Vous le savez, nous répondons sur ce site internet à toutes vos questions. Elles émanent évidemment quotidiennement des clients qui nous font confiance, mais elles sont également posées par des étudiants qui s’interrogent sur des notions que nous déployons en pratique au quotidien chez nos clients.
Confidence, nous ne disons pas à Florian Silnicki, notre Président Fondateur, que ses étudiants nous demandent en cachette de les aider sur des cas pratiques compliqués à résoudre 🙂 On espère à chaque fois qu’ils aient de bonnes notes à la suite de nos recos ^^
Nous avons répondu aux questions (nous mettons à jour régulièrement nos réponses) le plus fréquemment posées ici : https://www.lafrenchcom.fr/faq/
Si vous ne trouvez pas la réponse à vos questions ici, posez-la ici, appelez-nous ou passez nous voir à l’agence, nous en discuterons autour d’un café !
Nous disons aujourd’hui ici quelques mots de la notion de marketing politique sur laquelle un étudiant en double cursus HEC – Science Po Paris nous a interrogé. Le Marketing politique fait parfois naitre des crises que nos équipes s’acharnent à résoudre. En tant que spécialistes de la communication de crise, nous sommes souvent confrontés aux gestions de crises nées des conséquences négatives du marketing politique lorsque nous faisons face aux incendies électoraux qu’il nous faut éteindre.
Le marketing politique, un mal-aimé ?
Disons-le immédiatement, à nos yeux de communicants, le marketing politique est une notion encore trop souvent méprisée en France et qui ne recouvre pas, pour les uns et les autres, les mêmes choses.
Pour les premiers, le marketing politique apparaît comme une “cuisine” d’où l’engagement et la conviction sont exclus. La publicité politique est pour d’autres un danger pour la politique. Pour nous, le marketing politique n’est ni l’un ni l’autre.
Certains vous diront que ce n’est pas avec de l’argent et des affiches qu’on fait l’histoire mais avec les hommes eux-mêmes. Nous vous demanderons, nous, comment transformer la société si, au coeur des hommes, n’existent pas les facteurs de transformation ?
Nous avons la conviction, que pour défendre une opinion, il faut d’abord être militant de cette dernière, convaincu de ses idées.
Ceux qui s’occupent de ce marketing politique si décrié refusent toujours d’être assimilés à des “manipulateurs” mais ironisent généralement dans le même temps sur tous ces hommes politiques qui, en public, sont purs et durs mais qui, en privé, n’hésitent pas à employer le “truc” qui pourra les aider.
Chez LaFrenchCom, nous considérons que le marketing politique n’est pas seulement la tentative de guérison du malade qu’est l’élu en péril. C’est aussi la prise en charge d’un homme, d’une idée ou d’un projet politique.
Non, on ne peut pas faire élire n’importe qui n’importe où, il doit toujours y avoir adéquation entre le message politique et le public électoral envisagé qu’au-delà de la technique une véritable communication doit s’établir entre le candidat et son électorat, et que – la morale est sauve – c’est toujours le meilleur candidat qui gagne.
Les techniques modernes du marketing politique
Les techniques modernes du marketing politique et le concours de spécialistes en communication politique ne doit pas être négligé par un candidat (sous peine de n’avoir aucune chance de gagner l’élection!) mais ne doit pas dispenser du concours des militants et des élus d’une formation politique.
Nous nous sommes rendus compte que souvent, dans les circonscriptions électorales de nos clients, les problèmes importaient moins aux yeux des électeurs que la personnalité, l’autorité, la compétence du candidat (…) Les problèmes sont souvent très compliqués pour les gens. Ce qu’ils veulent généralement avant tout c’était un leader politique en qui ils aient confiance. La recherche de naturel est ici essentiel d’où la nécessité de mettre en scène une authenticité humaine.
Le marketing électoral se définit aussi, il ne faut pas en avoir honte, comme le moyen de “vendre” un homme, et ses idées.
On dit souvent que la politique, c’est le monde de la passion, alors que le marketing c’est celui de la raison. Le marketing politique, pour nous, c’est surtout l’alliance du meilleur des deux mondes avec comme objectif : une victoire électorale.
