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Comment gérer le risque de l’action de groupe?ActualitésComment gérer le risque de l’action de groupe?

Comment gérer le risque de l’action de groupe?

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Communication de crise et Gestion de crise: comment gérer le risque de l’action de groupe ?

Comment communiquer correctement face à une Class Action à la Française ?

La loi nº2014-344 sur l’action de groupe dite « loi Hamon » du nom de l’ancien ministre Benoît Hamon qui en est l’auteur, est à l’origine une loi relative à la consommation. Elle permet à un groupe d’individus, prétendument victimes d’un même préjudice de la part d’une entreprise, d’ester collectivement en justice en vue d’obtenir réparation du préjudice. Concrètement, dans une action de groupe, les plaignants se constituent généralement en une association de consommateurs et déposent une plainte commune défendue par un seul avocat. Elle est fortement inspirée de la très célèbre « class action », cette loi américaine de défense des droits des consommateurs.

Introduite le 17 mars 2014 dans le code de consommation article L.623-1 et suivants, la loi sur l’action de groupe est effectivement entrée en vigueur le 1er octobre de la même année. Plus tard, en 2016, le champ de cette loi a été étendu à d’autres domaines tels que la santé, l’environnement, la discrimination au travail, la concurrence et les données personnelles. Les procédures à suivre sont cependant différentes selon les cas.

Le législateur a cependant voulu fortement l’encadrer en France afin qu’elle ne donne pas lieu aux mêmes types d’abus observés aux États-Unis. À titre d’exemple, le législateur a voulu qu’en France seules les associations de défense des droits des consommateurs agréées soient autorisées à introduire une action en justice contrairement aux États-Unis où n’importe quel avocat peut le faire.

Action de groupe : Quelle est la procédure? Quel bilan peut-on faire 4 ans après?

Plusieurs conditions sont requises pour introduire une action de groupe en justice :

  • Le préjudice mis en cause doit avoir touché au moins deux consommateurs et doit provenir de la même entreprise. En clair, un préjudice causé à un seul individu ne saurait donner lieu à une action de groupe ni un préjudice porté à plusieurs personnes, chaque lésée par une entreprise différente;
  • Comme dit en introduction, seule une association de défense des droits des consommateurs régulièrement enregistrée et agréé est autorisée à introduire une action en justice ;
  • L’action du groupe se borne à réparer les « préjudices patrimoniaux résultant de dommages matériels ». La loi couvre donc uniquement les préjudices économiques. Sont donc exclus les préjudices de nature morale ou corporels par exemple.

Il existe aujourd’hui en France 15 associations autorisées à introduire une action de groupe en justice.

Concrètement, une association saisit un tribunal qui dans un premier temps se chargera de se prononcer sur l’effectivité de la plainte et de relever qu’il y a effectivement préjudice. Une fois la responsabilité professionnelle de l’entreprise établie, le juge constituera alors la liste des consommateurs concernés. Il peut s’agir par exemple du groupe de consommateurs ayant acheté durant une période donnée, un produit jugé défectueux ou ayant bénéficié d’un service de piètre qualité. Le juge définit alors les conditions dans lesquelles l’indemnisation sera faite. Les plaignant sont généralement informés par voie de presse (journal par exemple) à condition que la responsabilité de l’entreprise soit définitivement établie et qu’elle ne fasse plus l’objet de recours de la part de l’entreprise. Les démarches d’indemnisation peuvent alors démarrer.

S’il arrivait que certains consommateurs ne figurent pas dans le groupe retenu par le juge bien qu’ils satisfont eux-aussi aux critères fixés par celui-ci, ils devront se manifester après publication de la liste retenue par le juge. Des éléments de preuve supplémentaires pourront éventuellement leur être demandés.

