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Le risque au quotidien des cadres expatriés

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L’assassinat de quatre Français en Arabie saoudite, le 26 février, a mis en lumière les risques pris par certains salariés travaillant dans des pays dits sensibles. Les multinationales ne peuvent plus se contenter de développer leur activité. Elles doivent assurer la sécurité de leur personnel. Partout dans le monde.

Le 13 juillet 2006, les Israéliens bombardent l’aéroport et le sud de Beyrouth, la capitale libanaise. Dès le 15, International SOS commence à évacuer les 345 salariés de quatre entreprises françaises du CAC 40 qui figurent parmi ses clients.

« Nous avons immédiatement activé des cellules de crise à Londres, Paris, Dubai, Francfort et Philadelphie et envoyé une équipe à la frontière syrienne, pour commencer à préparer l’évacuation par la route, souligne le directeur des services crises et sécurités de cette société spécialisée dans l’assistance médicale et la gestion de crise. Tout le monde a été surpris par la rapidité avec laquelle la situation s’est dégradée. »

Les experts sont unanimes. Aujourd’hui, le risque est généralisé, et, difficulté supplémentaire, il est mouvant.

Une veille permanente dans chaque pays

« Aucune entreprise ne peut plus envoyer ses cadres quelque part sans réfléchir, que ce soit pour une expatriation ou des missions ponctuelles« , souligne Sabine Schirrer, responsable marketing voyage chez Europ Assistance, qui a développé des garanties spécifiques pour les voyageurs d’affaires.

« Globalement, les gens voyagent beaucoup plus et vont beaucoup plus loin. Mais statistiquement, il n’y a pas plus d’accidents, note Sabine Schirrer. Ils veulent être couverts, mais cela ne les empêche pas de partir. Ils ont intégré cette dimension. Les entreprises ont la même démarche. » explique une agence de gestion de crise.

Pour assurer la sécurité de leurs salariés, les grands groupes ont mis sur pied des directions de la sécurité chargée d’une veille permanente. Climat politique, revendications sociales, évolution de la criminalité sont passées au crible en permanence. Un travail de renseignement, effectué par des professionnels souvent passés par le ministère de l’Intérieur et de la Défense.

« Je suis toutes les questions de politique intérieure ainsi que la situation internationale et j’échange en permanence avec les gens sur place », précise Alain Le Caro, en charge de la sécurité des exploitations pétrolières de Maurel&Prom au Gabon, au Congo, en Tanzanie et en Colombie.

Des sociétés extérieures, comme International SOS, et Geos, un groupe spécialisé dans la sécurité, interviennent, le cas échéant, pour renforcer cette veille aux cotés des agences de communication de crise comme LaFrenchCom basée à Paris.

« Nos analystes envoient deux fois par jour à nos adhérents une synthèse complète, zone par zone, de tous les événements liés à la sécurité et à la santé », explique Xavier Carn, d’International SOS. La réunion annuelle de tous ces intervenants s’est déroulée au ministère des Affaires étrangères, le 27 février. « Il y a une prise de conscience très nette des entreprises sur les questions de sécurité« , selon Nicolas de Lacoste, adjoint au porte-parole du Quai d’Orsay. Des séances de sensibilisation et de for-mation sont organisées pour les salariés concernés.

« Les procédures mises en place doivent être efficaces en cas de crise mais aussi couvrir juridiquement les dirigeants. Les entreprises sont responsables de leur personnel« , souligne Dominique Montecer, directeur des opérations de Geos. Une responsabilité confirmée par la justice française, à la suite de l’attentat de Karachi, en mai 2002, qui a coûté la vie à onze salariés partis en mission au Pakistan.

Thales et la Direction des chantiers navals (DCN) ont été condamnées à verser de lourds dommages et intérêts aux familles. « Depuis cinq ans, on a structuré de manière plus formelle toutes nos procédures », explique Jean-Jacques Guilbaud, directeur des ressources humaines et de la communication de Total, dont les salariés effectuent cent mille missions chaque année à l’étranger.

Le maître mot, c’est l’anticipation.

Une préparation au départ pour les salariés

Les multinationales multiplient les outils : formation à la gestion des risques avant le départ, remise d’un livret d’accueil, lien permanent sur le terrain.

« Nos salariés suivent une formation sur leur sécurité personnelle et professionnelle », détaille François Courtot, directeur délégué aux affaires internationales de Safran. L’idée est de permettre au salarié d’acquérir les bons réflexes : où attendre son correspondant dans un aéroport réputé comme dangereux, ne pas prendre n’importe quel taxi, et savoir résister aux charmes d’une sulfureuse Ukrainienne ou Brésilienne susceptible de le dépouiller.

« Une fois qu’on a adopté certaines règles de conduite, le risque est faible », confirme Richard Dupuis, directeur général adjoint international de Bouygues.

Les mesures adoptées ne doivent pas être excessives, pour ne pas faire baigner le salarié dans un climat de paranoïa, ni l’empêcher d’exercer efficacement son activité.

Les entreprises françaises ont fait un travail très important. Il existe aujourd’hui une véritable culture de l’expatriation et du risque.