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Carlos Ghosn, désigné coupable médiatiquement ?ActualitésCarlos Ghosn, désigné coupable médiatiquement ?

Carlos Ghosn, désigné coupable médiatiquement ?

Coupable médiatique mais innocent judiciaire ? Le combat de la communication sous contrainte judiciaire.

Comme Carlos Ghosn, de nombreuses personnalités sont désormais désignées coupables par les médias avant même d’être jugées par la justice. Cette déclaration de culpabilité se faisant régulièrement sur la base d’informations à charge fournies par les services de police ou ceux de la Justice. Des médias comme Mediapart s’en étant fait une spécialité par intérêt financier et marketing.

Avocat absent lors des auditions, échanges avec la famille en japonais, jusqu’à 22 jours de garde à vue… Le patron de l’alliance Renault-Nissan-Mitsubishi arrêté lundi 19 novembre à sa descente d’avion au Japon, Carlos Ghosn, séjourne actuellement dans un centre de détention de Tokyo. La garde à vue du puissant capitaine d’industrie, soupçonné de fraude fiscale et d’avoir utilisé des fonds du groupe Nissan à des fins personnelles, a été prolongée de dix jours mercredi 21 novembre. Carlos Ghosn sera ainsi détenu jusqu’au 30 novembre au moins, dans des conditions spartiates : une cellule de détention exiguë, trois bols de riz par jour, un futon à même le sol et un peu d’eau chaude.

Face à ces situations à haut danger médiatique, une solution ? La communication sous contrainte judiciaire !

Cette situation de crise à haut danger médiatique appelait la mise en place immédiate d’une communication sous contrainte judiciaire afin de protéger l’image du groupe et de son dirigeant entravé. L’arrestation à Tokyo de Carlos Ghosn a fait l’effet d’une bombe dans le milieu automobile et sur toutes les places boursières où sont cotés les titres de la galaxie Renault-Nissan-Mitsubishi. La nouvelle de l’arrestation du PDG de Renault faisant chuter le titre de plus de 8%. Celui-ci est à son niveau du début du mois de janvier 2015. À Wall Street, le titre Nissan perdait 7% à l’ouverture des transactions.

Cette détention met aux devants de l’actualité la question de la communication sous contrainte judiciaire, pendant de la judiciairisation des affaires.

Comment faire face au tribunal médiatique par une bonne stratégie de communication sous contrainte judiciaire ?

L’histoire des crises et des scandales nous enseigne que les médias sont des accélérateurs de crises. Quand ces médias ne sont pas à la base du scandale (révélation), ils sont à l’origine d’un feuilletonnage, toujours nuisible à l’image du mis en cause. Et le traitement qui est ensuite fait de l’affaire n’est jamais innocent, car il influence l’opinion publique dans un sens donné. Enfin, les conditions précarisées de travail des journalistes, le raccourcissement du temps de traitement de l’information, la course au scoop effrénée… ne sont pas des données compatibles avec le temps long de la justice.

« Le rôle des médias dans les affaires judiciaires semble avoir récemment évolué en imposant une alternative aux mis en cause : transparence absolue, y compris au détriment du respect le plus élémentaire de la vie privée ou de l’intimité familiale ou pilori médiatique…. ces mêmes médias faisant naitre à la moindre accusation judiciaire une présomption de culpabilité. Les médias, en plaçant l’opinion publique sous la juridiction des émotions dont se nourrissent communément les idéologies populistes et extrémistes ont fait naitre un bouclier pour se protéger d’eux chez les mis en cause : c’est la communication sous contrainte judiciaire. » analyse Florian Silnicki, Expert en communication de crise et Fondateur de l’agence LaFrenchCom.

D’ailleurs, l’image que l’on a ou que l’on retient d’un personnage public comme Carlos Ghosn provient essentiellement de la façon dont la presse nous l’a présenté. Ainsi, untel sera plutôt adulé, encensé par le public parce que la presse le présente sous le plus bel angle. À contrario tel autre sera mal aimé parce que cette même presse en a souvent fait un portrait peu élogieux.

Diplômé de Polytechnique (X-Mines), ce père de quatre enfants, né au Brésil dans une famille d’origine libanaise, a débuté son parcours chez Michelin où il a gravi les échelons, jusqu’à une fonction de numéro deux. C’est en 1996 qu’il est recruté chez Renault par le patron Louis Schweitzer qui envisage d’en faire son successeur. Il a gardé des liens avec le Liban, où il a étudié chez les Jésuites et où il possède un vignoble.

Surnommé le «cost killer» («tueur de coûts»), il s’est fait une spécialité de transformer des entreprises au bord de la faillite en sociétés très rentables. Son défi actuel est de superviser la remise sur pied de Mitsubishi Motors, qui a été impliqué dans un scandale de fraude. Il est vénéré au Japon, où il est devenu héros de manga depuis qu’il a redressé Nissan après sa prise de contrôle par Renault en 1999. En France, il a parfois été accusé de privilégier les intérêts japonais ou d’avoir une gestion trop financière. Les critiques se font cependant moins fortes depuis que Renault a recommencé à créer des emplois dans le pays. Ses collaborateurs saluent son charisme et sa qualité d’écoute.

