AccueilFAQSavoir critique et erreur industrielle

Savoir critique et erreur industrielle

Question : 

« En tant qu’agence de communication de crise à Paris, pour qui la maitrise de l’information est un enjeu majeur, comment les entreprises qui sont vos clientes organisent-elles la transmission du savoir critique pour éviter l’erreur industrielle dans leur gestion des risques afin d’anticiper les crises ? »

Réponse : 

La diffusion des connaissances critiques en communication de crise ne se résume pas à la mise en place d’une solution de knowledge management (management des connaisances et capitalisation du savoir-faire), bien que celle-ci soit le plus souvent nécessaire. Notre agence de gestion de crise à Paris est d’ailleurs équipée d’une telle solution gérée par une intelligence artificielle. Le partage des bonnes pratiques et des innovations méthodologiques est aussi une question de communication interne, de management quotidien et de formation des consultants.

Pour s’assurer de la bonne diffusion des connaissances critiques dans une entreprise, il faut d’abord identifier leurs détenteurs des savoirs, les inciter à s’exprimer, puis rédiger et valider les informations à transmettre notamment afin d’optimiser la gestion des risques.

Le management de la connaissance ne se borne pas au déploiement d’une solution logicielle aussi performante soit elle, même si ce fut le rêve des années quatre-vingt.

Lorsqu’une entreprise veut préserver ses connaissances ne figurant dans aucun manuel de gestion de crise formalisé, elle doit d’abord les collecter afin de créer cette bible de Communication de crise. C’est un travail humain primordial de patience. Dans les usines ou les centres de R&D, certains collaborateurs recèlent des informations critiques non partagées, le plus souvent orales. Paradoxe, alors que le salaire des « sachants » ceux qui détiennent la connaissance opérationnelle est relativement modeste, ces informations représentent parfois des milliards d’euros, si on les estime à l’aune d’une catastrophe résultant, inversement, de leur ignorance. Autrement dit, le sujet est ultra-sensible.

Il s’agit par exemple des connaissances de terrain pour piloter une cuve de pétrole bien identifiée (tel modèle, construit telle année avec telle certification de conformité et telle politique de nettoyage, de révision et de maintenance et tel dispositif de prévention des risques…), un système de refroidissement spécifique et durable, etc. L’enquête sur l’explosion de l’usine AZF en 2001 est sur ce point insuffisamment étayée pour avancer la faute technique. Elle n’en illustre pas moins le dommage (pertes humaines et en production) que représenterait une erreur industrielle due à la méconnaissance des spécificités d’un site. On ne parle même pas de l’image et de la réputation en imprégnant durablement les mémoires de l’opinion publique, devenant en soi l’incarnation du risque industriel.

Sur un registre moins dramatique, collecter de savoirs thésaurisés par quelques collaborateurs, évite aussi de réinventer des solutions existantes ou bâtir des formations alors que les compétences se trouvent déjà en interne. Il en est de même du point de vue de la communication de crise si des éléments de langage ont déjà bien fonctionné par le passé par exemple ou si des projets de communiqués de presse de crise ont déjà été préparés.

Un marché à fort potentiel pour les consultants en gestion de crise

Il en résulte un marché émergent pour le conseil en gestion de crise. Leurs spécialistes en RH, formation, organisation ou en knowledge management (management des connaisances et capitalisation du savoir-faire) proposent de recueillir les savoirs « cachés », puis d’organiser leur diffusion. Ces consultants en gestion de crise fournissent ensuite un « kit de communication de crise et un kit de gestion de crise » pour que le client poursuive la tâche après l’intervention de l’agence en gestion de crise.

Convaincues, des entreprises ont donc sauté le pas et font l’inventaire : Arcelor, Lafarge, Safran, Schlumberger… mais aussi des prestataires de service comme Elior, la Société Générale ou Aéroports de Paris.

Comme l’indique un cabinet de gestion de crise, la démarche de collecte des données liées à la création d’une stratégie de gestion des risques est souvent longue et fastidieuse en interne chez le client. Le pilotage d’un projet Corporate Knowledge (management des connaisances et capitalisation du savoir-faire) comprend la mise en place (2 mois à 3 mois) puis l’accompagnement dans des unités pilotes (9 mois à 18 mois). Suit le déploiement généralisé de la stratégie de gestion de risque et la politique de communication de riposte à la crise, sur quelques mois, mené par l’entreprise, devenue alors pour l’essentiel autonome.