Les conditions fixées par la loi portent en elles-mêmes déjà certaines limites de la loi. En effet, l’action de groupe ne permet d’obtenir réparation que des préjudices d’ordre économique. Elle exclut donc plusieurs types de préjudices dont certains sont pourtant graves. Cet état de fait limite considérablement le champ d’application de l’action de groupe. Par ailleurs, la lenteur des procédures est un autre frein qui ne plaide pas forcément en faveur de cette loi. En effet, lorsque l’on sait que plusieurs affaires donnent lieu à des années de procès, il est évident que l’action de groupe ne fasse pas exception à cette règle. La durée des procédures cache un autre aspect qui est celui de la conservation des preuves nécessaires à l’indemnisation des plaignants. Ces preuves sont généralement constituées des factures, contrats, bons d’achat…). Cette raison en particulier justifie les nombreux cas d’abandons des consommateurs auxquels l’on a pu assister. Aussi, le montant de l’indemnisation fixé par le juge et trop souvent jugé faible par les plaignants est-il un facteur dissuasif. Il n’est pas rare que les frais engagés par les associations ou les plaignants excédent le montant de l’indemnité.

Toutes ces limites expliquent le faible nombre d’actions de groupes engagées en quatre ans d’existence de la « loi Hamon ». On a assisté qu’à une douzaine à peine d’actions de groupe dont une seule a donné lieu à une transaction. La plupart de ces actions ont été lancées dans le secteur de la consommation. Les autres secteurs (santé, environnement…) n’ayant presque pas donné lieu à à des actions de groupe. Parmi les actions de groupe les plus célèbres relevées en France on peut citer entre autres celle de:

  • UFC Que Choisir contre Foncia;
  • Familles rurales contre SFR ou encore;
  • CNL contre l’Immobilière 3F.

Comment gérer, voire anticiper le risque de l’action de groupe ? Comment anticiper la communication de crise pour protéger votre image et votre réputation dans les médias et sur internet ?

Les dirigeants doivent veiller à ce que l’entreprise ait en son sein un système de veille performant.

L’entreprise se doit aussi d’anticiper ce type de crise en identifiant les zones à risques de son activité.

« Les deux types principaux de risques auxquels l’entreprise est exposée dans une action de groupe étant le risque juridique et le risque médiatique. C’est là qu’intervient la communication sous contrainte judiciaire. » détaille Florian Silnicki, Expert en communication de crise qui dirige l’agence LaFrenchCom.

Il est alors important de mettre en place des mesures de prévention afin de :

  • veiller au respect strict des processus de vente;
  • renforcer le contrôle qualité au sein de l’entreprise;
  • recueillir périodiquement les avis des clients afin de renforcer la relation client;
  • avoir une cellule de communication performante et évaluer périodiquement les départements stratégiques (communication, juridique…).

Mais quand survient malgré tout une crise, l’entreprise a le choix entre plusieurs stratégies de gestion et de communication de crise selon le contexte.

Assumer et négocier

Les actions de groupe étant en général très médiatisées, le risque est grand pour l’entreprise de voir son image sérieusement atteinte par une affaire qui s’étale dans le temps dans des médias qui feuilletonnent.

Par ailleurs, tout dirigeant est conscient que les pronostics sont rarement en sa faveur pour remporter la bataille de l’opinion.

Les associations quant à elles, conscientes de l’effet de nuisance du battage médiatique pour l’entreprise, n’hésitent pas à jouer à fond cette carte. In fine, c’est dans la plupart des cas, c’est l’entreprise qui cède privilégiant ainsi l’option de la négociation pour clore définitivement l’affaire. Une indemnisation est souvent négociée entre les deux parties.

Jouer sur le temps

Le financement des associations est une question qui revient souvient. En effet, les associations ont aussi leur talon d’Achille: c’est le manque de moyens. Elles ne peuvent donc en réalité pas s’engager dans une affaire qui s’étale dans le temps. Les entreprises en sont conscientes. C’est pour cela que lorsqu’elles tiennent un avantage, elles n’hésitent pas à jouer à leur tour sur le temps grâce à des avocats expérimentés. On assiste alors à des feuilletonnages judiciaires qui peuvent s’étaler sur des années. Les groupes de consommateurs découragés, sollicitent une négociation ou jettent l’éponge. Mais l’image des entreprises peut quand même en souffrir violemment.

Dans le cas où elle décide de s’engager dans la voie du procès, l’entreprise doit mobiliser concomitamment à ses conseils juridiques à pieds d’œuvre, sa cellule de communication, notamment les chargés de communication de crise afin de limiter, voir d’enrayer le bruit médiatique, de limiter l’impact sur son image et protéger durablement sa réputation.

