Astreinte de crise 24h/24 7j/7

Huit règles essentielles pour travailler avec les médiasActualitésHuit règles essentielles pour travailler avec les médias

Huit règles essentielles pour travailler avec les médias

« C’est toujours un risque de parler à la presse : ils risquent de rapporter ce que vous avez dit »

Hubert Humphrey, Vice-président des États-Unis (1965 – 1969)

1 LA RÈGLE DES TIERS

La première question à vous poser, si un journaliste vous contacte pour une demande d’interview, est : « dois-je accorder cet entretien ? »

La plupart du temps, la réponse est oui. Mais pas toujours. Voici des cas de figure où il vaut mieux refuser l’entretien :

  • le sujet n’est pas en rapport avec votre travail.
  • le sujet n’est pas spécifique à votre entreprise (par exemple, si un journaliste écrit sur la manière dont la récession a un impact négatif sur les entreprises locales, vous pourriez ne pas souhaiter que votre entreprise soit associée à la notion de récession).
  • vous ne gagneriez rien à participer à cet entretien (mais même dans ce cas-là, cela peut parfois cependant valoir la peine)

Mais si le sujet est votre entreprise et qu’il sera écrit, avec ou sans votre participation, il vaut probablement mieux accepter de donner cette interview. En effet, dans de nombreux reportages, on dénombre trois points de vue : le vôtre, celui de votre adversaire et celui du journaliste. Si vous refusez de participer à cet entretien, selon la « règle des tiers », votre point de vue risque d’être totalement occulté.

  • 1/3 votre point de vue
  • 1/3 le point de vue de votre adversaire
  • 1/3 le point de vue du journaliste

Cela est dû au fait que votre adversaire ou votre concurrent sera très probablement critique à votre sujet dans le tiers du reportage qui lui sera dévolu. De plus, les journalistes pourraient retenir contre vous votre refus de leur répondre, adopter une approche biaisée dans leur tiers et ainsi soutenir votre adversaire. Cela peut sembler injuste mais c’est un fait : les journalistes ont tendance à se ranger du côté de ceux qui leur accordent des interviews. Ils peuvent même donner plus de temps de parole à votre adversaire si vous ne leur répondez pas.

Parler aux journalistes ne garantit pas pour autant qu’ils seront de votre côté. Mais il vaut généralement mieux donner son accord pour un entretien car obtenir un tiers vaut mieux que rien du tout selon Florian Silnicki, expert en communication. De plus, votre participation démontre clairement vis-à-vis du public que vous n’avez pas adopté une politique de l’autruche.

Il faut aussi souligner que certains reportages n’incluent pas le point de vue d’un adversaire. Mais les journalistes ont tendance à vouloir en avoir un autant que possible, car les conflits et tensions donnent des articles plus intéressants. Dans le contexte d’un reportage, votre adversaire pourra être une entreprise vendant un produit concurrent, un groupe de riverains opposés à ce que fait votre organisme, un expert politique qui est arrivé à une conclusion opposée à la vôtre ou un candidat politique qui vise le même siège à l’assemblée.

Il y a un volet supplémentaire à la Règle des tiers : ne plaidez pas la cause de votre adversaire. Cela peut sembler évident, mais il s’avère que c’est très difficile pour les personnes qui ne sont pas à l’aise à l’idée de présenter leur point de vue sans reconnaitre que celui de la partie adverse a aussi ses mérites.

Par exemple, dans une conversation, vous pourriez dire :

« certes le produit de notre concurrent a de nombreuses options qui en mettent plein la vue, mais nous sommes persuadés que notre produit lui est bien supérieur. »

Malheureusement, un journaliste pourra décider de ne citer qu’une partie de votre réponse :

« Le produit de notre concurrent a de nombreuses options ».

Laissez votre concurrent vanter son produit lors du tiers qui lui est accordé. Votre mission à vous est d’utiliser votre tiers pour faire avancer votre cause, pas d’équilibrer les choses. Il y a fort à parier que votre concurrent, lui, n’équilibrera pas les choses dans sa déclaration.

2 RESPECTER LA DEADLINE D’UN JOURNALISTE NE SUFFIT PAS

De nombreux experts des relations presse recommandent de répondre aux appels des journalistes avant leur deadline.

C’est un très mauvais conseil – du moins c’est un conseil incomplet.