Il ne faut pas confondre la partie visible de l’iceberg avec sa partie cachée. Derrière les affiches politiques par exemple, il y a des sondages sur les attitudes politiques, il y a surtout une stratégie, c’est-à-dire le choix des cibles, des axes, de l’image qu’il faut donner. La publicité ne fait qu’instrumenter ces décisions fondamentales.
L’expert en marketing – qu’il s’agisse de la politique ou de l’industrie – se doit de rester à sa modeste place de technicien. Il montre les conséquences d’une décision politique, il ne la provoque pas. Il est un auxiliaire désormais nécessaire, sans plus : il aide à la victoire, il ne désigne pas l’ennemi, même s’il mène la campagne de bout en bout. Il propose des stratégies, il ne les choisit pas. C’est toujours le candidat qui arbitre une stratégie qui le séduit et avec laquelle il va se sentir à l’aise tout au long de la campagne électorale.
Idéalement, le marketing politique a pour but de connaître les besoins et les désirs des citoyens, ce qui permet aux hommes politiques d’y ajuster leur action en organisant les programmes capables de les satisfaire.
Le marketing politique est à la fois analyse scientifique, réflexion stratégique et action coordonnée et fermement menée.
Seules les personnes non informées peuvent croire que les dépenses publicitaires parfois excessives, voire absurdes, engagées par les candidats sont le marketing politique ou le marketing électoral. Ce serait prendre la partie pour le tout, de même que de le limiter à des études.
Le marketing politique peut par exemple vous éviter d’avoir une attitude commune à certains hommes politiques qu’il faut éviter. Cette attitude consiste à détruire ce qui les soutient pour tenter d’attirer ce qui les combat. C’est cette destruction qui est stérile.
Par exemple, si vous êtes le ministre des finances qui a pris des mesures dont le résultat – sinon le but – a été de mécontenter gravement les électeurs de la droite : chefs d’entreprise, cadres, professions libérales, artisans, commerçants. Mais, plus encore que les mesures elles-mêmes, ceux-ci ont été souvent désignés par des propos “racistes” à l’opinion publique comme de mauvais citoyens, des profiteurs – ce que, pour un petit nombre, ils sont peut-être, – mais jamais comme de gros payeurs d’impôts, des créateurs d’emplois, des apporteurs de devises étrangères, etc., – ce qu’ils sont presque toujours.
En se comportant de cette manière, le ministère des finances a profondément heurté et blessé ceux qui soutenaient la majorité. En outre, les hommes politiques du gouvernement se livrant à des attaques allant dans le même sens que leurs adversaires de gauche, ils leur ont apporté ainsi une caution inattendue d’un poids considérable, dont les conséquences peuvent se chiffrer aujourd’hui en nombre de voix.
Au jeu d’échecs comme à la guerre, on s’arrange pour prendre discrètement des positions inexpugnables et non en fanfare des postes dont on se fera chasser. En politique, la stratégie a le même sens.
Nous définirions en matière de marketing la stratégie comme le choix d’une ligne forte qui, ayant intégré prévisionnellement toutes les réactions des adversaires ou des concurrents, choisit la direction la meilleure possible de manière que les réactions rencontrées n’obligent pas à en changer. Au contraire, la tactique permet de s’adapter au terrain. Elle n’a de chances de succès que si elle est fille de la stratégie.
Les campagnes dites à l’américaine, les tactiques les plus dynamiques, les dépenses les plus grandes, ne changent rien à ceci : il y a au fond des urnes une vérité démocratique.
La force d’une stratégie est justement de laisser les amusements des gadgets à leur juste place et de se fonder sur cette vérité qui fait qu’on est authentique. On ne doit pas “paraître” ferme pour plaire aux électeurs, ou “libéralo – capitalisto – sympathisant de gauche” pour les mêmes raisons. On est comme on est. Les électeurs aiment ou n’aiment pas.
Le marketing politique fait ses choix stratégiques en fonction des risques que l’homme politique accepte de courir pour défendre ses idées en choisissant une ligne solide, c’est-à-dire fondée. S’il n’y a pas d’idée à défendre, il n’y a pas de succès possible.
