- Le rôle du porte-parole en entreprise lors des crises médiatiques
- Le rôle clé du porte-parole en temps de crise
- Les qualités fondamentales d’un bon porte-parole de crise
- Les pièges à éviter et les erreurs fatales
- La coordination avec la cellule de crise et les dirigeants
- Techniques et outils pour gérer les médias
- Cas pratiques et exemples concrets
- Un bon porte-parole, c'est quoi ?
Le rôle du porte-parole en entreprise lors des crises médiatiques
Lorsque la tempête médiatique s’abat sur une entreprise, le porte-parole devient son visage public et sa bouée de sauvetage. En situation de crise, il n’y a pas de place pour l’improvisation ou l’amateurisme : la survie de la réputation de l’entreprise en dépend. Décryptons le rôle crucial du porte-parole en temps de crise, les qualités qu’il doit impérativement posséder, les erreurs fatales à éviter, la façon dont il coordonne son action avec la cellule de crise interne, les outils pour affronter les médias, ainsi que des exemples concrets tirés de crises célèbres. L’objectif est d’armer les futurs professionnels de la communication de crise avec une compréhension concrète, percutante et pédagogique de ce métier sous haute pression.
Le rôle clé du porte-parole en temps de crise
En période de crise, le porte-parole est indispensable pour incarner la voix de l’entreprise face aux médias. Il agit comme une figure rassurante qui humanise l’organisation et calme le jeu lorsque panique et incompréhension menacent de s’installer. C’est lui qui porte le message officiel : il transmet des informations claires et précises, sans laisser place aux rumeurs ni aux interprétations hasardeuses.
Pourquoi un professionnel formé est-il si important ? Parce qu’en crise, communiquer vite et bien est vital. Il faut occuper le terrain médiatique pour empêcher les autres (concurrents malveillants, anciens salariés revanchards, experts externes, commentateurs des plateaux TV) de prendre le contrôle du récit de la crise. Une réponse tardive ou mal maîtrisée crée de la confusion et alimente les spéculations, ce qui peut aggraver la situation. Le porte-parole, préparé en amont, permet à l’entreprise de garder la main sur l’histoire et de diffuser sa version des faits avant que le vide ne soit comblé par des informations non contrôlées.
En temps de crise, le porte-parole est le messager officiel autant que le gardien de la crédibilité de l’entreprise. Son rôle central consiste à informer, expliquer et rassurer tous les publics (médias, clients, partenaires, employés, autorités) au fil des événements. Sans porte-parole compétent pour unifier et porter la communication de crise, la cacophonie guette, et avec elle la perte de confiance du public.
Les qualités fondamentales d’un bon porte-parole de crise
Tous les communicants de crise ne sont pas armés pour gérer un micro braqué sous la pression des caméras et des journalistes en pleine tourmente. Voici les qualités indispensables qu’un bon porte-parole de crise doit posséder :
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Crédibilité : Il doit inspirer confiance aux médias dès la première seconde. Cela implique d’être perçu comme honnête, fiable et compétent. Une connaissance approfondie de l’entreprise et du sujet de la crise est nécessaire, tout comme la rigueur dans le traitement des informations et une empathie sincère envers le public concerné. La crédibilité est capitale car sans elle, aucun message ne sera pris au sérieux.
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Clarté : En situation de crise, le stress et l’urgence peuvent brouiller le discours. Un bon porte-parole s’exprime avec une simplicité et une précision chirurgicales, bannissant le jargon technique et les phrases confuses. Son message doit être compréhensible par tous et aller droit à l’essentiel. Des informations claires et concises évitent les malentendus et empêchent les rumeurs de prospérer.
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Sang-froid : La pression médiatique peut être intense, avec des questions agressives ou des informations partielles diffusées en direct. Le porte-parole de crise doit pouvoir garder son calme en toutes circonstances. Même sous le feu roulant des questions difficiles des journalistes, il reste posé, ne montre ni panique ni colère. Cette capacité à encaisser le stress et à répondre avec diplomatie est cruciale pour ne pas ajouter de l’huile sur le feu. Maintenir son sang-froid diffuse une image de maîtrise et aide à apaiser les tensions.
