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Responsabilité pénale en entreprise et réputationCommuniquer sur une criseResponsabilité pénale en entreprise et réputation

Responsabilité pénale en entreprise et réputation

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Même sans procès ni condamnation, le risque pénal aura souvent un impact sur la réputation d’une entreprise.

« Il devient alors très important pour elle de capitaliser sur son actif « réputation », notamment grâce à une communication de crise efficace avant, pendant et après la procédure pénale. Au cours de ces trois phases, on peut en effet construire et protéger une réputation, la gérer ensuite au mieux en cas de crise et enfin la rétablir une fois la crise terminée. » détaille Florian Silnicki, Expert en communication de crise et Fondateur de l’Agence LaFrenchCom.

Infractions et abus de confiance, contraventions aux lois environnementales, délits d’initiés : autant de situations susceptibles de faire partie du quotidien des entreprises, surtout celles opérant à l’échelon international, confrontées à différents systèmes juridiques. Le risque pénal constitue une menace désormais clairement identifiée, mobilisant cellules de gestion des risques et départements juridiques dans un contexte de judiciarisation accrue des affaires.

À cet égard, il n’est pas anodin d’observer que la dénomination des départements en charge de ces enjeux évolue souvent en « LCA » pour « Legal and Corporate Affairs ». Le risque juridique et pénal s’analyse mieux comme une menace « corporate » aux multiples aspects. Souvent les entreprises ne voient d’ailleurs que le visage financier de cette menace et provisionnent des fonds pour affronter d’éventuelles condamnations et/ou réparations.

Plus rarement sont-elles capables d’anticiper en sus d’un risque pénal un dommage « collatéral » de réputation – parfois très douloureux.

Et plus rarement encore parviennent-elles à anticiper comment leur réputation – entachée ou simplement fragilisée – peut devenir source de risque pénal. Nombreux sont toutefois les exemples illustrant ce cas de figure et invitant les entreprises et leurs dirigeants à la vigilance.

Avec la médiatisation croissante de la justice et la judiciarisation du monde des affaires et du monde politique, se déroule, en parallèle de l’enquête et du procès juridique, un procès médiatique. La condamnation des médias se révèle parfois « sans appel », faisant fi de la présomption d’innocence.

À cela s’ajoute Internet et ses conséquences – mondialisation et instantanéité de l’information, engendrant un risque croissant pour la réputation de l’entreprise. Car, sur Internet, si un sujet chasse l’autre, l’information demeure sur la toile et ce pour des années. Dans certaines affaires, une décision judiciaire même favorable à terme ne parvient pas à rattraper le dommage que l’image et la réputation ont pu subir antérieurement.

Cet article vise donc à mettre en perspective la relation entre dommage de réputation et risque pénal à la lecture de circonstances où des entreprises ont été mises en cause. Le risque réputationnel peut découler du risque pénal mais aussi l’engendrer (I). Pour y faire face, la communication est un instrument à ne pas négliger (II), car il est long et difficile pour une entreprise de se remettre d’un dommage de réputation concomitant à une affaire juridique, a fortiori pénale.

Les exemples choisis, de notoriété publique (pour des raisons de confidentialité, nous n’avons volontairement pas choisi des cas où nous avons pu intervenir comme conseils), démontrent tous le rôle que peut jouer la communication dans la gestion de la réputation – à la fois en amont, pour prévenir et minimiser le risque pénal, puis en aval, pour gérer la crise, accompagner la stratégie légale et la communication des avocats et préempter l’avenir afin d’éviter une aggravation de la crise, voire préparer une issue favorable.

Risque pénal et dommage réputationnel, une liaison dangereuse

Même sans procès ni condamnation, le risque pénal, aura souvent un impact sur la réputation d’une entreprise ; dès lors qu’elle est médiatisée, la possibilité d’une condamnation équivaut bien généralement, dans l’esprit de l’opinion publique et des parties prenantes d’une entreprise, à une condamnation effective.

