Astreinte de crise 24h/24 7j/7

10 vérités sur les crises : conseils, exemples

« Le mot « crise » en chinois est composé de deux caractères – l’un représente le danger, l’autre symbolise l’opportunité. »
John Fitzgerald Kennedy

D’ABORD, QU’EST-CE QU’UNE CRISE ?

Dans ce billet, vous allez découvrir 10 vérités qui déterminent généralement l’impact d’une crise. Commençons par définir ce qu’est une crise. Une crise est un évènement, causé par un incident spécifique, qui attire l’attention des médias de manière néfaste et dure un certain laps de temps.

Une crise peut être différente d’une simple mauvaise presse. Par exemple, un établissement public culturel ou sportif qui annonce de nouveaux frais impopulaires pourra rencontrer de mauvais échos dans les médias mais cela n’aboutira probablement pas à une crise. Mais si un établissement public culturel ou sportif est obligé d’augmenter certains frais des suites d’une mauvaise gestion financière, cela provoquera probablement une crise.

Les différents types de crises

Les crises peuvent généralement être classées dans huit catégories, dont certaines peuvent se recouper, en fonction de la situation :

  1. Les catastrophes naturelles : évènements dus à la météo, comme des ouragans, des tornades, des incendies, des inondations ou une sècheresse
  2. Les catastrophes non naturelles : accidents intentionnels ou non, comme des accidents industriels, des crashs d’avions, des violences sur le lieu de travail ou des attaques terroristes
  3. Les crises liées à des produits : produits défectueux ou dangereux, rappels de produit
  4. Les crises politiques : positions politiques impopulaires ou controversées, changements de politiques, procédures, frais
  5. Les crises liées à des procédures : incapacité à livrer la marchandise promise, service clients incompétent, délais de livraison excessifs
  6. Les crises liées au personnel : licenciements, harcèlement sexuel, discrimination, pratiques de travail illégales
  7. Les crises personnelles : relations extra-maritales, conflits d’intérêts, prises de décision ou comportements douteux
  8. Les actes répréhensibles : violations de la loi, comme les détournements de fonds ou les informations financières mensongères

Ces huit catégories révèlent un point important : la vaste majorité des crises sont prévisibles, ce qui signifie qu’elles peuvent (et doivent) être anticipées. Bien que le nombre d’éléments qui peuvent mal tourner est sans limites, le nombre de types d’éléments qui peuvent mal tourner est, lui, limité.

Si vous n’avez jamais fait d’évaluation de risque, vous pouvez commencer par lister les cinq crises qui seraient à la fois les plus probables et les plus néfastes pour votre réputation.

En guise d’exemples, voici quelques crises potentielles identifiées par certains de nos clients comme les scénarios les plus probables :

  • Une entreprise de transport routier a anticipé le risque que l’un de leurs conducteurs en état d’ébriété percute un bus scolaire avec son camion.
  • Un labo pharmaceutique s’est préparé à la possibilité qu’une grosse tempête de neige l’empêche d’expédier des échantillons à tester dans un délai précis.
  • Une entreprise du secteur de l’énergie a prévu que le salaire de son PDG pouvait attirer la fureur des médias et du public après l’annonce d’une hausse à deux chiffres des tarifs.
  • Un organisme gouvernemental a anticipé que le public serait potentiellement furieux de découvrir un changement controversé (mais nécessaire) des règles concernant les voyages à l’étranger.

VÉRITÉ NUMÉRO 1 : VOUS ALLEZ COMMENCER PAR SOUFFRIR

L’investisseur reconnu Warren Buffet a déclaré un jour que :

« Il faut 20 ans pour bâtir une réputation et 5 minutes pour l’anéantir ».

Florian Silnicki, expert en communication de crise ajoute qu’une crise en elle-même ne provoque pas nécessairement de dégâts – c’est sa gestion qui peut en décider.

En effet, vous avez sûrement remarqué que certaines crises ne durent pas alors que d’autres s’éternisent pendant des mois, font tomber des cadres dirigeants, détruisent la valeur des actions et réduisent à néant l’image autrefois respectée d’une marque.

Une crise correctement gérée, en revanche, peut constituer une opportunité pour une marque de démontrer ses compétences et améliorer son image. Il y a quelques années, une étude publiée par l’université d’Oxford intitulée The Impact of Catastrophes on Shareholder Value (« L’impact des catastrophes sur la valeur des actions », non traduite en français) a révélé que des entreprises qui avaient bien géré une crise voyait leurs actions gagner en valeur deux mois seulement après la catastrophe.

Les auteurs, Rory F. Knight et Deborah J. Pretty, expliquent :

« Pourquoi certaines catastrophes aboutissent-elles à une hausse de la valeur des actions ? Une des explications, selon nos recherches, est qu’il y a deux dimensions d’un impact catastrophique. La première est l’estimation immédiate de la perte économique consécutive à la catastrophe. La seconde dépend de la capacité de l’équipe dirigeante à gérer l’après-catastrophe. Bien que toutes les catastrophes aient un impact négatif au début, paradoxalement elles offrent une chance à l’équipe dirigeante de montrer ses capacités à gérer des circonstances difficiles. »

Leur étude a conclu que les entreprises en crises souffrent – du moins au début – mais que celles qui gèrent bien une crise peuvent éviter de subir des dégâts irréparables sur le long terme.

LES QUATRE ÉTAPES D’UNE CRISE :

Jane Jordan-Meier, auteure de The Four Stages of Highly Effective Crisis Management, affirme que la plupart des crises se déroulent suivant quatre phases prévisibles :

  • Première étape : la crise émerge et fait l’actualité, le public se demande « qu’est-ce qu’il s’est passé ? »
  • Deuxième étape : étape cruciale où la réputation se forme, en bien ou en mal, où les médias se concentrent sur les victimes et la gestion de la crise
  • Troisième étape : qui est à blâmer. En ayant tout fait dans les règles de l’art lors de la deuxième étape, l’entreprise peut grandement minimiser la durée et l’ampleur de cette étape.
  • Quatrième étape : résolution. C’est la fin de la crise. Il y a une forme de résolution. Cela peut être un enterrement, une enquête publique ou une audience parlementaire.

Dans de nombreux cas, l’entreprise a le pouvoir de contenir des crises et de les empêcher de peser sur ses marques. 

VÉRITÉ NUMÉRO 2 : VOUS ENDOSSEREZ LE RÔLE DU GENTIL OU DU MÉCHANT

« Il n’y a que deux ou trois histoires humaines et elles se répètent férocement encore et encore comme si elles n’avaient jamais eu lieu. »

Willa Cather, écrivain

Lorsqu’une crise survient, les médias distribuent les rôles presque immédiatement.

Les médias n’accordent que deux types de rôles : les bons et les méchants. Cela est dû au fait que les reportages dans les médias simplifient les histoires pour n’en garder que les côtés les plus basiques, et les personnalités sont elles aussi simplifiées à l’extrême.

