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Que faire quand un journaliste appelle ?

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Gérer efficacement les appels de journalistes en situation de crise

En situation de crise, la pression médiatique s’intensifie et chaque appel de journaliste peut influencer l’opinion publique. Il est donc crucial de savoir répondre de manière appropriée pour préserver la réputation de son organisation insiste Florian Silnicki, Expert en communication de crise et Président Fondateur de l’agence LaFrenchCom. Un porte-parole formé et préparé fera la différence entre une communication de crise bien maîtrisée et un fiasco médiatique. Pourquoi les journalistes réagissent vivement en période de crise, comment adapter votre discours selon le média, quelles étapes suivre pour leur répondre efficacement, et met en lumière des exemples concrets de bonnes (et mauvaises) pratiques. Quelles sont les erreurs courantes à éviter, les pièges classiques tendus aux porte-parole, ainsi que l’importance de la transparence et de la cohérence dans vos messages.

Pourquoi et comment les journalistes réagissent en situation de crise

Lorsqu’une crise survient, les journalistes se mobilisent immédiatement. Pourquoi ? Parce qu’un incident grave ou un scandale constitue une information hautement “vendeuse”. Les mauvaises nouvelles attirent l’audience et « font vendre » – contrairement aux bonnes nouvelles qui font rarement la une​. Un événement de crise alimente la curiosité du public et les médias cherchent à fournir rapidement des détails, des explications et des témoignages. En outre, les journalistes subissent la pression de la concurrence et des délais serrés : ils veulent être les premiers à révéler l’information et à apporter un éclairage sur la situation.

Face à une crise, les journalistes adoptent souvent un comportement plus insistant et directif qu’en temps normal. Leur réaction peut devenir très assertive, surtout si l’organisation concernée tarde à s’exprimer. En effet, les médias ont peu de sympathie pour une entité en difficulté qui resterait silencieuse, et ils se montreront d’autant plus agressifs si l’organisation ne communique pas ou peu​. Autrement dit, le silence est perçu comme suspect : ne rien dire, c’est laisser le champ libre aux rumeurs et à la spéculation. Une absence de réponse ou un « no comment » sec a tendance à aiguiser la curiosité journalistique et à encourager ces derniers à « ne pas lâcher l’os »​.

Il ne s’agit pas pour autant de peindre les journalistes en adversaires – ils remplissent leur mission d’information. Comprenez que dans le contexte d’une crise, leurs attentes évoluent avec le temps. Dans les toutes premières heures, ils chercheront à comprendre ce qui s’est passé (origine du problème, faits factuels, bilan humain et matériel) et à obtenir une réaction à chaud de votre part (expression de compassion, reconnaissance de la situation). Une fois l’urgence immédiate passée (souvent après 24 heures), ils demanderont quelle solution est apportée : « Que fait votre organisation pour résoudre le problème ? »​. Ce passage rapide de la recherche de faits bruts à la quête de responsabilités et de mesures correctives explique pourquoi le ton des questions peut devenir de plus en plus pointu au fil des jours de crise.

Enfin, gardez à l’esprit que les journalistes restent des êtres humains, sensibles à l’authenticité. S’ils perçoivent que vous faites de votre mieux, avec empathie et bonne foi, ils n’auront pas forcément envie de s’acharner inutilement​. En revanche, si vous adoptez un discours flou, arrogant ou mensonger, leur méfiance augmentera et leurs relances se feront plus incisives. En résumé, une crise est un temps fort médiatique où chaque mot compte : comprendre la dynamique journalistique vous permettra d’ajuster votre attitude pour établir une relation de travail constructive même sous pression.