Une entreprise concernée par une enquête ou un procès pénal attise l’intérêt de tous, les médias trouvant là matière pour créer et faire vivre un feuilleton. L’image de l’entreprise est alors associée aux faits qui lui sont reprochés, pour le temps de l’enquête et du procès, et souvent même après le verdict. L’étalement dans le temps de ces enquêtes et du procès est ici un inconvénient : quelles que soient les actions mises en œuvre pour reconstruire sa réputation, celles-ci seront balayées rapidement à chaque nouvel épisode de la saga judiciaire, qui remettra l’accent sur la faute (présumée) commise par l’entreprise.

Dans certains cas, le dommage de réputation est tel qu’il pourra même entraîner la faillite de l’entreprise, comme pour le cabinet d’audit Artur Andersen en 2002. Il a suffi que ce cabinet soit indirectement mis en cause dans le cadre d’une enquête visant une entreprise dont il certifiait les comptes (Enron) pour que sa propre réputation soit entachée. Ce n’était pas tant son fonctionnement d’ensemble qui était critiqué, que les actes d’un nombre très limité de ses employés dans une antenne du Texas, soupçonnés d’entrave à la justice. Plus que la condamnation en première instance (qui ne sera pas confirmée en appel), c’est bien l’atteinte à la réputation qui a causé la chute du géant de l’audit. L’entreprise, discréditée, a perdu la confiance de sa clientèle, entrainant sa propre chute – d’autant plus spectaculaire qu’elle a été très extrêmement rapide.

À l’inverse, si l’actif « réputation » est dévalorisé, l’entreprise, en position de faiblesse, sera une proie plus facile. Le rôle des organisations non-gouvernementales est ici parfois prépondérant.

Elles se chargeront d’alerter l’opinion publique, en médiatisant l’enjeu en question, avec, en fonction de la gravité des faits en cause, une atteinte plus ou moins importante à la réputation de l’entreprise. La conséquence directe de cette médiatisation sera la condamnation (ou, plus rarement, le soutien) de l’opinion publique ; la conséquence indirecte pourra être le déclenchement d’une enquête ou d’une instruction.

L’affaire de la crise de Nike demeure un cas d’école

Au milieu des années 90, nombre de voix se sont élevées contre cette entreprise américaine, accusée de recourir à des sous-traitants faisant travailler des enfants en Asie. Différentes campagnes de sensibilisation d’activistes anti-Nike sont organisées aux États-Unis en 1996, suivies, un an plus tard, de manifestations à l’échelle mondiale pour protester contre les « sweatshops » et les conditions de travail dans la fabrication des produits Nike. Le dommage de réputation est ici évident : l’entreprise est devenue le symbole de l’esclavagiste des temps modernes.

C’est bien de ce dommage qu’est né le risque pénal. En effet, afin de lutter contre ces campagnes de dénigrement, l’entreprise a publié un communiqué.

Celui-ci fut attaqué par Marc Kasky, un activiste de San Francisco, qui a porté plainte pour violation d’une loi californienne concernant la fausse publicité, alléguant que la réponse de Nike visait à rassurer ses consommateurs pour, au final, tel un argument de vente, continuer à les encourager à acheter ses produits. Les charges ont en tout état de cause été rejetées par la Cour Suprême des États-Unis. Sans les différentes campagnes mondiales organisées et l’obligation de Nike de répondre à ces accusations, l’entreprise n’aurait jamais été attaquée devant la justice américaine pour des faits commis en dehors des États-Unis. L’exemple de Nike est significatif également en ce qu’il témoigne qu’une décision de justice positive pour l’entreprise ne permet pas à elle seule de rétablir sa réputation. Il a fallu à Nike une dizaine d’années (et des sommes considérables) pour restaurer, à grand renforts d’engagements citoyens, sa réputation.