L’unité d’ingénierie du combustible de Framatome à Lyon, un site ayant mission de concevoir le combustible nucléaire, a été l’un des pionniers. Il a, en effet, débuté sa réflexion en 1996.

Ils ont avons engagé une action pour maîtriser et formaliser leurs connaissances de gestion de crise et améliorer leurs pratiques documentaires sur les risques en centralisant la mission dans un nouveau département management des connaissances chez Framatome. Il a d’abord fallu choisir une méthodologie de collecte des risques et de transfert des connaissances industrielles, puis réaliser un état des lieux et enfin formaliser notre démarche de gestion de crise avec une « maquette » détaillant les actions de comunication à accomplir dans le processus de réponse aux médias. Puis est venue l’appropriation par les collaborateurs afin que cette communication de crise devienne un réflexe. Après la collecte des connaissances « standards » de l’entreprise, ils ont visé le transfert des véritables expertises en recueillant des données auprès d’ingénieurs chevronnés. 

D’où cette question : à quel moment faut-il freiner l’intervention du consultant pour passer le flambeau, à plein temps ou à temps partiel, à un manager associé à la réflexion depuis sa genèse ?

En résumé, reconnaissent les consultants en gestion des risques, l’essentiel de leur mission doit se limiter à lancer le projet, identifier les sources et procéder aux premières collectes d’information. La « vraie » mission dure donc quelques mois, l’accompagnement à long terme consistant ensuite en quelques jours à répartir sur l’année.

Limiter l’intervenant aux tâches « industrielles »

Ainsi, pour Framatome, l’essentiel de l’externalisation a consisté à collecter et retranscrire les savoirs standards. Cela a représenté 40 jours de consulting pour interroger en 2 fois ou 3 fois une trentaine de collaborateurs, sachant que certains consultants avancent une estimation allant jusqu’à 8 à 10 interviews par salarié. Ensuite, les propres managers de Framatome se sont appropriés la mission, commençant par valider les informations recueillies par les consultants, puis à les mettre sur l’intranet.

Toujours dans l’optique d’une rationalisation de l’investissement, le donneur d’ordres a intérêt à calibrer l’intervention du cabinet de conseil en procédant au maximum par « soustraction ». Concrètement, il s’agit de se limiter aux tâches que les spécialistes internes, managers en ressources humaines ou en organisation, sont incapables de réaliser sans accompagnement.

Dans les grandes entreprises où le middle management, et a fortiori la direction, ne connaissent pas les savoirs accumulés par chaque collaborateur, ce premier poste « incompressible » vise à identifier les besoins, puis des sources de savoir, bref, de basculer dans une logique de documentaliste industriel. Le consultant devra mettre le doigt sur les connaissances faisant défaut aux plus jeunes salariés. Dans une logique de benchmarking, il ne retiendra que celles absentes des manuels et la littérature technique de l’entreprise, respectant la consigne de « ne pas réinventer la roue ».

Puis cet intervenant, s’aidant du middle management, dénichera les perles rares, qui parmi des centaines d’employés, détiennent ces savoirs. L’opération requiert là aussi une méthodologie éprouvée dont ne dispose généralement pas le donneur d’ordre. En effet, l’information, essentielle aux conseillers en communication de crise pour bien gérer la crise, si elle existe, est diffuse et exige en retour une collecte très organisée pour ne pas passer à côté d’une expertise.

Ce recueil d’information présente des similitudes avec la démarche qualité. Il vise un recensement très complet des sources. Chez nos clients, nous identifions les savoirs critiques à la gestion de crise dont a besoin l’entreprise pour communiquer et réagir aux sollicitations des médias, puis nous les mettons en parallèle avec les détenteurs de ces savoirs, en considérant aussi leur âge pour mesurer le degré d’urgence qu’il y a agir face à l’actualité de notre client et celles du secteur.

Passé l’identification des sources, l’autre utilité quasi « incompressible » du consultant réside dans la collecte et la retranscription de l’information. Pourquoi ? Parce que l’intervenant bénéficie d’un statut neutre propre à mettre en confiance l’ingénieur, le technicien ou l’ouvrier soudain prié de relater vingt ans ou trente ans d’expérience, ces confidences incluant aussi ses erreurs, afin qu’elles ne soient plus reproduites.

