Il est porte-parole de Tony Blair depuis 1997 après avoir assumé la même fonction dans l’opposition. Parmi ses succès, Campbell serait à l’origine du soutien de la presse Murdoch pour les travaillistes.
La pièce Feel Good, qui se joue en ce moment au Garrick Theatre, en plein coeur de Londres, ne pouvait pas mieux tomber en pleine campagne électorale : cette fable politique hilarante constitue une satire brillante et excessive du rôle d’Eddie, porte-parole à tout faire d’un Premier ministre sans personnalité dont il écrit les discours, contrôle les mouvements et surtout gère la communication politique. Eddie, c’est Alastair Campbell, personnage clé de l’ère blairiste, porte-parole de Tony Blair à Downing Street depuis 1997 après avoir assumé la même fonction dans l’opposition de 1994 à 1997, ce personnage truculent et ironique a officié pendant quatre ans lors des briefings quotidiens (un le matin, un l’après-midi) destinés au fameux « lobby », le groupe des journalistes politiques chargés de suivre l’activité du Premier ministre.
Et lorsqu’on connaît la presse britannique d’aujourd’hui plus provocatrice, agressive et concurrentielle que jamais nul doute qu’il fallait à Blair un conseiller de la trempe de Campbell pour maintenir son image, un homme « d’une vaste importance et dont nous ne parlerons qu’à voix basse par crainte de rétorsions », plaisanta un jour le Daily Telegraph.
A quarante-quatre ans, Campbell n’est-il pas le « spin doctor », à la fois éminence grise et conseiller en image, de la classe politique britannique ? Surtout, Alastair Campbell connaît la presse tabloïd mieux que quiconque : dans les années quatre-vingt, il fut correspondant parlementaire, puis chef du service politique du Daily Mirror, deuxième journal populaire britannique, du temps de feu Robert Maxwell. Parmi ses succès, Campbell serait à l’origine du soutien de la presse Murdoch pour les travaillistes. Même le très europhobe Sun (4 millions de lecteurs) appelle régulièrement à voter Blair, qui s’était fendu d’une visite au magnat des médias en Australie, il y a quelques années.
Auteur d’une biographie de Campbell, Peter Oborne le décrit comme « l’un des trois personnages les plus puissants de Grande-Bretagne, juste derrière Blair et Gordon Brown ». Jamais un conseiller de presse n’avait été aussi important pour un Premier ministre, de quelque bord que ce soit. Ainsi, il serait à l’origine de multiples décisions médiatiques qui ont marqué le premier mandat blairiste. Quand Blair annonce lors du premier conseil des ministres, en 1997, que tout le monde doit l’appeler « Tony », c’est un coup d’Alastair.
A chaque fois qu’un ministre est sur le point de porter ombrage au chef du gouvernement, le « spin doctor » lui règle son compte sans tarder : de Ron Davies à Peter Mandelson, l’autre conseiller préféré de Blair mis à pied en janvier dernier, toutes les démissions des années 1997-2001 ont été orchestrées par Campbell, qui envisage son rôle comme celui d’une véritable soupape de sécurité. Son attitude à l’égard du frère ennemi Gordon Brown illustrent les rapports tendus entre les deux têtes de l’exécutif : en 1998, une source proche de Downing Street laissait entendre que le chancelier avait parfois des « problèmes psychologiques ». « Il est essentiel que le gouvernement parle d’une même voix », dit Campbell, qui multiplie sans complexe les interventions auprès des rédacteurs en chef « lorsque des informations inexactes ont été publiées ». En outre, il dirige une « cellule de crise stratégique » de six personnes qui conseille le leader travailliste en matière de communication gouvernementale.
La relation de Campbell avec le Premier ministre va bien au-delà des rapports professionnels, qui sont constants : avec sa compagne Fiona Millar (attachée de presse de… Mme Cherie Blair) et leurs enfants, ils passent régulièrement leurs vacances avec la famille Blair. Mais l’après-7 juin réservera quelques nouveautés aux journalistes politiques britanniques : trop marqué « spin doctor », Campbell a porté atteinte à l’image de Blair en donnant l’impression que Downing Street contrôle tout (ce qui n’est pas loin de la vérité). Du coup, on dit qu’il quittera son poste de porte-parole pour se concentrer sur la stratégie et la communication au sens large, à l’image du chef du service de presse de la Maison Blanche. A moins qu’« Eddie » ne se lance dans une nouvelle carrière dans les affaires ou dans la presse, éventualité bien improbable pour ce battant aux dents longues
- Né le 25 mai 1957 à Keighley, Yorkshire.
- Etudes à Cambridge : maîtrise de français et d’allemand.
- 1980-1986 : journaliste dans diverses publications.
- 1987-1989 : chef du service politique du Daily Mirror, puis éditorialiste.
- 1994-1997 : chef du service de presse de Tony Blair.
- 1997-2001 : chef du service de presse et porte-parole du Premier ministre.