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Médiatisation de la Justice : la justice et la presseActualitésMédiatisation de la Justice : la justice et la presse

Médiatisation de la Justice : la justice et la presse

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Un phénomène incontournable, la médiatisation de la Justice

A titre liminaire, il convient de constater, sans porter d’appréciation sur le phénomène même, que la justice est au centre des préoccupations des médias, et ce à tous les stades de la procédure pénale faisant naitre une croissance de la communication des avocats et de la communication sous contrainte judiciaire.

Ce regard médiatique omniprésent a indubitablement des conséquences, sans qu’il soit possible de les quantifier, en terme de perception (parfois tronquée ou simplificatrice) par nos concitoyens de la Justice. Il n’est pas également sans incidence sur la mise en oeuvre de principes fondamentaux auxquels le législateur, les magistrats et les auxiliaires de justice sont attachés, à savoir la présomption d’innocence et le respect de la dignité des personnes. 

Ce phénomène de médiatisation, notamment audiovisuelle s’est accéléré sous l’effet d’une concurrence accrue et d’un souci de rapidité dans la recherche de l’information des chaines d’informations en continue.

De plus, de nouvelles formes d’expression sont apparues en raison notamment de l’émergence sur la scène médiatique d’acteurs directs du procès livrant leur version et leur ressenti d’audience aux lieu et place du traditionnel chroniqueur judiciaire. 

Accélération et modification du traitement par les médias des affaires judiciaires dans nos société démocratiques constituent une évolution somme toute normale. Il ne saurait être question de la remettre en cause. En revanche, il est nécessaire que l’institution judiciaire en prenne acte et adapte ses méthodes de travail à ce nouvel impératif. 

Les auditions d’acteurs du procès pénal ainsi que de représentants des presses écrites, parlées et télévisées, mettent en évidence le caractère peu satisfaisant ou pour le moins perfectible des relations entre les médias et les magistrats. Les rapports entre ces deux professions sont cristallisés en raison des buts contradictoires voire inconciliables poursuivis. 

D’une part, les journalistes regrettent une culture encore très présente de défiance à leur égard et par conséquent le déficit d’information et de communication du corps de la magistrature. Ce silence institutionnel aurait ainsi permis l’émergence sur la scène médiatique d’acteurs du monde judiciaire (enquêteurs, avocats) n’ayant pas ces réticences. 

D’autre part, pour les magistrats, la relation du procès dit d’Outreau (mais le traitement médiatique d’autres affaires suscite les mêmes critiques) faite par les médias a donné le sentiment d’une personnalisation excessive à l’égard de certains acteurs de la procédure et d’un monopole de la parole donnée aux avocats de la défense. 

La magistrature ressent l’impression que le traitement de l’information est trop souvent déséquilibré en sa défaveur sans qu’un droit de réponse de l’institution judiciaire ne soit jamais possible (eu égard notamment aux secrets de l’instruction et du délibéré, voire l’obligation de réserve qu’elle doit respecter). 

L’aménagement des relations presse-justice doit vaincre ces rigidités. Il peut, sans attendre, enregistrer de premières avancées à travers l’instauration de mesures ponctuelles. 

Section 1- La mise à disposition des journalistes accrédités des ordonnances ou arrêts de mise en accusation. 

Il convient d’institutionnaliser la pratique existant déjà dans plusieurs ressorts autorisant la remise aux journalistes accrédités d’un exemplaire des ordonnances ou arrêts de mis en accusation, dans les conditions prévues aux articles 38, 39 bis et quinquies de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse11. 

Section 2 – Institutionnalisation d’un magistrat référent-presse 

Partant du constat précédemment évoqué, le groupe de travail estime que l’existence d’un magistrat référent-presse, appelé à intervenir dans les procédures hors norme, plus particulièrement lors de l’audience de jugement, s’impose. Des formations médiatraining ainsi que des formations à la communication aux magistrats sont ainsi dispensés.

La relation des débats et l’image qui peut en être donnée ne sont pas sans incidence sur la crédibilité de l’institution judiciaire qui se doit de favoriser leur objectivité par un effort de pédagogie et de transparence en direction des médias. 

– Un rôle tenu par un magistrat du ministère public. 

Le groupe de travail s’est interrogé sur la dévolution de ce rôle soit à un magistrat du siège soit à un membre du parquet. Cette question a fait l’objet de débats riches entre les différents membres du groupe. 

Deux arguments militeraient en faveur de l’attribution de cette fonction à un magistrat du siège : 

Tout d’abord,les professionnels expliquent que les attaques ad hominem, relayées par les médias concernent quasi-exclusivement les magistrats du siège (juge d’instruction et président d’audience). 

