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Communication interne : le nouvel élan du digital

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Quand le digital impacte la communication interne

De plus en plus sophistiqués, les intranets poussent les entreprises à remettre à plat leur dispositif de communication interne. Mais tous les échanges d’information ne sauraient passer par le Web, fût-il 2.0. Les rencontres en face à face et le papier demeurent indispensables à la communication interne. 

Webzines et newsletters électroniques, blogs de salariés ou de patrons, forums de discussion, Web radios et Web TV… Les supports numériques prolifèrent et transforment le paysage de la communication interne. Fort de ses promesses d’interactivité, le Web 2.0 fait bouger les lignes. Après les sites plaquettes des intranets de première génération, qui se limitaient encore à la communication « top-down » à sens unique, ces outils permettent en effet aux salariés « d’être à la fois émetteurs et récepteurs d’informations », observe Édouard Rencker, fondateur de l’agence Séquoia et auteur d’un ouvrage sur la question.

Avec pour conséquence « une forme d’amateurisme dans le contenu et la forme, d’où un risque pour l’entreprise de voir altérer son image de marque« , avertit Julien Carette d’Euro RSCG C&O. Il n’empêche, aucun responsable de com interne ne saurait se passer de ces outils. Et l’élaboration de chartes de bonne conduite, la mise en place de modérateurs et surtout l’autodiscipline (ou autocensure?) des salariés rassurent les firmes, qui constatent finalement très peu de dérapages.

Sans surprise, les entreprises les plus en pointe dans l’usage de ces outils appartiennent généralement au secteur high-tech, se caractérisent par des tailles et effectifs importants – ce qui leur donne les moyens d’investir dans ces outils et de les rentabiliser -, avec une forte proportion de cadres familiarisés à l’usage d’internet.

C’est le cas de SFR, qui a lancé au printemps dernier son intranet 2.0 baptisé « My SFR » à l’intention de ses quelque 8 000 collaborateurs en France. My SFR innove notamment avec une plate-forme de blogs enrichie qui sert à la fois de support de diffusion des informations internes et externes, et d’expression. « SFR voulait développer une démarche participative pour sa com interne », explique Nicolas Moulin, directeur général adjoint de TBWACorporate qui a accompagné son client dans cette démarche.

Grâce à ce blog, les salariés peuvent poster des articles et commenter ceux des autres sur divers sujets professionnels (produits, problématiques RH ou commerciales, développement durable…). Mais aussi consulter des dépêches d’agences ou des communiqués de presse sur l’actualité des télécoms et de l’entreprise sur lesquels ils peuvent réagir. Pour faciliter l’accès à l’information, l’ensemble des flux peut être classé par thèmes, ordre chronologique ou auteurs. Avec 235 000 visites et 85 000 visiteurs uniques en août dernier, My SFR satisfait les usagers, mais aussi la direction qui entend promouvoir en interne « la transversalité, la fluidité et la réactivité », rappelle Nicolas Moulin. Suite au succès de la plate-forme, SFR a d’ailleurs jugé inutile de poursuivre la parution de son journal interne sur papier baptisé Texto.

Une relation personnalisée

Avec le web 2.0, non seulement les salariés deviennent émetteurs de messages, mais encore sélectionnent-ils ceux qu’ils veulent recevoir, sachant qu’en entreprise comme ailleurs, trop d’info tue l’info. En vertu de quoi les nouvelles plates-formes donnent donc la possibilité aux salariés de personnaliser leur relation avec leur employeur.

Pour Cisco, fournisseur de solutions et d’équipements pour Internet, l’agence conseil en réputation en ligne e-walking a mis récemment en place une plate-forme où les salariés peuvent choisir, commenter et même noter la pertinence des informations qu’ils reçoivent sur leur page d’accueil, à l’instar de ce que proposent les journaux et magazines grand public diffusés sur la Toile et les agrégateurs de contenus comme Netvibes. Enfin, ils peuvent s’inscrire sur un réseau social interne de type Facebook pour y constituer des groupes d’affinités par profils et centres d’intérêt. Cinq mois après son lancement, 450 collaborateurs sur les 650 que compte Cisco France étaient déjà inscrits sur la plate-forme.

L’engouement pour ces outils s’explique également par leur capacité à servir tous les types de stratégie. La communication sur la mobilité, enjeu majeur dans les grandes organisations, s’y intéresse de plus en plus. Pour Thales, A Conseil a par exemple conçu à l’intention de cadres et techniciens une newsletter enrichie de séquences vidéo et dédiée au développement de carrière et à la mobilité interne. à l’inverse, en 2007, Euro RSCG C&O a mis en place sur l’intranet de France Télécom une émission audio destinée à valoriser la mobilité… externe. Bimensuelle, cette émission est basée sur le témoignage de salariés ayant bénéficié de l’aide de l’opérateur pour réussir leur reconversion professionnelle.