Le marketing politique, qui doit son essor au développement en France de la télévision en raison de la nécessité, pour les candidats aux élections, de s’adresser à des publics plus nombreux et plus anonymes, a été introduit en France à l’occasion de l’élection présidentielle de décembre 1965.
Le rôle d’un marketeur politique ou spin-doctor, consiste d’abord à fournir quelques recettes aux candidats, à leur indiquer quelques ficelles pour optimiser leur image télévisée et qu’ils n’interviennent en rien dans l’orientation politique des arguments.
Il lui arrive au quotidien de mettre en garde ses clients contre l’effet prévisible de certaines prises de position. Le marketing politique est une technique destinée à plaire au plus grand nombre, et surtout à déplaire le moins possible. L’électeur ne doit pas croire que la motivation de son vote sera manipulée par d’inquiétants alchimistes préparant de mystérieuses mixtures qui lui seraient administrées sans qu’il s’en rende compte. Le marketing est une drogue douce et inoffensive !
“Nouvelles diseuses de bonne aventure” pour certains observateurs de la vie politique, les conseillers en marketing politique sont à l’abri de tout reproche puisque comme on peut le dire sous forme de boutade : “Lorsque le candidat perd, c’est de sa faute; lorsqu’il gagne, c’est grâce à nous.”
Des exemples de Marketing politique
C’est cependant aux conseillers en marketing que l’on doit d’avoir connu le sourire éclatant de M. Lecanuet, la nouvelle coupe de cheveux de M. Rocard, les canines limées de M. Mitterrand, les costumes plus modernes de M. Chirac, M. Giscard d’Estaing photographié avec sa fille, les yeux verts de Mme Simone Veil devenus marrons sur ses affiches, ou les nouvelles lunettes de M. Debré. C’est également au nom du marketing que l’on a vu M. Peyrefitte faire du vélo, MM. Marchais et François-Poncet applaudir le Tour de France, M. Chaban-Delmas monter posément les escaliers, M. Debré réprimer ses colères, et M. Mitterrand apprécier Sheila…
Les conseillers en marketing se gardent souvent de dire qu’ils jouent un rôle plus politique auprès de leurs clients.
Les conseillers en marketing ne cachent souvent pas leurs choix politiques. Ils ne sont pas de simples prestataires de services, mais souvent des militants engagés.
Quelle est l’efficacité de ces promoteurs du marché électoral ?
LaFrenchCom accorde à ces techniques une valeur importante mais relative. Il s’agit de toucher le groupe central, qui par ses variations fait une élection, et qui comprend les cadres moyens de vingt-cinq à quarante-neuf ans. Ce sont des électeurs qui ont besoin d’un petit plus pour se décider.
Peu d’hommes politiques cependant se passent des services de ces démarcheurs en électoral.
Nous pouvons faire un constat, la politique se vend bien. Le scandale liée à l’Affaire dite BYGMALION pendant la campagne de Nicolas Sarkozy nous le rappelle.
Peut-on vraiment lancer un homme politique comme on lance une savonnette ?
Les professionnels du marketing s’y emploient. Même si les résultats ne sont – heureusement – pas garantis.
Le marketing politique a les mains sales. En France, tous les partis politiques en font, mais cela ne se dit pas.
Le landerneau politique n’aime jamais que les professionnels du marketing banalisent son domaine réservé, en suggérant que le marché électoral n’est finalement qu’un marché comme un autre.
Ce sont 60 millions d’électeurs auxquels chaque candidat peut dire : “Votre vote m’intéresse”… Et, les mêmes causes produisant les mêmes effets, les méthodes qui avaient prouvé leur efficacité pour pousser les consommateurs à consommer, les acheteurs à acheter, devaient se révéler aussi efficaces pour pousser les électeurs à bien élire.
Mais il n’y a jamais rien de nouveau sous le soleil. En 1952, Antoine Pinay – dont le chapeau si banalement français de petit épargnant préfigurait, comme gadget symbolique, le pull-over décontracté de V.G.E. – soignait déjà sa légende : il est vrai que cette image était la meilleure garantie de son emprunt… Au fond, la politique a toujours consisté, pour une part, à fabriquer une image, et, pour l’autre, à faire croire que cette image n’était pas fabriquée. L’opinion qu’on a des choses compte plus que les choses elles-mêmes, comme le disait déjà Montaigne.