Les actions entreprises au début d’une crise décideront du rôle qui vous sera attribué par les médias. Si votre réaction est parfaitement adaptée dès le début, vous avez bien plus de chance d’être vu comme le gentil, ou en tout cas pas pour le méchant.

Les médias veulent savoir si vous comprenez l’importance et l’urgence de la situation, que vous comprenez ce dont on vous accuse et l’ampleur du problème et que vous êtes en mesure de gérer la crise avec succès.

Mais si votre ton n’est pas adapté, si vous semblez sur la défensive, méprisant ou insensible, les médias vous présenteront comme le méchant. Et une fois que les médias vous auront attribué ce rôle, il sera très difficile de les convaincre de vous donner le rôle du héros.

Voici deux bonnes nouvelles, aussi décourageantes qu’elles puissent sembler :

  1. La plupart des crises sont (du moins en partie) prévisibles : cela implique que vous pouvez vous entrainer et préparer votre réaction bien avant qu’une crise ait lieu (vous en apprendrez plus sur la préparation aux crises dans les billets précédents).
  2. La manière dont les médias parlent des crises est aussi prévisible : cela signifie que vous pouvez anticiper, avec plus ou moins de certitude, comment les médias vont évaluer votre gestion de la crise.

ÉTUDE DE CAS : JETBLUE EST CLOUÉ AU SOL

En février 2007, les vols de la compagnie Jet Blue ont été cloués au sol à l’aéroport de New York après qu’une tempête de neige ait touché la région. Un avion plein est resté 11 heures sur la piste sans disposer d’assez d’eau ou de nourriture. Les passagers pouvaient voir la porte de débarquement à quelques mètres mais n’avaient pas le droit de sortir. Des clients en colère ont téléchargé une vidéo sur YouTube décrivant les toilettes nauséabondes et la chaleur étouffante, provoquant ainsi un cauchemar de relations publiques pour l’entreprise.

Le PDG David Neeleman a accordé plusieurs interviews dans les jours qui ont suivi et s’est excusé abondamment sur ce qu’avaient vécu les passagers. Mieux encore, il a rapidement publié une « Déclaration des droits des passagers » (applicable rétroactivement), qui garantissait des compensations à quiconque rencontrait des problèmes similaires à l’avenir. David Neeleman a été perçu comme « le gentil » par les médias. La couverture médiatique a même tourné en sa faveur, avec un concert de louanges sur sa gestion de la crise. La crise a eu très peu d’impact à court terme sur la compagnie aérienne.

En plus de votre réaction initiale à la crise, qui vous êtes ou ce que vous représentez jouera un rôle déterminant dans la manière dont vous serez perçu. Les médias adorent les histoires du type David contre Goliath. Si vous êtes la partie la plus fragile, la plus sans défense, se battant contre une structure de pouvoir, au mépris de tous les risques, vous serez probablement considéré comme un David héroïque.

Mais si vous travaillez pour une grande entreprise, une agence gouvernementale bureaucratique ou une banque multinationale, vous serez plus probablement assimilé à Goliath. Ne vous désespérez pas, même les grosses institutions triomphent souvent lors des crises médiatiques. Mais elles doivent tout faire correctement dès le début pour éviter d’être présentées comme les méchants.

VÉRITÉ NUMÉRO 3 : VOUS DEVEZ COMMUNIQUER IMMÉDIATEMENT

Quand une crise survient et que les journalistes viennent sonner à votre porte, vous devez communiquer tout de suite. Cela implique généralement de faire une déclaration publique dans l’heure qui suit. Si vous présentez vous-même les informations concernant votre entreprise, les journalistes vous considèreront comme une des principales sources d’informations vers laquelle se tourner.

Si vous ne prenez pas la parole, d’autres le feront. Les journalistes doivent réaliser un sujet, avec ou sans votre coopération, et ils n’auront pas d’autre choix que de faire appel à d’autres sources si vous ne leur fournissez pas les informations dont ils ont besoin. Ils pourront alors se renseigner auprès d’un ancien employé détenant des informations erronées, un détracteur qui alerte sur les risques de ce désastre depuis des années ou un concurrent enchanté de bénéficier de votre infortune.

Ces sources extérieures sont souvent inexactes, mais si vous n’êtes pas disponible pour fournir des informations vous concernant, ces informations peuvent – et seront souvent – acceptées comme « les faits ».

Cette dynamique est encore plus vraie à l’ère de twitter, où n’importe quelle personne munie d’un smartphone peut twitter une fausse allégation à des milliers de personnes en une nanoseconde et en un seul clic. Si vous ne présentez pas vous-même les informations vous concernant, vous renoncez volontairement à une opportunité unique de réfuter de fausses informations pour les remplacer par la vérité.

De plus, les journalistes ont tendance à se ranger du côté de ceux qui leur accordent des interviews, donc vous devriez leur parler immédiatement. L’absence de réaction, elle, est souvent perçue par les médias et le grand public comme un signe de culpabilité. Cela peut sembler injuste, mais nous avons tendance à croire les gens qui se montrent et s’expriment, et à avoir une piètre opinion de ceux qui refusent de quitter leur bureau. Communiquer tôt donnera une impression d’ouverture et d’intention réelle de résoudre le problème. Se refermer sur vous-même donnera l’impression inverse.

ÉTUDE DE CAS : LA MARÉE NOIRE DE L’EXXON VALDEZ

L’un des exemples les plus connus de très mauvaise gestion d’une crise a eu lieu en 1989, lorsque le navire pétrolier Exxon Valdez s’est échoué en Alaska, au détroit du Prince William. L’énorme bateau a déversé plus de 40 000 tonnes de pétrole brut dans les eaux américaines, provoquant la pire marée noire de toute l’histoire des États-Unis.

La marée noire était déjà un problème suffisant mais le PDG d’Exxon, Lawrence Rawl, a empiré les choses, en échouant à représenter son entreprise dans cette affaire. Il a refusé de faire une déclaration publique pendant près d’une semaine. Pire encore, il a attendu trois semaines avant de se rendre sur les lieux de l’accident.

L’incapacité de Lawrence Rawl à réagir rapidement a amené les médias à conclure qu’il ne prenait pas suffisamment la crise au sérieux et ne faisait pas réellement en sorte de résoudre le problème. Plusieurs dizaines d’années après, Exxon est toujours considérée par l’opinion publique comme une entreprise ne respectant pas les lois. C’est dire si une gestion de crise inadéquate peut impacter votre réputation !

Vous disposerez rarement de tous les faits au début d’une crise. Cela ne doit pas vous empêcher de communiquer rapidement. Vous pouvez commencer par une déclaration expliquant ce que vous savez de l’incident, les recherches que vous menez pour en savoir plus, et vos intentions d’informer la presse dès que vous en saurez plus.