Identifier le type de média et ajuster son discours

Tous les médias ne fonctionnent pas de la même manière. Identifier le type de média qui vous contacte est primordial afin d’adapter votre discours en conséquence. Un message efficace doit être modulé en fonction du canal de diffusion et de l’audience visée :

  • Presse écrite (journaux, magazines) : Ces médias disposent de plus de place pour les détails et les explications. Vous pouvez fournir un contexte un peu plus élaboré, des chiffres ou des citations plus longues. Cependant, restez clair et percutant car vos propos seront repris par écrit. S’il s’agit d’une publication généraliste, évitez le jargon technique et privilégiez les termes compréhensibles par un large public. En revanche, pour une revue spécialisée, il est possible d’employer un vocabulaire plus pointu adapté aux initiés.
  • Télévision : La télévision impose la brièveté et l’impact visuel. Préparez 2 ou 3 messages-clés formulés en phrases courtes (10 à 20 secondes maximum) car vos interventions seront souvent réduites à de brefs extraits. Adoptez un ton assuré et gardez une posture maîtrisée, car votre langage non verbal (regard, gestuelle, expression) sera scruté à l’écran. Un reportage télévisé cherchera une déclaration forte ou une image marquante : délivrez un message concis accompagné d’une attitude calme et crédible.
  • Radio : À la radio, seul le voix et le ton comptent. Parlez lentement, articulez clairement et appuyez-vous sur un message imagé pour frapper les esprits (les auditeurs n’ayant pas le support visuel, vos mots doivent susciter la compréhension et l’attention). Comme pour la TV, la durée d’intervention est brève, il faut donc aller à l’essentiel avec une intonation convaincante.
  • Médias en ligne et agences de presse : Ils diffusent l’information en continu et très rapidement. Attendez-vous à ce que vos propos soient publiés quasi immédiatement. Soyez réactif et fournissez des éléments factuels vérifiés. Le style peut être un peu plus direct. N’hésitez pas à proposer des éléments de contexte supplémentaires ou un communiqué écrit en complément, car les sites web peuvent mettre en lien des ressources (documents PDF, vidéos, tweets officiels, etc.) pour enrichir l’article.
  • Réseaux sociaux (journalistes ou médias sur Twitter, Facebook…) : Ce ne sont pas des “appels” au sens traditionnel, mais il arrive qu’un journaliste vous interpelle publiquement sur les réseaux. Le ton y est plus spontané et la propagation virale. Répondez avec prudence et concision en public, puis orientez rapidement vers un échange plus formel (entretien téléphonique, communiqué) pour contrôler le message. Sur ces plateformes, chaque phrase peut être isolée et commentée : doublez de transparence et restez poli, même sous la pression des commentaires.

De plus, situez votre interlocuteur : est-ce un grand média national à large audience, ou un média local/régional ? Un média local pourra aborder la crise sous l’angle de la communauté affectée, tandis qu’un média national cherchera les implications plus globales (impact sur une industrie, responsabilité d’une figure publique, etc.). Adaptez votre discours en fonction de leur angle probable. De même, presse généraliste vs. spécialisée : avec la presse généraliste, simplifiez au maximum; face à un journaliste spécialisé, vous pouvez entrer davantage dans les détails techniques, tout en restant pédagogique. Ne vous exprimez pas de la même manière selon le type de média (presse écrite, TV, radio, podcast) et adoptez un ton différent pour une presse grand public ou une presse professionnelle spécialisée​. Cette adaptation montre que vous comprenez les contraintes de votre interlocuteur et augmente les chances que votre message passe bien.

Étapes essentielles pour répondre efficacement aux journalistes

Répondre à un journaliste en pleine crise ne s’improvise pas. Voici les étapes clés à suivre pour gérer au mieux chaque appel tout en gardant le contrôle de votre communication :

  1. Garder son calme et accueillir l’appel avec professionnalisme. Prenez une grande respiration et recentrez-vous avant de décrocher (ou de rappeler). Même si la situation est stressante, parlez d’une voix posée et courtoise. Commencez par écouter attentivement le journaliste : notez son nom, le média qu’il représente, et ses coordonnées. Montrez-vous disponible et à l’écoute, sans céder à la panique. Rester maître de vos émotions dès le départ vous aidera à réfléchir plus clairement et à ne pas dire de bêtises sous le coup de la panique.