Dans toutes vos interventions et dans toutes vos manifestations, vous devez reproduire l’image de vous qui est susceptible de satisfaire vos électeurs.
Puisque c’est la façon dont il est perçu qui compte, l’homme politique est invité à calculer son meilleur profil.
Voilà pourquoi les hommes et les femmes politiques passent régulièrement par les salons d’essayage : changer ses lunettes pour une monture design claire qui adoucit le visage par exemple.
François Hollande comme Ronald Reagan, lui, cachait son âge derrière le masque d’un visage soigneusement hâlé et des cheveux teints.
Le style en marketing électoral
Règne de l’image-déclic ? Règne, surtout, de la personnalisation reléguant au second plan les idées et les programmes. C’est le reproche souvent adressé au marketing qui, après tout, n’a fait que s’adapter à une civilisation qui tend à substituer à la réflexion nourrie des mots le réflexe souvent irrationnel aux images.
Personnalisation qui atteint son paroxysme à la télévision. C’est ici souvent moins le message qui compte que la façon de le dire.
Il est incontestable, en effet, qu’en France, l’élection présidentielle au suffrage universel a accentué le mouvement de personnalisation du pouvoir, observé un peu partout dans le monde, amplifié par l’oeil électronique des médias.
La forme, d’abord; le fond, après. C’est vrai qu’à la TV, le style n’a jamais autant été l’homme ! À la TV, une cravate mal assortie prendra la dimension non d’une faute de goût, mais d’une erreur politique.
Aussi est-ce avec un soin minutieux que la mise en scène opposant MM. Carter et Ford, en 1976, est réglée. Les conseillers audio-visuels de M. Carter obtiennent que le pupitre de Gerald Ford ne porte pas le sceau présidentiel : il redeviendra simple challenger. Ceux du président obtiennent que le décor soit bleu : la calvitie de Gerald Ford sera moins soulignée, et que les deux candidats se tiennent debout, derrière des pupitres très rapprochés : alors, vus côte-à-côte, Gerald Ford, grâce à sa carrure d’athlète, dépasserait – littéralement – Jimmy Carter de la tête et des épaules.
Paraître
Bref, c’est le triomphe du look : du paraître sur l’être. Même minutieuse préparation des prestations télévisées en 1980 : à propos du nombre des débats (Reagan optant pour deux, les stratèges de Carter voulant en imposer six, en faisant ce pari : plus il y aura de débats, plus Reagan aura l’occasion de commettre des ” gaffes “); de leur organisation scénique; de la présence du troisième homme, John Anderson; ou de l’ordre des sujets traités. Voeu de l’équipe Carter : la politique étrangère en dernier, Reagan, présumé plus incertain en ce domaine, le public resterait sur une mauvaise impression.
Alors qu’aux États-Unis la classe politique fait ainsi ouvertement appel – et confiance – aux spécialistes du marketing politique, le mot en France, on l’a vu, paraît encore maudit.
Tester le “produit”
En effet, avant d’acheter un objet – tous les publicitaires savent cela, – on achète son image.
Des échantillons de consommatrices sont régulièrement appelés à se prononcer sur des questions aussi essentielles que celles-ci : telle lessive se vendra-t-elle mieux avec ou sans paquet-cadeau ? La politique se mit, elle aussi, à tester ses “produits”. Ce qui n’alla pas sans mal.
À preuve ces démêlés d’Harold Wilson, en 1984. Des études de marché avaient montré que les efforts de propagande du parti travailliste touchaient peu l’électorat féminin.
Les publicitaires crurent soudain avoir trouvé l’affiche politique idéale. Ils avaient déniché une ravissante pin-up qui allait, c’était sûr, leur ramener les voix des électrices égarées chez les ennemis d’en face : les conservateurs.
Un échantillon d’employées de vingt-cinq à quarante ans fut constitué pour tester la maquette. Déception : les réactions furent toutes agressives.