Voici un exemple de communiqué de presse en situation de crise :

« À environ 16h05, heure locale, une grosse citerne a explosé dans nos locaux. Les pompiers sont sur les lieux et l’incendie n’est pas encore éteint. Malheureusement, certains de nos employés sont blessés et quelques-uns ont été transportés vers un hôpital local. Nous ne savons pas encore combien de personnes sont blessées ni la gravité de leurs blessures. Rien ne compte davantage pour nous que le bien-être de notre personnel et nous faisons tout notre possible pour nous assurer qu’ils reçoivent les soins dont ils ont besoin. Je vous tiendrai au courant dès que j’en saurai plus, d’ici une heure j’espère. »

VÉRITÉ NUMÉRO 4 : LES MÉDIAS SE RANGERONT DU CÔTÉ DES VICTIMES

Lorsque les médias distribuent les rôles au début d’une crise, les voix des victimes priment sur toutes les autres – ou bien celles des victimes perçues, quand une entreprise est accusée de n’avoir pas fait quelque chose.

Examinons ces exemples :

  • Quand Toyota a été accusée de fabriquer des véhicules qui accéléraient pour atteindre des vitesses terrifiantes sans prévenir, les articles les plus marquants étaient basés sur l’interview de conducteurs inquiets pour la sécurité de leur famille.
  • Lorsque les banques ont été violemment critiquées pour avoir accordé des prêts immobiliers inadaptés dans l’affaire des subprimes, les récits les plus dramatiques sont venus d’Américains ordinaires qui luttaient pour rembourser leurs dettes gigantesques.
  • Lorsque le gouvernement américain a été accusé de mal gérer la situation après le passage de l’ouragan Katrina à la Nouvelle-Orléans en 2005, les récits les plus touchants provenaient des survivants qui avaient perdu des membres de leur famille, leur maison, leur gagne-pain.

Les gens s’identifient automatiquement aux personnes qui ont été blessées par d’autres, et notamment par un gros groupe. C’est particulièrement vrai lorsque les victimes sont des personnes ordinaires car nous avons tendance à nous mettre à leur place quand nous lisons, entendons ou regardons leur histoire.

Comme vous pouvez l’imaginer, il est difficile pour des entreprises d’attirer autant la sympathie que des victimes individuelles. Mais ce n’est pas impossible. La meilleure manière de gagner les bonnes grâces du public est de traiter les victimes avec une véritable compassion.

Gérer l’indignation du public

LE PUBLIC BASERA UNE GRANDE PARTIE DE SON OPINION DE VOUS SUR LA MANIÈRE DONT VOUS TRAITEREZ LES VICTIMES (OU VICTIMES PERÇUES) PENDANT UNE CRISE.

Cela peut sembler évident, mais les entités confrontées à des crises ont tendance à accorder trop d’importance aux faits, surtout si les faits prouvent leur innocence. Ils oublient que les faits seuls ne suffisent généralement pas dans une crise. Si les faits sont exacts mais que le ton n’est pas adapté, le public va probablement vous percevoir comme sans cœur et incapable.

ÉTUDE DE CAS : LA RÉACTION D’UN HÔPITAL MONTRANT PEU DE COMPASSION ENVERS DES VICTIMES

Daniel Blejer, un scientifique de Virginie, est mort en 2005 de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ), des troubles neurologiques évoluant rapidement et pouvant causer la démence en l’espace de quelques semaines ou mois. Il avait peut-être contracté la maladie au contact de forceps chirurgicaux mal désinfectés. Selon le Washington Post, « les méthodes de stérilisation n’éradiquent pas toujours l’agent infectieux des instruments chirurgicaux contaminés avec la MCJ parce que ce n’est pas une bactérie ou un virus courant ».

Le Post a rencontré le chef du service de chirurgie neurologique à l’hôpital de Seattle’s Harborview Medical Center, qui avait exposé jusqu’à 12 patients (mais pas Daniel Blejer) à une maladie similaire. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi l’hôpital n’utilisait pas de nouveaux forceps plutôt que de les stériliser, il a fait remarquer que de nouveaux forceps coûtaient 800 $ chacun et a ajouté :

« Cela représente beaucoup d’argent. Il faut faire une analyse coût-bénéfice. »

Le docteur semblait vouloir dire que la sécurité de ses patients ne méritait pas qu’on investisse 800 $. Cette froide réponse était inutile, notamment parce que l’hôpital avait modifié sa politique et décidé d’utiliser chaque instrument une seule fois à l’avenir.

Une réponse faisant preuve de davantage de compassion aurait été de dire quelque chose comme :

« Rien n’est plus important que la sécurité de nos patients. C’est pourquoi nous avons modifié notre politique : nous n’utiliserons ces instruments qu’une seule fois à partir de maintenant. Nos patients le méritent. »

VÉRITÉ NUMÉRO 5 : LE PORTE-PAROLE QUE VOUS CHOISISSEZ EN DIT LONG

Bien que ce billet s’attache à vous apprendre comment devenir un meilleur porte-parole, il pourra y avoir des cas où vous devrez choisir quelqu’un d’autre pour communiquer pendant une crise. En effet, la personne que vous choisissez comme porte-parole en dit long sur vous.

Si vous choisissez quelqu’un de trop haut placé dans la hiérarchie, le public pourra en conclure que la crise est plus importante qu’il ne l’avait initialement cru. Si en revanche vous faites appel à quelqu’un de trop bas dans la hiérarchie, le public pensera que vous ne prenez pas la crise au sérieux. Quand vous devez prendre une telle décision, Florian Silnicki, expert en communication vous recommande de viser trop haut plutôt que trop bas.

Mais cela ne signifie pas nécessairement de commencer par le PDG. LaFrenchCom recommande à ses clients de ne pas commencer tout de suite par la personne la plus haut placée. De cette manière, le PDG peut prendre le relai si le porte-parole initialement appointé ne fait pas l’affaire. Si vous commencez avec le PDG et qu’il ou elle ne s’en tire pas bien, vous n’avez personne d’autre à envoyer et vous pourriez être obligé de choisir un porte-parole plus bas dans la hiérarchie.

C’est un excellent conseil pour la plupart des crises, cependant les évènements importants, qui peuvent faire ou défaire une réputation, comme des marées noires, des accidents avec de nombreux blessés, des scandales politiques, pourront exiger de faire appel au PDG en tant que porte-parole dès le début. La taille ou l’ampleur d’une crise vous aidera à choisir le bon porte-parole. En général, plus la crise est importante, plus le porte-parole doit avoir une fonction élevée.

Nous vous recommandons d’adopter une double approche pour certaines crises majeures, mêlant un cadre dirigeant et un expert technique. Même si le PDG peut mal connaitre les détails, sa présence envoie deux messages importants : « C’est important et je suis impliqué(e). » Le directeur des opérations et/ou le personnel technique important doivent aussi être là pour répondre aux questions techniques. »

Cette approche des « multiples porte-paroles » a un autre avantage : elle permet de faire appel à différents porte-paroles pour différents médias. Vous pourrez utiliser un expert technique calé mais sans charisme pour les entretiens écrits et un porte-parole moins expert mais avec davantage de charisme pour les interviews diffusées à la télévision ou à la radio.

