La stratégie de communication politique de François Hollande

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Les erreurs stratégiques du plan de communication politique de François Hollande

Florian Silnicki, expert en stratégies de communication et fondateur de l’agence de communication LaFrenchCom revient pour LaTribune.fr sur la stratégie de communication politique du Président de la République. La politique de l’Autruche est-il un principe efficace de communication politique, c’est la question à laquelle cette analyse tente ici de répondre alors que les commentateurs politiques annonçaient que cette émission était celle de la dernière chance pour un Président de la République dont tous les sondages révèlent à quel point il est malmené par l’opinion publique.

En effet, France Télévisions a annoncé que seuls trois millions et demi de téléspectateurs ont regardé le Président de la République dans l’émission «Dialogues citoyens» sur France 2, contre 9,9 millions lors de l’émission du 11 février sur TF1 et France 2.

La question essentielle à laquelle l’équipe de communication de l’Elysée n’a manifestement pas réfléchie est la suivante : une émission de télé comme celle-ci, est-elle susceptible de changer la donne lorsque vous êtes au plus bas dans les sondages ? La réponse s’annonce négative.

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Les erreurs de communication politique de François Hollande : analyse d’un échec

La communication présidentielle est une arme à double tranchant. Bien maîtrisée, elle façonne l’autorité et l’image d’un chef d’État ; mal gérée, elle peut ruiner un mandat. François Hollande en a fait l’amère expérience durant son quinquennat. Élu en 2012 avec l’image d’un « président normal », il n’est jamais parvenu à contrôler le récit médiatique de son mandat ni à enrayer une impopularité grandissante. Au contraire, les couacs et faux pas se sont accumulés, empêchant toute reconquête de l’opinion. Ce président aura ainsi coché toutes les cases de la pire stratégie de communication politique : polémiques incessantes, contradictions et volte-face à répétition, interventions mal calibrées… Au final, François Hollande n’a pas réussi à maîtriser un seul instant sa communication, abîmant son image dès le début du quinquennat​. Sa cote de confiance s’est effondrée à un niveau historique – seulement 13 % d’opinions favorables à l’automne 2014, du jamais vu sous la Ve République​. Retour sur les erreurs stratégiques de communication politique d’un président dont le mandat est devenu un cas d’école en matière d’échec médiatique.

Incapacité à inverser une image négative malgré les offensives médiatiques

Dès son entrée en fonction, François Hollande a souffert d’une perception négative qu’il n’est jamais parvenu à inverser. Plusieurs offensives médiatiques ont été tentées pour redresser son image et défendre son bilan, sans succès durable. Par exemple, l’Élysée a multiplié les interviews et séquences de communication pour vanter son action (entretiens télévisés, conférences de presse, tribunes dans la presse…). Hollande s’est même essayé à l’“hyper-communication”, n’hésitant pas à commenter lui-même l’actualité au jour le jour et à répondre aux journalistes presque sans filtre. Ce président-communicant omniprésent – qualifié de “président journaliste” par certains​– espérait imposer son récit, mais il a souvent obtenu l’effet inverse. Chaque apparition publique ou prise de parole semblait susciter une nouvelle controverse ou tournait court, faute de message clair et fort. Son volontarisme médiatique a ainsi peiné à changer l’opinion, et chaque tentative de reprendre la main a été éclipsée par une nouvelle crise ou maladresse.

Hollande a, par exemple, planifié en 2016 une séquence médiatique destinée à préparer sa candidature à l’élection suivante. Mais cette stratégie a été torpillée par la publication du livre Un président ne devrait pas dire ça…, recueil explosif de ses confidences à deux journalistes​. Au lieu de refaire son image, cette opération communication a tourné au fiasco lorsque les révélations controversées du livre ont dominé l’actualité. L’effet a été dévastateur sur l’opinion, réduisant à néant ses efforts pour se relancer. De manière générale, François Hollande n’a jamais réussi à reprendre durablement l’ascendant sur le storytelling de son quinquennat, restant prisonnier d’une image dégradée.

