Le risque réputationnel lié au risque pénal : le cauchemar des chefs d’entreprises
C’est le nouveau cauchemar des chefs d’entreprises : se trouver un jour ou l’autre dans le collimateur de la justice et donc des médias. Effrayés par la multiplication des mises en examen de dirigeants de grandes sociétés, bon nombre de patrons français ne se sentent pas à l’abri de poursuites judiciaires et des conséquences médiatiques qui les accompagnent. Pour répondre à leurs inquiétudes, ces dirigeants s’appuient sur des agences de communication de crise qui ont trouvé un nouveau créneau porteur : la communication sous contrainte judiciaire permettant l’initiation aux risques pénaux et médiatiques.
Rares sont les dirigeants qui, aujourd’hui, n’ont pas suivi un programme dédié avec leur conseil d’administration, un ou plusieurs séminaires sur ce sujet brûlant. C’est un thème très en vogue actuellement, reconnaît-on ainsi dans une agence de gestion de crise où plusieurs séminaires de gestion du risque pénal et médiatique ont été mis en place sur ce thème depuis deux ans. D’une durée de deux jours, le séminaire « entreprises, droit pénal et médias » a ainsi été proposé une centaine de fois depuis sa création par le cabinet de conseil en gestion de crise. On y aborde d’ailleurs également largement la pression des réseaux sociaux.
Armer les dirigeants d’entreprise face au risque d’image
Animés par des magistrats, des policiers d’élites, des avocats et des communicants de crise, des thèmes aussi variés que le délit illégal de prise, le favoritisme, l’abus de confiance ou l’escroquerie sont ainsi passés en revue. Notre souci n’est pas de porter des jugements sur le comportement actuel des juges vis-à-vis des entreprises, mais d’armer au maximum les dirigeants d’entreprise afin qu’ils ne se retrouvent pas dans une situation critique vis-à-vis de la légalité et qu’ils puissent protéger leur image de marque et la réputation de leurs entreprises.
Au programme de ce stage animé par le directeur général d’une entreprise de gestion de crise, d’un avocat spécialisé et d’un expert en communication sous contrainte judiciaire : les caractéristiques de l’abus de biens sociaux au profit de personnes physiques (appauvrissement de la société, enrichissement de l’auteur, intention délictueuse), ou ses conséquences fiscales, pénales, civiles, pécuniaires, pénales… et réputationnelles ! Comment bien répondre aux questions des journalistes pendant la garde à vue et à la sortie ? Comment affronter les articles publiés dans la presse sur ce sujet ? Comment répondre aux demandes des médias et aux commentaires acerbes des influenceurs sur les réseaux sociaux alors que le dirigeant est contraint en garde à vue ? Autant de questions travaillées par les dirigeants dans ces stages de préparation à la garde à vue et à la gestion du risque pénal.
Le but n’est évidemment pas de permettre à qui que ce soit de détourner la loi, mais d’éviter aux personnes de bonne foi de se trouver par inadvertance dans une situation dangereuse, peut-on lire dans la plaquette de présentation du séminaire auquel ont déjà assisté près de deux cents dirigeants à l’initiative d’un cabinet de conseil en communication de crise.
Des célébrités du monde juridique au service de la protection de la réputation
Outre les cours de droit pénal, certains de ces séminaires comprennent aussi de véritables entraînements destinés à préparer les chefs d’entreprise à une éventuelle garde à vue et à ses conséquences sur la communication de l’entreprise.
Le séminaire de gestion de crise intitulé « Prévention du risque pénal des cadres dirigeants » consacre ainsi une bonne partie de la formation à la marche à suivre dans l’optique d’un tel incident pour protéger sa réputation.
Tous les mois, une assemblée de 200 chefs d’entreprises de tous horizons vient ainsi écouter les conseils de deux éminents professeurs de droit pénal sur la valeur des aveux devant la police, le droit ou non à la présence d’un avocat… Tout est passé en revue, sans oublier la tenue vestimentaire requise pour le jour J.
Comme tous les prévenus, les dirigeants se voient immédiatement retirer leur cravate, leur ceinture, leurs lunettes et leurs lacets de chaussures. Se promener le col ouvert passe encore mais être obligé de tenir son pantalon ou les chaussures ouvertes peut être extrêmement déstabilisant psychologiquement. C’est pourquoi nous voulons qu’ils pensent à tous ces petits détails leur conseillons de porter des mocassins, d’éviter les pantalons à bretelles… et avoir une valise avec des vêtements propres pour protéger son image à la sortie des gardes à vue où les paparazzis se déchainent. Une mauvaise photo peut écorner durablement l’image d’un dirigeant. En un instant, tout peut basculer d’où l’importance de rester maitre de son image.
