Comment gérer une situation de crise sur les réseaux sociaux ?
Les crises sur les réseaux sociaux peuvent aujourd’hui naitre et évoluer dans l’environnement complexe de l’information digitale qui n’a jamais été si mouvant. Cet environnement dans lequel vit l’information digitale remet en cause l’ordre établi pour imposer des règles nouvelles protéiformes. Elles possèdent de nombreuses composantes et utilisent tous les moyens existants pour se développer y compris et surtout les nouvelles technologies de communication.
Avec l’avènement des réseaux sociaux au début des années 2000, l’information a pris une autre dimension. Autrefois, elle était l’apanage des journalistes qui utilisaient des supports bien identifiés et par surcroît étaient astreints à un code d’éthique et de déontologie. Ces réseaux sociaux, ce sont principalement Facebook et YouTube (plus d’un milliard d’abonnés chacun), puis Twitter (300 millions). L’on pourrait aussi citer Linkedin, Google+, Tumblr, Viadeo, Instagram et Pinterest dans une moindre mesure que les deux précédents.
Aujourd’hui, avec les réseaux sociaux, tout individu peut potentiellement fournir de l’information ou transmettre son avis, son humeur, voire son mécontentement à des millions de personnes en un clic. Le risque de débordement est ainsi décuplé et les dégâts sont vite arrivés. Les excès naturels de chacun sont amplifiés, les avis dévalorisés, les critiques sont hystérisées, les crises se succèdent les unes aux autres, les communicants sont malmenés et les stratégies de communication sont mises à mal.
« Pour une entreprise comme pour un individu, une crise sur les réseaux sociaux met très vite à mal une réputation dont la construction a pourtant pu mettre des années. De plus, quand elle est mise à mal, cette réputation l’est durablement car internet n’oublie pas. C’est la double peine digitale. » déclare Florian Silnicki, Expert en stratégies de communication de crise et Fondateur de l’agence LaFrenchCom.
L’e-réputation peut être définie comme la réputation, l’image que renvoie un individu ou une entreprise sur le net et notamment sur les réseaux sociaux.
L’eréputation est devenue de nos jours l’une des préoccupations majeures des communicants tant il est facile (de plus en plus rapide et de moins en moins cher de l’attaquer, voire de la salir). Pourtant, avec l’essor du web et des réseaux sociaux qui ont d’ailleurs depuis bien longtemps ravi la vedette aux médias traditionnels (radio, télévision, presse écrite), les entreprises n’ont pas eu autre choix que de s’avancer sur ce terrain quasi inconnu et dangereux, afin de profiter de cette manne incommensurable qu’ils offrent en termes d’image. En effet, les réseaux sociaux depuis leur apparition affolent les statistiques. Ainsi, le nombre de leurs abonnés a connu une progression de plus de 500% depuis leur création. On compte 8 nouveaux utilisateurs par seconde. Par ailleurs, 85% de la population française dispose d’une connexion internet. Selon une étude conjointe réalisée par l’Institut national de recherche en informatique et en automatisme (INRIA) et l’Institut de sondages SOFRES, on distingue quatre profils d’individus en France :
- les déconnectés: ils ignorent l’existence des innovations du numérique et ne s’en servent d’ailleurs pas. Ils représentent 20% de la population;
- les distants: ils ont conscience des avancées du numérique mais ne se sentent pas concernés. Ils sont indifférents à l’information relative aux dernières technologies. Ils représentent 17% de la population;
- les usagers: ils avouent qu’internet change beaucoup de choses dans leur vie mais affirment cependant pouvoir s’en passer. Ils constituent 29% de la population;
- les homo numericus: ils affirment que les TIC sont indispensables dans leur et avouent leur addiction. Cette frange représente 25% de la population.
Internet s’est donc tout naturellement imposé comme un nouveau champ de conquête de nouveaux clients mais aussi de batailles pour les entreprises. Il est cependant important d’en connaître les codes pour ne pas en subir les effets pervers. Comment s’y prendre sur internet pour affronter une crise ? Internet fait-il appel à des stratégies de communication et de résolution des crises différentes ? Comment gérer une situation de crise sur les réseaux sociaux ?
Pour mieux s’y prendre sur les réseaux sociaux, déjà faut-il en connaître les codes et les usages.