  2. Clarifier la demande et le contexte. Laissez le journaliste exposer l’objet de son appel et précisez ses besoins : quelles questions souhaite-t-il poser ? Quel angle ou sujet spécifique couvre-t-il ? Quel est son échéancier (heure de bouclage ou diffusion) ? Cette compréhension vous permet d’évaluer l’urgence de la réponse et de cibler les informations à fournir. N’hésitez pas à reformuler sa question principale pour vérifier que vous l’avez bien comprise. Par exemple : « Si je résume, vous cherchez à savoir… c’est bien cela ? ». Cela vous fait gagner du temps et évite de répondre à côté.

  3. Ne pas répondre instantanément si vous n’êtes pas prêt. En communication de crise, évitez la précipitation. Si vous n’avez pas encore tous les faits ou que vous êtes pris au dépourvu, il est parfaitement acceptable de demander un bref délai. Proposez par exemple : « Je veux vous apporter l’information la plus exacte possible. Puis-je vous rappeler dans 15 minutes ? ». Profitez de ce court répit pour rassembler les données vérifiées auprès de votre cellule de crise ou de vos collègues compétents. Attention toutefois à tenir la promesse du rappel dans le délai annoncé – c’est une question de crédibilité. Ne laissez pas un journaliste sans réponse trop longtemps non plus, car il pourrait publier sans votre version des faits (ou aller chercher des informations ailleurs). L’objectif est de fournir une réponse rapide mais correcte : trouvez le juste équilibre entre urgence et précision.

  4. Préparer trois messages-clés avant de s’exprimer. Une fois les informations essentielles collectées, structurez votre discours. Définissez les 2 ou 3 points principaux que vous voulez absolument faire passer. Ces messages-clés doivent correspondre à vos objectifs de communication dans cette crise (par exemple : assurer que la situation est sous contrôle, montrer de la compassion envers des victimes, expliquer les mesures prises). Formulez-les de manière claire, concise et compréhensible de tous : utilisez des phrases courtes et des termes simples​. En situation de crise, la qualité prime sur la quantité – mieux vaut quelques mots bien choisis qu’un long discours confus. N’hésitez pas à intégrer à votre discours des éléments de langage percutants (“messages frame”) que le journaliste pourra facilement reprendre comme citations marquantes​. Par exemple, préparez une phrase de synthèse du type : « Notre priorité absolue est la sécurité de… » ou « À ce stade, selon les informations en notre possession, … ». Ces formules chocs serviront de fil conducteur à vos réponses.

  5. Répondre de manière organisée et factuelle. Lorsque vous rappelez le journaliste (ou poursuivez l’entretien après un temps de réflexion), allez droit au but en délivrant vos messages clés dès le début de l’échange. Suivez la règle de la pyramide inversée : commencez par l’information la plus importante ou l’essentiel de votre message. Par exemple : « Tout d’abord, permettez-moi d’exprimer notre compassion envers les personnes affectées… Voici ce que nous savons à cet instant : … ». Adoptez un ton calme, sincère et empathique, surtout si la crise a des conséquences humaines. Ne cachez pas les faits avérés : annoncez-les franchement, même s’ils sont défavorables, puis enchaînez sur ce que vous faites pour remédier à la situation. Gardez vos réponses claires et concises. Si la question du journaliste est très large, segmentez votre réponse en plusieurs points pour rester structuré. Vous pouvez par exemple énoncer : « Il y a trois éléments importants dans votre question. Premièrement, … » puis avancer point par point. Cela donne une impression de maîtrise et évite de s’éparpiller.

  6. Adapter son discours en cours d’interview sans se contredire. Restez attentif aux relances du journaliste. S’il change de sujet ou pose une question précise, traitez-la brièvement puis ramenez la conversation vers vos messages clés (c’est la technique du bridging ou “effet pivot”). Par exemple : « Je comprends votre question sur [détail secondaire]. Ce qu’il faut retenir, c’est que… » ou « Avant d’aborder ce point, j’aimerais rappeler que… »​. Ainsi, même en répondant, vous recadrez l’échange sur les informations qui comptent vraiment selon vous. Ne vous laissez pas distraire par des détails insignifiants ou des rumeurs non confirmées. Si une affirmation est fausse, démentez-la en une phrase factuelle, sans y passer trop de temps, puis recentrez la discussion. Vous devez rester maître du fil de l’entretien : c’est vous qui portez la parole de l’organisation, ne laissez pas le journaliste dicter entièrement le terrain. Cela implique de suivre la ligne de conduite que vous avez préparée et de ne pas en dévier, quelles que soient les questions provocantes en face​.

