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Les marques ne sont pas préparées à la crise relationnelle

Développement des nouvelles technologies oblige, la relation entre la marque et ses consommateurs subit une mutation radicale, qui transforme les échanges entre ces deux communautés et les métiers des communicants. Si la montée en puissance du digital représente une lame de fond qui dessine les contours d’une nouvelle relation client, elle n’est pas la seule grande tendance de l’année. 

Le virage écoresponsable 

Grenelle de l’environnement oblige, l’année a été marquée par la montée en puissance des considérations liées au développement durable et à la consommation citoyenne. Au point qu’il est dommage que ledit Grenelle ait passablement oublié les hors-médias et les nouvelles technologies…

Certaines marques en profitent pour communiquer sur leurs avancées en la matière et leurs actions, concrètes ou pas. La liste est si longue qu’il faudrait plutôt faire celle des entreprises qui ne communiquent pas sur le thème.

En effet, 80 % des directeurs marketing, communication et développement durable interrogés dans le cadre de l’Observatoire de la communication et du marketing responsables (UDA, AACC Marketing Services, Syntec avec Limelight) affirment avoir déjà communiqué sur le développement durable ou un de ses aspects. Parmi eux, certains intègrent cette nouvelle donne dans leur réflexion industrielle. Ils montent des projets citoyens concrets ou élargissent leurs gammes de produits ou services pour y intégrer des produits labellisés éthiques.

C’est tout récemment le cas d’eBay, qui a annoncé le lancement d’un nouveau site d’achat spécialement dédié aux produits éthiques, World of Good, en partenariat avec un grossiste en ligne spécialisé dans les produits de l’artisanat et du commerce équitable. De la même manière, fin août, The Body Shop a lancé sa nouvelle signature publicitaire « Nature’s way to beautiful skin » (une approche naturelle de la beauté) et sa toute dernière ligne de soins Bien-être à base d’ingrédients équitables. Nissan n’est pas en reste avec son « écopédale », conçue sur le principe du limitateur de vitesse. Par une pression inverse, elle envoie un signal au conducteur lorsqu’il utilise plus de carburant que nécessaire en appuyant trop souvent ou trop fort sur l’accélérateur. 

Un consommateur citoyen 

D’autres marques permettent au consommateur d’agir concrètement via sa consommation et sa fidélité. En Grande-Bretagne, le programme CarbonCred fonctionne comme une carte de fidélité écolo multi-enseigne (Boots, M & S, Argos, Oddbins, Vodaphone, Tesco, BT, Lastminute.com et British Gas). Au départ, il s’agit d’un site comparateur de prix, dont la tagline est : « We pay you to go green ». La moitié de la commission touchée par CarbonCred en cas d’achat est reversée au consommateur, sous forme de points lui permettant de gagner des dotations, elles-mêmes favorisant la réduction de CO2 (baladeurs verts, vélos, etc.).

Une opération qui a sans doute inspiré le Mouvement Vraiment Durable, à l’initiative de la conseillère d’État Bettina Laville. Ce dernier tente de sensibiliser les citoyens à une consommation durable et à promouvoir le développement durable, notamment à travers les modes de consommation. Il propose d’ajuster le système des cartes de fidélité : il s’agira, grâce à la Carte du consommateur citoyen, de collecter des points de fidélité lors de l’achat de produits responsables, mais aussi en réalisant des économies d’énergie. La carte, à l’étude, regroupera des marques de consommation courante et des fournisseurs de services dans l’énergie, l’eau ou les transports.

Autre initiative citoyenne, le projet de cartes communautaires Interra développé aux États-Unis, qui incite les consommateurs à changer leurs habitudes d’achat au profit des petits commerces locaux. Une manière de renforcer la santé économique et sociale des communautés où ils sont implantés.

Dans un autre registre, Danone a lancé « danone communities », un fonds d’investissement qui finance des projets d’entrepreneuriat social, « né de la rencontre de Franck Riboud, Pdg de Danone, avec Muhammad Yunus, prix Nobel de la paix 2006 ». 

La fidélisation en mutation 

« Les programmes de fidélisation qui donnent accès à des cadeaux ne sont pas différenciants, il y a donc, ces dernières années, un gros travail de fait sur la dotation », explique Christine Buscailhon, directrice du planning stratégique chez G2 Paris. De fait, plusieurs tendances, en apparence contraires, émergent.