Des interventions télévisées mal maîtrisées – l’échec de Dialogues citoyens

Les grandes interventions audiovisuelles, moments-clés pour tout président cherchant à convaincre, se sont révélées particulièrement maladroites sous Hollande. Plusieurs émissions spéciales censées le montrer à l’écoute des Français ou expliquer son action ont manqué leur cible. Le cas emblématique est l’émission « Dialogues citoyens » diffusée en avril 2016 sur France 2. Ce programme en prime time devait permettre à François Hollande de dialoguer avec un panel de « vrais Français » et de redorer son image à un an de la présidentielle. L’enjeu était de taille pour un président au plus bas dans les sondages, espérant convaincre en direct qu’il restait à la hauteur de la fonction.

Dialogues citoyens

Mal préparée, l’émission s’est soldée par un échec retentissant. D’une part, l’audience a été décevante : seulement 3,5 millions de téléspectateurs (14,4 % de part d’audience) ont suivi Dialogues citoyens, très loin derrière la série diffusée sur TF1 ce soir-là (4,6 millions, 18,4 %)​. Un tel score médiocre a frustré l’objectif de toucher massivement le public. D’autre part, le contenu même de l’émission n’a pas permis à Hollande de reprendre la main sur son image. Face aux citoyens et journalistes, le président est apparu sur la défensive, souvent incapable de convaincre ou de susciter l’adhésion. La journaliste Léa Salamé, coanimatrice du débat, l’a mis en difficulté par des questions percutantes soulignant ses contradictions et changements de cap – « Elle est où la cohérence ? » finit-elle par lui lancer pour souligner ses volte-face politiques​. L’exercice, censé être un dialogue constructif, a tourné à l’interrogatoire et a mis en lumière l’usure et le manque de clarté du discours présidentiel.

En fin de compte, Dialogues citoyens n’a ni rassuré l’opinion ni inversé la tendance négative. Pire, l’émission a été entourée de polémiques dès sa préparation (casting des invités remanié, crainte de questions dérangeantes, etc.) et s’est avérée contre-productive. Elle restera comme l’illustration flagrante d’une occasion manquée sur le plan de la communication télévisée. Ce rendez-vous raté a confirmé que chaque tentative de François Hollande de se relancer médiatiquement pouvait se retourner contre lui et souligner ses faiblesses plutôt que ses réussites.

Absence de ligne claire : hésitations, recadrages et manque d’autorité

Un des problèmes de fond de la communication hollandaise a été l’absence d’une ligne directrice claire et cohérente. Le président a souvent donné l’impression de naviguer à vue, avec des messages changeants et des positions floues. Ces hésitations et contradictions ont brouillé la compréhension de son action gouvernementale, tant pour le public que pour son propre camp. François Hollande, adepte du consensus et de la synthèse, a parfois envoyé des signaux contradictoires en voulant ménager des camps opposés – un écueil majeur en communication politique.

Les exemples de ce manque de cohérence ne manquent pas. Sur de nombreux dossiers, Hollande a changé de cap en cours de route, brouillant son message. Par exemple, il a d’abord tenu un discours ferme sur la déchéance de nationalité après les attentats de 2015, avant de faire marche arrière quelques mois plus tard, laissant un sentiment de cacophonie dans l’opinion. Plus globalement, ses revirements et ajustements successifs ont entamé sa crédibilité. Même ses alliés peinaient à discerner la ligne à suivre. L’« affaire Leonarda » en 2013 l’illustre tragiquement : après l’expulsion d’une adolescente kosovare, Hollande intervient à la télévision pour proposer un compromis bancal (le retour de la jeune fille en France, mais sans sa famille). Le résultat est désastreux – la proposition est rejetée en direct par l’intéressée, et personne n’en comprend la logique. « Sa propre famille politique n’a toujours pas compris la stratégie qui a présidé à cette communication… Y en avait-il vraiment une ? », s’interrogeait alors un expert en communication politique, résumant le sentiment général​. Ce couac, très médiatisé, a souligné à quel point le président semblait dépourvu de plan de communication lisible dans les moments critiques.