Porté par la généralisation du haut-débit, le développement de séquences audio et vidéo sur les intranets aboutit progressivement à la création de Web radios ou Web TV promises à un bel avenir. Total Petrochemicals France a ainsi lancé Cadence, un programme radio accessible par intranet et téléphone pour ses 2 300 collaborateurs.

De son côté, BNP Paribas Assurances envisage de lancer un site exclusivement audio vidéo complémentaire à son magazine interne montrant le dynamisme et « la richesse des expériences professionnelles vécues qui va se positionner comme une sorte de YouTube pour l’interne », explique Éric Tazartez, le président de l’agence Publicorp qui travaille sur ce projet.

Tout aussi prometteurs, les blogs et forums instaurent une nouvelle forme de relation entre les dirigeants et leur personnel dans les grandes entreprises. « Quand les salariés sont sceptiques ou inquiets face au changement, le dialogue direct avec le Pdg contribue à améliorer la situation. Avant le Web 2.0, il était impossible de le faire sur une échelle aussi large et sur des périodes aussi longues. » souligne Éric Camel, Pdg d’Angie. Et de pointer le succès rencontré à la SNCF par le blog interne que Guillaume Pepy a tenu en 2005 et 2006 à l’intention des cheminots. Deux fois par semaine en moyenne, le dirigeant abordait la stratégie de l’entreprise et les questions sociales sensibles dans un style très direct, plus personnel qu’institutionnel.

Tout aussi significatif est l’exemple d’ETDE (filiale d’ingénierie électrique et de maintenance de Bouygues Construction), qui a ouvert dès 2001 sur son intranet le forum « Entre Vous et Nous ». Tout collaborateur peut y interpeller le Pdg Gaëtan Desruelles, qui répond personnellement dans 95 % des cas. Les questions sont posées de manière anonyme, afin de garantir la liberté d’expression et de ton des collaborateurs… Dans un contexte de forte croissance – les effectifs sont passés de 4 000 à 13 500 personnes en cinq ans, suite à une vague d’acquisitions – et de grandes mutations, le Pdg souhaitait en effet « disposer d’un thermomètre permettant de prendre le pouls des équipes, connaître leurs interrogations, faire oeuvre de pédagogie. C’est une façon originale de promouvoir le dialogue en entreprise et un bon moyen de tuer dans l’oeuf les rumeurs« , résume Jean-Luc Letouzé, dircom d’ETDE.

L’absence de langue de bois et le langage direct contribuent au succès de ce forum qui a enregistré en 2007 quelque 60 000 visites et 353 questions. Pour lui donner encore plus de portée, ETDE affiche chaque mois dans ses locaux les nouvelles questions et réponses, afin que les personnes non reliées au système informatique puissent accéder à ces échanges. Enfin, les thèmes qui émergent dans le forum aident la direction de la communication corporate à orienter le contenu rédactionnel des autres supports internes.

Sondage en ligne

Ces outils présentent aussi l’avantage, aux yeux des responsables de la communication interne, de faciliter la mesure de l’efficacité de leur action. Ils peuvent sonder en ligne les salariés intranautes pour savoir ce qu’ils pensent de tel support ou telle initiative, suivre leur parcours de lecture sur l’intranet et, in fine, ajuster leur action en conséquence (cf. interview du président de l’AFCI, p. 31). Mais ces remontées n’ont pas toutes valeur égale, avertit Éric Camel : « La mesure passive de l’audience et du taux de lecture d’un webzine est un réel progrès par rapport aux études fondées sur le déclaratif portant sur un support papier. En revanche, les enquêtes par intranet souffrent d’un biais car ne répondent que les salariés les plus favorables ou les plus hostiles au sujet abordé par le sondage. »

Face à cette déferlante, les outils traditionnels de la communication interne doivent se repositionner. Le déclin du papier est inéluctable, une part croissante de l’information « chaude » étant vouée à passer en ligne. « Les appels d’offres en communication éditoriale posent fréquemment la question de ce qui doit revenir au papier et à l’intranet. Et plus de 50 % de notre chiffre d’affaires vient du multimédia (Internet et extranet) et du rich media (texte, vidéo, son, animation, contenus) », constate Éric Bentot, président d’Editoria. Dans ce contexte que va-t-il rester à Gutenberg? « Le développement des intranets ne tue pas la presse d’entreprise papier, mais pousse à sa montée en gamme. Les beaux supports capables de susciter la réflexion et l’émotion vont subsister », prédit Éric Camel.

Tout ne pourra pas transiter par le Web, fût-il 2.0. D’autant que les responsables en entreprises se méfient des excès du tout technologique qui peut affaiblir la dimension humaine indispensable à la com interne. En témoigne l’exemple du Club Méditerranée : « Il ne faut pas donner de place excessive aux outils technologiques, surtout dans notre métier qui consiste à créer du lien entre les gens. Nous continuerons à donner la priorité aux échanges en face-à-face », assure Laurent Sabbah, responsable de la communication interne du voyagiste.

* « Le Nouveau Visage de la com interne » (éd. Eyrolles).