“Elle a un regard provocant, les lèvres d’une entraîneuse”, disait l’une. “Moi, je me méfierais, disait l’autre, mais les hommes adorent ça.” Aucune ne trouva que la pin-up faisait “femme à la maison” ou “mère de famille”. On l’associait à une publicité pour du rouge à lèvres, du dentifrice, de faux cils. Il ne vint à l’idée de personne qu’elle était censée vanter les vertus cachées du parti travailliste. Il n’y eut pas, cette année-là, de campagne spécifiquement destinée aux femmes. Mais une confirmation : les professionnels du marketing proposent, les partis politiques disposent.
Cela n’empêcha pas cette conquête sophistiquée, rationnelle, du pouvoir de sonner définitivement le glas des candidats de papa, qui confondaient la vue qu’ils avaient de leur circonscription avec la circonscription elle-même.
Plus de “flair politique ou d’instinct” désormais, mais des données précises. John Kennedy fut ainsi un des premiers à recourir aux simulations de votes pour tester, en 1960, s’il devait ou non cacher le fait qu’il était catholique dans un pays qui ne l’était pas. Cela lui rapporterait-il des voix – mais chez quels électeurs ? En perdrait-il – mais où ? Quatre cent quatre-vingts opérations de simulation furent nécessaires. L’ordinateur fournit alors un diagnostic – pronostic qui décidera Kennedy à faire de son catholicisme une caractéristique originale de sa campagne. Les faits prouveront que c’était le bon choix… Un peu avant la convention républicaine, Ronald Reagan publiait une liste de quinze candidats à la vice-présidence et annonçait très officiellement que des opérations de simulations de votes étaient en cours pour dégager le meilleur colistier.
Faut-il donc conclure à une déshumanisation de la politique lorsque l’on quantifie ainsi les passions et qu’un candidat peut savoir ce que l’opinion pense de lui, par âge, par sexe, par région; selon que vous êtes riche, très riche, pauvre ou très pauvre; selon que vous habitez la ville ou la campagne; et si vous habitez la ville, selon que votre ville est une ville moyenne, un gros bourg ou un modeste chef-lieu de canton.
Bref, qui va voter pour vous, si vous plaisez, mais aussi pourquoi vous ne plaisez pas, et à quelles conditions vous pourriez plaire; où vous puisez vos électeurs les plus fidèles, mais aussi les moins sûrs; si les femmes vous aiment, si les cadres vous boudent, si l’électorat juif ou musulman vous est acquis, si on vous voit de l’avenir ou si vous êtes déjà un homme du passé. Comme les misses des concours de beauté, chaque candidat possède ainsi ses mensurations, vues par l’opinion. Un miroir promené le long de sa popularité.
Rationalité extrême dans la conquête des votes qui ressemble, par moments, à une nouvelle forme de la barbarie. Un exemple de ce que cette “segmentation” du corps électoral permet – pour employer les mots assassins du marketing – est fourni par Jimmy Carter dans les derniers jours de sa campagne 76.
Carter consacra ainsi le dernier débat télévisé à se justifier de sa déclaration fracassante à Playboy, dans laquelle il reconnaissait avoir regardé avec concupiscence d’autres femmes que sa chère Rosalynn. Pat Caddell, l’homme des sondages, chargé de surveiller l’image de Carter dans les différentes catégories d’électeurs, s’était en effet alarmé d’une chute catastrophique de la popularité de Carter chez les ménagères de plus de trente ans, ayant un revenu annuel entre 10 000 et 20 000 dollars, et principalement catholiques : tant de précision permit ce mea culpa ” ciblé “…
En revanche, c’est très classiquement que, en 1974, François Mitterrand confie d’abord à un groupe de réflexion animé par Régis Debray le soin de « sentir » le corps électoral en profondeur et de lui fournir des thèmes de campagne. Mais Gaston Defferre, plus moderniste – le ” Monsieur X ” de l’Express, – commande à la Sofres une enquête sur l’image personnelle de François Mitterrand et sur les motivations qui poussent à voter pour le candidat de la gauche.