  7. Conclure l’échange et proposer un suivi. En fin d’entretien, récapitulez vos points principaux pour être sûr qu’ils ont été entendus. Par exemple : « En résumé, ce qu’il faut retenir pour vos lecteurs/ téléspectateurs, c’est… ». Assurez-vous que le journaliste a bien noté les informations cruciales (dates, chiffres, noms propres correctement orthographiés). Indiquez votre disponibilité pour toute clarification ultérieure : « N’hésitez pas à me recontacter si vous avez besoin d’autres éléments ». Le but est de laisser une impression d’ouverture et de coopération. Si vous prévoyez de diffuser un communiqué de presse officiel ou de donner une conférence de presse plus tard, mentionnez-le brièvement : « Nous publierons un communiqué d’ici ce soir pour faire le point complet ». Ainsi, le journaliste sait qu’il aura d’autres occasions d’obtenir de l’information. Remerciez-le de son appel, restez cordial jusqu’au bout. Après avoir raccroché, prenez quelques minutes pour informer en interne (votre supérieur ou la cellule de crise) de ce que vous avez dit, et pour préparer d’éventuelles autres sollicitations médias dans la foulée. La cohérence de la communication passe aussi par ce débriefing interne.

En suivant ces étapes, vous augmentez fortement vos chances de répondre de façon efficace aux journalistes tout en faisant passer vos messages clés. Chaque interaction avec les médias doit être abordée méthodiquement, sans improvisation hasardeuse. Une bonne préparation et un déroulé clair vous permettront de garder le contrôle, même au cœur de la tempête médiatique.

Bonnes et mauvaises pratiques : exemples concrets

Il est instructif d’observer comment certaines organisations ont brillamment géré leur communication de crise, tandis que d’autres ont commis des faux pas coûteux. Voici deux exemples opposés illustrant des bonnes et mauvaises pratiques face aux médias :

  • Exemple de bonne pratique – transparence et proactivité : L’affaire “Horsegate” (viande de cheval) chez Findus en 2013. Lorsque ce fabricant de plats préparés a découvert que des lots de ses lasagnes contenaient de la viande de cheval à la place du bœuf, il a fait face à un scandale retentissant. Findus a choisi de jouer la carte de la transparence totale. La société a elle-même réalisé des tests ADN sur ses produits et en a publié les résultats pour prouver sa bonne foi aux autorités et aux consommateurs​. Elle a reconnu avoir été trompée par un fournisseur indélicat, tout en détaillant les mesures prises pour renforcer ses contrôles. Cette stratégie ouverte, consistant à admettre l’erreur et à collaborer activement avec les enquêteurs, a été saluée comme exemplaire. En communicant rapidement, en assumant ses responsabilités et en inondant le public d’informations factuelles, Findus a réussi à apaiser en partie la colère et à préserver sa réputation. La leçon à retenir : face à une crise avérée, ne cherchez pas à cacher la poussière sous le tapis. Au contraire, une transparence immédiate combinée à des actions correctives visibles peut transformer une situation scandaleuse en opportunité de montrer votre sérieux.

  • Exemple de mauvaise pratique – déni et communication maladroite : La crise de United Airlines en 2017. Cette compagnie aérienne a vécu un désastre d’image lorsqu’une vidéo montrant un passager violemment expulsé d’un de ses avions a fait le tour du monde sur les réseaux sociaux. Au lieu de faire immédiatement amende honorable, United Airlines a d’abord adopté un ton défensif et bureaucratique, qualifiant le passager de « perturbateur » dans un communiqué interne qui a fuité. Le PDG, dans ses excuses initiales, n’a pas su exprimer de compassion convaincante. Résultat : ces réactions ont été perçues comme froides et arrogantes, aggravant la colère du public. Chaque tentative de justification maladroite a empiré la situation, et l’affaire est devenue un cas d’école de ce qu’il ne faut pas faire​. Il a fallu plusieurs jours et une indignation mondiale pour que la compagnie change de ton, présente de vraies excuses et réforme ses procédures. Mais le mal était fait : United a subi un boycott de clients et une chute en bourse. Moralité : face à une crise où votre tort est avéré, évitez le déni ou l’auto-justification à tout prix. Adoptez immédiatement une posture humble et empathique. Toute communication perçue comme insensible ou dilatoire ne fera qu’amplifier le bad buzz et prolonger la crise.