Au-delà des messages brouillons, le manque d’autorité perçu du chef de l’État a aggravé les choses. Incapable d’imposer une parole forte et respectée, Hollande a vu sa communication souvent contestée ou contredite, y compris au sein de son gouvernement. Ses silences dans certaines polémiques ont également été interprétés comme de l’indécision. La presse s’en est fait l’écho dès 2013, avec des unes cinglantes comme Libération titrant « Hollande : une question d’autorité » ou Le Parisien s’exclamant « Mais où est le patron ? » face à un Président jugé trop effacé​. Ce déficit d’autorité – réel ou ressenti – a miné la confiance dans sa parole. À plusieurs reprises, Manuel Valls (son Premier ministre) ou d’autres ministres ont dû “recadrer” le message gouvernemental, donnant l’impression d’un Président en retrait sur sa propre communication. En somme, faute d’une ligne claire incarnée avec fermeté, la communication de François Hollande a souvent paru illisible et faible, alimentant la défiance du public.

Relation désastreuse avec les médias et confidences embarrassantes

Autre erreur stratégique de François Hollande : sa gestion de la relation avec les médias. Voulant sans doute bien faire en jouant la transparence et la proximité, il a en réalité multiplié les impairs. Le Président a adopté un rapport paradoxal à la presse, cherchant à la fois à contrôler son image et à se livrer en coulisses, ce qui l’a piégé à plusieurs reprises.

D’un côté, Hollande a tenté de soigner sa communication en s’entourant de conseillers et en suivant l’actualité médiatique de très près. De l’autre, il n’a pas su garder la distance nécessaire et la maîtrise de sa parole lors de ses interactions avec les journalistes. Il est notoire que durant son quinquennat, le chef de l’État répondait fréquemment aux SMS des journalistes et les recevait officieusement pour commenter tout et n’importe quoi, parfois au détriment de la prudence. Cette habitude d’une parole libre et peu filtrée s’est retournée contre lui de façon spectaculaire avec l’affaire du livre Un président ne devrait pas dire ça…. Dans cet ouvrage publié fin 2016, fruit de dizaines d’heures d’entretiens off offerts à deux journalistes du Monde, François Hollande confesse sans détour ses opinions sur de nombreux sujets sensibles. Le contenu choque : il y étrille certains adversaires politiques, émet des jugements méprisants sur les magistrats ou dévoile des informations confidentielles liées à la sécurité nationale​. Bref, autant de propos qu’un président en exercice n’aurait jamais dû divulguer publiquement.

La sortie de ce livre de confidences a eu l’effet d’une bombe politique et médiatique. Non seulement elle a sapé le peu de capital de sympathie qu’il restait à Hollande, mais elle a aussi anéanti la stratégie de communication qu’il commençait à déployer en vue de l’élection à venir. Les révélations fracassantes du livre ont écrasé la « séquence » de communication que l’Élysée tentait de mettre en place pour relancer le quinquennat​. Pendant des semaines, médias et commentateurs n’ont parlé que des petites phrases catastrophiques du Président, reléguant au second plan ses messages officiels. En interne, ses plus proches collaborateurs se sont dits consternés de le voir ainsi saboter sa propre image : beaucoup estimaient que François Hollande parlait trop aux médias, avec une communication pas assez professionnelle, et qu’il s’était piégé lui-même​. Le Président avait offert aux journalistes, sur un plateau, de quoi alimenter polémiques et moqueries à son égard – une faute de gestion médiatique aux conséquences irréparables. Cette relation malsaine aux médias, faite à la fois de recherche de validation et d’excès de confiance, s’est avérée désastreuse. Elle a contribué à décrédibiliser la parole présidentielle et à détériorer l’image de François Hollande jusqu’à la fin de son mandat.

Manque d’adaptation aux nouvelles formes de communication politique et aux attentes du public

Enfin, l’ère du numérique et des réseaux sociaux a pris de court la communication élyséenne sous Hollande. Alors que les citoyens investissent massivement les nouvelles plateformes et attendent des dirigeants une communication moderne, réactive et authentique, François Hollande est apparu en décalage sur ce terrain. Son quinquennat coïncidait avec l’explosion de Twitter, Facebook Live, YouTube, Snapchat et autres moyens d’interaction directe entre dirigeants et population. D’autres leaders mondiaux commençaient à utiliser ces canaux pour soigner leur image (on pense à Barack Obama très présent sur les réseaux, ou à la montée des « populistes numériques »). En France, son successeur Emmanuel Macron allait en faire un atout. Mais Hollande, lui, n’a pas su réellement investir la sphère numérique de manière convaincante.