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Maîtrise du message : Un porte-parole efficace connaît sur le bout des doigts les faits de la crise, les éléments de langage approuvés et les messages clés à marteler. Il s’est préparé en amont à expliquer la situation et à répondre aux questions embarrassantes. Cette préparation lui permet de répondre avec assurance et précision, sans hésiter. Chaque mot compte en situation de crise, d’où l’importance d’un discours cohérent, aligné sur la stratégie de l’entreprise et adaptable selon l’évolution des événements.
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Résistance à la pression : Une crise peut durer des jours, des semaines, voire des mois, et génère un stress prolongé. Un bon porte-parole tient la distance. Il supporte la répétition des interviews, la fatigue, la pression des délais serrés, sans flancher. Sa résilience lui permet de rester performant au fil du temps, de conserver sa lucidité pour affronter des journalistes de plus en plus pointus, et de ne pas céder aux provocations. En somme, il a les nerfs solides et l’endurance mentale pour tenir la barre jusqu’au retour au calme d’où l’importance de s’entrainer aux exercices de pression médiatique simulée.
Ces qualités – auxquelles on pourrait ajouter l’empathie, l’honnêteté et d’excellentes compétences en communication non verbale – ne sont pas innées. Elles se travaillent, par l’expérience et la formation. Un porte-parole doté de ces atouts devient un véritable atout stratégique : il peut faire la différence entre une crise bien gérée et un désastre médiatique.
Les pièges à éviter et les erreurs fatales
En communication de crise, certaines erreurs du porte-parole peuvent s’avérer fatales pour l’entreprise. Voici les principaux pièges à éviter à tout prix :
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Improviser sans préparation : L’improvisation est l’ennemie de la gestion de crise. Répondre aux médias « à chaud » sans message préparé ni validation interne peut conduire à des approximations ou des propos regrettables. Une crise n’est pas un exercice de spontanéité : au contraire, tout doit être réfléchi, validé et cohérent. La gestion de crise ne laisse aucune place à l’improvisation. Chaque porte-parole doit suivre un plan de communication précis, quitte à s’entraîner sur des questions potentielles en coulisses. Ne pas se préparer, c’est courir vers l’accident de communication.
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Hésiter ou se contredire : Montrer de l’hésitation, chercher ses mots ou – pire – fournir des informations incohérentes d’une déclaration à l’autre, mine la crédibilité en quelques instants. Le public et les journalistes détectent immédiatement l’incertitude ou les contradictions. Si le porte-parole se corrige sans cesse ou paraît ne pas savoir de quoi il parle, la confiance s’effondre. Un message doit rester constant d’une prise de parole à l’autre. Cela suppose une coordination exemplaire et la vérification rigoureuse des faits avant de s’exprimer. En cas d’incertitude, mieux vaut assumer de ne pas avoir encore la réponse que de balbutier ou d’inventer une explication bancale.
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Manquer de transparence ou mentir : Tenter de minimiser la gravité de la crise, cacher des informations ou mentir ouvertement est une erreur impardonnable. D’une part, la vérité finit presque toujours par éclater – avec, à la clé, un discrédit total sur la parole de l’entreprise. D’autre part, en temps de crise, le public attend de la transparence et de la responsabilité. Par exemple, lors du scandale Enron (2001), le PDG Kenneth Lay a publiquement assuré que tout allait bien alors qu’il savait l’entreprise au bord de l’effondrement. Quand la réalité a éclaté, sa crédibilité a été anéantie et cela a aggravé la chute d’Enron. La leçon est claire : reconnaître ce qui se passe (sans forcément tout dévoiler instantanément) est toujours moins dommageable que le mensonge ou le déni.
