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Gérer sa communication de crise : modèles et procéduresCommuniquer sur une criseGérer sa communication de crise : modèles et procédures

Gérer sa communication de crise : modèles et procédures

Comment séquencer la communication de crise ?

On distingue habituellement trois phases en communication de crise.

  • La première phase est la période précédant la crise. Elle n’est pas limitée dans le temps. C’est à ce stade qu’on effectue des audits de risques. Les risques sont évalués en fonction de leur sévérité, de « sans conséquence » à « nécessitant de coûteuses réparations ». On évalue aussi les effets potentiels sur la perception du public. Les leçons tirées des précédents problèmes rencontrés sont prises en compte. Tout est fait pour réduire ou prévenir tous les incidents potentiels futurs. Dans le même temps, des stratégies pour regagner la confiance du public sont élaborées au cas où les stratégies de prévention des risques ne fonctionneraient pas.
  • La deuxième phase est la réponse à la crise. La crise atteint son pic, souvent au cours d’une période intense, mais avec un peu de chance, de courte durée. Toutes les ressources et le personnel dirigeant et chargé de la communication peuvent être mobilisées et dédiées à cet unique aspect.
  • Enfin, la troisième phase est l’après-crise. C’est la période d’évaluation des démarches de communication face à la crise, des initiatives pour reconstruire l’image et l’identité de l’organisation, via les étapes de recherche, planification et mise en œuvre. Ici, on utilise le mot « image » pour évoquer la manière dont l’organisation apparait et « identité » en référence à la culture humaine et organisationnelle de l’organisation, notamment la manière dont elle est administrée et projetée – les deux ne coïncidant pas nécessairement. Il faudra peut-être apporter des changements significatifs à la manière dont l’organisation opère sur les plans technique et managérial pour reconstruire son identité.

Pré-crise : Définir le type de crise

Une compagnie aérienne peut être confrontée à des accusations de harcèlement sexuel, un cabinet comptable peut être détruit par un incendie, un fournisseur d’énergie peut se retrouver impliqué dans un scandale financier, ou une entreprise d’agroalimentaire pourra subir un incident industriel. En d’autres termes; il n’est pas toujours facile d’identifier le type de crise pouvant survenir en se basant uniquement sur le secteur concerné.

L’onde de choc provoquée par le badbuzz lié à la publication de révélations concernant la « tricherie » du constructeur automobile Volkswagen, qui a reconnu avoir manipulé les données d’émission de gaz polluants de ses véhicules diesel produits aux Etats-Unis pour contourner les règles antipollution est en revanche un cas de crise qui aurait du être anticipé par la marque. Selon les autorités américaines, 482 000 véhicules de marque Volkswagen et Audi, construits entre 2009 et 2015 et vendus aux Etats-Unis, ont été équipés d’un logiciel capable de détecter automatiquement les tests de mesure antipollution pour en fausser les résultats. Hors contrôles, les voitures contrevenaient aux normes environnementales. Le scandale Volkswagen est né médiatiquement. Pour l’opinion, c’est déjà l' »Affaire Volkswagen », le « diselgate ».

Par conséquent, l’expert en communication de crise Florian Silnicki indique que les consultants internes et externes à l’entreprise doivent anticiper tous les types de crises pouvant toucher un client ou employeur.

Otto Lerbinger (2012) est une autorité dans la catégorisation de crise. Dans un commentaire sur une typologie de crise proposée par Coombs – « catastrophe naturelle, acte de malveillance, pannes techniques, problèmes d’origine humaine, défis, mégadommages, délits commis par une entreprise, violence sur le lieu de travail, rumeurs » (2012, pages 17-18), Lerbinger explique qu’il préfère classer les crises en trois catégories :

  • les crises provoquées à l’environnement physique, par exemple les catastrophes naturelles comme les incendies de forêt et les catastrophes dues à des erreurs humaines comme les pannes de courant prolongées.
  • les crises liées au « contexte humain », y compris les délits et les incidents causés par les groupes de pression et partis politiques. Les conflits de travail se rangent dans cette catégorie. Lerbinger associe un « contexte humain » de plus en plus difficile avec les attentes croissantes et parfois irréalistes des consommateurs et des gens en général.
  • les crises pouvant être attribuées au management. La corruption en est l’exemple le plus extrême, mais la simple incompétence des cadres d’une entreprise est un phénomène beaucoup plus fréquent. L’incapacité à respecter les normes de santé et de sécurité ou les politiques anti-harcèlement ou anti-discrimination syndicale sur le lieu de travail sont autant de preuves d’incompétence. Un autre exemple pourrait être ce que Lerbinger (1997) a appelé la « crise qui couve ». C’est la « crise qui risque d’éclater », du fait d’une culture d’entreprise ou managériale malsaine, où certaines personnes souhaitent que leurs collègues, voire l’ensemble de l’organisation, échouent ou soient considérés comme incompétents. Ces personnes se délectent d’avance du malheur des autres parce qu’ils pensent, peut-être avec justesse, qu’on ignorerait leurs avertissements, voire que ceux-ci pourraient leur attirer des ennuis vis-à-vis de leurs supérieurs.

