Raffarin, un Premier ministre victime de sa communication

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Jean-Pierre Raffarin

Pendant trois ans, Jean-Pierre Raffarin, 56 ans, a imposé l’image d’un Premier ministre tenace dans l’adversité, fidèle jusqu’à l’allégeance au président de la République, mais dont le métier d’origine, la communication corporate, s’est finalement avérée être son talon d’Achille. 

Avec ses rondeurs, ses formules choc, sa “positive attitude” et sa culture d’entreprise, il a tenté d’incarner une nouvelle forme de “gouvernance” se voulant plus proche des citoyens. Mais également soucieuse d’incarner une rupture avec les “énarques” et l’élitisme à la française, d’associer plus étroitement la communication politique à l’action publique. 

Après le choc de la présidentielle de 2002, qui a consacré la désaffection des Français pour la politique, Jacques Chirac, tout juste réélu, choisit de nommer à Matignon, le 6 mai 2002, un sénateur, homme de terrain, peu connu hors de son Poitou natal mais rompu aux arcanes de la politique. 

Au sortir d’une cohabitation douloureuse, il fait aussi le pari d’une relation harmonieuse avec son Premier ministre, fondée sur la confiance et la loyauté, autant de registres sur lesquels M. Raffarin se montrera exemplaire, s’assurant ainsi une longévité. 

A la différence de Michel Debré, archétype du serviteur de l’Etat, de l’économiste réputé Raymond Barre, ou des énarques Lionel Jospin ou et Alain Juppé, le nouveau locataire de Matignon est un élu local dont la notoriété n’a guère dépassé les frontières de la région Poitou-Charentes, même s’il a joué un rôle actif dans la recomposition de la droite. 

Jean-Pierre Raffarin a en effet construit sa carrière politique autour de la région Poitou-Charentes, qu’il a présidée de 1988 à 2002, du Sénat et de la petite formation libérale issue de l’UDF, Démocratie libérale (DL), qui s’est fondue dans l’UMP. Il connaîtra une première expérience gouvernemantale au ministère des PME entre 1995 et 1997. 

Diplômé de Sup de Co Paris, il présente le signe particulier d’avoir effectué un long passage dans le monde de l’entreprise, chez Jacques Vabre et Bernard Krief Communication. 

Devenu professeur de marketing politique, il présente le citoyen comme un “actionnaire de la chose publique” et vantera d’ailleurs à Matignon son rôle de dirigeant de “l’entreprise France”. 

A Matignon, emmené par Dominique Ambiel -son “gourou” en communication dont il devra se séparer pour une affaire de moeurs- et par son goût du contact, des poignées de mains, des estrades, il multiplie les apparitions sur les plateaux de télévision -jusque sur la chaîne des jeunes M6- et les déplacements sur le terrain. 

Mais très vite aussi, le message se brouille et les Français se lassent, inquiets et mécontents des résultats en matière d’emploi et de pouvoir d’achat. 

Les “raffarinades”, autant de petites phrases chocs, à l’emporte-pièce (“Notre route est droite, mais la pente est forte”, “l’humanisme est aussi un féminisme”…) deviennent peu à peu son image de marque mais aussi une de ses faiblesses, au point que certaines lui reviennent comme un boomerang, telles “la France d’en bas” ou “l’esprit de mai”. 

Derrière son apparente bonhomie se cache toufefois un homme politique rusé, voire matois, fin tacticien, et un fort tempérament, prompt à encaisser les coups et à les rendre. 

Confronté à une canicule meurtrière, suivie d’une décision très mal acceptée sur le Lundi de Pentecôte, à de lourdes défaites électorales et à des ministres frondeurs, M. Raffarin résiste, fort du soutien présidentiel et armé de son esprit de “mission”. 

Malgré une impopularité record, une économie à contre-courant et des médias qui prédisent régulièrement son départ, le “Pompidou poitevin” ne paraît jamais désarçonné. 

La force en politique, selon lui, c’est de ne pas avoir “peur” que l’aventure “s’arrête”. “Durer et endurer”, a-t-il coutume de clamer, fidèle au conseil prodigué en 2002 par Raymond Barre. Une devise qu’il aura fait sienne, jusqu’au bout de ses 1.122 jours à Matignon.