Il serait donc logique que le magistrat chargé de la communication fasse partie de la magistrature assise. 

D’autre part, le magistrat du siège, nécessairement impartial par son statut pourrait porter des appréciations neutres sur le dossier et la conduite de l’audience, sans s’inscrire dans un conflit de loyauté avec sa hiérarchie comme pourrait l’être un magistrat du parquet. 

Toutefois, cette solution n’a pas fait l’objet d’une adhésion majoritaire au sein du groupe de travail, car au-delà des avantages précités, plusieurs de ses membres se sont demandés s’il participait réellement de la sérénité de la Justice que le siège devienne acteur de la communication médiatique dans les procès de grande ampleur. 

Concernant la seconde option, s’il est vrai que certaines situations peuvent mettre en porte à faux un magistrat du parquet, il n’en demeure pas moins que partie au procès, sa légitimité à intervenir pour, d’une part, contrebalancer des contrevérité énoncées et, d’autre part, faire valoir également la thèse de l’accusation ne peut être sérieusement contestée. 

Par ailleurs, l’appartenance au ministère public ne saurait constituer en soi une impossibilité de répliquer avec force mais objectivité à des attaques infondées portées à l’encontre d’un magistrat du siège 

Il convient de préciser que pour les membres du groupe favorables à la désignation de d’un magistrat du parquet comme référent-presse, il apparaît indispensable que cette fonction ne soit pas confiée au magistrat occupant au procès le siège du ministère public, la parole de celui-ci devant être exclusivement réservée au débat judiciaire. 

11 Ces articles organisent la protection de l’anonymat des mineurs victimes d’infractions et les modalités de la publicité de pièces de procédure 

– Une fonction au contenu à définir 

Force est de constater que, dans les faits, la parole de l’institution judiciaire, à l’occasion des procès d’envergure n’est guère relayée par les médias (parole jugée trop institutionnelle ou purement technique). 

On constate par exemple, à l’occasion du récent procès « Emile LOUIS » devant la cour d’assises de l’Yonne que la parole du « magistrat-presse » est demeurée en second plan, les questionnements des journalistes à son endroit portant sur des points de procédure et de droit, en vue d’assurer la rigueur de leur reportage, que sur le fond de l’affaire. 

Doit-on pour autant préconiser au magistrat référent-presse de ne pas limiter ses interventions à une communication sur le droit et la procédure mais d’assurer en outre un éventuel droit de réponse ou de rectification en présence de mises en cause injustifiées, de propos dénués de fondement ou d’informations erronées ? 

La réponse à pareil questionnement, qui touche à la nature même des attributions dévolues à ce magistrat, passe par une réflexion approfondie sur la problématique récurrente des relations entre les médias et la justice que n’a pu conduire le groupe de travail dans le temps qui lui était imparti. 

Sans attendre son issue et quelle que soit celle-ci, il apparaît indispensable que les formations croisées des magistrats et journalistes se multiplient et qu’une place particulière soit réservée au traitement des affaires judiciaires, dans les écoles de journalisme. 

L’Ecole Nationale de la Magistrature doit, pour sa part, poursuivre le développement des modules de formation continue destinés à permettre aux magistrats en fonction d’appréhender la communication avec la presse. Elle a déjà opportunément intégré dans la formation initiale des auditeurs de justice un atelier et une conférence sur la thématique de la relation Justice/Médias (12 heures). 

Par ailleurs, le service central d’information et de communication du Ministère de la Justice propose aux chefs de juridiction des stages de communication et de formation à la prise de parole. Cette initiative apparaît particulièrement pertinente au regard de l’évolution de l’institution judiciaire, dans sa relation avec les médias. 

Cette évolution qui ne saurait se cantonner à la communication occasionnelle, lors des procès hors normes mais doit se décliner dans le quotidien, passe par une compréhension mutuelle entre magistrats et journalistes des contraintes de leur profession respective et de l’indispensable confiance réciproque qu’elles exigent. 

Le groupe de travail soumet l’idée, sans ignorer la difficulté de sa faisabilité, du lancement de travaux avec les représentants qualifiés de la presse nationale et régionale, en vue d’aboutir à l’élaboration d’un protocole de bonne conduite, dans cette matière sensible. 

Préconisations 

– Mettre à disposition des journalistes accrédités un exemplaire des ordonnances ou arrêts de mise en accusation. 