Utilisez un organigramme pour vous aider à choisir le bon porte-parole, mais assurez-vous également que la personne sera capable de faire preuve de toute la compassion et l’humanité exigées par la crise. Jane Jordan-Meier s’appuie sur un test qu’elle appelle le « principe de la tête et du cœur » pour choisir le bon porte-parole. Selon elle, le bon porte-parole doit éviter la dissonance cognitive, c’est-à-dire prononcer les bonnes paroles de la mauvaise manière. Les porte-paroles doivent être en mesure d’utiliser leur tête et leur cœur de manière conjointe, et « doivent être totalement crédibles quand ils expriment leurs inquiétudes ».

Dans son livre Damage Control (« Limiter les dégâts », non traduit en français), l’expert en communication de crise Eric Dezenhall dit que trop d’entreprises sous-estiment l’importance de sélectionner le bon porte-parole :

« La plupart des entreprises confrontées à une crise consacrent beaucoup trop d’attention à la stratégie et pas assez aux personnes importantes… Si vous avez le choix entre un plan bien réfléchi ou un bon leader, choisissez le bon leader, parce que les gens séparent rarement l’évènement des personnalités qui l’ont dominé. »

Enfin, il faut noter que pour les crises limitées à une durée et un endroit précis, les médias pourront ne pas vouloir parler à un cadre dirigeant. Dans ces cas-là, les journalistes préfèrent généralement avoir affaire aux personnes sur le terrain. Si une explosion a lieu dans une usine de Toulouse, les médias voudront probablement parler au responsable du site, pas aux cadres travaillant au siège de Paris.

VÉRITÉ NUMÉRO 6 : VOTRE RÉCEPTIONNISTE DOIT FAIRE DU MÉDIA-TRAINING

Si un journaliste vous appelle et vous demande de faire un commentaire sur une crise qui vient juste de survenir et dont vous n’avez pas encore été informé, vous n’avez pas à lui répondre immédiatement. Dites au journaliste que vous n’en aviez pas été informé, que vous allez vous informer tout de suite et le rappeler dès que vous en saurez plus.

Mais sachez quelque chose. Peu importe qu’un cadre refuse une interview. Le journaliste contourne régulièrement les dirigeants au début d’une crise. Le journaliste préfère plutôt commencer par discuter avec le ou la réceptionniste. Il ou elle sait toujours des choses, quoiqu’il arrive, et accepte plus facilement de parler.

Les journalistes contournent parfois les canaux « officiels » pour essayer d’obtenir des réponses plus franches, moins préparées, d’employés moins hauts placés. Et généralement les réceptionnistes, qui sont souvent au courant des derniers commérages, disent sans faire exprès quelque chose qu’ils ne devraient pas dire.

C’est donc une bonne idée d’apprendre à vos réceptionnistes comment gérer un appel des médias et c’est encore plus important de les préparer à une crise.

Les réceptionnistes sont en première ligne. Ils sont souvent les premiers à être informés de la crise, par un appel d’un journaliste, un collègue, ou un étranger. Il ne sert pas à grand-chose d’investir des milliers d’euros pour former votre équipe dirigeante à gérer une crise si vos réceptionnistes ou secrétaires anéantissent vos efforts en parlant sans réfléchir.

Et cela ne se limite pas aux réceptionnistes et secrétaires. Vous devriez aussi former vos agents de sécurité, qui pourront être les premiers à accueillir les caméras. Si on ne leur a pas donné d’autre consigne, la première réaction des agents de sécurité sera de placer la main devant la caméra tout en disant de manière souvent vulgaire aux caméramans de s’en aller. Ce genre d’images agressives est souvent diffusé.

Attention aussi aux conjoints des cadres dirigeants. Ils peuvent décrocher le téléphone dans les premiers temps d’une crise et dire quelque chose comme : « Oui, je crois qu’il y a eu une explosion à l’usine. Mais Marc vient de partir sur les lieux. »
Oups ! La femme de Marc vient juste de devenir la première source confirmant la nouvelle.

Inutile d’inscrire vos réceptionnistes, agents de sécurité et autre personnel des fonctions support à des cours de média-training. Faites plutôt rédiger un document décrivant le protocole à suivre en cas de contacts inattendus avec les médias. Envoyez ce document à l’intégralité du personnel. Ne le faites pas qu’une fois – envoyez des rappels régulièrement.
Et souvenez-vous de former aussi le personnel temporaire sur vos procédures vis-à-vis des médias. Ce « personnel temporaire » pourrait avoir la réputation de votre entreprise entre ses mains.

VÉRITÉ NUMÉRO 7 : CACHER LES MAUVAIS CÔTÉS EMPIRE LA SITUATION

Au début d’une crise, les journalistes ont rarement connaissance de tous les faits. Ils peuvent n’en avoir découvert que quelques aspects, ce qui amène les dirigeants à conclure qu’ils ne devraient parler que de ce que les médias savent déjà, plutôt que de mentionner certains autres aspects, surtout les côtés peu glorieux.

Ils se disent souvent « pourquoi empirer une situation déjà difficile ? ». Mais ce genre d’approche court-termiste a souvent des répercussions néfastes : les médias ont l’impression de vous prendre en faute et durcissent le ton dans leur couverture de la crise.

Si les journalistes découvrent constamment de nouveaux éléments par eux-mêmes, chacun plus incriminant pour vous, vous allez prolonger la crise. Ces nouvelles révélations constantes vont diminuer votre crédibilité.

Aussi difficile que cela puisse paraitre, il faut absolument révéler toute la vérité dès le début de la crise. Comme un pansement qu’on enlève, il vaut mieux arracher d’un coup que décoller petit à petit. Vous serez peut-être toujours accusé d’avoir provoqué la crise ou d’avoir fait preuve d’une terrible erreur de jugement, mais vous limiterez quand même les dégâts en faisant face de manière franche dès le début.

Il est vrai que vous pourrez ne pas connaitre tous les détails dès le début. Dans ce cas-là, il faudra impérativement dire aux journalistes que vous n’avez pas encore connaissance de tous les éléments, mais que vous vous y efforcez activement et que vous les en informerez dès que possible. Vous pouvez aussi leur dire quand ils peuvent prévoir d’obtenir une prochaine déclaration de votre part, qui contiendra toutes les nouvelles informations que vous aurez recueillies.

Si vous ne connaissez pas tous les détails, n’inventez pas. Si on vous demande combien de clients de votre hôtel ont été illégalement filmés par une caméra installée dans le conduit d’aération de la salle de bain par un employé indélicat et malveillant, ne répondez pas :

« Pas beaucoup, il n’y avait qu’une caméra dans une seule chambre »

Si vous n’en êtes pas sûr. Il vaut mieux répondre :

« Nous ne le savons pas encore. Nous n’avons connaissance que d’une caméra dans une seule chambre, mais nous sommes en train de vérifier chaque chambre pour nous en assurer. »

VÉRITÉ NUMÉRO 8 : LES RÉSEAUX SOCIAUX PEUVENT VOUS SAUVER OU VOUS ACHEVER

Il faut avoir conscience de trois phénomènes importants :

1. Le public et les médias peuvent découvrir une crise sur les réseaux sociaux, avant même que vous soyez informé du problème.
2. Les gens vont commencer à discuter (et spéculer) sur votre crise avant que vous ayez eu le temps de connaitre les faits.
3. Vous devez utiliser les réseaux sociaux pour corriger immédiatement les fausses rumeurs et vous positionner comme la source principale d’informations exactes.