Imaginons que Jean, un journaliste d’un quotidien régional, vous appelle à 9 heures du matin. Il vous dit qu’il est en train de rédiger un article concernant le produit de votre entreprise pour l’édition de demain et a besoin d’une déclaration de votre part avant 16 heures aujourd’hui.

Si vous attendez 15h50 pour répondre à son appel, vous respectez sa contrainte horaire, non ? Eh bien non, pas vraiment.

Si vous rappelez Jean à cette heure-là, il aura probablement rédigé 95 % de son article. Cela signifie qu’il ne fera qu’insérer votre déclaration quelque part dans son article pour que votre point de vue y figure.

Mais parce que vous avez attendu si longtemps, vous n’aurez pas ou peu l’opportunité de l’amener à votre point de vue, mieux lui faire comprendre le sujet ou le référer à d’autres sources gagnées à votre cause pour qu’il recueille leurs commentaires. Par conséquent, l’article sera surtout le reflet de l’opinion du journaliste et des personnes à qui il aura pu parler, pas de votre point de vue. Votre déclaration aura beaucoup moins d’impact.

Au lieu de cela, demandez plus de détails sur ce qu’il souhaite discuter et dites-lui que vous le rappellerez avant 10 heures. Il pourra vous dire qu’il a une deadline pour faire pression sur vous et obtenir une déclaration dans la foulée. N’en faites rien. Ce n’est pas le moment d’improviser. Mettez à profit ce délai d’une heure avant l’entretien et rappelez-le dès que vous êtes prêt.

En le rappelant avant 10 heures, vous pouvez être à peu près sûr de lui parler avant qu’il ait commencé à écrire son article. C’est une excellente opportunité pour contribuer à influencer son point de vue et donc l’article final. Cela signifie aussi qu’il n’aura pas autant besoin de s’adresser à d’autres sources et que votre point de vue aura encore plus d’impact sur la totalité de l’article.

Vous pouvez aussi proposer à Jean de vous rappeler plus tard dans la journée pour vérifier certains faits ou discuter de ce qu’il a appris en discutant avec d’autres sources, y compris vos adversaires. De nombreux journalistes seront enchantés de votre offre, ce qui vous donnera un poids encore plus important sur l’ensemble de l’article.

Vous devez être conscient du fait que, si certains journalistes utilisent la notion de date ou heure limite uniquement pour faire pression sur vous, dans d’autres cas, il peut réellement y avoir une deadline à respecter. C’est notamment le cas pour les journalistes qui travaillent sur un sujet qui va faire actualité, qui travaillent pour un support numérique, ou qui vous contactent peu avant qu’ils annoncent une nouvelle ou juste avant le « bouclage ».

Si vous devez décider entre parler à un journaliste pressé par une vraie deadline ou bien ne pas voir votre point de vue représenté dans l’article final, pesez laquelle de ces deux options s’accompagne du risque le plus lourd. Comme l’indique la leçon un, il vaut mieux prendre la parole si l’article vous sera de toute façon consacré. Mais dans certains cas, il pourra être plus prudent de refuser l’entretien, demander plus de temps ou « commenter sans commenter » (cf. la leçon quatre) si vous n’avez pas pu beaucoup réfléchir au sujet et risqueriez alors d’empirer la situation en répondant aux questions et en commettant une quelconque bévue.

Quoi qu’il en soit, voici le conseil à retenir pour la plupart de vos échanges avec un journaliste : répondez-lui dès que possible, et bien avant son heure butoir.

INDICATIONS DE DATE ET HEURE BUTOIR POUR LES MÉDIAS

  • Quotidiens : fin d’après-midi
  • Journaux et magazines hebdomadaires : en fonction de la date de publication ; en général du mercredi au vendredi
  • Magazines mensuels : deux ou trois mois avant la date de publication
  • Radio et télévision : une ou deux heures avant la diffusion
  • Internet : en continu, parfois 24 heures par jour

3 POURQUOI « PAS DE COMMENTAIRE » EST UNE TRÈS MAUVAISE IDÉE

Imaginez que vous êtes dans la pièce quand un dirigeant d’une entreprise de tabac répond « pas de commentaire » plusieurs fois. Votre première réaction, comme la plupart des gens, sera de penser « il est coupable ! ».

