- Décryptage du BadBuzz Auchan – Les sacs sexistes
- Bad buzz Auchan : les sacs aux slogans sexistes retirés après la polémique
- Propagation du bad buzz : indignation sur Twitter et relais médiatique
- Réaction d’Auchan : la stratégie de communication pour calmer la polémique
- Gestion de crise : analyse des erreurs et des réussites d’Auchan
- Impact sur la réputation de l’enseigne et leçons à en tirer
Décryptage du BadBuzz Auchan – Les sacs sexistes
Florian Silnicki, Expert en stratégies de communication de crise et Président Fondateur de l’agence LaFrenchCom décrypte la stratégie marketing déployée par le groupe Auchan et déclinée sur des sacs jugés sexistes retirés des magasins.
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Bad buzz Auchan : les sacs aux slogans sexistes retirés après la polémique
Contexte : des sacs Auchan aux messages sexistes qui choquent
En août 2017, l’enseigne Auchan met en vente un sac de courses réutilisable orné d’un slogan pour le moins surprenant : « Hourra ! J’ai la carte de crédit de mon mec ! ». Le visuel adopte un style rétro, avec l’illustration d’une femme des années 1950 levant les bras de joie. Cette mise en scène humoristique se révèle très mal accueillie : le message suggère qu’une femme dépend financièrement de son compagnon, ce qui apparaît comme un stéréotype sexiste et rétrograde. Un tel « cocktail sexiste » passe d’autant plus mal aux yeux du public qu’il semble tout droit sorti d’une autre époque. En effet, beaucoup y voient l’écho d’une vision dépassée où les femmes n’ont pas leurs propres revenus – une idée jugée insultante pour les femmes en 2017.
Propagation du bad buzz : indignation sur Twitter et relais médiatique
L’indignation a commencé sur les réseaux sociaux. Le 21 août 2017, une cliente choquée poste sur Twitter la photo du sac avec la légende « Sérieusement, Auchan ? », interpellant directement la marque. Le tweet devient rapidement viral. En moins de 24 heures, il recueille plus de 1 600 retweets et des milliers de likes, accompagnés de nombreux commentaires scandalisés dénonçant un message « honteux » et « sexiste ». La vague de partage ne faiblit pas : en deux jours, le message dépasse les 5 000 retweets, témoignant de l’ampleur de la polémique. Sur Twitter, d’autres internautes s’emparent du sujet et expriment leur colère en accusant Auchan de sexisme et de misogynie.
Plusieurs tweets ironiques viennent appuyer la critique. Par exemple, une utilisatrice souligne qu’elle gagne plus que son conjoint et demande si Auchan prévoit un sac proclamant « Hourra j’ai ma carte de crédit » pour les femmes financièrement autonomes. Un autre internaute réplique avec humour que sa femme « gagne ses propres sous et n’a pas vraiment besoin de [sa] carte bancaire », pointant l’absurdité du cliché véhiculé. D’autres, moqueurs, lancent à Auchan un cinglant « Bonne année 1950 ! » pour souligner le décalage temporel du message. En quelques heures, la photo du sac est descendue en flèche sur les réseaux sociaux par une avalanche de critiques.
Le bad buzz prend une telle ampleur que les médias traditionnels s’en font l’écho dès le lendemain. Sur Twitter, le hashtag #Auchan se retrouve associé aux termes « sexisme » et « misogynie » tant l’affaire fait du bruit. La polémique attire même l’attention du gouvernement. Marlène Schiappa, alors secrétaire d’État à l’Égalité entre les femmes et les hommes, réagit publiquement en interpellant Auchan. Sur son compte Twitter, elle rappelle qu’en 1907 les femmes mariées ont obtenu le droit de disposer librement de leur salaire et déplore « juste un siècle et une décennie de retard… » dans la communication d’Auchan. Cette réaction officielle, rarissime pour ce type de sujet, propulse encore davantage l’affaire sur le devant de la scène médiatique.
Dès lors, la presse nationale et régionale relaye largement l’indignation suscitée par ces sacs. Des sites d’actualité et journaux en ligne reprennent l’histoire, citant les tweets viraux et la réaction de Marlène Schiappa. Par exemple, BFM TV diffuse l’indignation de la secrétaire d’État en soulignant le « retard d’un siècle » du message d’Auchan. Le magazine L’Express contacte Auchan dès le 22 août pour obtenir une déclaration officielle. Même la presse régionale, telle France 3 Hauts-de-France, couvre l’affaire, signe que cette polémique locale a pris une dimension nationale. En l’espace de deux jours, ce qui n’était au départ qu’un tweet isolé s’est transformé en une tempête médiatique majeure, amplifiée par la caisse de résonance des réseaux sociaux et des médias.