La plupart des journalistes utilisent maintenant les réseaux sociaux comme un outil essentiel pour leurs articles de suivi de crises. Sachez que Twitter est la nouvelle radio de la police, permettant aux journalistes de se tenir informés en temps réels. Vous ne pouvez plus vous contenter de considérer les réseaux sociaux comme secondaire et de moindre importance.

Communiquez sur vos réseaux sociaux dès que possible, idéalement dans la demi-heure suivant le moment où vous avez appris la nouvelle. Vous pouvez inclure des liens vers des déclarations plus longues et des ressources supplémentaires dans vos messages.

Pour vous aider à gérer une crise à l’aide des réseaux sociaux, assurez-vous de les utiliser régulièrement avant une crise. Vous avez besoin de vos réseaux pour vous aider à défendre votre intégrité quand quelque chose arrive et peu de gens sont plus crédibles que les personnes non affiliées qui peuvent jurer de votre honnêteté.

ÉTUDE DE CAS : DOMINO’S PIZZA ET UNE VIDÉO ÉCOEURANTE 

En 2009, un employé de la franchise de Domino’s Pizza en Caroline du Nord a filmé un collègue en train de se mettre du fromage dans le nez avant de sembler envoyer la nourriture en livraison. Les deux employés ont téléchargé la vidéo sur YouTube, où elle a rapidement été visionnée un million de fois. Des animateurs ont montré la vidéo à la télévision et les clients ont rapidement arrêté de commander des pizzas.

Le président de l’entreprise, Patrick Doyle, a attendu deux jours pour répondre. Il a diffusé une vidéo de deux minutes sur YouTube, dans laquelle il semblait réellement peiné par l’incident. Il a été applaudi par les professionnels de la communication et de la gestion de crise pour avoir diffusé cette vidéo qui semblait sincère, mais la plupart d’entre eux ont fait remarquer qu’il avait attendu trop longtemps et avait infligé des dégâts à la marque en ayant attendu 48 heures.

Sa réponse mérite aussi d’être mentionnée parce que c’était la première fois que le président d’une grande entreprise utilisait YouTube comme principal canal de communication lors d’une crise.

VÉRITÉ NUMÉRO 9 : VOUS DEVEZ VOUS EXCUSER DE MANIÈRE APPROPRIÉE

De nombreux dirigeants sont réticents à l’idée de publier des excuses complètes et sans équivoque après avoir fait une erreur. Ce n’est pas parce qu’ils sont méchants ou insensibles. Généralement, c’est plutôt parce qu’ils ont l’impression qu’on les a mal compris.

Par conséquent, l’entrepreneur concerné publie des excuses à moitié sincères, comme :

« Si ce que je vous ai dit vous a blessé, alors j’en suis désolé. »

Ce type d’excuses « si/alors », qui place le poids de la faute sur la personne blessée plutôt que sur la personne qui l’a offensée, empire généralement une crise plutôt que de l’apaiser. La phrase échoue presque toujours à satisfaire le public et force le dirigeant à publier à nouveau des excuses plus complètes quelques jours plus tard :

« J’ai dit quelque chose de choquant et je m’en excuse. J’ai bien écouté ce qui m’a été répondu et je comprends complètement votre réaction. Je ferai en sorte de me souvenir de ce que cette erreur m’a appris pour que cela ne se reproduise pas. Je m’excuse sincèrement. »

C’est beaucoup mieux, mais pour avoir attendu plusieurs jours pour publier de nouvelles excuses, le dirigeant souffrira plus durement des conséquences et ses nouvelles excuses auront probablement moins d’impact. Vous feriez mieux d’éviter les excuses du bout des lèvres et faire dès le début des excuses sincères.

Les meilleures excuses sont celles qui n’évoquent pas de circonstance atténuante et présentent des actions spécifiques à mettre en œuvre pour que l’erreur ne se reproduise pas. Cela veut dire que vous devez faire des sacrifices, même si c’est douloureux.

Par exemple, nous avons travaillé par le passé avec un organisme public dont le directeur général avait été accusé d’abus de bien social. Tout ce qu’il avait fait était légal, mais le public a eu l’impression qu’il avait tiré parti des avantages de sa charge – et c’est aussi l’impression que nous avons eue. Nous lui avons dit qu’il devrait faire un chèque de plusieurs dizaines ou centaines de milliers de dollars pour rembourser l’organisme public et s’excuser pour son erreur de jugement. Il a refusé. Il a été renvoyé peu après, et sa réputation a été durablement ternie.

ÉTUDE DE CAS : LE SCANDALE D’ABUS SEXUEL DE L’UNIVERSITÉ DE PENN STATE

En 2011, l’université de Penn State s’est retrouvée au cœur d’une crise majeure quand l’ancien assistant-coach de football américain Jerry Sandusky a été accusé d’avoir violé au moins huit garçons au cours des vingt précédentes années.

Les hauts responsables de l’école ont été accusés de ne pas avoir rapporté l’incident à la police et plusieurs personnes, y compris le président de l’université et le coach légendaire de football américain Joe Paterno, ont été licenciées.

La première déclaration des responsables de l’université avait un ton défensif et égoïste. Mais le conseil d’administration de l’université a rapidement rectifié le tir en publiant des excuses parfaitement adaptées :

« Le conseil d’administration… est indigné par les détails horribles contenus dans le rapport du Grand Jury. En tant que parents, anciens élèves et membres de la communauté de Penn State, nos pensées vont vers ceux qui ont été touchés par ces terribles évènements, notamment les enfants et leurs familles. Les mots ne peuvent suffire à exprimer le chagrin et la colère que nous ressentons concernant les accusations qui pèsent sur Jerry Sandusky. Nous avons entendu les paroles de ceux qui se sont sentis trahis et nous voulons leur assurer que le conseil prendra des mesures rapides et radicales… Le conseil a mis en place un comité spécial… pour découvrir quelles erreurs et manquements ont eu lieu, qui en est responsable et quelles actions sont nécessaires pour garantir que cela ne se reproduise pas dans notre université. »

VÉRITÉ NUMÉRO 10 : VOS AVOCATS PEUVENT EMPIRER LES CHOSES

Lorsqu’une crise survient, la plupart des avocats ont la même réaction : limiter la communication de l’entreprise et faire le moins de déclarations publiques possible (voire pas du tout). Cela est dû au fait que la mission première d’un avocat est de limiter les compensations financières futures et de limiter votre responsabilité ou votre culpabilité.