Un autre exemple plus récent est la situation de l’entreprise PROTEX et de son usine Synthron en Touraine. Cette usine était connue depuis 1988, quand un incendie en son sein avait entraîné localement une grave pollution de la Brenne, des coupures de l’alimentation en eau – et une condamnation des dirigeants, qui avait fait jurisprudence en droit de l’environnement. Après des stockages qualifiés de dangereux dans cette même unité, de nouvelles condamnations sont intervenues en novembre 2004, incluant prison avec sursis, fortes amendes pour le directeur de l’usine et la société, dommages et intérêts versés à des associations de protection de l’environnement – peines qui ont été aggravées en appel (« Peines aggravées en appel pour la Société Synthron condamnée pour pollution », AFP, 29 sept. 2005). PROTEX avait pourtant en 1997 mis en place des entrepôts spécifiques pour améliorer la sécurisation des dispositifs de stockage (« Protex International accroît la capacité de l’usine Synthron », Beuzon F.-X., Les Échos, 14 nov. 1997). Sa réputation, demeurée dans l’opinion et dans les medias celle d’un pollueur récidiviste, a sans doute joué dans la sévérité du second verdict de 2005 (« En Touraine, le procès exemplaire d’un pollueur récidiviste », Le Monde, 30 sept. 2004).

En résumé, l’enjeu pour une entreprise est de se donner les moyens de capitaliser au maximum sur son actif « réputation » – notamment grâce à une communication efficace avant, pendant et après la procédure pénale, trois phases permettant de construire et protéger une réputation, de la gérer ensuite au mieux en cas de crise et enfin de la rétablir une fois l’orage passé.

Gestion du risque réputationnel : le rôle de la communication de crise

En amont, l’entreprise peut prévenir le risque en soignant sa réputation et la qualité de sa relation avec ses différentes parties prenantes, employés, actionnaires, clients, fournisseurs, administrations, élus, médias, ONGs, ou communautés auprès desquelles elle est implantée.

L’engagement dans une démarche de responsabilité sociétale constitue une voie possible – et la réputation en bénéficiera d’autant plus que la communication s’appuiera justement sur des faits étayés qui constituent autant « d’éléments de preuve » au regard du grand public. L’essentiel pour l’entreprise est en tout cas de définir une identité et un positionnement, à la fois sur son activité principale mais aussi sur l’ensemble des problématiques qui peuvent être les siennes. Charge à elle et à ses dirigeants d’incarner ensuite ce positionnement par une communication destinée à entretenir une perception positive par son environnement immédiat (employés, actionnaires, clients, fournisseurs, etc.) ou plus lointain (acteurs politiques, administration, médias, société civile).

La construction et le renforcement d’une réputation requiert en effet de communiquer auprès d’un spectre large d’interlocuteurs, notamment les tiers d’influence susceptibles d’être impliqués à l’avenir sur les dossiers liés à l’entreprise concernée. Il est important de rencontrer ces tiers « par vent calme » afin de présenter l’entreprise, ses différentes actions, et ainsi bénéficier d’une perception positive si un « avis de tempête » juridique ou médiatique se déclare. Ces rencontres peuvent être organisées régulièrement, autour d’un programme d’affaires publiques, comprenant la préparation d’argumentaires, la déclinaison en outils de communication, l’identification des acteurs clés, la création d’opportunités de contacts, et les échanges proprement dits.

Une bonne réputation n’empêche toutefois pas une mise en cause de la responsabilité pénale de l’entreprise, inévitable lors d’accidents graves par exemple. Une communication précise doit alors être menée tout au long du procès. Dans ce cadre, il n’est pas de stratégie générique applicable à toutes les affaires requérant une communication sous contrainte judiciaire. Chaque cas est unique et devra faire l’objet d’une approche adaptée à l’espèce, en fonction de l’entreprise concernée (et de sa réputation avant l’enquête ou le procès), des faits qui lui sont reprochés, du calendrier judiciaire, et plus largement, de l’environnement politique et médiatique de l’affaire.