Ces exemples montrent qu’en situation de crise, la marge d’erreur est très faible. Comme le souligne un expert en communication de crise, une simple maladresse peut provoquer une débâcle médiatique, tandis que la transparence et l’humilité sont souvent les seuls moyens pour une marque de se racheter aux yeux du public​. Toyota l’a bien compris lors de ses rappels massifs de véhicules en 2010, tout comme Air France après un grave accident : dans les deux cas, communiquer vite, dire la vérité, montrer de l’empathie et prendre des mesures concrètes ont permis de limiter les dégâts et de regagner progressivement la confiance​. À l’inverse, d’autres ont appris à leurs dépens que mentir, nier l’évidence ou mépriser les préoccupations du public mène à la catastrophe (exemples : l’affaire Volkswagen “Dieselgate” où la tricherie a détruit la confiance, ou le PDG de BP minimisant la marée noire du Golfe du Mexique en 2010, passant pour cynique).

En vous inspirant des bonnes pratiques et en évitant les écueils illustrés par ces cas concrets, vous pourrez affiner votre propre stratégie de communication de crise lorsque la pression médiatique s’abattra.

Erreurs à éviter et pièges classiques tendus aux porte-parole

Même avec une bonne préparation, certains pièges tendus par les journalistes en temps de crise peuvent faire déraper votre communication. Voici les erreurs courantes à éviter et comment déjouer les principaux pièges :

  • Éviter le silence radio ou le “no comment” absolu. Comme mentionné plus haut, garder le silence face aux médias est généralement la pire option. Un « pas de commentaire » sec est souvent interprété comme « j’ai des choses à cacher ». Les experts sont unanimes : « “No comment” is big comment” – ne rien dire en dit souvent long malgré tout​. Un patron qui fuit la presse prend le risque d’attiser les rumeurs​. En se taisant, on pousse les journalistes à spéculer et on perd toute maîtrise du récit. Piège classique : un journaliste insiste pour avoir une réaction à une information que vous ne pouvez pas divulguer pour le moment. Comment réagir ? Plutôt que de répondre « je ne peux rien dire », expliquez brièvement pourquoi vous ne pouvez pas commenter maintenant et quand/ comment vous communiquerez à ce sujet. Par exemple : « Nous ne pouvons pas confirmer ce point tant que l’enquête interne n’est pas terminée, mais je m’engage à vous tenir informé dès que possible ». Ainsi, vous ne les laissez pas complètement sur leur faim et réduisez la suspicion liée à un silence total​. Ne pas parler n’élimine pas le problème : si vous ne vous exprimez pas, quelqu’un d’autre le fera à votre place, peut-être de manière inexacte​. Ne pas mentir, ne pas dorer la pilule. La transparence est de mise. Toute contre-vérité finira par être découverte, ce qui empirera la crise et brisera la confiance pour longtemps. Exagérer ou minimiser à outrance est tout aussi risqué. « Évitez à tout prix d’exagérer ou de mentir. Le pot aux roses serait de toute façon révélé et votre défense en souffrirait »​. Si les faits sont défavorables, admettez-les franchement plutôt que de les nier. De même, ne faites pas de promesses impossibles : en pleine crise, la tentation est grande de dire aux médias ce qu’ils veulent entendre, mais des déclarations non tenues deviendront des casseroles qui vous reviendront plus tard. Piège classique : le journaliste vous demande « Donc vous garantissez que plus jamais ceci ne se reproduira ? ». Ne cédez pas à une affirmation catégorique si vous n’en êtes pas sûr. Préférez une réponse prudente du type « Nous mettons tout en œuvre pour que cela ne se reproduise pas, et nous renforcerons nos procédures de sécurité. À ce jour, rien n’indique que le problème puisse se reproduire ». Cela évite de mentir ou de promettre l’impossible tout en montrant votre détermination.

