Affaibli, comment Hervé Gaymard a tenté de se maintenir à Bercy malgré les révélations médiatiques
En février 2005, Hervé Gaymard, alors ministre des Finances s’expliqua, à la télévision, sur l’affaire de son appartement. Attaqué de toutes parts, il a multiplié les maladresses de communication de crise et a rapidement semblé en sursis à Bercy.
Hervé Gaymard avait-il encore la confiance de Jacques Chirac ? Telle était alors la clé de son maintien ou non à Bercy, alors que la pression politique et médiatique réclamant son départ ne désarmait pas.
François Hollande affirmait que la polémique sur le logement de fonction du ministre des Finances et « les mensonges » de celui-ci posaient « un problème de crédibilité, d’autorité, d’image du gouvernement » et en appelait au président de la République, qui « ne peut pas rester silencieux« .
Même son de cloche de la part de Robert Hue pour qui, « dans l’affaire Gaymard, c’est Chirac qui est visé » parce que le ministre des Finances « est son poulain », estimait le sénateur communiste du Val-d’Oise, parlant d’une « faute sérieuse, qui jette le discrédit sur l’ensemble des politiques ». De fait, à l’Elysée comme à Matignon, l’inquiétude montait à propos des dégâts énormes provoqués dans l’opinion publique, à deux mois du référendum sur la Constitution européenne.
Embarras à Matignon face à la communication de crise désastreuse du ministre
Pendant que le cabinet du ministre des Finances cherchait d’où provenait la « fuite« , le coup le plus rude n’est pas venu hier de l’opposition, mais de Nicolas Sarkozy lui-même. « Les Français, confrontés à des difficultés quotidiennes, peuvent s’interroger et juger avec une certaine sévérité ce qui se passe« , déclarait le président de l’UMP (ex-Les Républicains), à Tarbes. « Je sais qu’il y a une tentation de porter un jugement collectif, donc c’est mauvais pour tout le monde » dans la classe politique, avait-il ajouté.
A Matignon, où le Premier ministre n’avait que mollement soutenu son ministre, en indiquant que l’affaire de l’appartement « ne le disqualifiait pas professionnellement« , l’embarras restait tout aussi grand.
La communication de crise maladroite d’Hervé Gaymard n’arrangea guère les choses : dans une interview au Figaro, il se disait « propre comme un sou neuf » et refusait de se laisser « épingler comme un papillon ». Ces formules chocs inadaptées précipitèrent la crise.
Dans un entretien à Paris Match, il cherchait à nouveau à se justifier : « J’ai toujours vécu humblement. Je n’ai pas de fric. Evidemment, si je n’étais pas le fils d’un cordonnier marchand de chaussures, si j’étais un grand bourgeois, je n’aurais pas de problème de logement. Je serais propriétaire et il n’y aurait pas toute cette affaire. »
Cette nouvelle faute de communication de crise – le ministre, qui voulait sans doute dire qu’il n’est pas un « héritier », est bel et bien propriétaire d’un appartement de 200 m2 à Paris, qu’il loue à un de ses amis pour rembourser l’emprunt – a encore aggravé la situation. Surtout, selon Libération, le couple Gaymard était assujetti à l’ISF et possédait en outre une maison en Savoie, une autre dans le Finistère et deux appartements de deux pièces en Savoie.
Des problèmes de gestion de crise
Selon l’entourage du Premier ministre, il y a eu des « problèmes de communication » de la part d’Hervé Gaymard qui « aurait dû tout dire avant ». Dernière cacophonie : Jean-Pierre Raffarin fait savoir par son entourage qu’il souhaite qu’Hervé Gaymard « puisse s’expliquer complètement et rapidement, avant la fin de la semaine« . Ultimatum avant une désormais inéluctable démission ? Pas du tout, selon le service de presse de Jean-Pierre Raffarin qui démentait « formellement » que « le Premier ministre ait fixé un délai quelconque » au ministre des Finances. Celui-ci va « s’exprimer dans les médias d’ici à la fin de la semaine, selon une forme qui n’est pas encore déterminée », indiquait alors le cabinet d’Hervé Gaymard, excluant une nouvelle fois qu’il annonce sa démission au cours de cette intervention télévisée, qui aura probablement lieu dès ce soir au « 20 heures ».
Du point de vue de sa communication politique, comment pourrait-il présenter une réforme du mode d’indexation des loyers, lui qui affirmait ne pas connaître le montant du sien ? La moindre coupe dans les crédits sociaux, dans le budget du logement, lui aurait été renvoyée comme un boomerang par la gauche qui trouvera en Hervé Gaymard un « punching ball » idéal jusqu’à la présidentielle qui suiverait. Le ministre des Finances présenta le 8 février 2005 ses orientations de politique économique « pour les trente mois qui viennent », façon de se dire assuré de rester à Bercy jusqu’en 2007, risque, s’il reste, de trouver le temps bien long.
Hervé Gaymard annoncera sa démission de son poste de ministre plus tard dans la journée via un communiqué de presse moins de trois mois après avoir été nommé.