Pire, les rares incursions de François Hollande dans les nouveaux médias se sont soldées par des fiascos retentissants. Un exemple souvent cité est sa tentative d’utilisation de Périscope (application de vidéo en direct alors en vogue) en 2016. Voulant montrer un visage moderne et proche des jeunes, le Président s’est filmé en direct lors d’une visite d’entreprise numérique. Le résultat a été calamiteux : la diffusion en live a été rapidement submergée par des commentaires moqueurs ou injurieux de la part des internautes, profitant de cette tribune pour exprimer leur exaspération​. Cette séquence Périscope s’est révélée être « un désastre complet », de l’aveu même d’observateurs de sa communication​. L’initiative, censée rajeunir son image, n’a fait que souligner le fossé entre le Président et la culture web. De même, Hollande n’a pas particulièrement brillé sur Twitter ou Facebook – ses messages, souvent institutionnels, généraient peu d’enthousiasme, et il n’a pas su utiliser ces médias pour créer de la proximité ou de l’interactivité.

Ce retard dans la communication 2.0 a contribué à le rendre moins audible auprès d’une partie du public, notamment les plus jeunes, et à donner l’impression d’un président dépassé dans sa manière de communiquer. À l’heure où l’attention des citoyens se gagne aussi sur les écrans de smartphone, François Hollande est resté sur un mode de communication très traditionnel, peinant à s’adapter aux attentes d’un public en mutation. Cette inadéquation entre les moyens de communication employés et l’air du temps a constitué une erreur de plus à mettre à son passif, empêchant toute reconquête de popularité sur la fin du quinquennat.

Popularité en chute libre et leçons à tirer

En définitive, l’addition de ces erreurs de communication a lourdement pesé dans l’effondrement de la popularité de François Hollande. Incapable de redresser son image malgré de multiples tentatives, enlisé dans des polémiques souvent auto-infligées, le président a vu sa crédibilité s’éroder de mois en mois jusqu’à renoncer à briguer sa réélection en 2017. Son quinquennat restera associé à une impopularité record, en grande partie aggravée par une stratégie de communication défaillante. Ce naufrage communicationnel offre des enseignements précieux pour les futurs dirigeants et leurs conseillers en image :

  • Cohérence et clarté du message : Une ligne directrice compréhensible et assumée est indispensable. Changer de cap en permanence ou souffler le chaud et le froid désoriente l’opinion. Un leadership communicatif suppose de la constance.
  • Maîtrise de la parole présidentielle : Tout propos off record peut un jour se retrouver exposé. Un chef d’État doit garder la maîtrise de sa parole et éviter les confidences hasardeuses. La transparence a des vertus, mais elle doit être mesurée.
  • Anticipation et préparation des interventions : Chaque prise de parole importante (interview, émission spéciale) doit être finement préparée, avec un objectif clair et une bonne compréhension des attentes du public. L’improvisation ou l’approximation se payent cash en termes d’image.
  • Relation professionnelle avec les médias : Entretenir de bonnes relations avec la presse ne signifie pas se confier naïvement. Il faut trouver le juste équilibre entre accessibilité et retenue, et garder à l’esprit que les journalistes ne sont pas des conseillers mais des relais potentiels d’une parole qui peut déraper.
  • Adaptation aux nouveaux médias : Ignorer ou sous-estimer les réseaux sociaux et les nouveaux modes d’expression des citoyens est une erreur. Un leader moderne doit investir ces espaces de communication avec authenticité et habileté, sans forcer le trait. Il s’agit d’aller à la rencontre du public là où il se trouve, tout en maîtrisant le message.

En somme, l’échec de François Hollande à maîtriser sa communication présidentielle a largement contribué à son désaveu populaire. Son quinquennat illustre qu’une mauvaise communication peut anéantir une action politique, aussi substantielle soit-elle. Les futurs dirigeants français feront bien de méditer ces ratés pour ne pas répéter les mêmes erreurs de communication. La conquête des cœurs et des esprits passe autant par la sincérité du propos que par l’habileté à le transmettre – un art difficile, dont l’importance ne doit jamais être sous-estimée.