Il n’y a pas d’expression qui vous condamne plus sûrement que la formule « sans commentaire ». Le public considère qu’une telle réponse revient à crier « je suis coupable » dans un mégaphone, au milieu de la foule (d’ailleurs, cette dernière option serait probablement bien meilleure car l’opinion publique attribue généralement quelques points pour l’honnêteté).

Il n’y a pas d’expression qui vous condamne plus sûrement que la formule « sans commentaire ».

Les journalistes considèrent aussi cette expression comme suspecte et peuvent présenter leur article de manière à donner l’impression que la personne est coupable.

Un journaliste pourra écrire « le PDG Jean Dupond a refusé de répondre lorsqu’il lui a été demandé si ces accusations étaient vraies ». Un correspondant à la télévision pourra diffuser un extrait vidéo montrant le PDG s’éloignant rapidement pour éviter le micro.

Il n’y a pas que les mots « sans commentaire » qui puissent vous nuire. Tout ce qui exprime la même idée a les mêmes effets négatifs.

Cela ne signifie pas que vous deviez dire aux journalistes tout ce que vous savez. Il y a souvent des raisons légitimes pour ne pas mentionner certaines informations et vous apprendrez comment éviter de répondre à certaines questions sans utiliser l’expression « sans commentaire» dans la prochaine leçon.

ÉTUDE DE CAS : LE TÉMOIGNAGE DE MARK MCGWIRE DEVANT LE CONGRÈS AMÉRICAIN

Le joueur de baseball Mark McGwire a battu tous les records en 1998 mais ses prouesses étaient entachées de rumeurs, selon lesquelles il faisait appel au dopage.­

En 2005, le congrès américain l’a cité à comparaitre pour une audition sur les stéroïdes. Lorsqu’on lui a demandé s’il avait pris des stéroïdes, Mark McGwire a répondu : « je ne suis pas ici pour parler du passé », une phrase qu’il a répétée ensuite à neuf reprises en l’espace de quelques minutes.

Bien qu’il n’ait rien confessé, le public a considéré sa réponse évasive comme signifiant : « j’ai pris des stéroïdes » et l’a considéré comme un tricheur. Il est devenu un paria, a perdu son statut de héros et n’a plus pu participer aux matches du sport qu’il aimait.

En 2010, il a finalement admis ce que tout le monde savait déjà – qu’il avait pris des stéroïdes. Bien que sa confession lui ait permis de revenir dans l’univers du baseball en tant que coach, sa réputation reste entachée.

La meilleure preuve en est que sa candidature au « National Baseball Hall of Fame », le temple de la renommée du baseball, a toujours été largement rejetée.

4 COMMENTER SANS COMMENTER

Le fait que vous ne deviez pas répondre « pas de commentaire » ne signifie pas pour autant que vous deviez révéler tout ce que vous savez à tous les journalistes qui vous posent une question. Il existe de nombreux exemples où vous ne pouvez ou ne devriez pas répondre à la question d’un journaliste.

Voici sept situations où vous devriez vous abstenir de répondre :

  1. Dossiers de patients ou d’employés confidentiels : un journaliste vous demande de consulter le dossier d’un employé, ou bien des informations contenues dans le dossier de santé d’un patient.
  2. Réduction d’effectif imminente : la presse apprend qu’il y a un risque de licenciements importants quelques jours avant que les employés en soient informés mais vous ne voulez pas qu’ils le découvrent dans les journaux. De plus cela constituerait certainement un délit d’entrave au droit syndical pénalement réprimé.
  3. Grève : vos employés sont sur le point de faire grève (ou le sont déjà) mais vous avez passé un accord avec les syndicats pour qu’aucune des parties ne fasse de déclaration dans les journaux.
  4. Négociations ou dossier sensible : vous êtes en cours de négociation sur un dossier sensible qui pourrait être remis en question s’il y avait des fuites dans les médias.
  5. Informations concurrentielles : vous travaillez pour une entreprise non cotée en bourse et un journaliste souhaite obtenir des informations financières ou techniques qui pourraient être utilisées par vos concurrents.
  6. Procès : votre avocat vous recommande ne pas faire de déclaration sur un procès en cours, notamment lorsque les risques de s’exprimer sont plus importants que les risques de ne pas s’exprimer.
  7. Décès ou blessure : un employé est mort ou gravement blessé et vous souhaitez en informer la famille avant de confirmer la nouvelle auprès des médias.