Mais c’est une vision très étroite d’une crise, et cela peut ne pas suffire à maintenir votre entreprise en place. Les avocats échouent en effet trop souvent à prendre en compte votre réputation à long terme. Ils négligent aussi l’impact de cette crise sur le recrutement, la loyauté, la productivité et le moral des employés, ainsi que la fidélité des clients, actionnaires et bailleurs de fonds.

Dans certains cas, l’impact sur votre réputation peut être pire que les compensations financières. Bien sûr, la stratégie juridique de votre avocat pourra vous garantir une victoire au tribunal dans dix ans, mais elle pourra vous coûter des années de gros titres peu flatteurs.

Posez-vous ces trois questions :

1. Quelle est la bonne chose à faire ?
2. Ai-je reçu les avis d’experts juridiques et les conseils en communication et ai-je suffisamment réfléchi à ces deux approches ?
3. Puis-je développer une stratégie qui allie les meilleurs conseils juridiques et de relations presse ? Mieux encore, puis-je trouver un avocat qui excelle aussi en communication et travaille très bien avec les relations presse ?

QUE FAIRE SI VOUS N’ÊTES PAS COUPABLE

Après avoir échappé aux accusations de fraude et vol qui pesaient sur lui, l’ancien Secrétaire américain au travail Ray Donovan se serait exclamé : « Quelle agence dois-je consulter pour récupérer ma réputation ? ».
Bien que les médias aient souvent raison, vous ne serez pas surpris d’apprendre qu’ils ont condamné des personnes innocentes de nombreuses fois.

  • Après l’attentat aux jeux Olympiques d’Atlanta en 1996, qui a fait un mort et blessé plus de 100 personnes, les médias ont présenté l’agent de sécurité local Richard Jewell comme le coupable probable. Il était innocent.
  • De nombreux journalistes ont laissé entendre que le député de Californie Gary Condit était impliqué dans la mort de la stagiaire Chandra Levy, qui a disparu de Washington en 2001. Bien qu’ils aient eu une liaison, Gary Condit était innocent.
  • En 2006, trois joueurs de l’équipe de la crosse (sport pratiqué aux États-Unis) de l’université de Duke ont été accusés d’avoir violé une étudiante lors d’une fête. Les médias les ont présentés comme des athlètes incontrôlables, se croyant tout permis. Ils étaient innocents.

Quand vous êtes dans la ligne de mire des médias, il peut être difficile de se défendre. Mais il y a au moins trois tactiques qui peuvent vous aider à survivre à l’attention défavorable des médias :

1. Faites preuve d’une extrême sincérité : les médias ont tendance à penser que ceux qui s’expriment sont innocents et ceux qui ne le font pas sont coupables. Quand vous êtes injustement accusé, rien n’est plus désarmant pour un journaliste qu’un porte-parole qui partage abondamment les informations. Rencontrez les journalistes. Allez les voir, dans leurs bureaux. Votre seule présence les forcera à réfléchir sur le fait que vous puissiez être innocent.

2. Venez avec un avocat : bien que se cacher derrière une armée d’avocats puisse donner l’impression d’être sur la défensive, cela pourra être votre meilleure option si un groupe de médias s’apprête à diffuser un reportage inexact. Menacer de poursuites pour diffamation pourra le faire réfléchir au risque de diffuser un reportage, notamment si vous présentez des preuves convaincantes qu’il a tort.

3. Présentez vos preuves : dans certains cas, il est possible d’employer d’autres tactiques. L’expert des crises Eric Dezenhall affirme que parfois vous devez « mâcher le travail des médias ». Cela signifie que vous deviez peut-être faire appel à un détective privé pour faire des recherches sur les personnes qui vous accusent ou enquêter en parallèle pour découvrir des faits que vos détracteurs n’ont pas su trouver ou voulu prendre en compte.

ÉTUDE DE CAS : TACO BELL RÉFUTE ÉNERGIQUEMENT DES ACCUSATIONS INEXACTES

Quand un cabinet juridique d’Alabama a intenté un procès en recours collectif contre Taco Bell en 2011 pour avoir soi-disant utilisé moins de 50 % de viande hachée dans sa farce de bœuf, le géant du fast-food a réagi de manière très agressive.

L’entreprise s’est payé une publicité en pleine page dans les principaux journaux pour faire une mise au point. Elle a déclaré que ses tacos contenaient 88 % de bœuf et 12 % d’épices et autres ingrédients et a ajouté qu’elle avait « l’intention de poursuivre ceux qui avaient émis de fausses accusations sur la viande qu’elle utilisait ».

Le cabinet d’avocats a abandonné sa plainte trois mois plus tard, ce à quoi Taco Bell a répondu par une autre publicité disant

« Cela vous tuerait-il de vous excuser ? Et aux avocats qui ont intenté ce procès : vous aviez tort et vous vous sentez probablement un peu mal maintenant. Mais vous savez ce qu’il serait bien ? Ce serait que vous disiez à tout le monde que vous êtes désolés ».

La réponse énergique de Taco Bell n’est pas appropriée pour toutes les crises mais dans leurs cas, c’était une excellente stratégie qui a éliminé la crise.

COMMENT SE PRÉPARER À UNE CRISE

« Quand vous entendez le tonnerre, c’est trop tard pour construire l’arche. »

Cet ancien proverbe, utilisé depuis des dizaines d’années par les experts en gestion de crise, explique que la meilleure manière de triompher d’une crise est de l’anticiper bien à l’avance.

Ce billet vous présentera cinq étapes à suivre pour vous préparer à une crise, ainsi que la bonne manière d’effectuer une préparation de crise en temps réel.

1. Préparez une équipe de crise : une équipe de crise doit comporter vos cadres dirigeants ainsi que les principaux représentants de chacun des plus grands services de votre entreprise, notamment la production, le commercial, le juridique, les ressources humaines et la finance-comptabilité.

2. Réfléchissez à des crises potentielles : passez en revue les huit catégories de crise une par une et réfléchissez aux crises possibles qui pourraient menacer votre entreprise pour chaque catégorie.

3. Réduisez votre liste : ramenez ces idées aux cinq crises les plus dommageables et les plus probables. Vous aurez probablement besoin de vous réunir plusieurs fois avec votre équipe de crise pour réfléchir à ces crises potentielles et ramener votre liste à cinq.

4. Établissez votre réaction : prévoyez cinq réunions de deux heures chacune, une fois par mois. Pour chaque réunion, choisissez une des crises et discutez de comment y répondre (ainsi que qui y répondrait). Après chaque réunion, rédigez un plan d’action détaillant votre réaction à cette crise et partagez-le avec les membres de votre équipe.

5. Faites un entrainement : peu importe à quel point vous avez travaillé sur votre plan de réponse à une crise, il reste probablement encore des inconnus dans vos plans de préparation. Rien ne vous fera plus vous en rendre compte que de faire des tests en temps réel.