Psychologie des réseaux sociaux: mieux comprendre les réseaux sociaux pour mieux s’y prendre
L’apparition du net et plus précisément des réseaux sociaux a donné lieu à des changements de nos usages dans nos échanges avec les autres. La notion du virtuel a pris davantage de place dans notre quotidien. Il se confond d’ailleurs souvent au réel. En effet, notre interlocuteur semble si proche de nous, même s’il n’est pas physiquement en face de nous. Nous pouvons pourtant grâce à un réseau de câbles communiquer, voire transmettre des émotions et ce, malgré la distance.
Cette nouvelle donne a brisé bien des codes. On adopte un langage moins soutenu sur les réseaux sociaux. L’anonymat relatif des réseaux sociaux offre à leurs utilisateurs le leurre de croire qu’ils peuvent tout se permettre, insulter, diffamer, salir, …
Sur les réseaux sociaux, on a aussi tendance par ailleurs à être plus décontracté que dans la réalité, voire trop décontracté. Par exemple, nous adoptons d’office la règle du tutoiement sur les réseaux sociaux alors que dans nos usages quotidiens, nous adoptons le vouvoiement pour nous adresser à un inconnu ou à un supérieur. L’univers virtuel des réseaux sociaux nous soumet ainsi à trois codes :
- l’immédiateté: l’information circule à une vitesse qu’on ne peut contrôler. Il n’est d’ailleurs pas rare qu’elle nous échappe;
- la perte de la notion d’hiérarchie: les barrières hiérarchiques sont systématiquement brisées sur les réseaux sociaux. L’on s’adresse à notre interlocuteur sans tenir compte de certains critères qui pourtant s’imposent à nous dans la réalité tels que les titres, l’âge, le statut socioprofessionnel;
- l’évolutivité: les réseaux sociaux étant fortement tributaires des technologies qui leur servent de support, ils sont contraints de suivre le rythme effréné que leur imposent celles-ci. Cela s’en ressent dans la façon dont nous nous exprimons sur les réseaux sociaux (émoticones, smileys…).
Cette nouvelle donne que nous imposent les réseaux sociaux répondent à des codes qualifiés de communication asymétrique. Ils peuvent vite donner lieu à des dérapages.
Prévenir une crise sur les réseaux sociaux
Mieux vaut prévenir que guérir dit-on. La vie d’une entreprise sur les réseaux sociaux n’est pas un fleuve tranquille. Elle est jalonnée de crises digitales. Autant, y être préparé afin de les contrer au mieux. Sur le net, le risque est encore plus grand, la parole se libère, parfois un peu trop. Un bad buzz est donc vite arrivé. Votre e-réputation est ainsi atteinte. Mieux vous êtes préparé à pareille situation, moins elle aura un impact sur votre entreprise. Plusieurs options s’offre à vous pour prévenir les crises sur les réseaux sociaux.
Il faut avoir au sein de l’entreprise une cellule de crise chargée de mettre en place un dispositif adéquat et facilement déployable dans ces situations. Il serait pertinent d’effectuer périodiquement des simulations afin que chacun au sein de la cellule soit suffisamment aguerri une fois que la situation se présente en réel (Exercices de Pression Digitale Simulée). Chaque membre de la cellule doit avoir une connaissance pointue de l’activité de l’entreprise ainsi que des processus internes mais aussi de son rôle, afin d’identifier les sources potentielles de risques (production, distribution, livraison…).
Le veilleur de l’entreprise (qui peut être le community manager) est dans ce cas en charge de défendre et de gérer l’e-réputation de l’entreprise. Il doit remonter toute information susceptible d’entacher l’image de l’entreprise à la hiérarchie. Le veilleur devra s’appuyer sur un ou des logiciels de veille dont le rôle est de scruter internet afin d’identifier et de signaler tout site ou page sur laquelle le nom de l’entreprise est mis à mal. Le logiciel est généralement paramétré sur un champ lexical défini par la direction. Il existe plusieurs logiciels de veille très efficace sur le marché. C’est le cas de Brandwatch signals utilisé dans plusieurs entreprises à travers le monde et qui tient à ce jour lieu de référence. Ainsi, lorsque le nom de l’entreprise est associé à l’un ou plusieurs de ces mots sur la toile, la cellule est avertie. Il faut alors agir vite.
Comment gérer une situation de crise sur les réseaux sociaux ?