Imaginer des crises potentielles est un bon exercice, et vous pourrez en imaginer une qui n’apparaisse pas dans les livres sur le sujet, mais qui pourrait cependant concerner votre organisation. Il faut cependant bien être conscient qu’une fois qu’une crise survient, ce que vous devrez faire concrètement sera généralement à mille lieues de ce que vous aurez pu lire dans les livres.

L’agence de communication de crise LaFrenchCom a été impliquée dans la gestion de crise née suite à des décès et, dans un autre cas, après une vague d’inquiétude du public liée à l’amiante et à la santé de jeunes enfants. Les crises financières, industrielles ou liées à des licenciements sont tout aussi déchirantes lorsqu’elles concernent la situation économique de nombreuses familles. C’est la raison pour laquelle les professionnels de la communication de crise doivent faire preuve de beaucoup de sensibilité, d’empathie et de maturité. Leur travail se situe à la jonction des ressources humaines, de la psychothérapie, du droit et de l’encadrement d’une organisation. Une crise de communication ne doit pas être considérée comme un simple exercice de communication.

Audit de risque de crise

Une personne faisant l’audit des risques de communication ne devrait pas avoir à alerter sur des dangers évidents, des exemples criants de mauvaise gestion ou une potentielle crise qui couve. Les responsables à différents niveaux devraient déjà travailler avec leurs employés et tous ceux qui sont associés à l’organisation pour prévenir les accidents, améliorer la communication, garantir une ambiance de travail saine et un bon état des finances. Comme pour un audit de communication, un audit de risque de crise de RP commence par des recherches documentaires et l’examen de facteurs internes et externes pouvant révéler des points de vulnérabilité. L’audit interne passe notamment par l’examen des archives de l’entreprise et des conversations avec les employés. Les recherches externes se concentreront par exemple sur les médias généralistes et spécialisés (qui peuvent aussi permettre d’identifier les types de crises et controverses qui ont touché le secteur par le passé). Quels commentaires utiles ont formulés les journalistes, universitaires et associations professionnelles ? Puis, armé de ces informations, l’auditeur discute avec les responsables des différents départements pour savoir comment les personnes chargées des risques voient la situation. Que disent les responsables de la sécurité, le directeur financier et le directeur des ressources humaines ?

Le rapport devra définir et évaluer l’ampleur de l’impact sur la réputation qui pourrait découler des risques les plus probables, si ceux-ci dérapaient hors de contrôle. En évaluant le degré de probabilité qu’un scénario se produise, il sera plus facile de prévoir des formations, allouer les ressources et concevoir le plan d’intervention le plus adapté. L’audit pourra permettre d’évaluer le coût financier des différentes répercussions sur la réputation, notamment dans les cas où il aura été possible d’analyser des exemples d’autres organisations ou de la même organisation mais dans le passé.

Classer les menaces qui pèsent sur l’organisation

Il faut toujours répartir les ressources au mieux. Le rapport d’audit de risque de RP devra donc comporter une sorte de liste classant les risques des plus probables aux plus improbables, ainsi qu’en fonction de l’impact potentiel sur la perception du public. Ces variables, qui sont indépendantes les unes des autres, ont amené les experts à réaliser des graphiques où la probabilité d’un incident figure sur un axe et les conséquences sur la perception sont sur un autre axe (Macnamara, 2012, Fink et American Management Association, 1986). Un risque avec un haut niveau de probabilité mais un faible impact potentiel se situe dans une aire du graphique indiquant un faible besoin de ressources ou d’attention pour y faire face. Un incident risquant peu d’arriver, mais pouvant avoir de fortes répercussions, nécessitera de l’attention et des ressources, mais de manière modérée. Un incident probable et pouvant fortement nuire à une réputation devra faire l’objet de beaucoup d’attention et de préparation. L’auditeur de risque devra travailler avec les hauts responsables de l’entreprise et les experts du secteur pour correctement identifier le niveau de risque et d’impact sur la perception.