Dans ces sept exemples, votre stratégie devrait être de « commenter sans commenter » ou de donner une réponse qui explique pourquoi vous ne pouvez répondre à la question. Par exemple, si un journaliste vous pose des questions à propos d’une grève en cours, vous pouvez dire :

« Nous avons promis aux syndicats de ne pas négocier par média interposé et nous avons l’intention de respecter notre promesse. Je peux vous dire que nous voulons que nos employés soient rémunérés de manière juste. Nous espérons obtenir bientôt un compromis permettant à la fois de protéger les intérêts de notre entreprise et aussi de verser à nos employés le salaire compétitif qu’ils méritent.  »

Si vous représentez une entreprise non cotée en bourse et qu’on vous demande quels bénéfices un nouveau produit a générés l’an dernier, vous pouvez répondre :

« Nous ne publions pas de résultats financiers sur des produits spécifiques, car cela pourrait donner un avantage à nos concurrents. Ce que je peux vous dire, c’est que ce produit s’est révélé beaucoup plus profitable que prévu. »

ÉTUDE DE CAS : LE PRÉSIDENT OBAMA SUR CNN

En juin 2010, le président Obama était l’invité de l’émission Larry King Live sur CNN pour discuter de la réforme de l’immigration. Il a réussi à contourner une question en utilisant la méthode du « commenter sans commenter » :

Larry King : « Vous avez rencontré le gouverneur de l’Arizona aujourd’hui. Votre administration va-t-elle contester la légalité de cette loi ? »

le président Obama : « Je ne vais pas faire de commentaire là-dessus Larry, parce que c’est le rôle du Ministère de la Justice et que je me suis engagé il y a longtemps à ne pas tenter de peser sur la balance [de la justice] quand ce type de décision est prise »

Bien que le Président ait été très près de prononcer les mots « pas de commentaire », il a fait une excellente transition à son explication sur pourquoi il ne pouvait répondre à cette question.

5 POURQUOI PARLER OFFICIEUSEMENT (FAIRE DU « OFF THE RECORD ») EST DANGEREUX

Les journalistes ne comprennent pas réellement le sens de l’expression « officieusement », ou plus exactement ils n’arrivent pas à se mettre d’accord sur sa définition. Si vous vous adressez à 10 journalistes différents, vous obtiendrez probablement 10 explications différentes.

En fait, un sondage a révélé que chacun d’entre eux définissait « officieusement » de manière différente. Certains considéraient que cela signifiait qu’ils ne devaient jamais utiliser les informations obtenues de cette manière ; d’autres pensaient qu’ils étaient tout à fait en droit de mentionner ces informations du moment qu’ils ne mentionnaient pas leurs sources. L’un des journalistes a même reconnu : « je n’ai pas la moindre idée de ce qu’ « officieusement » signifie ».

Si même les journalistes ne peuvent s’entendre sur la signification du mot, vous ne devriez pas vous baser dessus pour trouver un accord avec eux. C’est une expression qui n’a aucun sens. Bannissez-la de votre vocabulaire.

De toute façon, vous ne devriez probablement pas parler officieusement avec un journaliste. La plupart d’entre eux tiennent leur parole, mais tous ne le font pas. Pour reprendre la boutade du correspondant de CNN Jamie McIntyre, « pour être clair et afin qu’il n’y ait pas de malentendus, « officieusement » veut dire que ce ne sera rapporté sous aucune forme – sauf si c’est vraiment, vraiment bon. » Il faut aussi souligner que même le journaliste avec les meilleures intentions du monde devra se soumettre aux décisions de son rédacteur en chef.

Sauf si vous êtes prêt à en supporter toutes les conséquences, ne parlez pas officieusement.

Il est vrai que donner des informations sur le contexte à un journaliste peut être utile, mais cela peut aussi s’accompagner de risques importants. La prochaine leçon vous présentera quelques stratégies pour réduire ces risques si vous décidez de partager quelques informations sur le contexte avec des journalistes.