« Le succès dépend de la préparation et sans préparation l’échec est certain. »
Confucius, philosophe chinois

INTERVIEWEZ LE JOURNALISTE

Voici huit questions à poser aux journalistes. Nous ne posons généralement pas toutes ces questions à chaque interview, car les journalistes n’apprécient pas d’être ainsi cuisinés, mais ils y répondront probablement indirectement dans leurs réponses, donc contentez-vous de poser les questions les plus pertinentes compte tenu du contexte.

1. Qui êtes-vous ? Ne posez bien entendu pas cette question textuellement, mais posez les questions essentielles : son nom, le nom du journal ou groupe de médias auquel il appartient, et s’il travaille sur un certain type de sujet en particulier.

2. Pouvez-vous me donner quelques éléments concernant le reportage sur lequel vous travaillez ? Faites une question ouverte et écoutez la réponse sans interrompre le journaliste (plus il en dira, plus vous en apprendrez). N’hésitez pas à poser des questions complémentaires et à clarifier les points que vous n’avez pas compris.

3. Avez-vous choisi d’axer ce reportage sur un point de vue particulier ? Certains journalistes vont se hérisser si vous leur demandez quel angle ils ont choisi. Cette question a pour but d’obtenir les mêmes informations, mais de manière plus subtile.

4. Qui d’autres avez-vous prévu d’interviewer ? La plupart des journalistes ne répondront pas à cette question, mais cela vaut la peine d’essayer. Selon les positions des autres sources (favorables ou non à votre cause), vous pourrez déduire le ton du reportage.

5. Quel sera le type d’entretien ? Pour les interviews écrites, ceci vous aidera à comprendre si le journaliste a besoin d’une rapide citation de vous ou s’il rédige un long article qui se concentrera en détail sur votre travail. Pour les entretiens diffusés, vous pourrez savoir s’ils seront diffusés en direct, enregistrés ou montés. Pour les entretiens télévisés, vous pouvez aussi demander si l’enregistrement sera fait à distance, sur le plateau, ou sous la forme d’extraits.

6. De quoi avez-vous besoin ? Demandez au journaliste combien de temps l’entretien va durer et où il souhaite qu’il ait lieu. Demandez aussi si vous pouvez lui envoyer des communiqués de presse, images, photos, vidéos ou autres documents supplémentaires. Vous pourrez être davantage cité dans le reportage et en influencer le point de vue si le journaliste décide d’utiliser vos documents.

7. Qui fera l’interview ? Pour de nombreux entretiens pour la radio et la télévision, vous serez initialement contacté par un producteur plutôt que par le journaliste qui effectuera l’interview. Demandez le nom de la personne qui vous posera des questions.

8. Quand allez-vous publier ou diffuser le reportage ? Consultez le reportage dès qu’il paraitra. S’il va dans votre sens, diffusez-le auprès de vos contacts sur Internet et ailleurs. S’il vous dessert, réfléchissez à la possibilité de publier une réponse ou de contacter le journaliste ou son rédacteur en chef pour discuter du point de vue adopté.

Une dernière remarque : avant une interview, informez le journaliste de la manière dont vous souhaitez être nommé. Indiquez votre fonction et le nom de votre entreprise et épelez votre nom. Rien de pire que de voir votre nom ou celui de votre entreprise mal orthographié face à des millions de lecteurs ou téléspectateurs

FAITES VOS PROPRES RECHERCHES

Après avoir parlé avec le journaliste (pour la première fois), endossez votre uniforme de limier pour découvrir les choses que celui-ci n’a pas voulu vous dire.

Il vous suffit de suivre une démarche en deux étapes :

1. faire des recherches sur le journaliste et le groupe de médias auquel il appartient
2. faire des recherches sur vous-même et votre entreprise, en utilisant les mêmes méthodes que le journaliste va probablement utiliser

FAIRE DES RECHERCHES SUR LE JOURNALISTE ET SON GROUPE DE MÉDIAS

Tout d’abord, recherchez des exemples du travail du journaliste. Beaucoup de médias mettent leurs archives à disposition gratuitement ou pour un prix très modique. Cela vaudra la peine pour vous de payer pour avoir accès au travail passé de ce journaliste.

Utilisez les moteurs de recherche comme Google, Bing et Yahoo (ou Qwant) pour effectuer des recherches gratuites sur Internet et examiner les comptes du journaliste et ceux du groupe médiatique sur les réseaux sociaux.

Lisez plusieurs de ces articles, en vous attardant particulièrement sur les articles liés à votre sujet, pour avoir une idée de son approche, du ton qu’il emploie et de ses opinions. Vous vous rendrez rapidement compte de s’il est un arbitre honnête ou s’il emploie des tactiques qui nuiront à votre entreprise. Vous pourrez découvrir les opinions erronées du journaliste sur le sujet qui vous intéresse, et cela vous permettra de mieux vous préparer à les réfuter. Et vous pourrez aussi vous rendre compte si le journaliste connait bien votre domaine pour l’avoir couvert depuis de nombreuses années ou au contraire s’il est un journaliste généraliste qui ne connait pas bien le sujet.

Notez qui le journaliste a cité. Si vous connaissez certaines des personnes auxquelles il s’est précédemment adressé, appelez-les pour en savoir plus. Notez aussi les noms de vos adversaires qu’il a cités, car savoir qui ils sont et anticiper leurs critiques vous aidera à formuler de bons contre-arguments.

Enfin, cherchez à en savoir plus sur le groupe médiatique lui-même. Est-il une source d’informations plutôt neutre ? Est-il de gauche ou de droite ? Est-il axé sur les reportages à sensation ou sur les sujets controversés ?

FAIRE DES RECHERCHES SUR VOUS ET VOTRE ENTREPRISE

Trop souvent, les porte-paroles oublient d’enquêter aussi sur eux, une erreur qui peut leur coûter cher lors d’un entretien.

Faites au moins une rapide recherche sur Internet pour voir ce que le journaliste pourra découvrir sur vous lors de ses recherches. Faites une recherche sur les éléments suivants : votre nom, votre nom plus le nom de votre entreprise, le nom de votre entreprise, le nom de votre entreprise plus les noms de toutes les controverses qui y sont associées. Consultez aussi vos comptes et ceux des principaux dirigeants de votre entreprise sur les réseaux sociaux.

Imaginez que vous êtes un journaliste cynique. Que pourriez-vous poser comme question ? Quelles questions poseriez-vous sur des problèmes personnels, des scandales passés, des déclarations inexactes ou des attaques formulées contre vos adversaires ?

Comment pourriez-vous transformer le bon travail que vous faites en quelque chose qui semble malhonnête ? Quelles lacunes peut-on trouver dans les arguments de votre entreprise ? Quelles controverses ou quelles polémiques sur des sujets liés (ou non) voudriez-vous davantage explorer ?

Vous pouvez grandement améliorer vos chances de succès lors de l’entretien en faisant plus de recherche sur le journaliste et sur ce qu’il pourrait découvrir à votre sujet.