Réaction d’Auchan : la stratégie de communication pour calmer la polémique
Face à l’ampleur du bad buzz, Auchan réagit rapidement afin de désamorcer la crise. Moins de 24 heures après le début de la polémique, l’enseigne prend la parole publiquement. Sur Twitter, le compte officiel d’Auchan publie un message d’excuses et annonce des mesures concrètes : « Nous sommes désolés […] Les sacs ont été immédiatement retirés. ». L’enseigne nordiste confirme avoir demandé le retrait immédiat du sac incriminé dans l’ensemble de ses magasins.
En parallèle, la direction communication d’Auchan fournit des explications aux médias pour tenter de calmer les esprits. Contacté par L’Express, le groupe se dit « désolé pour la tournure qu’a pris le visuel présent sur le sac et les émotions qu’il a suscitées », notamment sur les réseaux sociaux. Auchan insiste sur le fait que « le message se voulait humoristique » et qu’il n’avait « pas anticipé » qu’il serait interprété autrement. Autrement dit, la marque admet avoir commis une erreur de jugement en pensant faire de l’humour. Dans la foulée, Auchan assure qu’elle a retiré tous les cabas concernés de la vente afin de faire cesser la controverse.
Cette stratégie de mea culpa immédiat vise clairement à éteindre l’incendie avant qu’il ne s’aggrave. En reconnaissant publiquement son erreur et en retirant le produit litigieux, Auchan cherche à montrer qu’elle prend la situation au sérieux. La communication s’est voulue humble et réactive : des excuses rapides, une prise de responsabilité (« nous n’avons pas anticipé ») et une action corrective concrète. L’objectif était de regagner la confiance du public et d’empêcher que la polémique ne s’enlise davantage.
Gestion de crise : analyse des erreurs et des réussites d’Auchan
Les erreurs commises par Auchan
Ce bad buzz met en lumière plusieurs erreurs de la part d’Auchan. La première, et sans doute la plus évidente, réside dans la validation même de ce visuel au sein de l’entreprise. Beaucoup se sont interrogés : comment un sac au message aussi problématique a-t-il pu être validé en interne ?. Il semble qu’il y ait eu un sérieux manque de vigilance et de réflexion lors du processus de création et d’approbation marketing. Miser sur une blague fondée sur un stéréotype de genre dépassé constitue une faute de communication qui aurait pu être évitée avec un minimum de bon sens et de sensibilité aux enjeux d’égalité. En 2017, l’humour basé sur la soumission financière des femmes était prévisiblemment risqué – ne pas anticiper l’interprétation sexiste d’un tel slogan, comme l’a reconnu Auchan, témoigne d’une déconnexion avec les attentes sociétales actuelles.
Dans sa réponse initiale, Auchan a également expliqué que le message se voulait humoristique, semblant suggérer que l’intention était inoffensive. Cette justification a pu être perçue par certains comme une minimisation du problème. En communication de crise, s’appuyer sur l’argument de l’humour mal compris peut être délicat : cela risque d’apparaître comme une façon de rejeter la faute sur le public qui n’aurait pas saisi la blague. Auchan s’en sort relativement bien sur ce point, car la marque a tout de même explicitement présenté ses excuses. Néanmoins, on peut estimer qu’une formulation assumant pleinement l’erreur, sans souligner l’intention humoristique initiale, aurait peut-être évité toute ambiguïté sur la prise de responsabilité.
Enfin, cette affaire a révélé une faiblesse dans la veille d’image de l’enseigne au tout début de la crise. Certes, Auchan a réagi vite, mais c’est une cliente qui a dû alerter publiquement sur Twitter pour que le problème soit porté à l’attention du groupe. Idéalement, un dispositif interne aurait pu détecter le bad buzz naissant dès les premières réactions négatives, afin de ne pas laisser la polémique enfler pendant presque une journée complète. En somme, l’erreur initiale de conception a été aggravée par un manque d’anticipation des risques réputationnels. Ces faux pas ont temporairement fait d’Auchan le symbole d’un sexisme décomplexé aux yeux de nombreux Français en colère. Le bad buzz a terni l’image de l’enseigne et constitue en soi une leçon que la marque ne sera pas près d’oublier.