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Adopter un ton arrogant ou méprisant : Un porte-parole qui paraît hautain, froid, ou qui rejette la faute sur les autres, risque de se mettre l’opinion à dos. En pleine crise, le public attend au minimum de l’humilité, voire des excuses si l’entreprise est en tort. L’arrogance donne l’impression que l’on ne prend pas la situation au sérieux ou que l’on se moque des victimes. Erreur fatale : Gérald Ratner, patron d’une chaîne de bijouteries, a un jour plaisanté publiquement en qualifiant ses propres produits de « camelote totale ». Résultat : tollé général, chute des ventes et un cas d’école connu sous le nom de “Ratner Effect” pour illustrer qu’une remarque arrogante peut couler une entreprise. De même, lors d’une crise environnementale majeure en 2010, le PDG de BP Tony Hayward avait présenté des excuses maladroites en ajoutant « Je voudrais retrouver ma vie ». Cette formulation égocentrée a choqué le public en donnant l’impression qu’il se posait en victime, éclipsant en partie la catastrophe écologique en cours. Le mépris ou l’égocentrisme n’ont pas leur place dans la bouche d’un porte-parole de crise.
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Laisser parler ses émotions à l’antenne : Sous la pression, un dérapage émotionnel est vite arrivé – voix qui tremble, agacement qui transparaît, colère contre un journaliste, larmes incontrôlées… Mais ces instants sont impitoyablement scrutés et rediffusés en boucle. Un porte-parole doit garder le contrôle de ses émotions en public. S’il montre sa panique ou s’emporte, c’est le signe que l’entreprise perd pied, ce qui affole davantage l’opinion. Les émotions vives brouillent aussi le fond du message : on ne retiendra que le « coup de sang » ou le malaise, et non ce qui a été dit. Cela ne veut pas dire être robotique – montrer de la compassion, par exemple, est nécessaire – mais il faut absolument éviter la colère ou la panique visibles. Une réaction à chaud regrettable peut devenir LE moment retenu de la crise dans les médias, au détriment de tous vos efforts de communication.
En résumé, le porte-parole doit éviter tout ce qui entame la confiance ou détourne l’attention du message central. Clarté, cohérence, honnêteté et maîtrise de soi forment son mantra. Les égarements, eux, se paient comptant en temps de crise.
La coordination avec la cellule de crise et les dirigeants
Le porte-parole n’agit jamais en solo dans son coin. Il est au contraire le membre visible d’une équipe de gestion de crise plus large avec laquelle il doit fonctionner en synergie. Une communication de crise réussie repose sur une coordination sans faille entre le porte-parole, la cellule de crise et les dirigeants de l’entreprise.
Intégration dans la cellule de crise : Dès qu’une crise éclate, une cellule de crise se met en place, rassemblant des décideurs (direction générale), des experts selon la nature de la crise (technique, juridique, sécurité, etc.) et les communicants. Le porte-parole (qu’il s’agisse du dircom, d’un communicant dédié, voire souvent du dirigeant lui-même) doit être intégré à cette cellule centrale. Cela lui permet d’être informé en temps réel de l’évolution de la situation, des faits collectés et des décisions prises. Il participe à l’élaboration de la stratégie de communication : choix des messages clés, ton à employer, canaux à privilégier (communiqué, conférence de presse, réseaux sociaux…). Préparer le porte-parole à incarner la posture de l’entreprise fait partie des toutes premières tâches de la cellule de communication de crise.
Message unifié et validé : Le porte-parole est la voix, mais les mots qu’il prononce sont le fruit d’un travail collectif. En amont de chaque prise de parole, la cellule de crise élabore des éléments de langage : des phrases clés, des chiffres, des explications approuvées par les experts et les dirigeants. On anticipe également les questions difficiles en préparant un document Questions/Réponses évolutif. Ainsi, le porte-parole dispose d’une base solide pour s’exprimer, alignée avec la réalité terrain (grâce aux experts) et la stratégie décidée par la direction. Toute incohérence entre le discours du porte-parole et les actions de l’entreprise doit être éliminée en amont. Parler d’une seule voix est fondamental : si le directeur technique dit blanc et le porte-parole dit noir, la confusion ruinera la crédibilité de l’entreprise. D’où l’importance d’une validation rapide mais rigoureuse de chaque information diffusée.
Remontée d’information : La communication est un flux bidirectionnel. Le porte-parole ne fait pas que descendre l’information vers l’extérieur, il remonte aussi vers la cellule de crise ce qui se dit à l’extérieur. Il informe ses collègues de l’état de l’opinion, de la teneur des questions des journalistes, des rumeurs qui circulent sur les réseaux sociaux, etc.. Cette veille permet à l’équipe interne d’ajuster sa stratégie en fonction de la perception extérieure et d’identifier les zones d’ombre à éclaircir. En somme, le porte-parole est les yeux et les oreilles de la cellule de crise sur le front médiatique.
