
Le podcast s’impose progressivement comme un outil incontournable de communication politique. Dans un article publié le 24 septembre par La Croix, Florian Silnicki, fondateur de LaFrenchCom, analyse les raisons de cet engouement et ce qu’il révèle des attentes des citoyens.
Le podcast : un format de communication politique fondé sur l’intimité
Contrairement aux interviews télévisées ou aux débats radiophoniques souvent rythmés par la confrontation et l’instantanéité, le podcast offre un espace différent : un temps long, une atmosphère de confidence et un lien direct avec l’auditeur.
Comme le souligne Florian Silnicki dans La Croix :
« Le podcast crée une impression d’authenticité, d’intimité. C’est une conversation qui donne le sentiment de franchir la barrière entre la personnalité publique et l’individu. »
Le podcast politique permet ainsi de contourner les codes médiatiques traditionnels et de proposer une parole plus libre, plus incarnée.
L’authenticité, une exigence croissante des citoyens
Les citoyens expriment une attente claire : davantage de transparence et de sincérité dans la parole publique.
Le podcast politique répond parfaitement à ce besoin. Il offre :
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des récits personnels qui humanisent les responsables politiques,
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des explications approfondies, loin des slogans,
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des moments de vulnérabilité qui renforcent la confiance.
Cette authenticité perçue renforce le capital de confiance des responsables publics auprès de leurs électeurs.
Le podcast comme outil stratégique de communication politique
Pour les communicants, le podcast est bien plus qu’une tendance : c’est une arme stratégique de communication. Il permet :
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d’atteindre un public souvent éloigné des médias traditionnels,
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de maîtriser son récit tout en laissant place à la spontanéité,
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de s’inscrire dans une logique de temps long face à l’instantanéité médiatique.
⚠️ Mais attention : un podcast trop formaté perd instantanément son impact. L’efficacité du format repose sur la sincérité et la proximité ressenties.
Vers une nouvelle grammaire de la communication politique ?
L’essor des podcasts politiques illustre une mutation profonde :
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passage d’une communication verticale à une communication horizontale,
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passage d’un discours figé à une conversation politique plus humaine,
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passage de la communication de masse à une communication de niche et d’engagement.
Le podcast incarne ainsi une nouvelle façon de « parler vrai », en phase avec les aspirations citoyennes à plus d’authenticité et de proximité.
De plus en plus de personnalités politiques participent à des podcasts portés par des influenceurs, comme l’a fait Édouard Philippe le 21 septembre dans « Legend ». Un format de communication plus approfondi que les réseaux sociaux, mais qui frôle parfois les frontières de la télé-réalité.
Quel est le point commun entre Édouard Philippe, Sébastien Lecornu, Nicolas Sarkozy, Jordan Bardella et François Ruffin ? Tous ont déjà participé à un podcast, un format de communication politique en plein essor. Aux États-Unis, la campagne présidentielle de 2024 s’est en partie jouée sur ce terrain-là.
« Donald Trump a notamment participé au podcast “The Joe Rogan Experience”, qui a généré 50 millions de vues rien que sur YouTube, soit l’équivalent d’une semaine entière de l’intégralité des daily shows américains », détaille Grégory Pouy, analyste culturel et fondateur des podcasts « Vlan ! » et « Ping ! », qui prédit une « montée en force pour l’élection présidentielle française de 2027 ».
Des présentateurs sans expertise politique
En France, deux podcasts, écoutables aussi bien en vidéo sur YouTube qu’en audio sur les services de musique en ligne comme Spotify, tirent déjà leur épingle du jeu. Le premier s’appelle « Legend » et a été créé en 2022 par Guillaume Pley, un ancien animateur sur NRJ et chroniqueur dans la sulfureuse émission « Touche pas à mon poste ! » de Cyril Hanouna. Avec plus de 3 millions d’abonnés sur YouTube, il fait partie des podcasts les plus écoutés. Le second est porté par Sam Zirah, spécialiste des « célébrités » de la télé-réalité, qui cumule 2 millions d’abonnés sur YouTube.
Les deux n’y connaissent pas grand-chose en politique, et interviewent aussi bien des stars du X et des rappeurs que d’anciens présidents. C’est précisément ce qui fait la clé de leur succès, selon Grégory Pouy : « Ils sont perçus par leurs auditeurs comme des personnes qui leur ressemblent et se posent les mêmes questions qu’eux. Paradoxalement, leur manque de neutralité ne les dérange pas. »
« Moins des arguments politiques que des confidences »
Sam Zirah et Guillaume Pley reprennent les mêmes codes que leurs confrères américains : ils misent sur des discussions qui se veulent bienveillantes et décontractées, sans esprit de contradiction et aux limites de la complaisance, pour les amener à confier des histoires personnelles. « Ce qui marche, c’est de donner une impression d’intimité et d’authenticité, avec des détails concrets de la vie. Ils attendent moins des arguments politiques que des confidences, analyse Florian Silnicki, expert en communication de crise et président de l’agence LaFrenchCom. Les politiques utilisent ces formats pour casser l’image froide et s’adresser aux électeurs comme à des voisins. Par exemple, quand un élu raconte la honte de ne pas avoir pu payer son loyer, cela percute mille fois plus que trois minutes de chiffres sur le logement. »
Un format plus horizontal que celui des médias traditionnels, et complémentaire des réseaux sociaux. « TikTok et Instagram, c’est l’affiche électorale, avec des mini-vidéos qui s’avalent comme des chips. Le podcast, c’est la politique “plat mijoté” : il faut du temps, de la patience. Les deux se nourrissent », résume Florian Silnicki. « Alors que les réseaux sociaux se battent pour quelques secondes d’attention, les podcasts accompagnent les auditeurs dans leurs activités quotidiennes, ce qui crée un contexte unique d’écoute », complète Grégory Pouy.
Des frontières floues avec la télé-réalité
Raison pour laquelle des personnalités politiques de tous bords s’y mettent. Il y a notamment les « jeunes loups qui n’ont pas accès aux médias traditionnels et utilisent le podcast comme un raccourci », ainsi que les « outsiders qui veulent court-circuiter les filtres médiatiques », selon Florian Silnicki.
Sans oublier les « vétérans en reconquête d’image ». « Au lieu d’apparaître comme des éléphants fatigués, ils deviennent des “grands sages” qui prennent le temps d’expliquer », souligne-t-il. Certains se risquent même à créer leur propre podcast, comme l’a fait l’ex-premier ministre François Bayrou cet été pour parler de la dette publique, avec un succès limité.
Les politiques peuvent toutefois s’y brûler les ailes, selon le spécialiste en communication. « Si l’élu se met trop au niveau de l’influenceur, son statut et son autorité politique se diluent. Le prix est lourd s’il parle davantage de ses ruptures amoureuses que de ses projets de loi. » D’autant plus que l’objectif de ces présentateurs est de créer du « buzz », au risque de tomber dans le sensationnalisme. Sam Zirah ne s’en cache pas. « La politique, c’est de la télé-réalité », clame-t-il régulièrement.
Bayard Presse