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La communication de crise de Marks & Spencer face aux licenciements

plan social

La communication de crise face au délit d’entrave

La gestion de la communication autour des plans sociaux est aussi règlementée que sensible. Communiquer sur des licenciements ne s’improvise pas.

Marks & Spencer se déclarait sûr de son bon droit. Accusée de délit d’entrave, la direction du groupe britannique assurait avoir respecté le droit français du travail. Les syndicats de l’entreprise multipliaient les attaques en justice et exigaient d’être reçus sous huit jours par Matignon.

Un comité de groupe européen se tenait alors à Londres en urgence afin que la cellule de crise puisse mettre en place un plan de gestion de crise.

La direction britannique de Marks & Spencer, groupe alors présidé par Luc Vandevelde, qui passa une partie de sa carrière en France chez Promodès et n’était donc pas ignorant de la réglementation sociale française, s’était déclarée « convaincue » qu’elle s’était conformée aux réglementations en vigueur en annonçant la fermeture des tous les magasins de l’enseigne dans l’Hexagone et le licenciement de ses 1.700 salariés français.

« Nous avons fait tous les efforts pour communiquer avec nos employés personnellement », ajoutait le communiqué de presse qui assurait que les « représentants de la direction au comité central d’entreprise à Paris ont été informés personnellement ». Mais si, chronologiquement, les salariés avaient bien appris la décision avant la Bourse et les marchés, le calendrier précis de l’opération en dit toutefois long sur la méthode employée.

Selon les derniers éléments qui permettent de retracer au plus près la gestion de la communication de crise, c’est le jeudi matin, à 7 h 50, que les représentants français du comité central européen avaient été informés du retrait du sol français de l’enseigne Marks & Spencer, par une direction elle même avertie la vieille au soir. Et c’est à 7 h 55 que les membres du comité central d’établissement avaient appris à leur tour la nouvelle. Restait à savoir si ces cinq ou dix minutes réglementaires suffisaient à prouver le respect de la procédure sociale.

Bataille judiciaire autour de la communication du plan social

A la direction générale de Marks & Spencer, on reconnaissait que la situation était « délicate », soulignant que la réglementation boursière britannique impose aux sociétés cotées d’informer en priorité leurs actionnaires de toute décision stratégique. Pour leur part, les sept syndicats français de la chaîne britannique (CGT, Sycopa, FO, CFDT, CFTC, CGC et CSL) avaient demandé hier à être reçus sous « huit jours » par Lionel Jospin et Elisabeth Guigou afin de leur exposer la situation sociale écornant au passage la réputation de l’enseigne.

En attendant, Sycopa (Syndicat du commerce parisien) appela à la grève l’ensemble des salariés, et les syndicats CGT et FO engagèrent des recours auprès du tribunal de grande instance de Paris, pour demander la suspension des procédures de fermeture des magasins en France et la consultation des institutions représentatives du personnel.

Les recours étaient alors engagés dans le cadre d’un référé « d’heure à heure » ce qui veut dire qu’en cas de décision favorable aux syndicats, Marks & Spencer serait soumis à une astreinte toutes les heures jusqu’à l’application. Revenant à la charge, FO affirmait que les comités d’établissements des magasins concernés « n’ont pas été prévenus en bonne et due forme des fermetures » et qu’aucun document ne leur a été remis.

Si un délit d’entrave était constaté la sanction maximale serait d’un an de prison et une amende pour les responsables de la chaîne britannique. Mais une telle décision de justice ne saurait remettre en cause les suppressions d’emplois. Sachant que le mandataire social de la filiale française, Clive Nickolds, est lui-même… un Anglais basé à Londres. Clive Nickolds succéda à Jean-Marc Genis, parti en retraite, au poste de PDG de Marks & Spencer France, Belgique, Luxembourg. Il ajouta ce titre à sa fonction de « Divisional director » pour l’Europe.

C’est finalement l’ancien PDG de Marks et Spencer, Luc Vandevelde, devenu, entre temps, président du conseil de surveillance du groupe Carrefour, qui a été condamné par la Cour d’appel de Paris à une amende de 3.750 euros, pour délit d’entrave au fonctionnement du comité d’entreprise du distributeur britannique, lors de l’annonce de la fermeture des magasins français en mars 2001.

Qui est Luc Vandevelde ?

Après avoir enchaîné les fonctions de direction chez Kraft, Promodès, Carrefour et Marks & Spencer, ce belge fut président de Carrefour de 2004 à 2007.