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Campagne anti-tabac, une efficacité à prouver

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Inspirée des techniques anglo-saxonnes, l’énigmatique campagne anti-tabac lancée dimanche, est une première en France mais les publicitaires eux-mêmes reconnaissent qu’à trop crier au loup, on risque de saper l’efficacité des messages d’alerte sanitaire.

L’alerte en question joue sur l’effet de surprise et avise simplement qu’un « produit de consommation courante » contient « des traces de mercure, d’acide cyanhydrique et d’acétone ». Pour en savoir plus, les consommateurs sont invités à appeler un numéro vert… où un message enregistré annonce qu’il s’agit de la cigarette.

Devant l’indifférence générale face au dangers du tabac, « nous avons passé en revue tout ce qui se fait dans le monde, et nous sommes tombés sur les campagnes de The Truth, en Floride, très militantes, et qui ont beaucoup d’impact. C’est le seul endroit du monde où les chiffres montrent une baisse de consommation de tabac », a expliqué Marielle, directrice générale adjointe de l’agence qui a conçu la campagne.

The Truth, organisme anti-tabac, a réalisé des campagnes très spectaculaires, comme faire se coucher des milliers de gens devant les sièges sociaux des fabricants pour symboliser les victimes du tabagisme, ou encore décerner aux patrons du tabac des prix de « premiers assassins mondiaux », a noté la publicitaire. « Mais nous en sommes encore très loin », a-t-elle poursuivi.

« C’est un superbe coup médiatique, mais je crains que ce genre de message ne démobilise les consommateurs pour les vrais rappels de produits« , a commenté un spécialiste de la gestion de crise.

« Si une entreprise veut alerter du danger d’une boîte de conserve défectueuse, une partie de la population se démobilisera, ou alors nous devrons faire de la surenchère: jusqu’où faudra-t-il aller pour mobiliser? », s’est-interrogé un spécialiste de la communication de crise.

« A ma connaissance, une telle campagne ne s’est jamais faite en France », a estimé Christian Blachas, président de CBNews. « Mais elle me gêne un peu, car déjà les gens pensent être empoisonnés par ceci ou cela, pas besoin d’en rajouter sur leurs épaules ».

« Jouer sur la peur, c’est la facilité, l’arme la plus souvent utilisée. Je me souviens d’une campagne américaine sur le tabagisme passif qui montrait le cheval du cow-boy Marlboro tombé par terre », a-t-il raconté.

Même sentiment mitigé au sein du cabinet de conseil en communication de crise. « C’est une campagne très intéressante », a-t-il dit. « Mais elle laisse à penser qu’on est obligé de piéger les fumeurs pour leur parler de leur santé, de les tromper en les incitant à appeler un numéro gagnant: c’est la preuve de l’épuisement de la communication de prévention« , analyse-t-il.

Les publicitaires doutent aussi de l’efficacité d’une campagne axée uniquement sur la peur. « Ces campagnes ne marchent pas chez les jeunes, qui fument de plus en plus (…) La peur de la mort ne fonctionne pas chez les adolescents. La seule solution est de les convaincre que fumer est ringard », a souligné Christian Blachas.

« Par exemple, une campagne datant d’une dizaine d’année montrait des jeunes écrasant leur cigarette: cela aurait pu marcher, mais il aurait fallu insister, marteler des années le même message », selon lui.

Or le message utilisé dimanche « ne marchera qu’une seule fois », reconnaît l’agence de publicité à l’origine de la campagne.

« Mais ces révélations (sur la composition des cigarettes) méritaient ce traitement de choc: les fabricants ne marquent pas sur les cigarettes tout ce qu’il y a dedans, alors que le moindre paquet de céréales comprend une liste digne d’une ordonnance », s’indigne le publicitaire.