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LinkedIn, terrain de jeu risqué, mais prisé des dirigeants d’entreprises

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L’Express est l’un des cinq magazines d’actualité hebdomadaires de dimension nationale en France. Le journaliste Thibault Marotte a interrogé Florian Silnicki, Expert en communication de crise et Fondateur de l’agence LaFrenchCom spécialisée dans la gestion de crise sur les enjeux de la prise de parole sur LinkedIn d’un dirigeant d’entreprise.

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A la faveur du Covid, les patrons, petits ou grands, ont multiplié les prises de parole sur LinkedIn, dans les pas des acteurs de l’écosystème start-up, habitués du genre. Au risque, parfois, d’écorner l’image de leur entreprise.

Entre Justine Hutteau et LinkedIn, la relation donnant-donnant a tourné au vinaigre. En 2018, lorsque l’entrepreneuse, alors âgée de 23 ans, lance sa marque de cosmétiques naturels Respire, elle publie une vidéo sur la plateforme pour promouvoir ses produits. La séquence est vue par plus de 1,5 million de personnes. Dans le même temps, son nombre d’abonnés explose. « J’ai découvert le pouvoir de LinkedIn », raconte la jeune femme aujourd’hui à la tête d’une entreprise qui emploie une quarantaine de personnes et qui a déjà vendu plus de 8 millions de produits à travers la France.

Deux ans plus tard, un article de blog publié sur LinkedIn par une utilisatrice, avec sa photo en tête de page, s’en prend aux méthodes marketing de l’entrepreneuse et plus largement aux jeunes sortant d’écoles de commerces qui créent leur entreprise. Le post est largement commenté et diffusé. « Pendant plus d’un an, j’ai eu beaucoup de mal à poster sur LinkedIn et à m’exprimer », se rappelle Justine Hutteau, dont la stratégie marketing sur la plateforme s’avère essentielle pour attirer de nouveaux clients. Une preuve de plus que le réseau social, devenu incontournable pour les dirigeants et les salariés, peut vite se révéler à double tranchant.

Les PDG eux aussi concernés

Les mauvaises expériences ne sont pas uniquement le fait de startupers. Récemment, c’est Alexandre Bompard, PDG de Carrefour, qui s’est fait reprendre de volée sur un contenu annonçant la mise en place d’une campagne de recrutement dans le métavers, les internautes critiquant autant la démarche, jugée ubuesque, que la piètre qualité des graphiques. Un autre PDG du CAC 40, très actif sur LinkedIn, a appris dans les commentaires d’une de ses publications que son entreprise traversait une crise majeure dans un pays d’Afrique du Nord où elle est bien implantée. S’ensuivirent un flot de critiques d’utilisateurs remontés et un savon passé à son comité de direction pour ne pas l’en avoir informé. Depuis, le groupe a revu tous ses processus de communication.

Sur le plus grand réseau social professionnel du monde – 25 millions d’utilisateurs en France -, la tentation de s’exprimer et d’être actif est forte. Si LinkedIn fut dans un premier temps la chasse gardée des acteurs de l’écosystème start-up, les grands patrons ont commencé à s’aventurer sur ce terrain miné.

Les dirigeants ont alors tenté de s’adresser à la fois à leurs salariés, leurs clients, mais aussi à un public plus large. Un numéro d’équilibriste, tant il est difficile de trouver le juste milieu entre une communication interne bien ficelée et un discours plus fédérateur qui n’est pas uniquement réservé à ses collaborateurs.

Au sein du CAC 40, la grande majorité des dirigeants sont présents sur LinkedIn. Certains sont beaucoup plus suivis que d’autres. Frédéric Oudéa (Société Générale), qui s’apprête à quitter la banque, compte par exemple près de 340 000 abonnés, malgré le peu d’activité sur son profil, quand Patrick Pouyanné (TotalEnergies) en compte plus de 224 000 et Jean-Pascal Tricoire (Schneider Electric) près de 300 000. A l’inverse, certains grands patrons résistent encore à l’appel du réseau : Xavier Huillard (Vinci), Olivier Andriès (Safran) ou encore Bernard Arnault (LVMH) n’y figurent pas.

Linkedin : un outil parfois mal maîtrisé

Utilisé à bon escient, cet outil est précieux pour les patrons. Mais tous ne le maîtrisent pas, avec comme premier risque de mettre en porte-à-faux l’image de l’entreprise. « Les dirigeants sont dans une injonction paradoxale d’incarner leur société, de personnaliser leur business et d’un autre côté, d’avoir une communication lisse. Communiquer est une chose. LinkedIn est un réseau social dont la finalité première est de recruter. L’effet boomerang, c’est l’entreprise qui le prend », prévient Thierry Chavel, directeur du Master 2 coaching à Assas. La figure du patron et l’image qu’il projette ont aussi beaucoup évolué. Autrefois discret et travaillant dans l’ombre, le dirigeant prend de plus en plus la parole.

La maladresse peut néanmoins virer à la faute quand le dirigeant s’aventure sur le terrain de l’intime et de l’opinion, qui risquent de provoquer des clivages dans son audience. « La confession personnelle et décomplexée est le meilleur moyen de susciter la controverse », note Florian Silnicki, fondateur de LaFrenchCom. Et quand l’image du patron est abîmée, les clients et les consommateurs ne font plus aucune différence entre son entreprise, son produit et lui. Mieux vaut alors faire voeu de silence pendant quelque temps…