L’OTAN fait appel à des spin-doctors

Jamie Shea

L’OTAN muscle son service de communication de crise

Une “cellule” d’experts anglo-saxons a été constituée pour épauler Jamie Shea, porte-parole débordé de l’Alliance.

L’omniprésent Jamie Shea, porte-parole du secrétariat général de l’OTAN, vient d’obtenir du renfort. Ses talents de communicant bilingue anglais-français, son abnégation de soldat d’une rhétorique otanienne destinée à maintenir les opinions publiques de 19 pays dans le droit chemin du soutien sans faille à l’opération “Force alliée” ne suffisaient plus à masquer la réalité.

Coincé entre les réticences des militaires à lâcher leurs informations en direction du public et la pression des gouvernements confrontés aux interrogations de leurs citoyens, la direction de la communication de l’OTAN était débordé et, surtout, manquait de la plus élémentaire expérience de la communication de crise.

Cela s’est traduit, dans les premières semaines des frappes contre la Yougoslavie, par des bévues importantes, comme l’annonce de l’assassinat de responsables kosovars albanais qui sont apparus dès le lendemain en bonne santé à Londres, ou l’attribution de bavures de l’OTAN aux forces serbes. Une monumentale erreur de casting a aussi propulsé à la fonction de porte-parole militaire de l’opération l’Air Commodore britannique David Wilby, qui n’hésitait pas à apostropher des journalistes dans les couloirs du siège de l’OTAN en les accusant de cynisme et de défaitisme.

Le premier à s’émouvoir de cette faille dans la conduite de la guerre psychologique a été Tony Blair. Il est ainsi venu en personne à Bruxelles, le 17 avril, faire une démonstration de la manière dont on devait parler à ces intermédiaires peu fiables que sont les journalistes accrédités à l’OTAN. Un discours de faucon, prononcé avec l’assurance et l’aplomb d’un homme pour qui toute contradiction – ou la moindre interrogation – frise la traîtrise.

Pendant ce temps-là, Alastair Campbell, gourou de la communication du 10 Downing Street, faisait la leçon à Jamie Shea sur la manière de fournir les journalistes en bonnes histoires plutôt qu’en faits exacts et étayés. C’est le storytelling.

Cette intensification de la guerre des mots, concomitante de celle des frappes aériennes contre Belgrade, s’est traduite par la mise en place, depuis quelques jours d’une cellule de communication destinée à alimenter le porte-parole en arguments, en petites phrases qui font mouche, et cela en temps réel pour contrer la propagande serbe, désormais étudiée en permanence par des spécialistes. Composée d’une vingtaine de personnes, cette cellule est pour l’instant dominée par des experts anglo-saxons de la communication politique, parmi lesquels on trouve plusieurs des animateurs de la campagne électorale de Tony Blair et un spin-doctor de la Maison Blanche, Jonathan Prince.

D’autres membres de l’Alliance, comme la France ont décidé de déléguer dans cette cellule quelques fonctionnaires, plutôt pour voir ce qu’il s’y passe que pour influencer réellement le discours officiel de l’organisation. L’idéal serait que cette cellule fournisse des articles clés en mains rédigés dans toutes les langues des pays de l’Alliance, italien, français, turc espagnol etc…. pour que les relations médias permettent de diffuser enfin la bonne parole ironise un diplomate.