Quelques cas célèbres d’actions de groupe

UFC Que Choisir Vs Foncia : un flop ?

Accusant la société immobilière Foncia d’avoir illégalement facturé des quittances de loyer en guise de  » frais d’avis d’échéance  » à raison de 2,30 euros le mois à 9 locataires entre 2010 et 2014, UFC Que Choisir avait intenté une action en justice. Estimant pour sa part que « la recevabilité de l’action de groupe est subordonnée à l’existence de préjudices individuels nés de manquements commis à l’occasion de la vente de bien ou de la fourniture de service » et ne considérant pas le contrat de bail comme une fourniture de service dans la mesure ou le bailleur n’est pas un prestataire de service, le tribunal de grande instance de Nanterre a jugé irrecevable la demande de Nanterre. Surtout, ont estimé les juges, le contrat de bail n’entre pas dans le champ d’application de la loi Hamon. C’est la deuxième fois qu’une action de groupe était déboutée pour la même raison.

Regrettant la décision du tribunal mais reconnaissant tout de même une insuffisance de la loi à ce niveau, UFC Que Choisir ne manqua pas d’inviter le législateur à inclure les rapports locatifs dans le champ d’application de la loi Élan relative au logement.

La stratégie de défense de Foncia

La bataille entre UFC Que Choisir et Foncia commença sur le terrain médiatique. En effet, le même jour de l’action en justice de UFC Que Choisir, Foncia « pris acte » de l’action en justice de UFC par un communiqué de presse envoyé dans les rédactions de France.

Dans ce communiqué, Foncia rapppela le caractère optionnel de la facturation mise en cause: « Si la facturation était interdite depuis 2009, la facturation d’un service optionnel proposé aux locataires dit  » avis d’échéance  » n’était pas interdite dans la période visée de l’action ». Foncia preuve à l’appui justifia que 66% des locataires n’avaient pas souscrit à ce service facultatif et n’avaient par conséquent pas été facturés. Foncia ensuite de préciser qu’il ne pratique plus cette facturation depuis l’avènement de la loi ALUR votée en 2014.

Il faut dire qu’avant ce communiqué de presse suite à l’action en justice de UFC Que Choisir, Foncia avait sollicité un « dialogue » avec UFC Que Choisir. Offre que déclina l’association.

Enfin, Foncia termina en se réservant le droit d’intenter une action récursoire contre UFC Que Choisir pour « préjudice porté au travail de ses 7 500 travailleurs ».

Dans cette affaire donc, Foncia qui administre 315 000 logement en France et qui donc à une image à défendre opta pourtant pour la confrontation plutôt que la négociation. Stratégie gagnante, car UFC Que Choisir fut condamnée en première instance à verser une indemnité de 8 000 à la société immobilière.

En somme, l’action de groupe est encore à ses balbutiements en France.

Nous aurions pu également citer en exemple de cas CNL contre l’Immobilière 3F. En effet, en 2017 la Confédération Nationale du Logement (CNL) intenta une action contre l’Immobilière 3F pour des raisons similaires que dans dans le cas UFC Que Choisir contre Foncia. Il s’agissait d’une pénalité de 2% que la société immobilière 3F imposait à ses locataires en cas de retard dans le paiement de tout ou partie du paiement du loyer, des charges ou du supplément de loyer de solidarité. L’Immobilière 3F avait pourtant supprimé cette pénalité suite à l’entrée en vigueur de la loi Alur. L’issue du procès fut le même que celui de UFC Que Choisir contre Foncia, la CNL ayant été déboutée en cassation pour les mêmes raisons.

Avec l’ouverture de cette loi à d’autres domaines tels que les discriminations notamment dans les processus de recrutement des entreprises, il est à craindre que l’on assiste à une inflation des plaintes déposées auprès des Prud’hommes. Jamais les entreprises n’ont autant eu intérêt à anticiper une gestion de crise et une communication de crise permettant de se protéger des conséquences médiatiques et digitales négatives d’une action de Groupe.