif s’est développée ces dernières années dans les entreprises, via notamment la consultation des collaborateurs sur un certain nombre de projets. De la même façon que les clients, les salariés prennent part au processus de production de services et vont même parfois pouvoir les tester. Certaines entreprises ont ainsi mis en place des démarches d’innovation sociale RH participante où les salariés proposent des solutions pour améliorer la qualité de service et les conditions de travail.

Le développement des technologies participatives (intranets hyper évolués, blogs d’entreprises internes, Web TV, wikis) contribue également à transformer les employés en véritables coproducteurs des contenus et à tisser des liens sociaux.

Favoriser la mise en relation des collaborateurs et leurs interactions constitue un enjeu de taille pour les entreprises, car c’est bien souvent grâce aux échanges que les collaborateurs vont apprendre, transmettre, innover et, in fine , créer de la valeur.

Les écueils à éviter

Ne pas considérer le salarié comme un client type

Même si le salarié et le consommateur se retrouvent dans une seule et même personne, il n’en demeure pas moins que le consommateur présente des spécificités intrinsèques qui le dissocient du salarié. La relation à l’employeur est caractérisée par une certaine asymétrie. Elle ne répond pas au principe du « client-roi » .

Le salarié, lui, est pris dans les filets de la subordination. Contrairement au consommateur, il est « captif » . Il a certes la liberté de refuser un produit/service, mais les coûts peuvent en réalité être élevés et donc dissuasifs.

Par ailleurs, il n’utilise pas de monnaie et ne réalise qu’un achat immatériel. Le personnel ne va pas « payer » pour avoir un espace de travail plus agréable, plus de primes, un suivi de carrière, comme un client « paye » un produit dans un supermarché. L’achat est purement psychologique, il se manifeste par l’engagement individuel et l’adhésion accrue à l’entreprise et ses pratiques sociales, le fait de consacrer du temps à des formations, de se porter volontaire pour certains services proposés aux salariés… ce qui n’est déjà pas si mal. Le collaborateur n’est enfin qu’un client à mi-temps. C’est un client contrarié, qui subit des injonctions paradoxales à longueur de temps. On lui promet plus d’autonomie, plus de liberté, plus de choix, mais dans le même temps il se retrouve, dans certaines situations, très contraint et face à des non-choix.

Tour à tour, il est considéré comme client, pour lequel on s’attache à répondre aux attentes spécifiques, puis comme simple salarié, un collaborateur lambda qui ne peut rien négocier face à son employeur. La relation est alors sinusoïdale entre l’employeur et ses salariés, au gré des contingences et des problématiques rencontrées. En effet, plus on aborde des sujets stratégiques et sensibles (comme la rémunération, les primes, etc.), moins le salarié a de chance d’être considéré comme un client. Les sujets plus périphériques sont en revanche une aubaine pour faire vivre la figure du « cliemployé » en lui redonnant « l’illusion du choix » .

Ne pas confondre entreprise et marché

L’entreprise est caractérisée par des rapports de force, de pouvoir, de conflit. Or, les hypothèses de la concurrence pure et parfaite (atomicité des intervenants, homogénéité du produit, libre entrée sur le marché, transparence, mobilité des facteurs de production) évacuent la notion de pouvoir, l’un des principes de base étant que nul ne peut être contraint à échanger. Le pouvoir, qui opère au sein de l’entreprise, et le marché sont donc antinomiques.

Les cerveaux des collaborateurs sont par ailleurs souvent endoloris par la routine et les procédures. La majorité des collaborateurs sont habitués à ce qu’on leur dise ce qu’ils doivent faire. Or, le marché est, par opposition à l’entreprise, un lieu où les émotions et les sensations, déclenchées par des stimuli et des situations d’achat, y ont toute leur place. Au sein de l’entreprise, les émotions sont contenues et le langage policé, sous le poids des conventions.

Le travail n’a pas vraiment d’esthétique, il est fait de contraintes, de routines intériorisées et de répétition. Au contraire, la consommation en externe rime avec plaisir, superficialité, satisfaction, loyauté.

Enfin, l’entreprise est souvent caractérisée par la déshumanisation des relations (cynisme, mécontentement, détachement, agressivité, stress, froideur dans les relations professionnelles). Le travail peut être aussi vu comme un lieu de violence et de mort. C’est là un aspect bien peu comparable avec la situation que vit le consommateur sur le marché.