La première, essentiellement le fait de la grande distribution, repose sur le principe du cashback. Il n’est plus question de cadeaux ou de pourcentage de réduction en fonction d’un nombre de points, mais bien d’un chèque envoyé chaque mois dans la boîte aux lettres, comme le proposent Auchan et Carrefour. Le principe du Ticket E.Leclerc est un peu différent : il s’agit de bons d’achat utilisables dans le centre où ils ont été émis, que le client peut utiliser pour payer ses achats. Conjoncture économique oblige, le discours des marques se durcit, et présente plus de preuves et d’immédiateté. Cependant, ces programmes existent depuis quelques années déjà.

Le fait nouveau tient à ce que les marques communiquent sur lesdits programmes, et le fait qu’ils aident les consommateurs à augmenter leur pouvoir d’achat, dans leurs prises de parole de marque, en TV, presse, radio… Ou quand la fidélisation devient le point d’entrée en communication grand public. Une autre tendance consiste à offrir toujours plus de services, dans des domaines de plus en plus éloignés du coeur de métier de la marque/enseigne. Des services qui s’inscrivent d’une manière plus durable dans la vie du consommateur. 

Les dotations « surnaturelles » 

C’est le cas de Tesco, en Grande-Bretagne, qui propose, via sa carte de fidélité, de gagner en éducation : on peut ainsi « gagner » l’étude d’une nouvelle langue en partenariat avec Linguaphone, ou carrément des études universitaires, en partenariat avec le National Extension College et The Open University. Dans cette veine, certains programmes de fidélisation n’apportent ni points ni cadeaux, mais offrent du service, parfois plus prisé que les grands classiques de boutique cadeaux. 

C’est le cas de Darty et de sa Carte Client Darty, qui ne propose aucun avantage financier. Il s’agit en premier lieu de matérialiser l’existence d’une relation client. Elle donne en outre accès à des services utiles dans une logique de gestion de compte : un client peut retrouver sur le site toutes les informations que possède l’enseigne le concernant. Il a également accès à plusieurs services très pratiques, comme la garantie électronique et une assistance téléphonique 7 jours/7. Le consommateur n’a plus besoin de conserver de papiers : en présentant la carte lors d’un achat, tous les documents, et notamment la garantie, se trouvent automatiquement attribués à son compte.

Même logique pour Canal+/CanalSat, qui, depuis un an, s’est engagé via une charte « Le Droit des Abonnés ». Le site consiste en une mise en avant de tous les services offerts par la marque. « On n’est plus dans une logique de points/bonus, mais dans le customer utility », explique Frédéric Hart, planner stratégique digital de MRM. 

C’est en Australie que nous avons trouvé le cas le plus insolite. Les grands magasins David Jones, depuis longtemps engagés dans la lutte contre le cancer du sein, la santé des femmes et des enfants à travers un programme de donations, mécénat et sponsoring, ont franchi une étape supplémentaire en ouvrant une clinique pour femmes instore, dans leur magasin de Sydney. The Rose Clinic est le fruit d’un partenariat entre the Royal Hospital for Women, la société Breast-Screen NSW et David Jones. Elle fournit un large choix de prestations, de la mammographie aux tests sanguins, en passant par le monitoring de la pression sanguine ou des analyses de talons par ultrasons contribuant à diagnostiquer l’ostéoporose. L’intrusion d’une marque dans le domaine de la santé n’a apparemment pas choqué les consommatrices : la clinique affiche complet et ne consulte que sur rendez-vous. 

Le digital, moteur de la révolution 

On le sait, le développement d’Internet en général, et du Web 2.0 en particulier, est en train de transformer le domaine de la relation client. Le consommateur n’est plus passif et endosse le fameux statut de consom-acteur, et les marques doivent intégrer cette logique dans leur manière de communiquer. De fait, elles élargissent leurs territoires de communication pour renouveler les codes du marketing relationnel sur Internet.

Le volet communautaire est particulièrement utilisé par les annonceurs, qui lancent des sites contributifs pour tenter de fédérer autour de leurs valeurs, ou plus largement de leurs écosystèmes, des consommateurs de plus en plus infidèles et critiques vis-à-vis des marques. D’ailleurs, si l’on parle volontiers de tribus pour qualifier ces communautés, certains y voient plutôt des hordes. Ainsi, estime Guillaume Buffet, associé-membre du directoire de CRM Company Group, il est difficile de transposer à l’environnement Internet l’analyse comportementale des tribus qui se fédèrent autour de marques.

