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Crise Alcatel : exemple de communication sous contrainte judiciaire

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Crise d’Alcatel : face à la fronde feutrée des administrateurs

Le conseil d’administration d’Alcatel Alsthom a décidé lundi de démissionner Pierre Suard s’il perd son appel sur le contrôle judiciaire auquel il est astreint. Une décision que la chambre d’accusation rendra vraisemblablement à la fin du mois.

Pierre Suard a menacé sur France 2 mercredi soir de « déménager » son groupe, Alcatel Alsthom, si la justice française continue de lui chercher querelle. Mais c’est le PDG que le conseil d’administration du groupe pourrait prier de déménager prochainement. Car, lundi, lors de la réunion extraordinaire des administrateurs, une décision a été prise dans le plus grand secret: Pierre Suard sera démissionné si la chambre d’accusation de la cour d’appel de Paris confirme le contrôle judiciaire auquel le juge d’Huy l’avait soumis vendredi dernier.

La cour devrait se prononcer au plus tôt à la fin du mois: une date sera fixée la semaine prochaine, quand le dossier sera transmis au parquet général par le parquet d’Evry. Les délais seront courts: le 5 avril, un conseil, ordinaire celui-là, se réunira pour approuver les comptes 1994. Sonnera-t-il le glas de Pierre Suard?

Affronter et gérer la fronde des actionnaires américains

Le PDG est en effet d’ores et déjà empêché d’exercer toute fonction, depuis ses nouvelles mises en examen pour recel d’escroquerie aux dépens de France Télécom et d’abus de biens sociaux aux dépens d’Alcatel Alsthom. En dépit d’un vote « à l’unanimité » renouvelant la confiance à Pierre Suard et bricolant une direction provisoire confiée à François de Laage de Meux, 65 ans, les administrateurs n’ont pas été tendres avec le PDG.

Rand Araskog, le PDG d’ITT, a rué dans les brancards. Le seul Américain du conseil n’apprécie guère les moeurs françaises, qui veulent qu’un conseil n’ose contrarier un PDG s’accrochant à son fauteuil. Une complaisance des administrateurs de l’establishment financier français qui risque de leur être reprochée par leurs actionnaires outre-Atlantique. ITT détient 6% du capital d’Alcatel Alsthom et n’apprécie guère de voir sa capitalisation fondre de 129 milliards, il y a dix huit mois, à 57 milliards, lundi. Pour le groupe américain, c’est Pierre Suard le responsable de résultats en baisse de 40%, et non « le juge, un homme seul », qui a plombé le titre.

Rand Araskog, très critique sur la stratégie du groupe, estime que le sursaut ne peut venir que d’un nouveau capitaine. Il fustige la gestion de crise et l’absence de communication de crise depuis depuis que le groupe est sous les feux de la rampe judiciaire. Le PDG du groupe américain a mis en cause Françoise Sampermans, PDG de la Générale occidentale, mais aussi directrice de la communication d’Alcatel Alsthom. Rand Araskog trouve hallucinant qu’on se permette de couper la publicité des journaux qui couvrent l’affaire.

Les administrateurs se sont promis de ne pas faire de confidences à la presse sur les délibérés du conseil d’administration. C’est un peu trop leur demander. Chacun s’emploie à lever le voile sur l’attitude de son voisin, donnant des précisions aussitôt démenties. Président d’honneur du conseil d’administration, comme au bon vieux temps d’avant la nationalisation, Ambroise Roux est ainsi accusé d’avoir plaidé pour une voie moyenne: destituer Pierre Suard pour créer un poste de PDG par intérim. Un rôle qu’il se serait bien vu tenir. L’intéressé dément énergiquement cette farce grotesque.

Marc Vienot, le PDG de la Société générale a été chargé par le CNPF et l’Afep, le club patronal fondé par Ambroise Roux, d’une mission de réflexion sur le corporate management ou « gouvernement d’entreprise ».

Pour le PDG de la banque qui accueille Pierre Suard dans son propre conseil, il semble impossible de laisser ce groupe aux mains d’un patron soumis au contrôle judiciaire. Si la chambre d’accusation ne fait qu’en réduire la sévérité, empêchant Pierre Suard de voyager, Marc Vienot sera partisan de la démission. Difficile de diriger depuis Paris un groupe qui fait 70% de son chiffre d’affaires à l’exportation. Marc Vienot est également au conseil de deux autres entreprises rattrapées par les affaires, la CGE et Schneider. Il a publiquement déclaré que ce qui était envisageable pour Didier Pineau-Valencienne – diriger son groupe de Paris – serait impensable pour Suard.