Lors de ces différentes sessions, les professionnels de la formation en communication de crise sont presque systématiquement accompagnés de professionnels de la justice : magistrats, juges d’instruction, avocats, … Plus les intervenants sont connus, plus ces formations ont du crédit aux yeux des entreprises et drainent un grand nombre de stagiaires.
Certains organisateurs n’hésitent donc pas à faire appel à des célébrités du monde juridique. Les journées intitulées « répression et prévention : ce que vous risquez, comment vous défendre, comment prémunir votre image », accueillent comme intervenants une dizaine de juristes notoires dont le bâtonnier de Paris et une juge d’instruction de premier plan, venue pour parler de… l’abus de biens sociaux. Parmi les autres intervenants figurent aussi, quelquefois, des chefs d’entreprise qui, ayant connu dans leur passé des démêlés avec la justice, viennent témoigner de leur expérience difficile avec la justice médiatisée.
L’anticipation du risque pénal et de ses répercussions sur la communication
Dans la plupart des cas, les salariés issus de différentes entreprises font partie du même auditoire. Toutefois, il est de plus en plus fréquent, pour des raisons de confidentialité de voir les entreprises de taille importante demander à bénéficier d’une journée sur mesure à la destination de leurs seuls salariés.
C’est ainsi qu’une célèbre multinationale en a récemment convié un… dans les locaux de son siège social où étaient réunis tous les directeurs de filiales, directeurs juridiques et financiers. Au programme : deux jours de formation sur la responsabilité pénale des dirigeants et l’anticipation de la gestion de crise.
Généralement, les stagiaires sont des chefs d’entreprises. Mais on voit aussi beaucoup d’actionnaires, d’administrateurs et de directeurs juridiques. Ces derniers représentent généralement toute l’entreprise et sont chargés ensuite de répercuter l’information en interne.
Aux dires de tous les organisateurs, les participants aux stages manifestent une grande curiosité mais surtout une forte inquiétude. Ils découvrent avec stupeur l’étendue de l’interprétation que l’on peut donner à l’abus de biens sociaux. Et se disent que tous ou presque, pour des choses répréhensibles mais aussi pour des peccadilles, peuvent être un jour mis en examen et donc en subir les foudres médiatiques.
Les participants sont très inquiets pour leur image. Ils ont l’impression que dès qu’ils font quelque chose, ils peuvent se retrouver à Fleury-Mérogis. Les stagiaires sont moins inquiets de la condamnation en elle-même que des répercussions que celle-ci pourrait avoir sur leur réputation et la valorisation de leur entreprise.
Les organisateurs trouvent toutefois les stagiaires déjà relativement bien informés sur le sujet. Ils maîtrisent bien l’abus de biens sociaux lorsqu’il s’agit, par exemple, de l’emprunt d’une voiture de société ou de l’utilisation du portable à des fins personnelles. En revanche, ils sont moins bien sensibilisés à des problèmes qui touchent des questions plus complexes comme la gestion d’un groupe de sociétés sans faire d’abus de biens sociaux entre elles…
Aux dires de tous, ces formations en gestion de crise, ces stages en communication sous contrainte judiciaire deviennent désormais incontournables pour les dirigeants y compris pour préparer des scénarios de séquestration de dirigeants par exemple. La communication sous contrainte judiciaire qui est l’une des disciplines de la communication de crise fait désormais partie d’une des disciplines du management et une bonne connaissance en la matière est absolument inévitable de façon à prévenir les risques médiatiques suite à une garde à vue ou à une mise en examen.
Bien entendu, les stages se font uniquement à titre préventif. Il est évident, que les chefs d’entreprises qui seraient conscients d’avoir commis des délits n’iraient pas suivre un séminaire d’anticipation de la communication sous contrainte judiciaire mais s’empresseraient d’aller consulter en privé un cabinet d’avocats spécialisé sur la question.
Signe que la responsabilité pénale des dirigeants est un sujet qui préoccupe les chefs d’entreprises, les récentes publications de livres sur ce thème se multiplient à vue d’oeil.
Même si la lecture de tels ouvrages ne suffit malheureusement pas à éviter les démêlés avec la justice n’a-t-on pas trouvé récemment sur le bureau d’un personnage public, lors d’une perquisition à son domicile, un manuel de la garde à vue ? ceux-ci peuvent tout de même être fort utiles pour se mettre au fait de toutes les subtilités de la législation et des médias.