« L’analyse du comportement des internautes laisse apparaître une proximité plus forte avec les hordes : nomadisme extrême, plus grande « violence » vis-à-vis des marques et de ses semblables, référence permanente à des leaders, refus farouche de se laisser dicter des règles, volatilité, infidélité… Là où les tribus étaient faciles à identifier, à comprendre, à « noyauter », les hordes d’internautes sont beaucoup plus difficiles à circonscrire. Se faire accepter par elles demande un travail de fond, une capacité de la marque à se mettre très en retrait. à identifier les valeurs clefs (un « étendard ») de ces hordes pour réussir à faire « un bout de chemin » avec elles… Le tout avec un niveau de risque élevé. Au premier faux pas, la « punition » ne se fait pas attendre… »

Le site communautaire et/ou contributif qui rassemblera ces « hordes » a le vent en poupe en ce moment. On peut néanmoins se demander si leur multiplication ne risque pas d’entraîner une certaine lassitude de l’internaute. En effet, si une marque d’aliments pour bébés peut se prévaloir d’une connaissance de l’univers de la périnatalité et ainsi lancer un site de conseils aux mamans, il en sera de même pour une marque de couches-culottes, de vêtements pour enfants ou de jouets, etc. Par ailleurs, pour que la communication corporate soit rémanente, de tels sites doivent se concevoir dans la durée, que cela passe par le rafraîchissement du contenu ou par la multiplicité des sites événementiels fédérés autour d’une marque. 

Fédérer donc, mais pas seulement. Si la participation via un site communautaire permet à la marque de mettre l’accent sur des univers et des expériences au-delà de leurs propres produits, elle peut également l’aider à développer son contenu. Ainsi, explique Frédéric Cavazza sur son blog, « quand Symantec, société éditrice Norton, a lancé il y a quelques mois la plate-forme de dialogue en ligne Norton’s Cafe, le but n’était pas d’inviter directement l’internaute à échanger autour des produits Norton, mais plutôt de le faire participer autour du thème de la sécurité informatique, que celle-ci soit liée ou non à un produit Norton. La marque devient ainsi caution de l’opération et laisse le soin à la communauté d’échanger entre elle… mais au lieu que ce soit sur un forum, cet échange se passe sur le terrain de jeu défini par la marque ». Bel exemple d’insertion de la marque dans le contenu… 

Des plates-formes pour dialoguer 

Les marques ne sont pas toutes prêtes à se confronter au dialogue direct et aux critiques des consommateurs : « Les annonceurs sont préparés à la communication de crise industrielle, pas à la communication de crise relationnelle », témoigne Catherine Michaud, présidente de l’AACC Marketing Services. Elles s’appuient néanmoins de plus en plus sur Internet pour collecter des avis et comprendre les besoins des consommateurs. C’est ce qu’a fait Dell avec dellideastorm.com, qui a récolté les suggestions de ses clients. Ou comment adapter la bonne vieille boîte à idées aux dimensions du Web.

Le japonais Muji a quant à lui créé une communauté de consommateurs concepteurs de produits… La Caisse d’épargne, qui souhaitait interagir avec des particuliers sur le développement durable, a mis en place une plate-forme conversationnelle dédiée à ce thème, BénéficesFutur. Les internautes sont invités à partager leurs idées sur la manière dont la banque pourrait contribuer à la protection de l’environnement. Tout le monde est gagnant : la marque, qui trouve de nouvelles sources d’inspiration pour développer ses produits ou sa communication, et le consommateur, qui se sent plus impliqué dans la relation.

La société Feedback 2.0 a développé son schéma sur la création de plates-formes de dialogue entre marques et consommateurs, que ce soit dans un mode de partage de l’expérience, de développements de nouveaux produits, ou de retour d’expériences. Voire de recrutement, comme ce fut le cas d’Exalead, qui a fini par embaucher un internaute très créatif! Feedback 2.0, qui gère des plates-formes publiques et privées telles la SNCF (http://debats.sncf.com/), les 3 Suisses, Cofidis, Société Générale ou Symantec, connaît un développement à trois chiffres. Éric Dos Santos, cofondateur en charge du marketing et du commercial explique : « Les annonceurs comprennent qu’ils ont tout intérêt à s’associer au dialogue du consommateur. Cela leur donne une meilleure compréhension de leurs attentes et de leurs besoins, en valorisant leur expérience, en les impliquant, donc en entretenant un lien affectif positif. » 

Comprendre le client pour l’aider 

De fait, le retour d’expérience devient central, dans l’optique d’aller toujours plus loin dans la satisfaction du consommateur. VRM, CEM, CMR, les appellations changent, les concepts aussi, mais ces trois notions procèdent de la même logique : intégrer le consommateur (son implication, son engagement, ses critiques, ses avis, ses idées) dans une nouvelle logique de relation client. Certaines agences et marques développent ainsi des approches qui n’ont parfois qu’un lien ténu avec leur activité première. Qu’on l’appelle « customer utility », « customer care » ou « friending », la tendance est au développement de services qui vont se focaliser sur les centres d’intérêt des consommateurs et non plus sur le message sortant. 