Les réussites de la réponse d’Auchan
Malgré ces erreurs, Auchan a également fait preuve de bons réflexes dans sa gestion de crise, ce qui a permis de limiter les dégâts. La plus grande réussite de l’enseigne a été sa réactivité. En réagissant dès le lendemain sur Twitter et dans la presse, Auchan a coupé court à la propagation incontrôlée de la polémique. Cette promptitude – reconnaître l’erreur en moins de 24 heures – est cruciale à l’ère des réseaux sociaux. Elle a donné l’image d’une entreprise qui ne cherche pas à fuir ses responsabilités et qui prend au sérieux les retours de ses clients.
Par ailleurs, la communication d’Auchan a adopté le ton qu’il fallait : celui de l’excuse et de l’humilité. La marque a présenté des excuses claires, sans équivoque, exprimant des regrets pour l’offense causée. Surtout, Auchan a accompagné ces excuses d’actions concrètes, ce qui renforce la crédibilité de sa réponse. En annonçant immédiatement le retrait de tous les sacs litigieux, l’entreprise a montré qu’elle passait de la parole aux actes. Cet engagement tangible était essentiel pour calmer la colère des consommateurs et montrer qu’une telle erreur ne se reproduirait plus.
Autre aspect réussi : Auchan a communiqué à la fois sur le canal où la crise a éclaté (Twitter) et via les médias traditionnels. En s’adressant directement aux internautes sur le réseau social, l’enseigne a parlé là où se trouvait l’audience choquée. Et en relayant son mea culpa via des journalistes (L’Express, BFM, etc.), Auchan a touché un public plus large suivant l’affaire dans les actualités. Cette stratégie multicanale a aidé à diffuser largement le message d’excuses et à montrer patte blanche auprès du grand public.
Enfin, il faut noter qu’Auchan a su clore la crise relativement vite. Grâce à ces mesures, la polémique est retombée après quelques jours et n’a pas connu de surenchère ou de rebondissements majeurs. En quelques jours, l’enseigne est passée d’une situation explosive à une résolution acceptée par beaucoup. « Auchan fait son mea culpa », titrait-on en substance : retrait des sacs, reconnaissance de l’erreur et excuses présentées dans l’espoir de calmer le jeu. Ce plan d’action classique en gestion de crise – recognize, apologize, rectify – a globalement bien fonctionné dans ce cas, en empêchant le bad buzz de s’éterniser.
Impact sur la réputation de l’enseigne et leçons à en tirer
Conséquences pour l’image de marque d’Auchan
À court terme, ce bad buzz a indéniablement eu un impact négatif sur la réputation d’Auchan. L’enseigne s’est retrouvée associée au sexisme dans l’esprit du public pendant toute la durée de la controverse. En l’espace de quelques jours, « Auchan [était] devenu le symbole d’un sexisme décomplexé pour de nombreux Français », constate un média revenant sur l’affaire. Sur les réseaux sociaux, la marque a essuyé un flot de critiques sans précédent, et certains consommateurs, choqués, ont déclaré vouloir boycotter ses magasins. « Vous venez de perdre des clientes qui avaient LEUR propre carte de crédit », a par exemple lancé une internaute outrée, signifiant son intention de ne plus faire ses achats chez Auchan. Ce type de réaction émotionnelle montre que la confiance et la sympathie de certaines clientes envers la marque ont pu être entamées.
Toutefois, les conséquences à plus long terme sur l’image d’Auchan restent difficiles à mesurer et probablement limitées. Les bad buzz, aussi vifs soient-ils, ont souvent une durée de vie courte dans l’actualité. Une fois la polémique retombée, la plupart des clients ont vraisemblablement repris leurs habitudes, surtout après les excuses et corrections apportées par la marque. Aucune indication ne laisse penser que la fréquentation des hypermarchés Auchan ait durablement chuté suite à cet incident. L’enseigne a pu profiter de l’oubli progressif et du renouvellement de l’actualité. Néanmoins, cet épisode restera comme une tache dans l’historique de communication de la marque, régulièrement cité en exemple de dérapage marketing à ne pas reproduire. À chaque fois qu’Auchan cherchera à communiquer sur des engagements éthiques ou sociétaux, il est possible que certains se remémorent l’« affaire du sac sexiste », ce qui constitue un passif réputationnel non négligeable.