RÉDIGEZ UN DOCUMENT DE QUESTIONS-RÉPONSES

Après avoir interviewé le journaliste et effectué vos recherches, vous devriez avoir bien compris les sujets qui intéressent le plus le journaliste. Vous pouvez utiliser ces informations pour anticiper ses questions.

De nombreux clients aiment préparer un document de questions et réponses avant chaque entretien, dans lequel ils énumèrent les questions les plus probables ainsi que leurs réponses.

Combien de temps et d’énergie devriez-vous allouer à un tel document ? Les formateurs en mediatraining ne sont pas tous d’accord à ce sujet. Certains assurent que vous devriez consacrer peu de temps à anticiper les questions puisque votre objectif est simplement de revenir à votre message de toute façon. D’autres considèrent que ces conseils sont mauvais, et qu’ils parviennent à anticiper facilement les questions les plus probables.

L’idéal est quelque part entre les deux.

C’est une bonne idée de passer au moins un peu de temps à anticiper les questions les plus probables et les plus difficiles.

N’essayez pas d’être exhaustif quand vous réalisez un document de questions-réponses. Si vous essayez de faire une liste de toutes les questions possibles et de mémoriser toutes les réponses, vous serez submergé par un trop-plein d’informations, ce qui est aussi dangereux que trop peu d’informations.

Vous pourrez trouver le bon équilibre en suivant ces trois étapes :
1. Prenez 30 minutes pour réfléchir aux questions les plus probables. Puis, passez 30 minutes à réfléchir aux questions les plus dangereuses.
2. Ramenez les deux listes à un maximum de six questions chacune.
3. Passez une heure au maximum à rédiger des réponses à ces 12 questions. Cela pourra vous sembler court, mais vous devriez pouvoir répondre à ces questions rapidement et facilement si vous utilisez vos fiches de message comme guide.

ENTRAINEZ VOUS !

1. Demandez à des collègues, amis ou membres de votre famille de vous interviewer. Donnez-leur le document de questions-réponses pour qu’ils vous posent les questions que vous avez rédigées, mais encouragez-les à poser toutes les questions intéressantes auxquelles ils pourraient songer et qui ne figureraient pas sur le document. Cela vous forcera à vous entrainer à répondre à des questions imprévues en revenant à vos messages.
2. Ajoutez des questions ouvertes (comme « Pouvez-vous me parler de votre entreprise ? ») et quelques questions pièges que vous avez découvertes dans le livre.
3. Préparez votre équipement. Si vous vous préparez à un entretien télévisé, faites un enregistrement vidéo, si possible. Pour les entretiens écrits ou à la radio, vous pouvez utiliser un enregistreur audio (la plupart des smartphones disposent de cette fonctionnalité).
4. Adaptez au type d’entretien. Si vous vous préparez à l’enregistrement d’extrait d’entretien debout pour la télévision, par exemple, levez-vous et regardez votre ami ou collègue dans les yeux, mais ne regardez pas la caméra (le journaliste se tiendra juste à côté de la caméra).
5. Lorsque l’entretien commence, essayez de rester calme. Si vous faites une erreur, ne vous laissez pas décontenancer et continuez. Vous devez apprendre à ne pas vous appesantir sur vos erreurs, donc concentrez-vous sur le moment présent et faites de votre mieux pour ramener la conversation sur un terrain plus sûr.

ÉVALUEZ VOS PERFORMANCES

1. Écoutez ou regardez l’enregistrement. Faites une pause après chaque réponse.
2. Commencez par effectuer une autocritique en listant tout ce que vous avez bien dit ou fait, car le côté positif d’une évaluation est important, puis passez à ce que vous auriez pu mieux faire. Relevez tant la qualité du contenu de votre message que la manière dont vous l’avez dit.
3. Après avoir analysé une réponse, demandez à vos collègues, amis et/ou membres de votre famille ce qu’ils en pensent. Procédez ainsi pour tout l’entretien, question par question.
4. Soyez indulgent. La plupart des gens sont beaucoup plus critiques envers eux-mêmes que nécessaire. Dans les ateliers de média-training, les gens font le plus souvent des commentaires sur leur âge, leur apparence, leur voix, mais le public n’y accordera probablement aucune attention. C’est précisément la raison pour laquelle de nombreux acteurs refusent de se voir dans les films où ils ont joué : ils sont beaucoup trop critiques envers eux-mêmes. En réalité, leur prestation est excellente, et la vôtre est probablement bien meilleure que vous le pensez.

CETTE LEÇON VA VOUS AIDER À CONDENSER TOUT CE QUE VOUS APPRIS POUR NE PLUS AVOIR QUE TROIS CHOSES À MÉMORISER.

Relisez la liste ci-dessous. Entourez les trois éléments sur lesquels vous devez travailler en priorité. Au cours de la prochaine interview, concentrez-vous surtout sur ces trois points. Même si vous n’améliorez que ces trois aspects, vous améliorerez votre prestation. Une fois que vous aurez progressé sur ces trois aspects, passez à un quatrième, puis à un cinquième, etc.

VOTRE MESSAGE

1. Chacune de mes réponses comporte au moins un message ou un renfort de message.
2. Mes messages sont cohérents avec les besoins du public.
3. Beaucoup de mes réponses comportent une anecdote, un chiffre ou une petite phrase.
4. Je réponds aux questions hors sujet ou aux questions difficiles en utilisant la méthode RTMd.
5. Je reconnais les questions pièges et sais les éviter.
6. Je réponds aux questions difficiles d’un ton calme et sans être sur la défensive.
7. Mes réponses durent 30 secondes ou moins et je fais une pause avant de répondre aux questions (pour les entretiens qui seront montés).
8. J’utilise des mots de tous les jours, dans un discours fort et sans jargon.
9. Je n’oublie pas de m’adresser à ma « personne cible ».
10. Je commence mes phrases par l’essentiel.
11. Je réponds aux questions ouvertes sur le quoi avec la méthode du « quoi + pourquoi ».

VOTRE VOIX ET VOTRE COMMUNICATION NON VERBALE

1. Je varie le ton, le débit et le volume de ma voix dans mes réponses pour m’aider à souligner mes arguments.
2. Je suis chaleureux, aimable et naturel. Je suis ou j’ai l’air à l’aise.
3. Je projette un sentiment d’enthousiasme approprié pour mon sujet.
4. Je regarde dans les yeux.
5. Je fais des gestes naturels et je n’ai pas l’air raide.
6. J’utilise des postures appropriées et j’évite les positions qui me donnent l’air passif, arrogant ou pas intéressé.
7. J’évite tout ce qui pourrait déconcentrer mon auditoire, comme les « euh », passer constamment la main dans mes cheveux ou cligner perpétuellement des yeux.
8. Mes vêtements, mon maquillage et ma coiffure sont adaptés à un passage à la télévision.

Cette liste peut vous permettre de vous préparer avant vos interviews et aussi de vous évaluer après-coup. Après chaque entretien, évaluez-vous selon la grille ci-dessus et prenez note des éléments à améliorer. Relisez vos notes avant votre entretien suivant.