– Confier à un membre du ministère public les fonctions de magistrat référentpresse, à l’occasion de la tenue de tout procès d’envergure ou connaissant un retentissement médiatique. 

– Développer dans le cadre de sessions de formations communes les échanges entre journalistes et magistrats. 

– Confier à une instance représentative de l’institution judiciaire et des médias nationaux et régionaux l’élaboration d’un protocole de bon usage et procédé. 

Rappel des préconisations 

– L’évaluation de la parole de l’enfant 

1. Augmenter les capacités des stages proposés par les organismes de formation de la Police et de la Gendarmerie Nationale. 

2. Allonger la durée des formations, approfondir leur contenu et les compléter par un stage au sein d’unités spécialisées afin d’appréhender et confronter les pratiques. 

3. Ne confier l’audition de mineurs dénonçant une infraction pénale qu’à des unités spécialisées ou, à défaut, aux seuls enquêteurs ayant subi une formation préalable dont le procureur de la République détiendra la liste actualisée. 

4. Acter en procédure les raisons du refus opposé par le mineur à l’enregistrement de son audition, après avoir exposé les diligences faites pour obtenir son accord. 

5. Rendre obligatoire un avis immédiat au parquet (ou au magistrat instructeur) en cas de refus du mineur. 

6. Moderniser les outils audiovisuels pour en faciliter l’usage et veiller à l’aménagement de locaux dédiés à l’audition enregistrée du mineur victime. 

7. Inciter les juges d’instruction et magistrats des juridictions de jugement à faire usage, à tous les stades de la procédure judiciaire, de l’enregistrement audiovisuel ou sonore. 

8. Encourager en vue de sa systématisation la présence d’un tiers professionnel de l’enfance pour assister et conseiller les enquêteurs dans la conduite des auditions. 

9. Déterminer le cadre familial et social dans lequel évolue le mineur par le recours systématique à une enquête d’environnement 

10. Acter systématiquement et précisément en procédure les circonstances précises de la révélation, notamment par l’audition de celui (ou celle) qui l’a recueillie. 

11. Harmoniser les protocoles relatifs aux structures d’accueil des mineurs victimes (notamment par le biais d’une instruction de Monsieur le Garde des Sceaux). 

12. Créer un groupe opérationnel associant les ministères concernés afin d’adapter un référentiel commun en matière de lieux dédiés à l’accueil des mineurs victimes. 

13. Imposer à l’expert le suivi d’une formation spécifique tant initiale que continue. 

14. Faciliter l’accès des experts aux pièces de procédure indispensables à l’accomplissement de leur mission (élément de faits et de personnalité, précédentes expertises…) 

15. Exiger le visionnage de l’enregistrement audiovisuel pour l’accomplissement des opérations d’expertise, diligence devant figurer dans le rapport déposé. 

16. Introduire un enseignement sur la déontologie de l’expert dans les modules de formation continue consacrés aux principes directeurs du procès pénal et des règles de procédure (article 10-2° du décret relatif aux experts judiciaires). 

17. Instaurer une obligation de déclaration d’appartenance à une association visée aux articles 2-1 à 2-21 du code de procédure pénale lorsque la procédure porte sur des faits pour lesquels cette association peut se constituer partie civile. 

18. Supprimer le terme  » crédibilité  » de toute expertise 

19. Utiliser en l’adaptant au cas d’espèce l’expertise type proposée par le groupe de travail décomposant la mission confiée à l’expert en six questions auxquelles il devra successivement répondre. 

20. Procéder à une revalorisation de la rémunération de l’expert et aménager sa forfaitisation par la prise en compte des particularités et de la complexité de certaines missions. 

21. Améliorer les modalités d’intervention de l’expert devant la cour d’assises. 

22. Améliorer en milieu carcéral les conditions d’accueil des experts pour l’accomplissement de leur mission. 

– L’apport de la procédure d’information judiciaire 

23. Cantonner aux juridictions comptant plusieurs cabinets d’instruction la nomination des magistrats instructeurs occupant pour la première fois ces fonctions. 

24. Systématiser la participation des nouveaux juges d’instructions aux audiences de jugement pénales collégiales, pendant les deux premières années de fonction. 

25. Accroître l’offre de formation tant initiale que continue pour les modules relatifs à l’audition de l’enfant et au traitement des infractions sexuelles. 

26. Donner un réel contenu aux spécialisations substitut des mineurs, juge d’instruction des mineurs, notamment en incitant au suivi de formations en lien avec étroit avec ce contentieux 

27. Rendre obligatoire dans la compatibilité avec l’organisation des juridictions, les stages « changement de fonction », y compris pour leur volet pratique. 