Trois nouvelles enquêtes sont commandées à l’IFOP, au second tour. Elles montrent que le premier secrétaire a une mauvaise image chez les femmes et analysent les réticences des cadres et des personnes âgées à voter pour le candidat de la gauche. L’agence de Jacques Séguéla proposera alors au premier secrétaire trois affiches ” ciblées ” : un adolescent conduisant son tracteur aux champs; une femme donnant le sein à son bébé, pour réveiller les ardeurs socialistes des électrices; et un couple de retraités, main dans la main, pour conquérir le coeur et le vote du troisième âge. Ces trois photos-symboles avaient la même légende : ” François Mitterrand, soyez mon président. ” Elles furent toutes refusées…
Vous sentez-vous l’âme d’un candidat ? Alors que les professionnels gardent généralement un silence de carpe sur leurs honoraires, certains proposaient, une campagne clefs en main – allant de l’étude de motivation aux cinq séances réglementaires d’entraînement télévisé, mettant même à la disposition des apprentis candidats un “meeting Simulator”, diabolique procédé de simulation électronique qui reconstitue l’ambiance d’une réunion électorale, y compris le chahut de contradicteurs couvrant la voix de l’orateur.
Alors, le marketing politique, passage obligé vers la gloire électorale ?
Il a un défaut inexpiable : au lieu d’aider les candidats à faire écouter leur différence, il donne la priorité à une sorte de dénominateur commun des idées; et, dans cette recherche d’une image acceptable par le plus grand nombre, privilégie une personnalisation excessive, qui banalise les programmes et réduit les idées. Il n’est pas, non plus, un gage de succès.
Le marketing politique apprend aux candidats à construire méthodiquement une image de marque. Une chose heureusement est sûre : le jour n’est pas venu où le marketing politique déclenchera chez l’électeur une sorte de réflexe de Pavlov…
L’image ne trahit pas
M. Jerry Rafshoon, principal conseiller de M. Jimmy Carter en marketing politique et artisan sans doute décisif de sa toute récente victoire, était de passage à Paris.
A ceux qui lui reprochaient d’avoir “créé” le nouveau président des États-Unis, M. Rafshoon répliquait qu’il l’avait seulement montré tel qu’il était, en mettant en valeur, bien évidemment, ses qualités plutôt crue ses défauts.
Les derniers débats télévisés conduisent à poser une nouvelle fois la question : l’apparence que projette le petit écran est-elle l’expression de la réalité ou en est-elle la perversion ? Les candidats se dévoilent-ils à travers l’instrument qui leur est offert ou se masquent-ils ? Cherchant à séduire, s’efforcent-ils de convaincre ou de tromper ?
Notons d’abord qu’aux États-Unis, les émissions électorales, à l’exception du face-à-face, brèves séquences destinées à faire connaître l’image des hommes, non leurs idées, ne sont pas autre chose dans la forme et dans le fond, que des spots publicitaires, ce qui n’est pas le cas en France. Reconnaissons aussi que l’art de plaire a toujours fait partie du métier politique et que, dès avant l’ère de l’audiovisuel, la part du spectacle n’a jamais été absente des campagnes électorales.
Ces réserves faites, les termes du problème semblent clairs : la dimension nouvelle donnée par les mass média aux techniques de persuasion n’a-t-elle pas changé leur nature même, en conduisant l’électeur à se déterminer non sur les qualités que l’on demande à un chef d’État, mais sur celles que l’on attend d’un comédien ?
La distinction semble évidente. Est-elle fondée pour autant ? On objecte parfois, non sans raison, que les citoyens entendent juger non seulement le programme, mais aussi la personnalité de leur futur président et que la manière ne compte pas moins que la matière. Cependant, il faut aller plus loin, et observer qu’en politique l’apparence fait partie de la réalité, ou, si l’on préfère, que les candidats choisissent d’occuper sur l’échiquier la position qui correspond à leurs goûts ou à leurs intérêts, c’est-à-dire à ceux du groupe dont ils sont les porte-parole : ils sont ainsi les acteurs d’un jeu, qui est en même temps celui de la vérité.
