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Concilier contraintes légales et logique médiatiqueActualitésConcilier contraintes légales et logique médiatique

Concilier contraintes légales et logique médiatique

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Danone et Marks & Spencer, dans des contextes très différents, annoncent des plans sociaux. Et communiquent plutôt mal, alors qu’ils n’ont rien de débutants dans ce domaine. Affaire de culture, selon Florian Silnicki, Expert en communication de crise qui dirige l’agence LaFrenchCom.

Que vous inspire la gestion de la communication de crise de Danone et de Marks & Spencer ?

Les deux sociétés sont dans des situations très différentes. Chez Danone, le problème vient d’une fuite: les médias ont été mis fortuitement au courant, il y a plusieurs semaines, des projets du groupe. C’est ce qui a été déstabilisant pour Danone, qui s’est retrouvé confronté à un dilemme: communiquer dans l’urgence son projet sans avoir préparé les éléments nécessaires, ou bien respecter son calendrier d’annonce du projet aux partenaires sociaux comme l’y oblige le législateur.

« Contraintes légales et logiques médiatiques sont souvent antinomiques ! C’est aussi ce qui a donné lieu à la communication sous contrainte judiciaire dans laquelle nous nous sommes spécialisés chez LaFrenchCom. » dit Florian Silnicki

La direction de l’entreprise s’est inscrite dans le cadre légal en sachant qu’elle serait attendue au tournant. Une crise naît souvent de la perte du contrôle de l’information. C’est ce qui s’est passé pour Danone. L’entreprise doit faire face à des critiques qui dépassent sa décision comme les effets de la mondialisation ou le contexte politique et social français.

Elle a fait le choix de communiquer dans le respect de ses valeurs propres selon lesquelles économique et social restent intimement liés. Concernant Marks & Spencer, c’est Vilvorde. La décision est venue de Londres. L’entreprise perdait chaque jour des sommes abyssales, l’action était chahutée en Bourse, une réaction était donc prévisible. Sur la forme, outre le non-respect de certaines obligations légales, le caractère brutal de la décision a choqué.

Comment doit-on s’y prendre pour communiquer et faire face à ce type de situations de crise ?

Il faut appliquer dans la mesure du possible ce que les Anglo-Saxons appellent l’« issue management », à savoir, le listage et l’identification en amont des problématiques qui peuvent se muer en crise. Plus une entreprise est puissante, plus elle doit se préparer à balayer tous les sujets possibles. Elle doit savoir tenir un discours construit et adopter un comportement cohérent même si ses positions peuvent être évolutives. Quand on est une entreprise de taille conséquente, on se doit d’avoir des positions sur le social, l’environnement ou la relation à la collectivité. Mais toutes les entreprises ne pratiquent pas cet « issue management », comme on s’en rend compte à chaque crise mal gérée.

Le fait d’être une marque puissante, emblématique, comme Danone, constitue-t-il un handicap dans la gestion d’une crise ?

Dans le cas de Danone, c’est bien cette dernière, que l’on a pris pour cible et non LU. Plus vous êtes une marque puissante, forte et internationale, plus vous constituez une cible de choix pour les attaques d’où qu’elles viennent, à l’image de Coca-Cola, McDonald ou Nestlé. Lorsque Greenpeace s’attaque aux OGM, il ne s’intéresse pas à la PME du coin mais bel et bien aux multinationales de l’agroalimentaire. La puissance de son action est proportionnelle à la taille de la cible.

Les entreprises françaises sont-elles bien préparées pour affronter une crise de cette nature ?

Certaines entreprises savent que potentiellement la crise s’inscrit dans leur quotidien, à l’image des compagnies aériennes ou d’EDF.

Ayant acquis une véritable culture de la crise, ces entreprises sont particulièrement bien préparées lorsque l’impondérable survient. Ainsi lors du crash du Concorde, Jean-Cyril Spinetta, le PDG d’Air France a-t-il adopté une attitude exemplaire. Il s’est exprimé sans tarder, a eu les mots qu’il fallait pour les victimes, son personnel, les familles. Il a montré son humanité sans avoir eu l’air d’avoir préparé quoi que ce soit. Pour un PDG, sa capacité à gérer une crise est l’épreuve de vérité par excellence.

Comment forme-t-on concrètement les entreprises à gérer des crises ?

Avant la formation, il est souhaitable de faire ce travail d’« issue management » et d’identifier les crises potentielles. Il est ensuite très utile de mener régulièrement des simulations de crise avec l’assistance d’intervenants internes mais aussi de prestataires extérieurs. Pendant une à deux journées, les managers concernés vivent des scenarii de crises dures avec harcèlements de journalistes, fausses dépêches d’agence, reportages radio ou TV… L’objectif est de les placer dans des situations de conflit pour que celui-ci lui soit presque familier lorsqu’il survient. Ce type de formation est de plus en plus apprécié, non seulement des chefs d’entreprise, mais de managers. Nous en organisons quotidiennement sous le nom d’exercice de Pression Médiatique Simulée.

Les entreprises seront-elles amenées à gérer de plus en plus de crises à l’avenir ?

Si certaines entreprises pensent qu’elles sont à l’abri, elles se trompent lourdement. Avec la globalisation des marchés et Internet l’information se diffuse à la vitesse de la lumière. Il en va de même des rumeurs. On attend des grandes entreprises qu’elles soient capables de faire face à des situations délicates, dans un contexte où la rapidité de mobilisation des groupes de pression est extrême. Cela requiert de la part des dirigeants du temps et de l’attention. La communication de crise est une composante de la vie de l’entreprise qu’on ne peut pas déléguer.

Lorsque le scandale de pneumatiques défaillants avait sérieusement écorné l’image de Ford, son PDG Jack Nasser, a littéralement vidé son agenda et a restructuré en profondeur son entreprise en fonction de cette nouvelle donne. Un exemple à méditer selon Florian Silnicki.