En interne, cette crise a sans doute provoqué une remise en question salutaire des processus de validation marketing. On peut imaginer qu’Auchan a renforcé ses contrôles pour éviter qu’un tel couac se reproduise. L’enseigne a publiquement affirmé avoir retenu la leçon, tirant enseignement de ce raté retentissant sur le plan de l’image.
Leçons à retenir pour Auchan et les autres entreprises
L’affaire des sacs sexistes d’Auchan offre de précieuses leçons pour d’autres entreprises susceptibles d’être confrontées à un bad buzz similaire. D’abord, elle illustre l’importance de connaître son époque et son public : une campagne humoristique basée sur des clichés désuets est vouée à l’échec en 2025, tant les consommateurs sont sensibles à l’égalité et au respect. Les marques doivent redoubler de vigilance dans la conception de leurs messages publicitaires, en évaluant systématiquement comment ceux-ci peuvent être perçus par différents segments de leur audience. Il est crucial d’avoir en interne des sensibilités diverses (parité, jeunes générations, etc.) ou de consulter des avis extérieurs pour détecter ce qui pourrait être jugé offensant. En clair, tester ses slogans et visuels avant diffusion peut éviter de gros déboires.
Ensuite, cette crise démontre qu’à l’ère des réseaux sociaux, la moindre erreur de communication peut prendre des proportions exponentielles en très peu de temps. Un simple objet anodin – ici un sac de courses – peut devenir viral et nuire gravement à l’image d’une marque si le message qu’il porte est maladroit. Comme le concluent certains analystes, « dans un monde interconnecté où la moindre erreur de communication peut virer au cauchemar viral, les marques vont devoir redoubler de vigilance », car « un simple sac plastique peut rapidement se transformer en boulet médiatique… ». La vitesse de réaction est alors déterminante : une entreprise doit surveiller activement les conversations en ligne la concernant pour détecter au plus tôt une polémique naissante, et intervenir sans tarder. Plus la réponse arrive vite – idéalement en quelques heures – plus il est possible de contenir l’incendie avant qu’il ne cause trop de dégâts.
Par ailleurs, la transparence et l’humilité constituent la meilleure parade face à un bad buzz. L’exemple d’Auchan le montre : reconnaître son erreur ouvertement, présenter des excuses sincères et prendre des mesures concrètes (retrait du produit, éventuelles actions correctives) permettent de calmer la colère et de montrer que l’on a compris la leçon. À l’inverse, nier le problème ou adopter un ton défensif ne ferait qu’attiser davantage les critiques. Il est également recommandé de communiquer sur tous les fronts appropriés : réseaux sociaux bien sûr, mais aussi communiqués de presse, interviews, etc., afin de reprendre le contrôle du récit médiatique et d’apporter sa version des faits avant que d’autres ne le fassent à votre place.
Enfin, cette affaire souligne l’intérêt pour les entreprises de cultiver en amont une image de marque positive et des valeurs fortes. Une marque perçue comme respectueuse de ses clients et engagée pour l’égalité bénéficiera d’un capital confiance qui peut atténuer l’impact d’une polémique isolée. À l’inverse, un bad buzz comme celui d’Auchan peut être plus dommageable s’il s’inscrit dans une série d’écarts de conduite, d’où la nécessité de rester cohérent et exemplaire sur la durée.
En conclusion, le bad buzz des sacs sexistes chez Auchan aura été un électrochoc pour l’enseigne, qui a dû gérer en urgence une crise d’image à l’ère numérique. Grâce à une réaction rapide et appropriée, Auchan a pu limiter la casse, mais non sans subir temporairement les foudres de l’opinion. L’épisode rappelle à toutes les entreprises que personne n’est à l’abri d’un faux pas et que la meilleure stratégie reste la prévention (via une communication responsable) combinée à une gestion de crise transparente et réactive lorsque l’erreur survient. Ce cas d’école, fortement médiatisé, aura au moins servi à faire évoluer les pratiques en interne et à sensibiliser l’ensemble du secteur aux pièges de la communication à l’heure des réseaux sociaux. Les autres enseignes seraient bien inspirées d’en tirer les enseignements avant de se risquer, elles aussi, à un bad buzz dont les conséquences peuvent être durables.