Collaboration avec les dirigeants : Le soutien actif de la direction est indispensable. Le top management doit donner au porte-parole les moyens d’agir (délégation d’autorité pour s’exprimer au nom de l’entreprise, accès aux informations sensibles, etc.) et être en phase avec ses messages. Parfois, le dirigeant est le porte-parole principal, notamment si sa présence est jugée nécessaire pour peser suffisamment (cas de crises très graves où la parole du PDG est attendue). Dans ce cas, la cellule de communication doit former et coacher le dirigeant pour qu’il tienne son rôle de porte-parole efficacement – car être patron ne s’improvise pas communicant de crise. La cellule peut décider d’une double incarnation : par exemple un expert technique pour les détails pointus et un dirigeant pour la vision d’ensemble et l’engagement de l’entreprise. Si c’est le cas, la coordination et le partage d’information doivent être encore plus stricts pour éviter tout décalage.
Gestion centralisée des relations médias : Il est crucial qu’en temps de crise, une seule entité coordonne toutes les interactions avec la presse. Toute sollicitation des journalistes doit remonter vers la cellule communication. Cela permet d’éviter que des employés isolés ou des responsables non préparés répondent de leur côté, au risque de tenir des propos non maîtrisés. Le porte-parole, appuyé par son équipe, centralise les demandes d’interview et les retours médias. En interne, des consignes claires sont diffusées pour demander à tout collaborateur contacté par un média de le rediriger vers le porte-parole désigné. Cette discipline de communication évite la cacophonie et garantit que le discours public reste cohérent et maîtrisé.
En résumé, le porte-parole est la pointe émergée de l’iceberg. Sous la surface, toute une équipe œuvre de concert pour lui fournir les informations, valider les messages et ajuster la stratégie au fil de l’eau. C’est cette synergie entre le porte-parole, les experts et les décideurs qui assure une communication de crise efficace, réactive et crédible.
Techniques et outils pour gérer les médias
Même armé des meilleures qualités et bien entouré, un porte-parole de crise doit maîtriser un arsenal de techniques spécifiques pour affronter les médias. Voici les outils et méthodes clés pour gérer la pression médiatique et délivrer le bon message, au bon moment et de la bonne manière :
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Le media training de crise : C’est la base. Aucune entreprise sensée n’enverrait son porte-parole face à des journalistes hostiles sans un entraînement adéquat. Le media training de crise consiste à s’entraîner en conditions quasi réelles : simulations d’interviews musclées, caméras, jeux de rôles avec questions pièges, etc. Des formateurs experts coachent le porte-parole sur sa prise de parole, son langage corporel, sa gestion du trac. L’objectif est qu’il acquière des réflexes pour répondre sans se démonter, même sous le feu nourri des questions. On y apprend par exemple à anticiper les questions difficiles et à y répondre avec calme et stratégie. Le media training permet aussi de travailler la voix, le ton, le regard, pour paraître à la fois sûr de soi et empathique. En situation de crise, cet entraînement préalable fait la différence entre un communicant crispé qui gaffe et un porte-parole rodé qui délivre son message avec assurance.
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Le storytelling de crise : Il s’agit de donner du sens et de la cohérence au discours de l’entreprise tout au long de la crise. Plutôt que de lâcher des infos au compte-gouttes sans fil conducteur, on construit un récit maîtrisé. Concrètement, le porte-parole, avec l’équipe de communication, structure sa prise de parole comme une histoire : reconnaissance du problème, rappel des valeurs de l’entreprise, actions entreprises pour résoudre la crise, et projection vers l’avenir une fois la tempête passée. Ce fil narratif aide le public à suivre l’évolution de la situation et à percevoir l’engagement de l’entreprise. Par exemple, lors d’une crise sanitaire, le storytelling pourra insister sur la priorité absolue donnée à la sécurité des consommateurs, détailler les mesures correctives prises jour après jour, et se conclure par la volonté de tirer les leçons de l’incident pour en sortir plus fort. Attention : storytelling ne veut pas dire enjoliver ou manipuler la vérité, mais articuler les faits de manière intelligible et mémorable. Un bon récit de crise, bien relayé par le porte-parole, permet de rassurer et de regagner la confiance en montrant une trajectoire : du chaos initial vers la résolution.