  • Ne pas se contredire ni divulguer d’informations non validées. En situation de crise, les données évoluent vite. Il est crucial de garder la cohérence de votre discours. Un porte-parole qui se contredit d’une interview à l’autre perd en crédibilité. Erreur à éviter : annoncer une cause probable de la crise sans certitude. Par exemple, après l’accident du vol AF447 en 2009, Air France avait avancé l’hypothèse d’un foudroiement de l’avion, ce qui fut démenti quelques jours plus tard lorsque l’enquête a infirmé cette thèse​. Cette précipitation a entaché la communication de la compagnie, contrainte de rétropédaler. La leçon est claire : ne déclarez rien qui ne soit vérifié ou approuvé par les experts techniques. Si l’on vous interroge sur la cause alors que vous ne l’avez pas identifiée, dites « Il est trop tôt pour avancer une cause, toutes les pistes sont examinées » plutôt que de spéculer. De même, coordonnez-vous en interne pour que tous les porte-parole transmettent le même message. Une communication de crise efficace repose sur une voix unifiée : « Lors d’une crise, toutes les questions doivent être redirigées vers une seule personne… Le message relayé doit être soigneusement calibré… Ne déviez pas du message – c’est toujours comme ça que les erreurs se produisent »​. Évitez que différentes personnes de l’organisation donnent des chiffres ou versions divergents (d’où l’importance d’un porte-parole unique et de briefings réguliers).

  • Garder son sang-froid face aux questions pièges ou provocations. Les journalistes en crise peuvent adopter un ton plus combatif ou poser des questions volontairement déstabilisantes. Par exemple, ils peuvent énoncer une rumeur infondée pour voir si vous la démentez, ou formuler une question de manière agressive : « Reconnaissez-vous que votre entreprise a failli et mis des vies en danger ? ». Ce genre de formulation vise à vous faire perdre vos moyens. Piège classique : le silence insistant. Certains journalistes utilisent la technique du silence après une première réponse incomplète – ils vous fixent du regard ou laissent un blanc pour vous pousser à combler le vide en parlant trop. Comment réagir ? Ne tombez pas dans le piège de la précipitation ni de l’énervement. Si la question est provocante, répondez d’une voix calme, corrigez les éventuelles inexactitudes factuelles, puis ramenez la discussion sur vos messages. Par exemple : « Je comprends vos mots, mais permettez-moi de rectifier : notre priorité a toujours été la sécurité, et dès que nous avons identifié ce manquement, nous avons… ». Restez maître de vos nerfs en toutes circonstances. Ne montrez ni colère, ni sarcasme, ni mépris, même si la question vous semble injuste ou hostile. Toute réaction d’énervement serait du pain bénit médiatique (une petite phrase prononcée sous la colère peut faire les gros titres). Gardez un ton ferme mais poli. Préparez-vous aux “questions difficiles” à l’avance : anticipez les pires questions possibles et entraînez-vous à y répondre sans dévier de votre ligne​. Par exemple : « Que répondez-vous à ceux qui disent que vous êtes incompétent ? ». Plutôt que de vous offusquer, ayez une réponse du type « Je peux comprendre la colère. Notre rôle maintenant est de prouver le contraire par des actions concrètes : … ». Entraînement et sang-froid vous permettront de surmonter ces provocations.

