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Exagération des informations des services secrets

Armes irakiennes, un blâme parlementaire pour Blair

La commission des affaires étrangères reproche au gouvernement britannique d’avoir exagéré l’importance d’informations des services secrets sur la menace posée par Saddam, mais blanchit le porte-parole du premier ministre de l’accusation d’avoir «gonflé» un dossier sur l’Irak.

Ni totalement coupable, ni complètement innocent. Le verdict de la commission parlementaire britannique des affaires étrangères, livré lundi après plusieurs semaines d’auditions au sujet des dossiers ayant servi de base documentaire à l’engagement des troupes de Sa Majesté en Irak, est une gifle pour Tony Blair – pas une condamnation ferme. Et si son directeur de la communication, Alastair Campbell, se voit lavé du soupçon de traficotage d’informations secrètes, comme l’en accusait un journaliste de la BBC, la qualité des renseignements sur lesquels le gouvernement s’est basé pour déclarer la guerre à Saddam Hussein, et la précision avec laquelle ces informations ont été transmises au public et au parlement, sont gravement mises en cause. 

Quarante-cinq minutes… de trop 

Pire, la commission est sortie divisée de cet exercice qu’elle qualifie elle-même de frustrant, puisqu’elle s’est vu refuser l’accès direct aux services de renseignements à disposition du gouvernement. Il ne s’en est fallu que de la voix de son président, le travailliste Donald Anderson, pour que l’accusation de manipulation par le «spin doctor» en chef de Tony Blair ne soit confirmée. Rappelons que cette sous-affaire, qui a fini par éclipser les raisons fondamentales de l’enquête, est partie d’un reportage du spécialiste des questions de défense de la BBC, Andrew Gilligan. Celui-ci s’est basé sur une source anonyme haut placée dans les services secrets britanniques pour affirmer qu’Alastair Campbell avait rajouté, juste avant la publication du principal dossier gouvernemental sur l’Irak en septembre 2002, l’information selon laquelle Saddam était capable de déployer ses armes de destruction massive en trois quarts d’heure. 

«Tandis qu’Andrew Gilligan s’est réfugié derrière la protection de sa source unique pour refuser d’en préciser la nature exacte, Alastair Campbell a présenté une foule de témoins (y compris le chef du Comité commun des renseignements) et de preuves démontrant qu’il n’avait pas trafiqué le dossier dans le dos des services secrets, a précisé Donald Anderson. Devant cette discordance de preuves, n’importe quel jury aurait conclu que les accusations de M. Gilligan étaient clairement erronées.» Du coup, le rapport dit que «sur la base des éléments auxquels nous avons eu accès, Alastair Campbell n’a pas exercé ou cherché à exercer une influence indue sur la rédaction du dossier de septembre». Reste que les députés conservateurs de la commission n’ont pas voté le blanchissage du conseiller de Tony Blair, et que la BBC, sommée de s’excuser tant par Alastair Campbell que par le secrétaire au Foreign Office, Jack Straw, maintient qu’elle a eu raison de diffuser le reportage qui «met en lumière les circonstances entourant l’insertion de la mention des quarante-cinq minutes». 

Car cette affirmation, si elle n’est pas le produit différé d’Alastair Campbell, n’en demeure pas moins problématique, affirme la commission. «Elle ne méritait pas la prééminence qui lui a été accordée dans le dossier, car elle était basée sur une seule source non corroborée.» Les députés demandent désormais au gouvernement d’expliquer pourquoi cet élément a été mis en avant, et ajoutent que Campbell n’aurait pas dû diriger des réunions de renseignement. Enfin, le langage utilisé dans le dossier de septembre était «trop affirmatif», et que «le doute plane encore sur son exactitude», même si la sincérité des craintes gouvernementales exprimées à l’époque sur Saddam n’est pas remise en cause. Une accusation involontairement confirmée par le Ministère de la défense, qui expliquait lundi après-midi, dans sa première évaluation globale de la guerre, que les Etats-Unis et la Grande-Bretagne n’avaient que «des bribes de renseignements» sur l’Irak dans les mois précédant le conflit. 

Tony Blair s’en tire encore moins bien sur le «dossier foireux» de février 2003. Pour la commission, ce document, qui plagiait une thèse estudiantine vieille de douze ans (un procédé «totalement inacceptable»), n’aurait jamais dû exister, tant il a produit des résultats contre-productifs. «En le publiant, le gouvernement a mis en cause la crédibilité de son argumentation en faveur de la guerre, disent les députés. Et Tony Blair en a donné une image fausse en le présentant comme une information supplémentaire au parlement, péjorant sans le vouloir une situation déjà mauvaise.» 

Les deux dossiers controversés du gouvernement britannique

Les deux documents publiés par le gouvernement Blair pour justifier une action militaire contre l’Irak sont de nature différente, mais la controverse qui les entoure est identique. 

En septembre 2002, juste après un autre rapport publié par l’International Institute of Strategic Studies, basé à Londres et à Washington, le gouvernement britannique publie son propre dossier à charge sur les capacités du régime de Bagdad en matière d’armes de destruction massive (ADM). Y figurent notamment la liste des composants chimiques et biologiques dont personne ne sait ce qu’ils sont devenus, et la fameuse affirmation sur les quarante-cinq minutes nécessaires au déploiement des ADM. 

En février 2003, un dossier plus mince est publié sur Internet et présenté au parlement. Il souligne entre autres les liens entre Bagdad et des groupes terroristes. Trois jours plus tard, une chaîne de télévision révèle qu’il est copié sur la thèse d’un étudiant américain, dont certains mots ont été changés pour rendre les phrases plus convaincantes. 

Tandis que le leader de l’opposition conservatrice réclame une excuse au parlement de la part de Tony Blair, Robin Cook, ancien membre du cabinet qui a démissionné à cause de l’Irak, estime que «les preuves s’accumulent qui montrent que le gouvernement a engagé un conflit sur des renseignements erronés.»