Lorsque malgré le disposition de veille et d’intelligence, survient la crise, il est important dans l’urgence d’apporter des réponses claires à trois questions fondamentales:
- Quelle est la nature des critiques ? L’objectif à cette étape est de savoir si la critique est fondée ou non;
- La gravité de la situation: il s’agira d’en mesurer l’ampleur et d’estimer à quel point l’entreprise a y perdre. Cela permettra ensuite d’élaborer une stratégie efficace de communication pour résorber la crise;
- Identifier le service de l’entreprise qui est en faute. Loin d’accabler les membres de ce service, cela permettra de mieux cerner l’origine de la crise, toute chose qui permettra de mieux la circonscrire. Par ailleurs, cela permettra également de prendre les mesures idoines afin que ce même compartiment de l’entreprise de soit pas à l’avenir à l’origine d’une autre crise.
Une fois ce premier diagnostic fait, il faut approfondir l’analyse. Une question qui intéresse les dirigeants de l’entreprise dans la pratique est d’identifier l’auteur à l’origine de la crise. Soit, il s’agit d’une personne anonyme ou soit d’une personne influente. Dans cette dernière hypothèse, il est important de déployer tous ses moyens afin que la réputation de l’entreprise n’est prenne un coup irréversible. Grâce au logiciel de veille établir un rapport du bad buzz qui vous détaillera le nombre de publications venant du même auteur, le nombre de sites ou de forums sur lesquels il a publié et le degré de visibilité des publications. Plusieurs indicateurs permettent de mesurer l’ampleur de l’attaque. Il s’agit par exemple du nombre de partages de la publications sur les réseaux sociaux, le nombre de commentaires dégradants, ou encore le nombre de relais (tweets et retweets par exemple) dont a fait l’objet la publication.
L’un des bad buzz qui aura battu bien des records en son temps fut celui relatif au vol 3411 de la compagnie américaine United Airlines. En effet, en 2017 l’un des passager de ce vol s’est fait expulser de l’appareil par les forces de sécurité se faisait trainer par terre. Les images de la scène filmée ont été postées sur le net par l’un des passagers. Le bad buzz fit le tour de la toile recueillant plus de 1,5 millions de commentaires en un jour. Le PDG de la compagnie n’eût autre choix que de se confondre en excuses auprès de la clientèle.
Une fois toutes les informations collectées, il faut prendre une décision: doit-on ou non réagir? En effet, toutes les situations de bad buzz ne requièrent pas une réaction de la part de l’entreprise au risque d’enflammer la toile. Vous auriez ainsi contribué vous-mêmes à faire d’une situation à l’origine anodine, un véritable incendie. Dans d’autres cas une pointe d’humour suffit à mettre fin aux hostilités.
« Certains cas par contre nécessitent par leur nature même que l’entreprise jouent toutes ses cartes. Ce sont les cas où il y a eu un incident particulièrement grave (accident, décès…). Dans ce cas, l’entreprise, une réaction prompte est souhaitable. L’entreprise devra mobiliser toutes ses ressources internes comme externes pour éteindre l’incendie. » affirme Florian Silnicki, Fondateur de l’agence LaFrenchCom.
Au plan interne: il s’agit de mobiliser ses équipes en charge de la communication pour élaborer le plan de communication à exécuter et soigner la prise de parole. Si l’entreprise est en faute, il ne faudra pas se contenter de diffuser un communiqué de presse. Il faudra parfois convoquer une conférence de presse diffusée sur les médias offrant la plus grande visibilité (réseaux sociaux, chaînes de télévision) et jouer la carte de la transparence. Le communiqué devra indiquer sans ambiguïté que l’entreprise assume l’entière responsabilité de l’incident et promet prendre les mesures pour que cela ne se reproduise pas. Il pourrait aussi préciser que l’entreprise s’engage à indemniser les victimes.
En somme, la gestion d’une situation de crise sur les réseaux sociaux doit être traitée en tenant compte des spécificités de la communication en ligne. Cependant, elle s’inspire du canevas de la gestion d’une crise classique. Il est important ici d’avoir un système de veille efficace afin de vite déceler les crises. Dans le cas où l’entreprise a un community manager, celui-ci a également un rôle centrale car il est le principal interlocuteur des internautes et donc le premier bouclier en cas de crise comme un CRS dans une manifestation.