  • DÉFINITIONS: « OFFICIEUSEMENT » ET AUTRES TERMES JOURNALISTIQUES
  • Voici les définitions communément acceptées de quelques termes importants utilisés mais faites attention : le journaliste auquel vous avez affaire peut les interpréter différemment.
  • OFFICIEUSEMENT (ou «OFF THE RECORD ») : à proprement parler, cela signifie que l’information que vous partagez avec un journaliste ne peut pas être utilisée dans un reportage de quelque manière que ce soit et ne peut que servir à ce que le journaliste ait une meilleure compréhension des faits. Mais attention : certains journalistes pourront utiliser ces informations s’ils peuvent obtenir qu’une autre source les confirme.
  • SOUS COUVERT D’ANONYMAT : les informations fournies par une source peuvent être utilisées mais cette source ne peut être ni nommée ni citée.
  • D’ATTRIBUTION INDIRECTE : les informations fournies par une source peuvent être utilisées et le porte-parole peut être cité, mais pas sous son vrai nom. Au lieu de cela, la déclaration sera attribuée à une source vague, comme « un membre du parlement » ou « un des cadres de l’entreprise ». Les sources peuvent (et doivent négocier) la manière dont le journaliste les décrira.
  • OFFICIELLEMENT : Sauf si vous en faites expressément la demande et obtenez l’accord du journaliste, partez du principe que tout ce que vous dites sera officiel. Presque toutes vos interviews devraient se placer dans cette catégorie.

6 SI VOUS PARLEZ OFFICIEUSEMENT MALGRÉ TOUT

Les porte-paroles expérimentés décident parfois de prendre la parole officieusement ou sous couvert d’anonymat en dépit des risques possibles.

Par exemple, imaginez que vous représentez l’un des groupes défendant certains intérêts et travaillant avec un homme politique sur un projet de loi spécifique. Vous craignez que le politique soit en train de rompre sa promesse de soutenir le projet de loi mais vous ne pouvez pas le critiquer publiquement sans risquer de mettre en jeu votre relation avec lui. Parler à un reporter sous couvert d’anonymat pourrait donner lieu à un article mettant la pression sur l’homme politique sans compromettre vos rapports, car il serait difficile pour lui de savoir lequel des groupes a parlé à la presse.

Vous pourriez envisager de communiquer sous couvert d’anonymat ou sous forme d’une attribution indirecte dans les circonstances suivantes :

  • Vous êtes un lanceur d’alerte et vous considérez que vous avez une obligation morale de révéler la corruption au sein d’une administration.
  • Vous parlez d’un concurrent et vous détenez des informations sur un dangereux défaut dans son produit.
  • Vous savez qu’un adversaire politique a menti dans sa déclaration d’impôts mais vous voulez éviter de donner l’impression de vous livrer à une campagne de dénigrement.

Avant de prendre la parole officieusement ou sous couvert d’anonymat, vous devriez :

  1. en discuter avec un professionnel de la communication, soit au sein de votre entreprise, soit dans un cabinet de conseil externe
  2. prendre en compte votre relation avec le journaliste. Les journalistes qui se sont comportés de manière intègre vis-à-vis de vous sont probablement de meilleurs interlocuteurs que des reporters avec lesquels vous n’avez jamais eu affaire avant
  3. demander aux journalistes de vous préciser ce que « officieusement » et « sous couvert d’anonymat » signifient pour eux
  4. conclure un accord avec les journalistes avant de leur dire quelque chose officieusement. Vous ne pouvez pas leur donner une information juteuse puis la déclarer officieuse après coup.

Permettez-moi de renouveler un avertissement : si vous ne pouvez pas vous permettre de voir votre nom associé à une information, ne partagez que des informations officielles et ne dites que ce que vous êtes prêt à voir imprimé.

ÉTUDE DE CAS : UN HAUT GRADÉ FAIT DES DÉCLARATIONS OFFICIEUSEMENT

Le général Stanley McChrystal, commandant des forces américaines en Afghanistan, a accordé au reporter de Rolling Stone, Michael Hastings, un accès sans précédent à lui et son personnel haut gradé en 2010.

Pendant quatre semaines, Hastings a suivi le général et son équipe de Paris à Berlin et en Afghanistan. Au fur et à mesure que les militaires se sont habitués à la présence d’Hastings, ils se sont laissés aller à faire certaines remarques sur le haut commandement à Washington, en employant des gros mots et ils se sont saoulés avec le journaliste.