Le marketing RH, en considérant les salariés comme des clients, substitue une illusoire logique de marché qui nie l’âpreté des relations au travail et les relations de pouvoir. Selon Peter Mudie , le marketing au sein de l’entreprise repose ainsi sur une approche cosmétique et superficielle des relations sociales où la rationalité du fonctionnement de l’organisation est remplacée par une très édulcorée « culture corporate » , un vernis faisant croire à l’individualité de chacun et au destin commun de tous.

Ne pas faire du sur-mesure à tout prix

La segmentation est un moyen pour gérer les individus et pour répondre à leurs attentes, mais cela peut venir menacer une équité fragile et aboutir à des traitements différenciés aboutissant à des discriminations.

Le fait de considérer les salariés comme des clients peut par ailleurs créer un système d’attentes artificiel, qui peut devenir perverse, créant un certain « clientélisme » . Le projet d’entreprise n’est pas un principe d’achat. Le marketing RH doit cultiver l’adhésion et non l’achat. La nuance est considérable, c’est la différence entre un marketing de dentifrice et un marketing de religion.

Éviter la manipulation

La manipulation des ressources humaines est à mettre en parallèle avec la manipulation commerciale. L’entreprise est souvent une organisation à but lucratif. Le marketing social ne va avoir d’intérêt que pour la rendre encore plus performante par et grâce à ses hommes. Et cela n’est qu’une méthode moderne du paternalisme d’antan.

Les auteurs illustrent leur propos en prenant l’exemple du turnover et de l’emploi des handicapés.

Cette manipulation, ce vernis, s’il n’est parfois qu’un leurre, a toutefois le mérite le plus souvent de donner du sens, d’orienter les comportements des individus et de préciser les rôles et les valeurs professionnelles attendues. C’est une forme de théâtre sociétal, où chaque comédien joue un rôle qu’il a choisi ou qu’on lui a imposé. Quand le comédien déguisé en DRH vend une politique salariale à ses partenaires sociaux, les comédiens déguisés en syndicalistes savent que le scénario n’a pas été écrit par lui, que le DRH est manipulé par ses actionnaires et les syndicats manipulés par le DRH. C’est un exemple, bien sûr. La manipulation est souvent gagnante au départ, mais s’use vite et décrédibilise encore plus vite.

Ne pas tomber dans la caricature du top secret

Que les dossiers personnels des salariés soient confidentiels, parce que beaucoup d’aspects relèvent de la vie privée, certes, mais les équipes de la DRH jouent trop sur cette corde pour créer une forme de carapace, de no man’s land ! Le fait qu’ils doivent tenir pour confidentiels une grande partie de leurs missions, et ne les dévoiler que lors des antichambres du comité de direction ou des réunions syndicales, n’est pas pour favoriser la confiance et la transparence. Beaucoup de DRH en jouent et se protègent ainsi d’une confrontation ou d’une information pourtant nécessaires. Or, il ne peut y avoir séduction par un marketing des ressources humaines que s’il y a confiance et transparence.

Vers un marketing en mode social

Les techniques inspirées du marketing produits

Le volet stratégique

La définition d’une stratégie de marque/ employeur ou marque/produit-service passe par l’analyse approfondie de l’ensemble des éléments caractéristiques de l’entreprise et de son environnement.

L’analyse de la demande est ensuite essentielle. Pas de marketing en effet sans identification des attentes du client. Les auteurs recensent les différents outils à la disposition des DRH. Les informations collectées permettent ensuite de réaliser une segmentation sociale qui correspond à une forme de répartition de l’effectif de l’entreprise en groupes homogènes de salariés. Les segments ne sont pas établis dans l’absolu, ils varient en fonction des problématiques choisies, par rapport à un produit ou un service donné. Ainsi, pour une prestation de formation, le statut, l’âge et l’ancienneté des collaborateurs vont jouer, tandis que pour un service à la personne ou un aménagement du cadre de travail (lieu, horaire), la situation familiale, le sexe vont certainement être des critères plus pertinents.

À l’élaboration des segments suit le ciblage, c’est-à-dire le choix des segments vers lesquels l’organisation va agir, mener des stratégies marketing. Ce découpage induit des arbitrages, des choix opérationnels de différenciation des politiques. L’offre RH peut être standard, uniforme et/ou différenciée, adaptée à une population donnée. La segmentation représente un saut qualitatif dans les RH : il s’agit de passer d’une logique de flux, de volume, de gestion de masse, à une logique d’adaptation, de gestion de sous-groupes spécifiques.

Le volet opérationnel

Suite au choix des segments, des cibles, des clients, des arbitrages opérationnels sont réalisés. Le programme est suivi par une évaluation générale et spécifique pour chaque segment, une sorte de « retour client » sur les prestations mises en œuvre. Elle s’apparente souvent à une « boîte noire » pour les responsables RH.