Qu’un candidat apparaisse à la télévision comme une brillante mécanique intellectuelle, un peu froide mais sûre d’elle-même, et un autre comme un tribun chaleureux plutôt incertain dans le maniement des chiffres, qui niera que ces impressions reflètent la réalité de ce qu’ils sont – politiquement, sinon peut-être (mais qu’en sait-on ?) psychologiquement ?
Ceux qui croient à la trahison des images devraient méditer ce texte de Jean Paulhan sur Jean-Paul Sartre extrait de sa ” Petite Préface à toute critique “. Jean-Paul Sartre parle en effet, dans ” Situations I “, de la ” trahison des mots ” et cite, entre autres, cet exemple emprunté à Brice Parain : ” Parain propose à un ” banquier de donner des leçons à ses enfants, ” pour gagner quelque argent. Le banquier ” aussitôt s’informe : qui est Parain ? En 1920, ” cela signifie : a-t-il fait la guerre ? Et comment ? Que répondra Parain ? Qu’il était ” soldat de deuxième classe ? C’est la vérité. ” Mais quelle vérité ? A coup sûr, une vérité ” sociale, qui prend place dans un système de ” fiches, de notations, de signes. Mais Parain ” est aussi normalien et agrégé. Comme tel, il ” aurait dû être officier. ” Disant soldat de deuxième classe, je dirai pour le banquier, pense-t-il, ” un suspect, peut-être un révolté, en tout cas un problème, et non pas la confiance immédiate “. Parain se dira lieutenant. ” Non pour mentir, dit Sartre, mais précisément pour se faire comprendre. “
” Où est la trahison des mots ? ” réplique Paulhan. ” Et de quoi se plaint-on enfin ? C’est que Parain, de son côté, comme le banquier du sien, forment sur la guerre en général, sur l’état de soldat de deuxième classe en particulier, des sentiments, des opinions, des préjugés, bref, une philosophie, entièrement différents; celui-ci voit de l’honnêteté où l’autre ne discerne qu’un patriotisme douteux. Soit. Mais qu’est-ce que le langage, qu’est-ce que notre langage peut avoir à faire là-dedans ? (…) Ce sont les pensées qui profondément diffèrent, non les mots. “
Revenons à la télévision et demandons-nous pareillement : où est la trahison des images ? Ce qui est en cause, ce n’est pas l’aisance devant les caméras de l’un des participants au débat, et la gêne de l’autre, ou, en d’autres termes, l’agressivité du premier et la sérénité du second, mais le jugement que porteront les téléspectateurs sur ces attitudes. Certains verront une manifestation d’arrogance là où d’autres discerneront une preuve de maîtrise; le refus de la polémique passera tantôt pour de la faiblesse, tantôt pour de la tranquillité d’âme. Il y a fort à parier que l’appréciation de chacun dépendra de sa préférence, et non l’inverse. Car l’image est politiquement neutre et se prête à tous les messages, forme et contenu mêlés – à condition, bien sûr, que l’équilibre soit respecté.
Le marketing électoral, idéologie ou commerce ?
Deux conceptions de la publicité appliquée à la politique se sont récemment affrontées, la commerciale et l’idéologique. Souvent surpris, partagés entre les deux notions opposées, on peut entendre parler de la publicité commerciale, la ” publicité de produit “, défendue par M. Jacques Seguela, responsable de la campagne présidentielle de M. Mitterrand, alors que la publicité idéologique, le ” marketing politique “, était illustré par M. Michel Bongrand.
Ce dernier, qui fut l’introducteur en France de ces méthodes de promotion avec la candidature de M. Jean Lecanuet à l’Élysée, en 1965, et qui a organisé de nombreuses campagnes pour les gaullistes puis pour les giscardiens, a précisé : “La star-stratégie, c’est complètement bidon. On ne vend pas un homme comme une savonnette, on ne transforme pas un candidat en un dieu. La publicité en politique constitue une aide à la réflexion des citoyens. Elle doit traduire la volonté du candidat de s’expliquer, mais il faut que celui-ci le veuille vraiment. Le publicitaire doit être modeste et croire aux idées du candidat qu’il veut servir.”
