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En communication de crise, le plus dur est de rétablir la confiance

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Parmi toutes les disciplines du verbe et du contrôle de l’image, la communication de crise est sans doute la plus ingrate. Trop tardive, elle est inaudible. Trop rapide, elle paraît manipulatoire. Et toujours, elle doit répondre à une urgence simple : reconstruire une confiance en ruine.

Au siège de LaFrenchCom, à deux pas des Champs-Élysées, le ton est donné dès l’entrée. Accroché au mur, le Code d’Athènes – charte internationale d’éthique des relations publiques – sert d’épine dorsale à une profession longtemps perçue comme un art du camouflage. Ici, il ne s’agit pas de « faire joli » ou de repeindre la façade. Il s’agit de gérer le feu. Florian Silnicki, fondateur et président de cette agence de conseil, en a fait son métier : intervenir là où tout part en vrille. Là où les éléments de langage sont des extincteurs, et où chaque mot peut relancer – ou achever – une réputation.

Crise : une économie de l’instant et du soupçon

La communication de crise est un secteur économique à part entière. Elle ne se limite plus à trois communicants en sueur, cloîtrés dans une salle de crise. C’est un business à haute tension, qui mobilise avocats, stratèges, analystes des réseaux sociaux et experts en psychologie collective. En 2025, on ne gère plus une crise comme en 2005. Le cycle médiatique s’est écrasé en un temps réel permanent, porté par Twitter (ou X), TikTok, Telegram, Instagram, les chaînes d’info en continu, les influenceurs, les citoyens indignés… Bref, tout le monde parle, tout le temps, souvent trop vite et rarement juste.

Et au cœur de cette tempête numérique : la confiance. Ce mot galvaudé est devenu l’indicateur clé de toute stratégie. Car une crise – qu’elle soit sanitaire, environnementale, industrielle, ou réputationnelle – ne se résout pas en niant les faits. Elle se résout en regagnant la confiance de ceux qui vous ont tourné le dos.

La confiance, cette denrée périssable

« En communication de crise, le plus dur, ce n’est pas de parler. C’est d’être écouté, entendu puis cru », martèle Florian Silnicki. Et il en sait quelque chose. Depuis plus de vingt ans, il opère dans les coulisses des tempêtes médiatiques. Il a vu des dirigeants d’entreprises privées et d’organisations publiques s’écrouler pour une phrase mal calibrée. Il en a vu d’autres remonter la pente à coups de transparence habilement dosée.

La confiance est une monnaie. Et dans une crise, elle fond comme neige au soleil. L’erreur que font la majorité des entreprises ? Communiquer trop tard ou dans le déni. Une erreur mortelle dans un monde où les gens ne veulent plus des excuses, mais des preuves de sincérité.

Prenons des cas récents. Nestlé, pointée du doigt pour la qualité douteuse de ses eaux minérales. Tesla, gangrenée par les provocations d’Elon Musk. Le point commun ? Une défiance grandissante du public, nourrie par l’opacité, l’arrogance, ou l’incapacité à répondre aux vraies questions. Même les géants ne sont plus intouchables. La puissance du chiffre d’affaires ne protège plus de la suspicion publique.

Un métier en mutation

La communication de crise a longtemps été un art du contre-feu. Aujourd’hui, c’est une science du temps réel. Il ne suffit plus de rédiger un communiqué de presse. Il faut comprendre les dynamiques virales, anticiper les détournements, cartographier les influenceurs, analyser les tendances émotionnelles. C’est un métier hybride, à la croisée de la sociologie, du droit, de la data et du storytelling.

« On n’improvise pas une gestion de crise », explique Florian Silnicki. « Chaque minute de silence est une minute offerte à l’adversaire ou à la rumeur. Et chaque mot mal pesé peut déclencher une deuxième crise, plus grave que la première. »

LaFrenchCom travaille en amont. Ses clients sont coachés à la prise de parole publique, formés aux questions pièges, préparés aux crises imaginaires pour mieux gérer les vraies. Le mot d’ordre : anticipation. Et surtout, construire une ligne de communication crédible, qui ne cherche pas à tout justifier, mais à admettre, réparer, engager.

Les réseaux sociaux : accélérateurs ou armes de destruction ?