Néanmoins, on peut identifier des étapes structurantes souvent communes aux stratégies de communication mises en œuvre : élaboration d’une stratégie de communication, alignée avec la stratégie légale ; coordination étroite et permanente entre les équipes de communication et juridique ;mise en place d’une équipe dédiée à la gestion de la communication autour du procès, responsable de la préparation et de la validation des argumentaires et de la préparation des porte-parole ; élaboration de documents clés, adaptés en fonction des scenarii possibles : argumentaires, communiqués proactifs ou réactifs, jeux de questions-réponses, messages clés pour tous les publics pertinents (collaborateurs, investisseurs, actionnaires, clients, etc.) ; gestion des relations avec la presse, qui constitue parfois un public très divers (presse financière, généraliste, consommateur, spécialisée, online et off line) de soutiens ou de détracteurs possibles ;mise en perspective : la valeur ajoutée du communicant (qu’il agisse au sein de l’entreprise ou en tant que conseil extérieur) réside dans sa capacité à analyser l’environnement du procès et à déterminer son impact sur l’issue des débats.

Le contexte est essentiel, particulièrement dans les affaires à forte charge émotionnelle (pollutions environnementales, suicides, etc.). Elles ne peuvent en aucun cas être appréhendées sous le simple angle de la réparation financière et sont souvent propices à « récupération », en période électorale notamment.

En exemple de crise dans un environnement particulièrement peu favorable, on peut citer la fraude découverte à la Société Générale en janvier 2008, intervenue lors des prémices d’une crise économique et financière qui allait devenir majeure. L’atteinte à la réputation de l’entreprise résultait de sa surexposition médiatique ; elle souffrait en outre d’un « handicap » dans le cadre d’un procès face à un de ses employés, crédité dans les médias et l’opinion publique d’un capital sympathie (effet David contre Goliath). On se souvient que Jérôme Kerviel a été un temps présenté dans la presse comme un bouc-émissaire destiné à dissimuler les réelles difficultés de la banque, liées aux subprimes. La Société Générale a durement lutté pour restaurer sa réputation – très fragilisée à cause d’une perte gigantesque dans une activité où elle était justement un leader mondial.

Au trader « fraudeur » et « irresponsable », la banque a opposé dès le début de cette crise sa logique de responsabilité : en même temps que la fraude, elle a annoncé les départs des supérieurs de Jérôme Kerviel, et présenté des solutions à la crise – le débouclage déjà finalisé des positions frauduleuses et l’augmentation de capital de 5,5 milliards d’euros à venir ( cf. communiqué de presse de la Société Générale en date du 24 janvier 2008). La stratégie de communication de la banque a été pensée de manière à sauvegarder non seulement sa réputation, mais assurer aussi, avant tout, sa pérennité et plus largement celle du secteur bancaire dans son ensemble – en raison des connexions financières entre les banques, le risque de contagion était réel (la stratégie de communication de la Société Générale a été rendue publique dans l’ouvrage d’Hugues Le Bret, alors directeur de la communication de la banque : Le Bret H., La semaine où Jérôme Kerviel a failli faire sauter le système financier mondial, Journal intime d’un banquier, Éditions Les Arènes, 2010).

Dans le cadre de la communication sous contrainte judiciaire, l’annonce du verdict est un point culminant de la communication. Sans pouvoir le prédire à l’avance, il est nécessaire d’anticiper tous les scenarii possibles : victoire, défaite, décision mitigée.

Dans tous les cas, il faut un plan de communication post-procès, afin de reconstruire, petit à petit, la réputation de l’entreprise ou de la conforter. Un tel plan vise à tirer toutes les leçons d’une crise pour éviter qu’elle ne se répète ; une évaluation précise doit être menée de ce qui a conduit à la crise, de ce qui manquait pour s’y préparer, de ce qui doit changer à présent – au plan des procédures (d’où le rôle important et croissant de la compliance ), des messages, ou des moyens de prévision.

Les problèmes révélés par la crise peuvent se transformer en opportunités de changement et de communication ; et seul un plan post-procès capable de s’inscrire dans la précédente crise, en répondant par exemple à toutes les questions soulevées par les parties prenantes à cette occasion, pourra donner des résultats significatifs sur le long terme.

Programme d’affaires publiques, relations medias, tables rondes avec les parties prenantes, baromètres réguliers sont parmi les outils qui permettront de rétablir une réputation, au service d’un positionnement d’entreprise d’autant plus pertinent qu’il aura justement « la crise passée » en mémoire.