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La maîtrise des interviews et conférences de presse : Quelques techniques éprouvées permettent de garder le contrôle face aux journalistes :
- Messages clés en tête : le porte-parole doit avoir en mémoire 2 ou 3 messages principaux à placer absolument dans chacune de ses interventions. Ces messages doivent être répétés pour marquer les esprits. Même si les questions dérivent, il ramène systématiquement la conversation vers ces points fondamentaux (bridge). Par exemple : « Ce qui est important à retenir, c’est que… ».
- Réponses concises et factuelles : en crise, mieux vaut faire court et factuel. On évite les longs détours et le langage trop corporate. Chaque réponse doit apporter un élément clair. Si une question nécessite une réponse technique ou juridique complexe, le porte-parole peut proposer d’y revenir plus tard avec plus de détails, plutôt que de s’embourber en direct.
- Gestion des questions difficiles : ne jamais dire « no comment » brutalement, car cela donne l’impression qu’on cache quelque chose. Si une question est sensible (par exemple parce que l’information n’est pas encore connue ou validée), on peut répondre par une formule du type : « À l’heure où je vous parle, nous n’avons pas encore tous les éléments. Notre priorité est de faire la lumière sur X, et nous vous tiendrons informés dès que possible. » Il vaut bien mieux admettre une lacune que de risquer une réponse fausse – savoir dire « je ne sais pas » est une preuve de transparence qui peut être acceptée si elle est exceptionnelle.
- Technique du bridging (faire un pont) : c’est l’art de répondre brièvement à la question posée puis d’enchaîner sur le message que l’on veut vraiment faire passer. Par exemple : « Oui, ce problème a eu lieu. Mais ce qu’il faut surtout retenir, c’est les mesures fortes que nous avons prises immédiatement pour y remédier… ». Cela permet de ne pas esquiver la question (on y répond quand même) tout en pivotant vers un terrain plus favorable. Il faut le faire avec finesse pour ne pas donner l’impression d’éluder systématiquement, mais c’est un outil précieux pour cadrer le discours.
- Rester maître du temps de parole : en conférence de presse, le porte-parole peut annoncer qu’il prendra X questions puis qu’il devra retourner gérer la situation. Cela évite de s’éterniser sous le feu des questions. De même en interview, si le journaliste insiste lourdement sur un point déjà traité, le porte-parole peut poliment clore le sujet en réaffirmant sa position et en proposant de passer à autre chose (« Je comprends votre insistance sur ce point, j’y ai répondu : notre position est claire… »). C’est une manière de garder l’initiative.
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Les outils de communication adaptés : Le porte-parole doit savoir utiliser tous les canaux mis à disposition pour diffuser le message de crise efficacement. Cela inclut :
- Les communiqués de presse : pour exposer les faits officiels et les actions de l’entreprise de manière écrite et structurée. C’est la base pour toucher l’ensemble des médias avec la même information.
- Les conférences de presse : utiles quand la crise prend de l’ampleur. Elles permettent de délivrer un message directement et de montrer une image de transparence (en acceptant de répondre aux questions en public). Le porte-parole y prépare une déclaration liminaire percutante, puis ouvre la séance de Q&R en gardant son calme et son sourire – même face aux questions hostiles.
- Les réseaux sociaux : aujourd’hui incontournables en crise. Le porte-parole peut y diffuser des messages vidéo ou des posts écrits pour toucher le public directement. Attention, la réactivité doit y être maximale pour couper court aux fake news. Un tweet d’excuse ou de mise au point, émanant du compte officiel de l’entreprise, peut éviter bien des malentendus si posté rapidement. Le porte-parole doit donc valider ces messages rapides en coordination avec l’équipe digitale.