L’équipe de crise : la cellule de crise

Le directeur général d’une organisation sera probablement conscient de l’importance de répondre à une menace, une tragédie ou au contraire une opportunité affectant les milliers d’employés, investisseurs, consommateurs, clients, utilisateurs ou toute autre partie concernée. Il sera peut-être conscient du besoin d’obtenir des conseils juridiques, financiers ou en ressources humaines, ainsi que, à l’ère des réseaux sociaux, en matière de communication. Mais le PDG aura besoin qu’on l’aide à coordonner et structurer au mieux ces différents intervenants lors d’une situation de crise, où le temps est compté. Comment les responsables de l’organisation devront-ils travailler avec les personnes chargées en interne de la communication et les membres des agences avec lesquelles un contrat aura été passé pour l’occasion ? Lors d’une crise importante et prolongée, on pourra recommander à ces porte-paroles haut placés de ne se charger que des déclarations et des réponses les plus importantes. Lors d’une crise prolongée, il pourra être préférable de choisir pour représenter l’entreprise une personne expérimentée dans la communication et dont l’activité professionnelle à plein temps est précisément de répondre de manière adaptée à de nombreuses demandes et questions.

S’entrainer à la communication de crise

Tous les employés doivent savoir, et il faut le leur rappeler régulièrement si nécessaire, qu’ils doivent contacter immédiatement leur supérieur si quoi que ce soit de fâcheux survient, bien que bien sûr ils doivent d’abord appeler les secours si cela est nécessaire. Les responsables intermédiaires et le personnel chargé de la sécurité doivent savoir comment alerter les cadres dirigeants et ceux-ci doivent à leur tour savoir comment informer les services des Relations Publiques ou de la communication, quelle que soit l’heure du jour ou de la nuit. Un plan de communication de crise bien conçu comportera un planning de couverture sur 24 heures, soigneusement mis à jour. Une fois qu’une crise est manifeste ou déclarée, les membres les plus haut placés de l’équipe de communication de crise doivent mettre en place le plan d’action et réagir rapidement. Ils doivent décider s’ils peuvent se contenter de suivre l’évolution de la crise ou doivent faire une déclaration publique. À ce moment-là, le conseiller en communication doit présenter un projet de déclaration et des suggestions d’autres initiatives de communication. Même si ce projet de déclaration nécessite d’être révisé, les discussions qui s’ensuivront permettront de bien comprendre ce qu’il se passe et ce qui doit être annoncé publiquement et sans retard.

Ce n’est absolument pas le moment de former quelqu’un à affronter les caméras de télévision ou de concevoir des images ou supports pour un site web dédié à la crise. Il vaut mieux s’appuyer sur ce que les gens savent et maitrisent déjà sur ces sujets et suggérer ce qui devra être communiqué. Les formations antérieures devraient aussi avoir permis de souligner l’importance de la confidentialité, qui est cruciale dans une crise. La documentation sur l’utilisation des réseaux sociaux devrait déjà avoir alerté le personnel sur les implications financières ou juridiques de diffuser des informations non autorisées ou inconsidérées. 

Les locaux nécessaires à la gestion d’une crise

Les simulations pour l’entrainement à la gestion de crise par les acteurs internes et extérieurs à l’organisation devraient avoir lieu une à deux fois par an, en fonction de la fréquence de renouvellement des effectifs, des changements administratifs et du degré de risque associé aux activités de l’organisation. Toutes les personnes concernées devraient détenir un exemplaire papier et en version numérique de la marche à suivre en cas de crise, avec les coordonnées en annexe.

Les spécialistes de la communication doivent maitriser les réseaux sociaux et avoir un contrat avec un fournisseur d’outil de suivi de réseaux sociaux. Ils doivent aussi réfléchir au coût, aux avantages et à la possibilité ou non d’acheter les noms de domaine négatifs comme www.ihatestarbucks.com (« jedétesteStarbucks.com »), Norton, 2013, p. 163). Certains objecteront qu’acheter des noms de domaine péjoratifs ressemble fortement à des manœuvres d’entreprises malhonnêtes, ce que Chris Norton déconseille par ailleurs (Norton, 2013, p. 163). Il faut se méfier des mesures consistant à manipuler l’optimisation pour les moteurs de recherche (le SEO ou « Search engine optimisation ») pour diriger les recherches, qui auraient autrement été dirigées vers des sites Internet de protestation ou de satire, vers le site Internet de l’entreprise. Au lieu de cela, les organisations devraient utiliser Internet de manière franche et directe, en complétant leurs efforts d’un site Web de secours.

