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Le fiasco de la communication de crise de Bud Light

Dylan Mulvaney Bud Light

La marque Bud Light est sous le feu des critiques après un partenariat avec une influenceuse transgenre, Dylan Mulvaney. Des conservateurs américains appellent au boycott de la bière, l’accusant de devenir une « bière trans » et de soutenir les entreprises « woke ». Des artistes de la country et des bars dans des États républicains soutiennent le boycott. La marque a riposté en diffusant maladroitement une publicité patriotique et le PDG Brendan Whitworth a publié un communiqué de presse d’excuses qui n’a fait qu’accentuer les critiques.

Brendan Whitworth crise bud light

Ce n’est pas la première fois qu’une marque est visée pour un partenariat jugé trop « woke« , comme M&M’s en janvier dernier. Toutefois, bien géré, un boycott a rarement un impact à long terme sur les ventes.

La crise de Bud Light: gestion des enjeux sensibles de communication

La marque Bud Light, bien connue pour sa bière populaire aux États-Unis, a lancé un partenariat avec Dylan Mulvaney, une influenceuse transgenre, pour célébrer le premier anniversaire de sa transition de genre. Cette décision a rapidement suscité la colère de certains conservateurs américains, qui ont appelé au boycott de la bière, l’accusant de soutenir les entreprises « woke » et de devenir une « bière trans ».

L’image de marque chahutée par des conservateurs

La crise de Bud Light a mis en évidence l’importance d’anticiper une stratégie de communication claire et cohérente pour les entreprises qui s’engagent dans des actions sociales et sociétales face aux critiques prévisibles.

Ici, la marque a maladroitement tenté de répondre à la crise en diffusant une publicité patriotique et en publiant un communiqué d’excuses de la part de son PDG, Brendan Whitworth. Ces actions inefficaces n’ont pas suffi à apaiser les critiques. Au contraire, elles les ont attisées. Elles ont été perçues comme incohérentes pour les uns et insincères pour les autres.

Le dilemme marketing

La crise de Bud Light soulève le classique dilemme d’image de marque pour les entreprises qui s’engagent dans des actions sociétales. D’un côté, ces sociétés peuvent être perçues comme progressistes et socialement responsables, ce qui peut renforcer leur image auprès d’une partie de leur clientèle. De l’autre, ces marques risquent de s’aliéner une partie de leur public, qui peut considérer ces actions comme une trahison de leurs « valeurs » traditionnelles.

Dans le cas de Bud Light, la marque s’est retrouvée dans une situation difficile où elle a maladroitement tenté de préserver son image traditionnelle tout en défendant son partenariat avec Dylan Mulvaney. Une schizophrénie marketing qui n’a évidemment pas manqué de poser la question de la sincérité de l’engagement de l’entreprise.

Le retour de bâton d’un « pinkwashing »

De nos jours, les consommateurs attendent beaucoup des marques, surtout lorsqu’il s’agit de diversité, d’équité et d’inclusion. Dans un environnement polarisé, les marques doivent promouvoir l’inclusivité et assumer leurs actions pour une stabilité à long terme.

Bud Light s’est trompé en ayant une réponse hésitante, tiède et floue face à la controverse. Les marques doivent être préparées à défendre leurs partenariats et à anticiper les réactions négatives en mettant en avant une posture claire. Bud Light aurait pu améliorer sa réputation en appuyant davantage sur son message d’inclusivité.

Le silence de Bud Light sur les réseaux sociaux pendant près de deux semaines a également nui à sa réputation. Rester silencieux pendant une crise n’est jamais la solution. Les marques doivent assumer leurs décisions et communiquer clairement.

Le « pinkwashing » (exploitation commerciale de l’image LGBTQ+) est ici également un problème sérieux. Les marques doivent s’assurer que leur engagement envers les valeurs d’inclusion est authentique et qu’elles soutiennent réellement ces valeurs au sein de leur organisation. Cela ne semble clairement pas le cas ici.

Le tollé médiatique et le bad buzz sur les réseaux sociaux ont eu un impact commercial réel. Le volume des ventes de Bud Light avait chuté de 11% pour la semaine se terminant le 8 avril, par rapport à l’année dernière, selon les données de NielsenIQ. Pendant ce temps, le cours de l’action du concurrent Molson Coors a grimpé de près de 9% depuis la fin du mois dernier.

Mais la réponse ambiguë d’Anheuser-Busch – dans laquelle Whitworth dit reconnaître « l’importance de la responsabilité » et les « valeurs sur lesquelles l’Amérique a été fondée » – semble n’avoir rien arrangé pour l’entreprise.

Les consommateurs des deux côtés du débat se sont exprimés sur les réseaux sociaux pour manifester leur mécontentement face à la déclaration maladroite de Whitworth.
De nombreux militants et commentateurs conservateurs suggèrent qu’ils continueront à boycotter Bud Light, tandis que les libéraux estiment que la déclaration de Whitworth ne met pas suffisamment en avant les valeurs sociales d’Anheuser-Busch et n’offre pas de protection à Mulvaney.

La marque fait face à la réalité d’un sentiment souvent attribué à Abraham Lincoln : « On peut plaire à certains tout le temps, à tous quelquefois, mais pas à tous tout le temps. »
C’est une leçon que les marques auraient dû apprendre… il y a longtemps. Et maintenant, elles en paient le prix.

Anheuser-Busch a semblé faire marche arrière pour reconquérir sa clientèle conservatrice : les utilisateurs des médias sociaux ont repéré des publicités patriotiques pour Budweiser mettant en vedette ses célèbres chevaux Clydesdale dans leurs fils d’actualité.

« Sa première grande erreur a été de ne pas anticiper les critiques potentielles et d’avoir un plan pour y répondre rapidement, puis il y a eu trop de jours de silence », explique Florian Silnicki, le président de l’agence de communication de crise LaFrenchCom. Anheuser-Busch semble être entré dans le partenariat sans être préparé à la forte probabilité de réactions négatives. Le manque d’anticipation est une faute.

AB InBev a atteint un très haut niveau de lâcheté corporate. Au lieu de renforcer sa décision de travailler avec Dylan Mulvaney, il a cédé à une base en déclin et a finalement embrassé la haine dans le processus communicationnel de l’entreprise.

Cette déclaration est un carburant pour le feu et une injustice envers Dylan Mulvaney, la laissant vulnérable aux attaques. Les mots de Whitworth sont choisis pour capter un public conservateur, éduqué par certains médias à percevoir les personnes transgenres comme dangereuses – son ‘temps passé à servir ce pays’, sa mention des ‘militaires, premiers intervenants’. Il évoque la guerre et les catastrophes, en accord avec tant de discours transphobes insidieux.

Il y a peut-être des marketeurs bien intentionnés chez Bud Light qui essaient de montrer leurs valeurs à travers un casting diversifié et, selon leurs mots, ‘se connecter avec des publics de diverses démographies’. Mais si cela n’est pas lié aux valeurs au sommet de l’entreprise, cela ne signifie rien et n’a donc aucune efficacité. Au contraire, ce désalignement est crisogène.

Cette crise est l’occasion pour l’entreprise de déterminer quel type d’entreprise elle veut être, maintenant et à l’avenir.