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Candidats à l’élection présidentielle, marketing politique

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Quelle est la place du marketing politique dans une stratégie électorale ?

« Si vous communiquez sur le nouvel Afghanistan, vous ne pouvez pas le faire avec la photo d’un cimetière ! », explique-t-on aux proches du seigneur de guerre Abdul Rashid Dostam: candidat à la présidentielle, il apprend le marketing politique en vue du scrutin du 9 octobre.

Dostam, implanté dans le nord, a laissé un souvenir douloureux à certains, en particulier pendant la guerre civile (1992-1994).

Son équipe n’y a pas forcément pensé, et « voulait le montrer devant un cimetière de ‘martyrs’ morts dans les combats contre les talibans », explique Christian Marie.

Ce Français, passé par le journalisme et la publicité, est un des conseillers d’Awaz, une maison de production de Kaboul qui a reçu des subventions de l’ONU pour créer les clips électoraux audio et vidéo des 18 candidats à la présidentielle, et leur fournir posters et conseils.

Dimanche, les représentants de Dostam ont finalement choisi d’autres photos – notamment l’image du général devant un chantier et une autre où il arbore le tchapane, costume traditionnel afghan. Un seul slogan a été retenu: « Avec Dostam, pour un nouvel Afghanistan ».

Avant de travailler avec lui, Awaz – une vingtaine de personnes, dont 80% d’Afghans – a fait bien plus que de l’image, guidant une bonne partie des candidats dans un monde qu’ils ignoraient.

« Nous n’avons jamais eu d’élection présidentielle, explique Faizullah Zaki, porte-parole de Dostam: « Il y a eu des élections parlementaires, des scrutins pour des conseils locaux (…) les candidats devaient se battre dans un espace plus limité. Maintenant, c’est national ».

« Tout est surréaliste d’une certaine façon », témoigne Dominique Morissette, un réalisateur canadien qui a épaulé les Afghans chargés des tournages, évoquant des scènes au cours desquelles de jeunes cameramen ont donné des leçons d’éloquence aux futurs poids lourds de la politique, à la fois fascinés et paralysés par l’objectif.

La maison de production a mêlé techniques occidentales et coutumes afghanes, laissant par exemple les candidats se « présenter ».

« L’Afghanistan c’est un village, tout le monde connaît tout sur tout le monde. La communication est donc fondée sur la personnalité des gens, qui disent ‘je suis le fils d’un tel' », explique Christian Marie.

Ensuite, il a fallu adapter leurs messages à un public analphabète à 80%, et les individualiser.

« Ici, c’est un peu le principe du bazar. On est boucher, on voit un boucher, et on veut s’installer juste à côté. Pour les candidats c’était la même chose: ils voient ce que fait le voisin, et veulent faire de même »: faute de conseils, ajoute-t-il, ils auraient tous opté pour le même slogan (Unité nationale, sécurité).

Ainsi, Massouda Jalal, la seule femme candidate: sur son clip, elle distribue du pain, prend des enfants dans ses bras, tient la main hésitante d’un écolier en plein apprentissage de l’écriture.

Elle n’a rien d’un seigneur de guerre, alors « parler de sécurité, n’était pas adapté dans son cas », explique Christian Marie. Son slogan, « la vie et l’espoir », est finalement plus proche de son personnage, poursuit-il: c’est une femme, une mère, un médecin.

Et à Kaboul, depuis le 7 septembre, jour du lancement de la campagne électorale, les affiches d’Awaz ont finalement fleuri, de manière très civilisée. Sagement collées côte à côte, sans les arrachages sauvages et graffitis de rigueur dans les pays « démocratiques ».

En coulisses, pourtant, les négociations à l’afghane entre prétendants prêts à abandonner leur candidature contre un bon poste gouvernemental se poursuivent.

« Mais, avance Christian Marie, aujourd’hui, on a des photos qui expriment des idées et c’était inimaginable il y a trois ans », sous le régime des talibans.