28. Permettre à la chambre de l’instruction d’imposer au magistrat instructeur une co-saisine. 

29. Institutionnaliser l’information permanente du magistrat co-saisi afin de l’impliquer dans la conduite des investigations et lui permettre de faire valoir son appréciation. 

30. Rendre obligatoire la co-signature par le magistrat co-saisi tant de l’avis de l’article 175 du code de procédure pénale et que de l’ordonnance de règlement de la procédure. 

31. Identifier pour chaque juge d’instruction, parmi les membres de la chambre de l’instruction, un magistrat référent en charge d’assurer le suivi de son cabinet et de répondre au besoin de concertation qu’il pourrait ressentir. 

32. Substituer à l’envoi de la notice semestrielle, sa remise par le juge d’instruction au président ou au magistrat référent de la chambre de l’instruction, en vue de son examen contradictoire et de son commentaire. 

33. Instaurer des réquisitions obligatoires du parquet général dans le cadre du contentieux relatif aux demandes d’actes. 

34. Considérer la confrontation individuelle comme un acte à part entière. 

35. Assurer la permanence des fonctions de juge des libertés et de la détention confiées à un magistrat unique ou à un service de la liberté et de la détention composé de magistrats pérennisés dans ces fonctions 

36. Inciter les juges des libertés et de la détention à suivre des modules de formation continue dans les contentieux relevant de leur compétence 

37. Donner la possibilité au juge des libertés et de la détention d’organiser d’office un débat différé afin de vérifier la réalité d’éléments de faits pouvant permettre le recours au contrôle judiciaire 

38. Instaurer semestriellement dans les procédures donnant lieu à détention provisoire une audience de la chambre de l’instruction portant sur l’examen de l’état d’avancement et la poursuite de l’information. 

39. Accroître substantiellement les moyens humains mis à la disposition des chambres de l’instruction, à raison notamment de l’introduction de cette nouvelle procédure. 

– La prise en charge du mineur victime 

40. Réaffirmer le rôle central du parquet des mineurs dans l’indispensable articulation entre les procédures pénales et d’assistance éducative. 

41. Prévoir une saisine systématique du juge des enfants en cas d’allégations de maltraitances physiques ou sexuelles sur mineur de 15 ans, d’origine intra-familiale 

42. Informer le juge des enfants saisi de l’évolution et du résultat de la procédure pénale 

43. Solliciter l’avis du juge des enfants pour les mesures pénales présentencielles susceptibles d’affecter les relations enfants-parents 

44. Officialiser la communication du dossier d’assistance éducative aux instances pénales pour la conduite des investigations. 

45. Préconiser la désignation de l’administrateur ad hoc, le plus en amont de la procédure. 

46. Désigner une personne physique ou morale qui n’exerce pas d’autres mesures éducatives en faveur du mineur et qui a reçu une formation adaptée. 

47. Rappeler les conditions d’exercice de sa mission et les obligations de l’administrateur ad hoc. 

48. Réévaluer la base de rémunération de l’administrateur ad hoc, afin de lui permettre d’assumer pleinement ses fonctions. 

49. Instituer au sein de chaque barreau une section d’avocats spécialisés dans l’assistance et la représentation des mineurs. 

50. Inciter à la désignation d’un avocat par mineur ou a minima par fratrie afin d’assurer une représentation personnalisée de chaque individualité à tous les stades de la procédure. 

– Le déroulement du procès d’assises 

51. Préconiser l’exercice plus fréquent, dans l’optique de l’audience, des pouvoirs donnés par l’article 283 du code de procédure pénale au président de la cour d’assises. 

53. Envisager par principe l’audition de l’enfant après s’être assuré de l’absence de conséquence néfaste pour le mineur. 

54. Donner la faculté au président de mettre à disposition des jurés un support écrit pour les affaires complexes, et de disposer lui-même de pièces de procédure au moment du délibéré 

55. Atténuer le principe de la continuité, y compris pendant le temps du délibéré 

– Les relations avec les médias 

56. Mettre à disposition des journalistes accrédités un exemplaire des ordonnances ou arrêts de mise en accusation. 

57. Confier à un membre du ministère public les fonctions de magistrat référent-presse, à l’occasion de la tenue de tout procès d’envergure ou connaissant un retentissement médiatique. 

58. Développer dans le cadre de sessions de formations communes les échanges entre journalistes et magistrats. 

59. Confier à une instance représentative de l’institution judiciaire et des médias nationaux et régionaux l’élaboration d’un protocole de bon usage et procédé.