  • Ne pas négliger l’écoute et la reformulation. Une erreur classique est de se focaliser tellement sur ses propres messages qu’on en oublie de répondre réellement à la question posée. Si un journaliste se sent ignoré ou voit que vous éludez systématiquement, il peut se braquer. Prenez donc le temps d’écouter chaque question jusqu’au bout, quitte à prendre une seconde de réflexion avant de répondre. Si une question est floue ou trop large, faites préciser (« Pouvez-vous préciser votre question sur tel aspect ? ») plutôt que de partir dans une digression hors sujet. Montrez que vous comprenez la préoccupation sous-jacente à la question, même si elle est hostile. Par exemple : « Je vois que vous vous inquiétez de [tel aspect]. C’est légitime. Voilà ce que je peux vous en dire… ». Cette empathie désamorce parfois l’agressivité. En restant à l’écoute, vous évitez le piège de paraître “réciter une leçon” sans tenir compte de l’intervieweur. Votre discours n’en sera que plus convaincant.

En résumé, évitez l’improvisation totale et les réactions impulsives. Chaque mot en crise peut avoir des conséquences. La crise modifie le comportement des journalistes : « Les techniques de questionnement diffèrent : pression accrue, questions pièges, tranchantes et urticantes. Souvent, les porte-parole, même chevronnés, sont déstabilisés »​. Conscient de cela, armez-vous en conséquence : préparation, honnêteté, cohérence et calme. Ne tombez pas dans les pièges de l’interview de crise en restant vigilant et fidèle à votre message quoi qu’il arrive. Les erreurs listées ci-dessus sont évitables avec de l’entraînement (media training, simulations de questions difficiles) et une bonne connaissance de ces mécanismes.

L’importance de la transparence et de la cohérence dans le discours

Deux maîtres-mots doivent guider toute communication de crise : transparence et cohérence. Ces principes, s’ils sont respectés, renforcent la crédibilité de votre organisation auprès des médias et du public.

  • Transparence : dire la vérité, même quand elle dérange. Face à une crise, « la transparence est la seule solution », rappelle un spécialiste​. Cela signifie fournir des informations exactes, ne pas cacher les faits importants et reconnaître ce qui doit l’être. Une communication transparente implique aussi de la pédagogie et de la clarté dans les explications : bannir la langue de bois et le jargon incompréhensible​. En étant sincère et accessible dans votre discours, vous permettez au grand public de comprendre la situation et les enjeux. La transparence, couplée à l’empathie, est payante : le public sait que l’erreur est humaine et pardonnera plus volontiers un problème si l’entreprise assume ses responsabilités, applique les mesures de sécurité appropriées et répare les torts causés​. En revanche, toute tentative de dissimulation agira comme un boomerang destructeur de confiance. Être transparent, ce n’est pas dévoiler chaque détail interne ou parler à chaud sans réflexion – c’est partager honnêtement les informations pertinentes, dans les limites légales et stratégiques, afin d’établir une relation de confiance. N’ayez pas peur d’admettre ce que vous ne savez pas encore (« à l’heure actuelle, nous n’avons pas encore tous les éléments »), plutôt que d’inventer ou de masquer. Une telle honnêteté sera appréciée sur le long terme.

  • Cohérence : un seul message, une seule voix. La cohérence s’applique à la fois au contenu du message et à la manière dont il est délivré à travers l’organisation. D’abord, cohérence interne : toutes les personnes qui s’expriment au nom de l’organisation doivent être alignées sur la même version des faits et les mêmes éléments de langage. Il est essentiel de désigner un porte-parole unique (ou un nombre très restreint de personnes autorisées à parler aux médias) dès le début de la crise, afin d’éviter les contradictions. Comme mentionné, rediriger toutes les questions vers une seule personne bien informée permet d’avoir un discours uniforme et maîtrisé​. Assurez-vous que les employés, à quelque niveau que ce soit, ne donnent pas leur propre commentaire aux journalistes ou sur les réseaux sociaux. Une consigne claire doit être passée en interne : seul le porte-parole officiel communique, les autres doivent s’abstenir de toute déclaration publique​. Cela évite les fuites d’informations non validées et les dissonances. Ensuite, cohérence dans le temps : maintenez vos positions et vos messages clés d’un jour à l’autre, sauf si de nouveaux faits avérés vous obligent à les ajuster (auquel cas, expliquez pourquoi votre message évolue). Ne donnez pas l’impression de changer de version sans raison – on vous accuserait de mentir. Par exemple, si vous avez communiqué un chiffre de victimes et que, malheureusement, ce chiffre augmente ensuite, annoncez la mise à jour avec transparence en expliquant d’où vient la correction (« nous venons d’apprendre de source policière que… le bilan est révisé à la hausse »). La cohérence, c’est également la concordance entre les paroles et les actes. Si lors de vos interviews vous promettez des actions (indemniser des victimes, lancer un audit, prendre des mesures correctives), il faudra tenir ces engagements et le faire savoir. Une communication de crise ne s’arrête pas aux mots : elle doit s’inscrire dans une gestion de crise globale où vos actes sur le terrain reflètent vos déclarations. Cette alignement renforce considérablement votre crédibilité.