Le marketing-mix est l’outil opérationnel incontournable qui permet de mettre en œuvre la stratégie marketing.

Les techniques de communication utilisées sont variées : intranet, affichage, édition, événementiel, relations presse interne, radio interne, merchandising, TV interne… Elles sont de plus en plus « one to one » et personnalisées selon l’interlocuteur. Certaines idées, sujets, programmes, dispositifs, prestations, vont par ailleurs faire l’objet d’un traitement communicationnel spécifique.

Il convient de souligner le caractère central de l’attractivité interne si l’on veut ensuite espérer attirer des recrues, l’expérience de travail vécue au sein de l’entreprise et les valeurs qui y sont véhiculées conditionnant fortement l’attractivité externe. Il ne faut pas oublier que les salariés sont les premiers ambassadeurs de l’entreprise et parfois même prescripteurs (recommandation de l’employeur à des proches). Il est fondamental d’asseoir cette identité employeur en interne en valorisant les pratiques sociales de l’entreprise. Une fois l’offre sociale développée ou enrichie, il faut en faire la promotion auprès de ses collaborateurs, en veillant toutefois à ce que le discours et l’image employeur véhiculés correspondent bien à la réalité des pratiques sociales, car les salariés sont bien placés pour les comparer et sont sensibles à un décalage éventuel entre les promesses et la réalité. Cette image doit se baser sur une mission légitime et des valeurs solides susceptibles de gagner l’adhésion des salariés et s’ancrer dans la culture d’entreprise (histoires, langages, symboles et pratiques partagées).

Les opportunités d’une stratégie marketing RH

Des gains d’efficacité et de performance pour l’entreprise

Développer l’attractivité de l’entreprise et favoriser la fidélisation des collaborateurs par le biais du marketing RH apporte de nombreux avantages concurrentiels à l’entreprise. Elle permet des économies de recrutement et une meilleure gestion des compétences. On peut en effet considérer, comme les « marketers » , que la stratégie défensive de fidélisation présente des avantages financiers non négligeables, comparé au recrutement direct. On peut tabler en particulier sur les rendements croissants des bénéfices pour les consommateurs/ salariés fidèles, qui permettent de recruter de nouveaux clients à faible coût, grâce à « l’effet loyauté » , ces derniers étant les premiers avocats de la marque ou de l’entreprise. De plus, elle favorise l’optimisation des performances des salariés dans la mesure où il est plus facile de travailler avec des collaborateurs motivés et impliqués.

Cette stratégie RH vient également renforcer la séduction en direction des clients. Un salarié impliqué et « fidèle » envers son entreprise sera généralement plus sensible à l’idée de satisfaction client. À long terme, le marketing des ressources humaines présente donc des enjeux qui concernent tous les acteurs de l’entreprise, de la direction générale aux clients en passant par les investisseurs, mais surtout le collaborateur qui devient la pierre angulaire de l’organisation.

De nombreux ouvrages soulignent le lien qui existe entre la culture d’une entreprise et ses résultats. La mise en avant du « produit » ressources humaines serait un véritable avantage concurrentiel et favoriserait et sa satisfaction et son implication, donc les résultats de l’entreprise.

Une démarche en forme de défi

Une démarche empirique rarement structurée

Depuis une dizaine d’années, on assiste à un engouement croissant pour l’observation sociale et les études RH, sous l’effet notamment de l’expansion des agences de notation sociale et des normes de certification qualité. Les entreprises cherchent à avoir une meilleure connaissance de leur corps social et à décrypter leur environnement socio-économique.

Les outils du marketing sont de plus en plus utilisés par les DRH : techniques d’enquête qualitatives, focus groups , enquêtes de satisfaction qui déclinent les attentes du personnel, enquêtes de climat social… Ils peuvent avoir un impact fort sur les politiques de rémunération, de formation et de management. Les enquêtes miroirs, caractérisées par l’évaluation de la satisfaction des clients par l’interne (opinion projective) tendent également à être utilisées. Ces enquêtes, autrefois appliquées à des problématiques de conflit social, tendent aujourd’hui à atteindre les rives du management (changement social, fidélisation des salariés…) pour devenir de véritables outils de pilotage qui permettent de mesurer l’engagement des salariés.

Mais les études internes sont parfois réalisées indépendamment de toute logique de fidélisation et s’inscrivent davantage dans une logique de gestion du changement. Les études offrent alors une photographie à un instant donné des freins et motivations des salariés par rapport à d’éventuels changements.