La publication de l’article a été un véritable désastre pour McChrystal. L’article a divulgué son point de vue peu élogieux sur ses patrons – notamment le président Obama et le vice-président Biden. Il a été immédiatement convoqué à Washington.

Le personnel haut-gradé du général McChrystal a protesté, arguant que Monsieur Hastings n’avait pas respecté l’accord officieux de ne pas imprimer les commentaires les plus polémiques. L’un des officiers a déclaré au Washington Post que l’examen des évènements par le commandement « …n’avait « pas trouvé de preuve démontrant » qu’une quelconque des « remarques politiques scandaleuses » de l’article avait été prononcé dans une situation où les règles de base permettaient à Hastings d’utiliser les informations pour son article. »

Leurs plaintes n’ont fait aucune différence. Deux jours seulement après la publication de l’article, McChrystal a été forcé de démissionner, mettant fin à une carrière militaire prestigieuse de 34 ans à cause d’un entretien officieux.

  • POURQUOI ON NE PEUT PAS PARLER D’ENTRETIEN OFFICIEL

Imaginez que vous avez une interview télévisée prévue avec un reporter. Le charmant présentateur arrive aux bureaux de votre entreprise, son équipe installe la caméra et les projecteurs, puis l’entretien commence.

Quinze minutes passent en un clin d’œil et avant que vous vous en soyez rendu compte, l’entretien est terminé. Vous vous sentez bien. Le journaliste vous a posé quelques questions difficiles, mais vous étiez bien préparé et vous y avez bien répondu.

Alors que l’équipe démonte le matériel, vous discutez de tout et de rien avec le journaliste. Il vous pose innocemment quelques questions sur vos concurrents et vous faites un commentaire légèrement négatif sur leur travail. Lorsque le reportage est diffusé, vous avez la surprise de découvrir que le journaliste présente le reportage avec la citation de votre commentaire irréfléchi, hors caméra, sur votre concurrent.

Vous vous sentirez peut-être trahi mais le journaliste n’aura rien fait de mal. L’entretien n’avait pas officiellement « commencé » seulement quand le caméraman avait appuyé sur le bouton d’enregistrement et « terminé » lorsqu’il l’avait éteint. Tout ce que vous dites avant, pendant ou après l’interview « officielle », y compris les conversations téléphoniques et échanges par e-mails, peut être utilisé pour un reportage.

Tout ce que vous dites avant, pendant ou après l’interview « officielle », y compris les conversations téléphoniques et échanges par e-mails, peut être utilisé pour un reportage.

Cela ne signifie pas que vous deviez éviter de parler aux journalistes pendant les pauses avant et après l’entretien « officiel ». Mais utilisez ces moments pour réitérer vos messages clés – pas mot à mot mais en soulignant les principaux thèmes dont vous souhaitez qu’ils se souviennent.

ÉTUDE DE CAS : LA VICTOIRE D’UN CHEVEU DE CARLY FIORINA

En juin 2010, Carly Fiorina, l’ancienne PDG de Hewlett-Packard, a gagné les primaires et est devenue la candidate républicaine au poste de sénatrice de la Californie au Sénat américain.

Le lendemain de sa victoire, Madame Fiorina patientait dans un studio avant un entretien lors d’une émission d’actualité pour la région de Sacramento. Quelques secondes à peine avant son entretien, elle s’est tournée vers un assistant et a fait un commentaire désobligeant sur sa concurrente démocrate, la sénatrice Barbara Boxer.

« [Une amie] a vu Barbara Boxer brièvement ce matin à la télévision et m’a dit ce que tout le monde a pensé : « c’est quoi cette coiffure ? c’est complètement dépassé. » », a raillé Carly Fiorina.

Elle s’est interrompue lorsqu’elle s’est rendu compte qu’elle était enregistrée, mais il était trop tard. CNN a publié la vidéo sans aucun montage sur son site Internet et a ainsi lancé la rumeur sur la remarque « vacharde » de Carly Fiorina. Les gros titres des jours suivants parlaient davantage de son commentaire sur la coiffure de sa concurrente que sur sa victoire, ce qui était un vrai cauchemar pour les personnes chargées de ses relations publiques.

Sa réputation ne s’en est jamais vraiment remise. Lors des élections suivantes, dans un contexte particulièrement favorable aux républicains, elle a perdu contre Barbara Boxer, avec un écart à deux chiffres.

