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Communication de crise : remobiliser les salariés restants

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Communication de crise : comment remobiliser les salariés qui ont échappé au plan social

Les directions ont souvent du mal à répondre au malaise des « rescapés ». Il en va pourtant de l’avenir de l’entreprise.

Les dirigeants d’entreprises ont commencé à admettre, il y a quelques années, que les « rescapés » des plans sociaux, ceux avec qui ils allaient continuer à faire un bout de chemin, pouvaient avoir subi un traumatisme. Cela ne les a pas pour autant conduits à prendre des mesures pour améliorer le moral des troupes par une communication de crise dédiée.

Depuis longtemps, les directions générales soulignaient que l’enjeu était de mobiliser ceux qui restaient. Mais, prises par l’actualité des plans sociaux, elles ne faisaient rien. Il y avait une inquiétude, mais sans passage à l’action.

Y aurait-il une évolution aujourd’hui dans l’attitude et la communication des entreprises face aux rescapés des licenciements ?

Trop souvent encore, elles focalisent leurs actions sur la masse salariale pour stabiliser ou redresser la situation, négligeant d’autres leviers, comme le commercial, le marketing, mais aussi la dynamique de chacune des personnes. Dans ces conditions, l’entreprise va peut-être se stabiliser un moment puis elle va redescendre et, un ou deux ans plus tard, il faudra prévoir un autre plan social.

Nombre d’entreprises nous ont exprimé leur inquiétude, voire leur désappointement, face à l’attitude des salariés qui restaient. Mais, bien souvent, nos entretiens sur le sujet en sont restés au stade de la conversation, voire à l’évocation d’un plan possible de remobilisation à mettre en oeuvre, jamais suivie d’action. La communication de crise est essentielle pour assurer la remobilisation de l’organisation et de ses ressources humaines.

Depuis deux ou trois ans, il constate cependant un petit mouvement émanant de sociétés ayant déjà effectué un plan de licenciements et qui se trouvent désarmées face à un corps social sans réaction, ou qui enchaînent un deuxième ou un troisième plan social et se demandent comment réinstaurer une confiance sérieusement mise à mal.

Plus tranché, un consultant nous dira : « Dans des entreprises, et en particulier dans les plus grosses, on entend des discours sur l’humain, mais ce sont des discours de salon ou plutôt des discours de façade. En fait, l’aspect humain, ils s’en fichent. Aucune ne le reconnaîtrait, mais, pour ma part, je le vis tous les jours. »

Pour certains, comme Florian Silnicki, Expert en stratégies de communication de crise qui dirige l’agence LaFrenchCom, le tableau n’est pas aussi noir : « Des entreprises de plus en plus nombreuses nous demandent de nous préoccuper de la question dès la mise en place du plan social. Nous leur conseillons de commencer par expliquer à l’encadrement le pourquoi de ce plan social. Où en est l’entreprise et où elle va. C’est déjà une première étape dans la stratégie de remobilisation. La communication de crise est là pour ça. Elle doit être anticipée. »

TRAITER L’APRÈS-PLAN SOCIAL PAR UNE COMMUNICATION DE CRISE ADAPTÉE

Toutefois, nouveau bémol, même si des entreprises conscientes de la dégradation du climat social décident de prendre le taureau par les cornes, la démarche n’aboutit pas forcément. Certaines envoient des sociologues explorer les états d’âme des salariés… et puis plus rien. C’est une erreur. 

« On fait ressortir l’angoisse de ceux qui restent. On identifie des problèmes. Mais l’entreprise ne va pas au-delà de cette catharsis, de cette décharge de l’angoisse. Après, il n’y a pas de mise en place de dispositifs de changement du réel, pas de modification du mode de fonctionnement. On repart comme avant », constate Nicole Aubert, sociologue, professeur à l’Ecole supérieure de commerce de Paris.