- Le site web et le blog de crise : souvent, les entreprises ouvrent une section dédiée sur leur site web pour fournir des mises à jour régulières pendant la crise (communiqués, FAQ, infographies explicatives). Le porte-parole peut renvoyer les journalistes vers cette source officielle d’information pour les détails techniques, ce qui lui permet lors de ses interventions orales de rester focalisé sur les messages clés.
En combinant ces techniques et outils, un porte-parole de crise parvient à gérer les médias de manière proactive. Il ne subit pas les interviews, il les conduit habilement. Il ne se contente pas de réagir aux événements, il cherche à imposer son agenda et ses messages dans l’espace public. Cette maîtrise médiatique vient avec l’entraînement et l’expérience, mais aussi d’une préparation intense pendant la crise elle-même aux côtés de la cellule de communication.
Cas pratiques et exemples concrets
Pour illustrer de façon très concrète l’impact d’un bon (ou mauvais) porte-parole en situation de crise, examinons quelques crises médiatiques célèbres et la performance de leurs communicants :
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Johnson & Johnson – Crise du Tylenol (1982) : L’empoisonnement criminel de capsules d’analgésique Tylenol aux États-Unis est devenu l’exemple emblématique d’une gestion de crise réussie. Face à la panique, le PDG James Burke a endossé le rôle de porte-parole et a immédiatement adopté une communication ultra-transparente et centrée sur la sécurité du public. J&J a procédé à un rappel massif de tous les produits Tylenol, assumant un coût énorme de plus de 250 millions de dollars de l’époque, parce que « notre premier objectif est de protéger le consommateur » expliquait Burke. Ce discours de vérité et de responsabilité, associé à des actes forts, a permis de sauver la réputation de la marque. Le porte-parole Burke n’a pas cherché à minimiser le problème ; au contraire, il a montré une empathie totale envers les victimes, des excuses sincères et des mesures concrètes. Résultat : le public a été rassuré et, quelques mois plus tard, Tylenol regagnait sa place de leader sur le marché. Leçon : en cas de crise grave, agir vite, dire la vérité, montrer qu’on met la vie des gens avant le profit – c’est payant sur le long terme.
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BP – Marée noire Deepwater Horizon (2010) : À l’opposé, la catastrophe de la plateforme Deepwater Horizon dans le Golfe du Mexique est souvent citée comme un cas d’école de mauvaise communication de crise. Des millions de barils de pétrole brut se déversent en mer, les côtes sont souillées, des pêcheurs perdent leur gagne-pain. Or, le porte-parole principal – le PDG de BP de l’époque, Tony Hayward – a multiplié les faux pas. Il a paru minimiser l’impact écologique en déclarant par exemple que l’océan était grand (sous-entendu, la pollution diluée serait négligeable…). Surtout, il a commis la gaffe monumentale évoquée plus haut : en pleines excuses télévisées depuis la Louisiane, il conclut par « I want my life back » (« Je voudrais retrouver ma vie »). Cette phrase égocentrique a choqué l’opinion, donnant l’impression que le dirigeant se préoccupait davantage de son propre confort que du désastre en cours. Cet exemple illustre comment un porte-parole peut empirer une crise par son manque d’empathie et ses propos déplacés. La bourde de communication de Hayward a été si mal reçue qu’il a été écarté quelques mois plus tard. Leçon : en crise, le moindre mot compte. Un porte-parole doit faire preuve d’humilité et garder le focus sur les victimes et la résolution du problème, sinon il personnifie lui-même l’échec de l’entreprise.