La plupart des organisations disposent déjà d’un site Internet doté d’un espace actualités, qui peut servir de première étape pour obtenir des informations sur une crise. Le site Web doit être conçu en tenant compte de la SEO, pour qu’il soit bien placé dans les résultats lorsque les Internautes font des recherches sur l’entreprise et son domaine ou secteur d’activité. On pourra envisager les référencements payants pour les principaux moteurs de recherche. Le site Internet pourra avoir déjà tissé des liens avec des membres du public que l’organisation aura maintenant désespérément besoin de toucher par le biais de blogues et de fils Twitter. Il pourra y avoir un lien vers une page dédiée sur Facebook. Ces pages sur les réseaux sociaux devraient régulièrement diffuser des informations intéressantes pour retenir l’attention des journalistes et influenceurs. Cependant, si la crise devient un phénomène nécessitant plus que la salle de presse numérique et les fils Twitter déjà existants, il faudra créer un site Internet dédié et publier des liens dirigeant vers celui-ci à partir du site de l’entreprise.

Le site dédié à la crise devra être situé sur un « dark site » – une partie séparée et invisible d’un site Internet créé pour répondre à des situations de crise. Préparé de longue date, il n’est activé qu’en cas d’urgence. C’était le cas du site suivant préparé par Ferrerro dont on voit ci-dessous qu’il est différent de celui du site corporate classique du groupe italien.

http://prod2.ferrero.fr/fc-2704/

Le dark site doit être maintenu à jour avec des informations récentes et exactes, dont tout journaliste ou blogueur pourrait vouloir disposer en cas de crise. Il devra inclure de brèves présentations des produits et services de l’organisation, l’état de ses finances, ses dirigeants, son importance pour l’économie ou l’ensemble de la population, ses politiques et activités de responsabilité sociale. Il devra clairement indiquer qui sont les interlocuteurs en cas de crise ainsi que leurs coordonnées. Les autres pages comporteront des espaces où de nouvelles informations sur la crise, comme des textes, images et vidéos – par exemple un message direct de PDG – pourront être publiées et mises à jour rapidement. Une première vidéo et un texte de déclaration préliminaire répondant aux questions les plus urgentes seront réalisés et publiés juste avant que cette partie du site Internet soit activée.

S’il est possible et approprié de le faire, des photos et vidéos de la crise seront publiées sur le dark site, ce qui pourra contribuer à réduire les intrusions de photographes et équipes de télévision. Des photos à jour des dirigeants, produits et bâtiments de l’organisation pourront aussi être mises à disposition pour éviter que les médias utilisent des photos de produits supprimés ou avec un packaging ayant été remplacé depuis. Des spécialistes de la conception de supports numériques devront être disponibles pour s’assurer que le site Internet est mis à jour constamment et qu’il ne rencontre pas de problème technique afin d’éviter ce genre de retombées médiatiques :

En effet, en cas de crise extrême, le volume du trafic sur le site Internet sera probablement très important et l’organisation devra alors s’assurer que le site Web pourra y faire face. En matière de communication de crise, il n’y a rien de pire qu’un site ne fonctionnant plus parce qu’une organisation n’aura pas correctement anticipé l’intérêt suscité. Si un élément de la crise est si choquant, inhabituel ou intéressant qu’il attire l’attention du monde entier, un site Internet avec de faibles capacités pourra cesser de fonctionner précisément au moment où il sera essentiel qu’il soit accessible pour permettre à l’organisation de communiquer son point de vue.

Le dark site est une partie séparée et invisible d’un site Internet d’une organisation créé pour répondre à des situations de crise. Le dark site est régulièrement mis à jour mais ne sera activé et accessible qu’en cas de crise.

Même lors d’une crise importante, les journalistes et les blogueurs indépendants communiqueront généralement surtout par téléphone ou e-mails. Il faudra néanmoins disposer d’un lieu dans une grande ville et facilement accessible pour l’équipe de communication, pour des conférences de presse. Un ou deux dirigeants ou experts bien briefés – peut-être le PDG et un directeur opérationnel ou le PDG et le spécialiste d’un produit – pourront raconter toute l’histoire ou présenter les dernières actualités de manière concise et exacte en une seule fois à plusieurs médias. Des conférences de presse dans une grande ville, facilement accessible pour les médias, pourront contribuer à un retour à la normale.