Des exemples d’intervention non abouties, Jean-Luc Buridans en a aussi dans son escarcelle. « On avait travaillé longtemps avec le patron d’une division d’un grand groupe pour préparer l’après-plan social. Mais il n’a pu obtenir le feu vert de la direction centrale des ressources humaines », confie-t-il, un rien dépité. Lors de la mise en place de plans de remobilisation, il y a des gaffes qu’il vaut mieux éviter. Dans une entreprise, un des membres du comité de direction qui travaillait à l’élaboration d’un programme destiné aux « survivants » a eu l’étourderie de laisser traîner son propre curriculum vitae sur une photocopieuse de la société. On peut imaginer l’impact négatif d’un tel oubli sur ses collaborateurs… Si même les « chefs », ceux qui sont chargés de montrer la route, n’y croient pas, comment voulez-vous que les salariés y croient. Anecdotique peut-être, mais symptomatique tout de même.

Cela dit, il existe, même si elles sont peu nombreuses, des entreprises qui se préoccupent réellement de remobiliser les salariés qui ont conservé leur emploi. Jean-François Carrara, d’Algoe, cite notamment le cas d’une banque qui, dans le cadre de son plan de réorganisation, souhaitait supprimer un sixième de ses postes sur la base du volontariat. Les partants devaient avoir un projet (création d’entreprise, embauche à l’extérieur…) et le faire valider par les consultants de l’antenne emploi. « En fait, 50 % des effectifs de la banque sont passés nous voir. Lors des entretiens, ils parlaient de leur projet mais aussi de ce qu’ils pensaient de la banque, de son organisation, de ses dysfonctionnements. »

Devant la richesse des informations recueillies, contact est pris avec la DRH pour expliquer qu’au-delà de la mission initiale aider les volontaires à sortir de l’entreprise dans les meilleures conditions il serait possible d’effectuer un travail approfondi sur la banque et assurer un après-plan social. Feu vert de la direction. Les informations sont systématiquement recueillies, analysées et vérifiées, avant d’être regroupées dans un libre blanc. Exemples de dysfonctionnements relevés : en raison de la lourdeur des procédures, les décisions étaient prises au siège, les clients devaient attendre longtemps la réponse à une demande de prêt. Découragés, ils partaient voir ailleurs. Ou encore le PDG, ayant quelques difficultés à communiquer, la banque était perçue en interne comme un bateau sans capitaine. Le document est présenté au président et à son staff avec des propositions de chantiers à ouvrir en interne pour apporter des remèdes aux différents problèmes. Résultat, le président a mis en place un plan d’action.

En ce qui concerne son image dans l’entreprise, ne pouvant changer sa personnalité, il a décidé de se doter d’un adjoint directeur général, recruté à l’extérieur sur son charisme et ses capacités d’animation. Pour répondre au sentiment de dévalorisation du réseau, qui se sentait coupé du siège parisien, il a incité son directeur commercial à consacrer deux ou trois jours par semaine à la visite des agences du réseau. Par ailleurs, la banque s’est attaquée à des chantiers tels que l’image de l’encadrement, qui aboutiront à plus long terme. « L’affaire semble bien engagée. Elle se déroule désormais en interne. »

De cette expérience, Jean-François Carrara tire plusieurs leçons. Lorsque l’on détecte des dysfonctionnements à l’occasion de la mise en place d’un plan social, il est intéressant de les faire remonter, au-delà du DRH, qui n’est pas forcément concerné par l’ensemble des questions soulevées, au directeur général, voire au président. On peut essayer de les convaincre que le fait d’apporter des solutions à ces dysfonctionnements peut être un élément permettant à ceux qui restent dans l’entreprise de se dire : « c’est vrai, on a des camarades qui sont partis, mais, nous, on reste, et il y a des choses qui se font. » Autrement dit, l’entreprise ne s’est pas contentée de régler un problème de masse salariale. Elle a des objectifs, un avenir.