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Lactalis – Lait infantile contaminé (2017) : Cette crise sanitaire a touché la France lorsqu’on a découvert des lots de lait pour bébés contaminés aux salmonelles. Initialement, la communication de Lactalis a été très critiquée : silence radio prolongé du PDG Emmanuel Besnier, opacité perçue, ce qui a frustré le public et les autorités. Conscient des dégâts causés par ce mutisme, le groupe a fini par changer d’approche. Michel Nalet, porte-parole de Lactalis, est envoyé en première ligne pour affronter la presse et sortir de ce silence désastreux. Lors d’une conférence de presse très attendue en janvier 2018, il commence par des excuses appuyées : « Nous ne nous excuserons jamais assez » déclare-t-il d’entrée de jeu, exprimant ses regrets aux familles touchées et aux clients. Ce mea culpa public marque un tournant dans la gestion de la crise : enfin une parole humaine de la part de Lactalis. Nalet détaille ensuite les mesures de retrait du produit et de nettoyage de l’usine, s’efforce de répondre aux questions – même si certaines réponses techniques restent floues, il montre une volonté de transparence nouvelle pour l’entreprise. Leçon : mieux vaut tard que jamais. Face à une crise de confiance, reconnaître ses torts publiquement et s’excuser est un passage obligé pour espérer regagner du crédit. Cependant, l’erreur initiale de silence de Lactalis rappelle qu’il faut idéalement communiquer avant que la polémique n’enfle hors de contrôle.
(On pourrait citer bien d’autres exemples : le scandale Volkswagen Dieselgate en 2015 où le constructeur a tardé à avouer la tricherie, les déboires d’Enron en 2001 où les mensonges des dirigeants ont détruit la confiance, ou encore le cas du joaillier Ratner en 1991 déjà mentionné, symbole d’une arrogance fatale. Chaque crise révèle à quel point la communication – et donc le porte-parole – peut aggraver ou atténuer la situation.)
Ces cas pratiques démontrent qu’en situation de crise, la performance du porte-parole est décisive. Un porte-parole excellent peut sauver la mise ou au minimum limiter la casse, tandis qu’un porte-parole maladroit peut transformer un incident gérable en cauchemar médiatique.
Être porte-parole en temps de crise, c’est assumer une responsabilité immense : celle de représenter son entreprise quand elle est dans la tourmente, sous les projecteurs impitoyables des médias. C’est un rôle à haut risque, mais aussi hautement stratégique. Les étudiants qui se destinent à la communication de crise doivent en être conscients : ils seront en première ligne lors des tempêtes médiatiques, avec la mission critique de protéger la réputation et la confiance autour de la marque qu’ils défendent.
La clé du succès réside dans la préparation et la lucidité. Cash et sans détour, retenons ces conseils essentiels pour un futur porte-parole de crise : formez-vous sans relâche, connaissez votre entreprise comme votre poche, entraînez-vous à garder votre sang-froid sous pression, apprenez à manier les messages avec clarté et honnêteté, et ne sous-estimez jamais l’importance de l’écoute et de l’empathie. Sachez travailler main dans la main avec votre équipe de crise, ne vous isolez jamais dans l’adversité.
Une crise bien gérée peut finalement renforcer la crédibilité d’une entreprise, en montrant sa résilience et ses valeurs. À l’inverse, une communication chaotique laisse des traces indélébiles. En incarnant une parole ferme, posée et digne de confiance, le porte-parole peut transformer une situation catastrophique en opportunité de prouver l’intégrité de l’organisation. C’est un métier difficile, exigeant, mais ô combien précieux lorsque tout se joue. Les crises ne préviennent pas, mais avec un porte-parole aguerri, l’entreprise aura toutes les cartes en main pour affronter la tempête et, qui sait, en ressortir plus forte.
Un bon porte-parole, c’est quoi ?
Un porte-parole doit répondre à deux critères de base : connaître l’entreprise et le monde des médias.
Une entreprise peut opter pour un porte-parole de la Direction de la communication pour les affaires courantes de l’entreprise. « Dans ce cas, il est préférable que ce soit toujours la même personne qui réponde aux journalistes. Le lien se crée plus facilement. » analyse Florian Silnicki, Expert en communication de crise qui dirige l’agence LaFrenchCom.
Par contre, quand vient le temps des annonces importantes ou une crise impliquant des décès, il est souvent important que ce soient les dirigeants qui le fassent. Une très grande entreprise peut aussi décider d’avoir des porte-parole chacun dans leur secteur comme c’est le cas chez EDF par exemple. Il importe alors de bien communiquer aux journalistes l’identité des personnes-ressources et leur champ de compétence.
Lors d’enjeux plus sensibles où lorsque les entreprises n’ont personne à l’interne qui a l’habitude de traiter avec les médias, un porte-parole peut être nommé chez l’agence de communication de crise qui les conseille.