En somme, transparence et cohérence forment le socle d’un discours responsable en temps de crise. En étant transparent, vous montrez du respect envers le public et les médias, et vous coupez court aux fantasmes et rumeurs. En étant cohérent, vous installez un climat de confiance car vos messages sont constants et fiables. Ces deux principes combinés créent une voix claire et crédible, condition indispensable pour traverser la tempête médiatique en préservant au mieux la réputation de votre organisation.

Gérer les appels de journalistes en contexte de crise est un exercice délicat mais maîtrisable avec la bonne approche. Il s’agit avant tout de comprendre la dynamique médiatique propre aux situations d’urgence, d’anticiper et de préparer vos messages, puis de communiquer avec calme, honnêteté et empathie. En adaptant votre discours au média concerné, en suivant des étapes claires pour structurer vos réponses, en évitant les erreurs classiques et en restant fidèle à une stratégie transparente et cohérente, vous mettrez toutes les chances de votre côté pour transformer une épreuve médiatique en occasion de démontrer votre sérieux et votre sens des responsabilités. Chaque crise est un défi, mais aussi une opportunité de prouver la fiabilité de votre organisation. Avec ces conseils pédagogiques en tête, vous êtes mieux armé pour répondre efficacement aux journalistes, protéger votre image et, in fine, contribuer à résoudre la crise plutôt qu’à l’aggraver. En communication de crise, “il n’y a pas de seconde chance pour faire une bonne première impression” – alors préparez-vous, restez sincère, et faites de chaque prise de parole un pas de plus vers la sortie de crise.

« Quand un journaliste appelle sur un sujet sensible, que dois-je faire ? »

  • 1. Identifiez correctement à quel type de média vous avez affaire et quel genre d’information le journaliste s’attend à obtenir. La presse spécialisée, par exemple, peut se permettre le luxe de détails impensables pour un reportage télévisé de 30 secondes.
  • 2. Préparez-vous en rédigeant une courte liste de vos messages les plus importants et en mettant à jour vos connaissances du sujet. Plus vous serez préparé, meilleure sera l’interview avec le journaliste.
  • 3. Ajustez votre vocabulaire au public visé. Le jargon d’initié n’a pas sa place dans une émission d’affaires publiques. Pas plus que les généralités dans un magazine spécialisé.
  • 4. Soyez bref et concis. Vous ferez de la « dentelle » une fois que vous aurez transmis votre message principal.
  • 5. Autant que faire se peut, illustrez vos propos avec des exemples concrets, des analogies ou encore avec vos expériences personnelles.
  • 6. Évitez les réponses du genre « pas de commentaires ». Il vaut mieux expliquer pourquoi on préfère se taire que de passer pour quelqu’un qui a un squelette dans son placard.
  • 7. Vous ne connaissez pas la réponse ? Référez votre interlocuteur à une source crédible.
  • 8. Ne dites que ce que vous voulez qui soit publié ou entendu. Méfiez-vous des déclarations off the record. Et gardez en mémoire que vous n’aurez peut-être jamais plus une seconde chance de vous exprimer sur le même sujet pour rectifier votre tir.
  • 9. De façon générale, informez régulièrement les journalistes intéressés par votre secteur d’activités et pas seulement en temps de crise ! – des objectifs de votre entreprise, de son marché, etc. Mais évitez le surplus d’informations ou le harcèlement téléphonique qui ont le don d’irriter les représentants des médias.