Estimant que la collaboration entre le candidat et le publicitaire doit être étroite, il regrette qu’en 1981 M. Giscard d’Estaing “ait été convaincu qu’il serait réélu” et n’ait pas écouté ses conseillers en publicité. Il révèle que l’ancien chef de l’État a refusé le slogan “Le président pour un pays fort et tranquille”, qui ressemblait à “la force tranquille” de M. Mitterrand, pour préférer “il faut à la France un président”.
M. Jacques Seguela affirme en revanche : ” Il n’y a pas de différence entre un électeur et un consommateur. J’ai fait la campagne de Mitterrand pour que la publicité entre dans l’histoire “. Il révèle alors : ” J’ai fait des pieds et des mains pour avoir Giscard. Je suis un capitaliste et j’étais persuadé qu’il allait gagner. La droite, d’ailleurs, n’a pas laissé la France en si mauvais état. J’ai supplié Soisson de me faire rencontrer Giscard. J’ai écrit à Mme Pelletier, qui ne m’a pas répondu, alors je lui ai envoyé un télégramme : ” Merde “. J’ai adressé une lettre à Mitterrand, qui m’a aussitôt invité à déjeuner et je suis devenu son publicitaire. “
M. Seguela ajoute qu’il a vite compris que M. Mitterrand ” était sur les flux socioculturels porteurs, alors que Giscard était sur les reflux. Avant que Mitterrand ait gagné, Giscard avait perdu “. Il précise qu’actuellement il rencontre le président de la République tous les quinze jours et ajoute : ” Si ce gouvernement ne gouverne pas mieux, il lui arrivera ce qui est arrivé à l’ancien. Lés socialistes sont en train de faire la preuve par neuf qu’ils ont tout compris à la sociologie mais rien à l’économie. “
LE MARKETING POLITIQUE : Propagande ou ” communication ” ? Publicité ou information ?
Le marketing politique se joue des mots. Il est un peu tout cela, et plus.
Marketing politique : l’expression recouvre les sondages, les études de motivation, les diagnostics, les stratégies de campagne. Plus largement, le marketing politique désigne aussi le recours à la publicité. Les hommes politiques, naturellement, ne dédaignent pas pour autant les moyens plus classiques qui peuvent assurer leur promotion.
Le marketing politique a mauvaise réputation. Pour beaucoup il consiste à ” vendre ” un homme comme on vendrait un produit de grande consommation. On le soupçonne d’inciter ses utilisateurs à la démagogie, on lui reproche aussi d’être un instrument de manipulation.
Si la démagogie existe, ce n’est pas la faute du marketing mais celle des démagogues qui n’ont pas attendu l’invention des sondages pour la pratiquer. Le fait de bien connaître les désirs ou les opinions des électeurs à un moment donné, souligne-t-il, n’oblige pas, par lui-même, les hommes politiques à les satisfaire ou à s’y rallier. Quant aux accusations de manipulation de l’opinion, dont le marketing politique fait l’objet, Denis Lindon les rejettent parce qu’absurdes et hypocrites. Chacun de nous ne passe-t-il pas une bonne partie de son temps à essayer d’influencer son entourage ?
Force est de constater que le marketing électoral est pratiqué depuis bien longtemps dans les sociétés démocratiques. Simplement le vocable n’existait pas et les méthodes étaient artisanales. Doit-on accepter les moyens traditionnels de persuasion et refuser les moyens modernes ? si l’on prétend condamner le marketing électoral au nom de la liberté, il faut aller plus loin et interdire à tout individu ou groupe d’individus d’essayer d’en influencer d’autres.
On retiendra qu’il convient certes de se prémunir contre les abus que ces méthodes peuvent qu’il est absurde de les condamner en bloc. En premier lieu parce qu’elles n’ont pas la toute puissance qu’on veut bien leur reconnaître, ensuite parce qu’elles contribuent à améliorer l’information et la communication.
“Tu dis du bien de toi. Cela se répète et on ne sait plus d’où cela vient.” (Thèse des hommes du marketing) ou comme Lincoln : “On peut mentir toujours à quelqu’un. On peut mentir parfois à tout le monde. On ne peut mentir toujours à tout le monde.” (Thèse des politiques.)