Nike, qui a été l’un des précurseurs en la matière avec le programme NikePlus, a décidé de poursuivre dans cette voie. La marque à la virgule vient en effet de développer Ballers Network, un ensemble d’applications destinées aux basketteurs téléchargeables sur le Net pour un usage on line ou sur l’Internet mobile (géolocalisation des terrains, recherche de partenaires, etc.). Ou comment s’insérer directement dans les loisirs de ses clients. Même logique pour Peugeot, qui a choisi la Semaine européenne de la mobilité pour lancer une application Internet de covoiturage sur Facebook : Peugeot EcoSharing. Accessible par le moteur de recherche de Facebook en tapant EcoSharing, elle permet de se mettre en relation avec d’autres personnes pour des propositions de covoiturage : offre de places dans leur véhicule ou recherche de places disponibles sur des trajets déterminés. Un vrai service, de surcroît à visée écologique. 

Dans le cadre d’un partenariat avec le lancement de Windows Vista en France, la SNCF a développé un widget brandé TGV avec recherche d’horaires, infos sur le trafic, accès à son compte S’Miles… Le widget est aujourd’hui accessible par 100 % des utilisateurs. Dernière initiative en date, British Airways vient de lancer une plate-forme de médias sociaux baptisée Metrotwin, reliant les Londoniens aux New-Yorkais. La communauté en ligne fournit des recommandations d’experts sur les meilleurs restaurants, bars, boutiques ou vie de quartier dans les deux villes. Parmi une foule d’autres services (notes d’usagers, mise en contact, etc.), le site aide les internautes à faire le tri dans la masse d’informations disponibles sur le Net sur les deux villes et à trouver le meilleur contenu. 

Les technologies restent un enjeu 

De tels exemples illustrent un réel changement dans la réflexion stratégique des marques, qui ne peuvent plus se contenter du schéma basique émetteur-récepteur. L’effet boomerang est qu’il change également le travail des agences de relations presse, consultées bien plus en amont, sur du conseil stratégique pur, voire sur de la stratégie industrielle, et plus seulement sur l’idée créative. 

Les différents exemples développés dans ce dossier montrent par ailleurs que le CRM se déploie pour mieux suivre les points de besoin, sur le desktop (widgets), sur mobile, ou encore sur les réseaux sociaux. De fait, si « la course aux technologies » des agences a été le gros sujet de l’année 2007, elle reste clairement un enjeu majeur du développement de la nouvelle relation client, qui semble dessiner les pourtours d’un modèle de communication en continu. Dans ce nouvel univers, les notions de service, d’utilité, de personnalisation et de contextualisation vont devenir centrales, voire vitales pour les marques. 

Petit lexique de la relation client 

  1. CRM Customer Relationship Management, ou gestion de la relation client. Les systèmes de gestion des relations clients doivent permettre aux responsables d’entreprise de mieux comprendre leurs clients pour adapter et personnaliser leurs produits ou leurs services. 
  2. CMR Customer Managed Relationship, ou relation gérée par le consommateur. Systèmes encourageant le consommateur à contrôler l’accès à ses informations et à les gérer. 
  3. CEM Customer engaged Marketing, littéralement marketing du consommateur engagé. Il s’agit de gérer en permanence la valeur et la réceptivité des consommateurs ou prospects via l’écoute, l’observation, les insights, la pertinence et l’action. Les notions de contexte et de réceptivité sont ici centrales. 
  4. VRM Vendor Relationship Management. Le concept de départ est qu’il est impossible pour le vendeur de porter seul le poids de la relation au consommateur, et que ce dernier peut en supporter une partie. Le VRM est un ensemble d’outils de technologies et de services aidant l’individu à aller sur les marchés et à gérer lui-même sa relation au vendeur. Ce dernier n’a pas le contrôle de ces outils ni de la data qui en découle (plus d’informations sur projectvrm.org.).