La présentation britannique officielle des événements en Irak multiplie les ratés et cette « propagande de guerre » se retourne de plus en plus contre le gouvernement de Tony Blair, juge sévèrement Tim Crook, un spécialiste interrogé.
M. Crook, maître-conférencier spécialiste de la propagande de guerre à l’Université de Londres, tient une chronique quotidienne sur la communication des Britanniques et son jugement est lapidaire.
« L’opération de propagande britannique est une litanie de faux pas, assène-t-il. Au bout d’une semaine, elle avait déjà atteint le stade de ce qu’on appelle un épuisement de crédibilité » car « les distorsions et exagérations sont trop évidentes ».
« Dans des démocraties, nous devons expliquer, nous ne pouvons pas dire des mensonges comme le font les dictatures », expliquait pourtant lundi Alastair Campbell, conseiller en communication de Tony Blair, dans un entretien à la radio australienne ABC.
« Elles exploitent à leur propre avantage ce qu’elles voient comme la faiblesse de notre démocratie et de nos médias », dénonçait encore le « spin doctor » (spécialiste en communication politique ou en manipulation?) Alastair Campbell.
Mais pour Tim Crook, la manipulation commence par le vocabulaire employé, comme le mot « coalition », celle-ci étant essentiellement composée des Etats-Unis et du Royaume-Uni. « L’idée est de faire comme si une grande partie du monde soutenait la guerre« , souligne l’universitaire.
« La technique des propagandistes consiste à utiliser des sources vagues, non attribuées, mais porteuses d’un message, détaille encore M. Crook. Et lorsque les choses tournent mal, ils peuvent dire aux médias ‘nous ne l’avons pas dit' ».
L’utilisation du « conditionnel », ou de sources non vérifiables comme les « renseignements secrets », permet aux Britanniques de se laver les mains de possibles bévues des forces américano-britanniques. Les études de propagande appellent cela « l’homélie de Ponce Pilate », analyse le spécialiste.
Samedi soir, Downing Street signalait ainsi que de nombreux missiles irakiens défectueux étaient retombés sur Bagdad, constituant une « explication plausible » pour le carnage dans deux marchés de Bagdad.
« Cela a eu un effet de boomerang et n’a pas été pris au sérieux, ce qui reflète une détérioration de la confiance » accordée au gouvernement, conclut M. Crook.
A la recherche d’armes de destruction massive, l’une des principales justifications de la guerre, Londres essaie aussi de qualifier « d’armes » ce qui s’avère n’être pour l’instant que des équipements de protection chimique découverts en Irak. Un subterfuge qui a valu lundi au secrétaire d’Etat aux armées Adam Ingram d’être copieusement hué à la Chambre des communes.
La diffusion d’informations, via des sources militaires, sur un possible soulèvement populaire à Bassorah (sud de l’Irak), ou sur la présence de combattants d’Al-Qaïda en Irak, ont aussi suscité des grands doutes.
Surtout, en parlant à Camp David de « l’exécution de militaires britanniques » par des soldats irakiens, Tony Blair s’est attiré les foudres des familles, informées au préalable qu’ils étaient morts au combat.
M. Crook juge que cette « distorsion à hauts risques est une faute significative ». Tony Blair « est allé trop loin » et « les dirigeants militaires étaient furieux », résume-t-il.
En termes de manipulation, la palme revient sans doute au plagiat pur et simple par les Britanniques d’une thèse de doctorat d’un étudiant américain, affirmant, avant la guerre, que Bagdad possèdait des armes de destruction massive.
Ce rapport, recopié mot pour mot et contenant des informations vieilles d’une dizaine d’années, avait été loué devant le Conseil de sécurité de l’Onu par le secrétaire d’Etat américain Colin Powell.
L’affaire avait provoqué un certain embarras lorsque le pot aux roses avait été découvert, quelques jours plus tard…