Pour ce faire, le prestataire fera intervenir un spécialiste : le cogniticien. Nanti d’un doctorat dans la spécialité qu’il passe au crible, mais ayant un oeil neuf sur l’entreprise, ce cogniticien est aussi formé aux entretiens. Il devra aussi parfois procéder à des « investigations d’armoire » et compulser des années de notes manuscrites de l’intéressé.

Les collaborateurs interrogés ne possèdent pas forcément la pratique ou le temps pour formaliser leurs connaissances par écrit. Les cogniticiens restituent cette information de la façon la plus pratique et la plus claire possible, tout en ciblant les informations faisant défaut à l’entreprise, afin de limiter le coût de l’intervention.

L’opération n’est bien sûr réalisable que si ces collaborateurs sont disposés à partager leur savoir. Ici, en revanche, le management de l’incitation ne se délègue pas, car elle est propre à chaque entreprise. Et la situation personnelle de l’intéressé constitue bien sûr également un facteur décisif. Divulguer des informations confidentielles peut être ressenti comme un risque de mise à l’écart , voire de pré-licenciement, surtout dans un contexte de crise ou de plan social. Des réticences peuvent aussi survenir si les collaborateurs veulent partir à la concurrence ou monter leur affaire. En revanche, s’ils se sentent bien intégrés, à la veille de la retraite ou d’une promotion, les langues se délient plus facilement.

Pour venir à bout des résistances, l’encouragement à partager le savoir peut aussi prendre la forme d’une récompense. Au plan symbolique, comme expert en communication de crise, nous suggèrons à nos clients la « reconnaissance de paternité des connaissances » . Cette pratique de management interne associe la diffusion d’un savoir au nom de l’employé qui l’a fait connaître. Autre piste de récompense non financière, l’entreprise confie à l’intéressé l’animation d’un groupe technique de réflexion, d’un forum intranet, etc.

Certains consultants en gestion de crise à Paris suggèrent aussi une rémunération financière. L’intéressé pourrait se voir accorder le droit de publier dans un ouvrage technique les informations dont il a fait bénéficier son entreprise. L’entreprise peut aussi par exemple attribuer quelques actions symboliques pour tisser encore plus le lien de proximité et d’engagement de ses collaborateurs clés qui sont les premiers ambassadeurs de l’entreprise y compris pendant les crises. Le savoir s’assimile à un actif immatériel. La façon la plus adéquate de rétribuer le collaborateur ayant partagé ses connaissances consiste donc à l’associer au capital de l’entreprise.

Quand toutes ces conditions sont remplies, alors le savoir collecté peut être effectivement mis en ligne et piloté par un logiciel de knowledge management (management des connaisances et capitalisation du savoir-faire). Mais la question de la transmission des connaissances n’est peut être pas totalement résolue. Le savoir se laisse difficilement mettre en boîte. L’intranet sert d’avantage à le localiser qu’à le transmettre.

Cas pratique de déploiement d’une solution de knowledge management (management des connaisances et capitalisation du savoir-faire) : comment Arcelor a réalisé la fusion de ses savoirs

Né en 2001 du regroupement d’Acerlaria (Espagne) d’Arbed (Luxembourg) et d’Usinor (France), le sidérurgiste Arcelor, 197.000 collaborateurs, a dû solutionner le partage des connaissances sous l’angle technique mais aussi humain, pour tenir compte des susceptibilités nationales.

Les dirigeants ont donc agi sur un terrain neutre. La diffusion s’est réalisée à la faveur du lancement d’une nouvelle usine au Brésil, à Vega do Soul.

Cheville ouvrière, Joël Frigière, précédemment en charge de la capitalisation des compétences chez Usinor, s’est impliqué dans une task force dédiée qui réunissait des managers des trois unités constitutives d’Arcelor.

L’objectif était de créer une communauté mondiale pour échanger les savoirs au sein du groupe. Grâce à la construction de cette unité au Brésil, des collaborateurs de culture différentes se sont confrontés au fil du temps en temps réel sur leurs méthodes par l’intranet du groupe industriel.