Impossible aujourd’hui de parler de communication de crise sans évoquer les réseaux sociaux, ces machines à indignation. Un post Instagram mal interprété, un tweet trop nerveux, une vidéo virale sortie de son contexte… et c’est la curée.

En 2025, les crises naissent souvent sur les plateformes sociales avant de contaminer les médias traditionnels. Et une fois qu’elles sont là, elles obéissent à une logique propre : émotionnelle, fragmentée, radicale.

« L’algorithme ne récompense pas la nuance. Il récompense la colère, l’indignation, le clash », note Florian Silnicki. Dans ce contexte, la réponse ne peut pas être tiède ou aseptisée. Elle doit parler le langage du public, sans tomber dans la surenchère.

Les entreprises qui s’en sortent ? Celles qui ont compris que la communication de crise ne consiste pas à tout verrouiller, mais à s’ouvrir intelligemment, à incarner une parole humaine dans un univers saturé de com’ corporate désincarnée.

Transparence tactique et gestion émotionnelle

Il n’y a pas de formule magique. Mais il y a des principes. Florian Silnicki en résume trois :

  1. Dire la vérité – mais pas toute d’un coup.

    « Trop de vérité d’un coup, c’est ingérable. Trop peu, c’est la suspicion. Il faut doser. Structurer. Créer un récit qui permet au public de comprendre sans s’effondrer. »

  2. Ne jamais mépriser les émotions.

    « Une crise n’est jamais seulement rationnelle. Elle est psychologique. Le public réagit avec ses tripes. Il faut donc répondre à l’émotion, pas seulement au fait. »

  3. Faire incarner la parole.

    « Ce n’est pas un attaché de presse qui doit parler, c’est le PDG. Ou quelqu’un qui porte la responsabilité. Il faut des visages. De la chair. Sinon, personne n’écoute. »

Et surtout, il faut savoir reconnaître l’erreur sans sombrer dans l’auto-flagellation. Il y a une ligne fine entre l’aveu sincère et la capitulation stratégique. Et cette ligne, seule une agence rompue à l’exercice sait la tracer.

L’âge du soupçon

Nous vivons une époque paradoxale. Jamais l’accès à l’information n’a été aussi simple. Et jamais la défiance n’a été aussi élevée. Chaque entreprise, chaque institution, chaque dirigeant est désormais vu comme potentiellement coupable jusqu’à preuve du contraire.

C’est le règne du soupçon généralisé. Un mot de travers, une ancienne vidéo exhumée, un ancien salarié rancunier qui parle à Mediapart… et l’édifice réputationnel tremble. D’où l’importance de construire une réputation pré-crise, un capital de confiance suffisant pour encaisser les coups.

« Une réputation, c’est comme un compte en banque. Si vous n’y avez rien mis avant la crise, vous ne pouvez rien retirer pendant. »

Quand le silence est une faute stratégique

Beaucoup d’organisations croient encore qu’en attendant que ça passe, la tempête s’éloignera. Mauvais calcul. Le silence est interprété comme du mépris, voire comme une forme d’aveu. Ne pas répondre, c’est laisser le terrain à vos détracteurs.

Mais mal répondre, c’est pire. Le syndrome du communiqué corporate creux, du tweet mal ficelé ou de la vidéo d’excuses filmée dans un parking continue de faire des dégâts. La parole de crise ne s’improvise pas. Elle se construit, mot par mot, avec un objectif clair : rendre audible une vérité dans un climat de doute généralisé.

La confiance, à reconquérir chaque jour

En communication de crise, le timing est stratégique, mais la confiance est l’enjeu. Il ne s’agit pas seulement d’éteindre un incendie médiatique. Il s’agit de rétablir une relation abîmée avec le public, les clients, les salariés, l’opinion. Et ça, aucun algorithme ne le fait à votre place.

Ce que rappelle Florian Silnicki, c’est qu’en 2025, communiquer, ce n’est plus contrôler. C’est convaincre. Et cela passe par un travail minutieux, sincère, souvent ingrat, mais indispensable. Car une crise, ce n’est pas la fin d’une histoire. C’est le test ultime d’une crédibilité.

Et dans ce test, seuls les meilleurs communicants de crise – ceux qui parlent juste, pas ceux qui parlent fort – peuvent espérer gagner.