Question :
“Les journalistes et les médias traditionnels ont mauvaise presse. L’État ne devrait-il pas obliger les entreprises de presse et les journalistes à se doter de leur propre code de déontologie? Que pensez-vous de la création d’un conseil de l’ordre des journalistes ? “
Réponse :
La crédibilité des journalistes se porte mal depuis plusieurs années dans la plupart des sociétés occidentales et la France ne fait pas exception, comme le révèlent régulièrement les sondages d’opinion publique. La propagation des fakenews nait d’ailleurs aussi de cette défiance. L’une des réponses de l’Etat a été la création du Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM).
Dans les enquêtes et sondages, il est reproché aux médias de ne pas dire toute la vérité, de manquer de rigueur, d’être biaisés, d’avoir des connivences et amitiés douteuses avec les élus, d’envahir la vie privée des gens, de s’adonner au sensationnalisme, de se retrouver en conflits d’intérêts ou de travailler au profit de certains groupes d’intérêts en acceptant des cadeaux et voyages gratuits.
Ces reproches sont souvent infondés et les journalistes peuvent heureusement encore prétendre que leur profession est au service de l’intérêt public, conçu comme ce qui favorise le bien-être de la collectivité, loin du discours populiste assez contradictoire avec la réalité de la pratique journalistique.
Les cas de voyages gratuits que les organismes offrent aux journalistes afin d’obtenir une couverture médiatique favorable à leurs produits (des voitures prêtées à la presse automobile…), leurs causes ou leurs interventions nationales et internationales sont observables toutes les semaines dans l’ensemble des médias mais sont régulés par les rédactions en interne.
On peut toujours relever le cas des journalistes qui se font consultants en communication pour le compte de leurs sources, que celles-ci soient des élus ou de grandes entreprises privées et cela est incompatible avec l’exercice de leur profession.
Nous avons déjà répondu ici aux cas des ménages des journalistes qui font par exemple des formations mediatraining.
Bref, peu de cas où l’intérêt privé de l’entreprise de presse et des journalistes passe résolument avant l’intérêt public et les principes d’équité, d’impartialité et d’honnêteté inhérents au travail de journaliste. En France, le public n’a pas de bonnes raisons de se méfier des journalistes dont la profession s’est beaucoup précarisée.
La perception négative de la profession dans l’opinion publique risque d’avoir des conséquences graves à court ou moyen terme pour l’intérêt public et la démocratie. Si les journalistes ne sont plus crédibles aux yeux d’un nombre croissant d’individus, ils perdront du même coup une part importante de leur légitimité et pourront difficilement exiger des autres acteurs sociaux (élus, entrepreneurs, etc.) qu’ils rendent des comptes aux citoyens.
Il y a aussi le risque que les journalistes deviennent, au terme d’une imperceptible dérive déontologique ayant duré plusieurs années, ni plus ni moins que des communicants dont la fonction dominante sera de transmettre au public les messages de leurs sources, sans se soucier de vérifier s’ils sont véridiques.
Faire respecter les aspects éthiques et déontologiques de la profession doit être une priorité.
Quant à certains employeurs cyniques de journalistes, il tire un profit non négligeable de la situation, par exemple des voyages gratuits qui sont offerts à ses journalistes par des organismes privés et publics. Pour lui, il s’agit d’une forme de subvention des reportages journalistiques.
Il y a plusieurs solutions possibles, mais toutes ne peuvent pas prétendre à la même efficacité. Il y a bien entendu celle prônant le statu quo, qui parie sur le volontarisme des entreprises de presse et des journalistes à s’autodiscipliner.
Les conflits d’intérêts, invasions de la vie privée, relations «incestueuses» avec les sources (journaliste politique et homme politique par exemple ou journaliste économique et grand patron), etc., sont des exceptions. Ce ne sont pas des pratiques courantes.
Rien ne doit jamais toucher à la liberté de presse dont le fondement est la libre expression et circulation des idées, opinions et faits.