  • FAITES VALOIR VOS DROITS

De nombreux cadres dirigeants d’entreprises, habitués à donner des instructions à leurs subordonnées, disent aux journalistes de leur envoyer un brouillon de leur article avant sa publication. La plupart des journalistes refuseront de le faire et se sentiront insultés qu’on puisse les traiter comme des salariés devant obtenir une autorisation.

Ils ne sont pas obligés de vous envoyer leur version finale, donc ne le leur demandez pas. Vous disposez cependant d’autres droits qui peuvent faire peser la balance en votre faveur.

PROPOSEZ D’AIDER LES JOURNALISTES À EFFECTUER LA VÉRIFICATION DES FAITS

Proposer de « vérifier » les faits cités dans un article est différent de demander à voir un article avant sa publication.

Alors que demander à un journaliste de voir son article donne l’impression que vous voulez tout contrôler, proposer de vérifier les principaux faits rapportés – et en particulier les détails compliqués ou les points techniques – est généralement considéré comme utile.

Si un journaliste accepte votre offre, il pourra vous envoyer tout son article par e-mail ou faire en sorte que son rédacteur en chef vous appelle pour vérifier un simple chiffre. Vos commentaires devront alors être axés essentiellement sur les faits contenus dans l’article, mais vous pouvez aussi remettre en cause l’interprétation subjective des faits par le journaliste (même si cela pourrait le rendre moins enclin à vous demander de vérifier les faits inclus dans ses articles à l’avenir). Vous pouvez ne pas être d’accord avec ses conclusions, mais il a le droit d’avoir sa propre opinion.

DEMANDEZ (PARFOIS) DE RECEVOIR LES QUESTIONS À L’AVANCE

La plupart des journalistes travaillant pour les principaux organes de presse et des médias ne vous enverront pas leurs questions exactes à l’avance, mais ils accepteront généralement de vous indiquer le thème de leur article dans les grandes lignes. Ces journalistes « sérieux » considèrent que leurs questions doivent rester confidentielles jusqu’au moment où ils les posent. Ils craignent, en les partageant, de vous donner trop de pouvoir.

Mais d’autres journalistes – notamment ceux qui travaillent pour de plus petits groupes de médias, la presse professionnelle ou la presse de divertissement – acceptent souvent d’informer à l’avance des questions qu’ils poseront, ce qui vous permet de réfléchir à vos réponses avant l’entretien. Dans tous les cas, les journalistes ont le droit de poser des questions ne figurant pas dans la liste, afin de creuser vos réponses. Aussi, préparez-vous bien pour l’interview.

ENREGISTREZ L’ENTRETIEN

Nous déconseillons habituellement d’enregistrer vos entretiens les plus simples, car cela peut créer une atmosphère déplaisante avant même d’avoir entamé la conversation.

Mais vous pourrez envisager d’enregistrer vos entretiens (dans leur version brute et sans montage), sous format audio ou vidéo, dans certaines circonstances, particulièrement celles où le ton pourrait s’avérer hostile. Les journalistes qui savent que vous enregistrez pourront prendre davantage de précautions pour éviter de vous citer à mauvais escient. Et si cela arrive malgré tout, vous pourrez rendre public le contenu de l’enregistrement brut et ainsi souligner la mauvaise conduite du journaliste. Comme de nombreux pays exigent de notifier l’autre partie quand vous l’enregistrez, vérifiez ce que dit la loi pour votre cas de figure. Mieux encore, informez tout simplement le journaliste que vous enregistrez l’entretien.

LIMITEZ LA DURÉE DE L’ENTRETIEN

Limiter la durée d’un entretien peut l’empêcher de se transformer en une déplaisante chasse aux informations de la part du journaliste. Si vous craignez que l’objectif du journaliste soit de remuer de la boue, dites-lui que vous seriez enchanté de le recevoir mais que vous n’avez que 15 minutes à lui consacrer. Indiquez-lui cette durée maximum avant, pas pendant l’entretien, car dans ce dernier cas, vous pourriez avoir l’air d’être sur la défensive.

Bien que limiter la durée d’un entretien puisse être utile dans certaines situations, faites-en une exception plutôt que la règle. Votre objectif est de tisser des liens fructueux avec les journalistes, pas de les considérer comme des ennemis.