D’autre part, l’utilisation croissante d’outils du marketing traduit un mouvement d’écoute plus attentive des opinions des salariés, mais ne signifie pas forcément la mise en œuvre d’une stratégie de marketing RH de fidélisation, de programmes de fidélité salariés intégrés.

Le marketing RH ne dépasse pas vraiment le cap de l’écoute de la demande. L’offre, quand elle est clairement définie, reste entièrement désarticulée. Elle est souvent le fruit d’une superposition de projets qui ne sont pas pensés dans une offre intégrée et globale s’adressant à un public cible/à un individu particulier, contrairement à ce que suppose le mix-social. Celle-ci n’est reconstruite qu’artificiellement a posteriori .

Des défis en termes de moyens et d’organisation

La démarche du marketing social nécessite des moyens humains conséquents pour accompagner et entretenir des liens privilégiés avec les salariés. On peut également reprocher au marketing des RH de ne relever trop souvent que de la communication interne et de ne pas rénover en parallèle les outils RH traditionnels (formation, rémunération, etc.). Il faut dire que cela présente des contraintes organisationnelles. Cela suppose une collaboration forte entre les responsables des ressources humaines et ceux de la communication et du marketing. Il serait donc utopique de parler de l’avènement d’un marketing RH où l’on package une offre en fonction des populations de salariés, voire d’individus. Seules quelques entreprises commencent à appliquer cette logique, par laquelle le salarié est considéré comme un client de l’entreprise.

Les DRH sont par ailleurs souvent aux prises avec des contraintes qui leur suggèrent une autre optique RH.

La GPEC aurait pu être un tremplin marketing fantastique s’il n’était le plus souvent sorti de son contexte initial, à savoir prévoir pour mieux anticiper, pour mieux gérer les ressources humaines, donc son entreprise. Au lieu de cela, la mise en place d’une GPEC est devenue une contrainte puisqu’une obligation, et surtout un super camouflage à plan social. Or, si nous sommes prêts à utiliser la méthodologie marketing, alors nous pouvons « vendre » notre projet à nos collaborateurs.

Il faut pour cela une vraie transparence, un vrai dialogue et une volonté d’engagement. Nombreux sont aujourd’hui les dirigeants (et pas seulement les DRH) qui ne souhaitent pas d’enquêtes d’opinions, de baromètres, car ces études signifient mesure, comparaison et justification. Et ils ont raison, car si l’entreprise mène une analyse d’un moment T, il faudra bien qu’elle justifie un résultat à un moment T + 1.

La crise va-t-elle changer cette tendance ?

En tant de crise, le mot d’ordre étant économie, c’est malheureusement la masse salariale qui est en ligne de mire.

Tous les moyens sont alors envisagés pour tenter de supprimer un poste, confier sa charge de travail à un collègue ou le remplacer par un candidat de niveau moins élevé en salaire, donc en expérience et en compétence.

Par calcul à court terme, nombre d’entreprises auront dévalorisé leur capital humain en faveur du bas de page. Ils auront diminué leurs effectifs, anesthésié leurs collaborateurs restants, et été fiers d’avoir servis de bras armés à leurs actionnaires. Il n’est pas trop tard pour réagir ! Il ne s’agit pas d’une utopie ou d’un quelconque relent de syndicalisme primaire, mais de la prise de conscience que l’image de l’entreprise est associée avec la performance et que la performance est la conséquence du travail d’équipes passionnées, formées, fidèles et reconnues.

Le marketing prend ses titres de noblesse en étant en mode social. Il nous amène à communiquer sur les valeurs internes de l’entreprise, sur la capacité qu’ont les managers à gérer leurs équipes comme les chefs produits gèrent leurs marques. Or, celles-ci sont travaillées, bichonnées, analysées, évaluées, admirées, vantées, comme peu d’hommes le sont au sein de leurs entreprises.

Les hommes, pour être force de progrès, doivent être appréciés, formés, reconnus comme tels, et non comme une masse malléable au gré des pics de croissance et de décroissance d’un système.

Mettre en valeur les actions d’une direction des ressources humaines en faveur de ses équipes, présente une double opportunité, humaine et économique :rendre heureux ses équipes, les faire grandir et donner du sens à leur carrière ;apporter à l’entreprise un réel accroissement de ses performances.

C’est cette démarche de marketing en mode social qui peut permettre à nos entreprises de reprendre ou consolider leur longueur d’avance, ce sont les hommes qui font la différence, on l’oublie trop souvent ! »