Une affaire judiciaire dans laquelle est mêlé un personnage public donne ainsi lieu à un affrontement entre la justice rendue par les tribunaux, justice qui avance très (trop) lentement, et la justice de l’opinion publique et médiatique, en dépit de la présomption d’innocence, du respect des droits de La Défense, … pourtant autant de principes cardinaux dans toute démocratie digne de ce nom.

Avec l’avènement des réseaux sociaux au début des années 2000, qui ont malgré tous les reproches qu’on peut leur faire contribué à libérer la parole, l’influence de l’opinion publique et donc du tribunal de l’opinion publique s’est accrue. L’absence de nuances aussi malheureusement… une tendance à la simplification à l’extrême étant à l’oeuvre…

« Elle est d’autant plus nuisible au présumé coupable  (médiatiquement) que cette justice de l’opinion précède la justice des tribunaux. » affirme Florian Silnicki.

Certains observateurs de la vie judiciaire se demande parfois à juste titre si cette justice médiatique n’influence pas mêmes les juges, ces sages professionnels du droit et de la justice. L’ancien président de la république Nicolas Sarkozy dénonçait récemment: l’influence néfaste du « pouvoir médiatique » sur la justice. Ce « pouvoir médiatique » qui disait-il « juge avant les juges et condamne sans procès ».

Votre nom peut aujourd’hui être traîné dans la boue avant même que vous soyez régulièrement jugé. Pis, dans bien des cas, votre honneur ne sera toujours pas lavé quand bien même vous serez plus tard blanchi par la justice. 

« Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir » disait Jean de la Fontaine dans l’une de ses fables. 

Selon un sondage récent réalisé par l’Institut IFOP pour le compte du club d’Iéna, 45% des français n’ont pas confiance en la justice de leur pays. Ce chiffre est d’autant plus inquiétant qu’il n’était que de 37% en 2008. Ce même sondage révèle que 48% des sondés estiment que la justice n’est pas indépendante que et 63% que le système judiciaire fonctionne mal. Il ressort de ce même sondage que les raisons le plus souvent évoquées et qui justifient cette aversion sont l’impunité. En effet, en 2012 par exemple, l’on recensait 3 millions d’affaires non poursuivies par la justice pénale sur 4,5 millions. Par ailleurs, la même année, 100.000 peines de prison ferme étaient toujours en attente.

La recrudescence d’affaires judiciaires impliquant des hommes et des femmes politiques comme François Fillon, Marine Le Pen, Jérôme Cahuzac, Gorges Tron ou Jean-Luc Mélenchon n’a fait qu’aggraver les clivages qui existaient depuis toujours entre le peuple et la justice. 

Mais fait surprenant pour plus d’un, il n’y a plus que le public qui invective la justice. Les hommes politiques aussi. On se souvient encore le tollé qu’avaient fait en son temps ces propos de François Hollande relatés dans « Un président ne devrait pas dire ça », un ouvrage écrit par Gérard Davey et Fabrice Lhomme, deux journalistes du Monde: « Cette institution, qui est une institution de lâcheté… Parce que c’est quand même ça, tous ces procureurs, tous ces hauts magistrats, on se planque, on joue les vertueux… On n’aime pas le politique ». On pourrait enfin citer dans ce même registre ces propos de Nicolas Sarkozy qui en octobre 2007, invité dans l’émission  » Vivement Dimanche » de France 2 comparait les juges à de « petits pois ».

Communication sous contrainte judiciaire: comment faire face aux fuites des services de Police, au parquet médiatique et au tribunal de l’opinion publique ? Comment communiquer sur son innocence ? Comment surmonter les accusations publiques de la justice ?

Comme c’est le cas pour les entreprises, les personnalités publiques aussi sont l’objet des affres de l’opinion publique lors des périodes de crises telles que les feuillons judiciaires par exemple. Ces périodes troubles sont le lieu de bulles médiatiques déversant toutes sortes de rumeurs et d’informations négatives sur l’individu mettant en danger son image et sa réputation. 

« La question n’est plus de savoir si une personnalité aura à subir une épreuve judiciaire ou une rumeur. La question est de savoir quand… et donc de l’anticiper pour se protéger le plus efficacement possible ! » déclare Florian Silnicki, Expert en communication de crise et Fondateur de l’agence LaFrenchCom.

Il est particulièrement difficile de prévoir une rumeur mais heureusement plusieurs techniques sont utilisées pour ne pas la subir, voire même la retourner à son avantage. Parmi ces stratégies de communication de crise :

  • le démenti: il consiste à réfuter catégoriquement tous les arguments de la rumeur. C’est une posture défensive;
  • l’aveu: ici l’individu sans toutefois reconnaitre explicitement les faits reprochés, y reconnait tout de même une « part de vérité ». Il pourra jouer ensuite la carte de la mauvaise foi de ceux qui l’accablent, voire de la victimisation pour amplifier la part de faux;
  • le dépositionnement: ici l’on nomme autrement la rumeur d’un thème plus aggravant et moins crédible;
  • la force explicative: elle consiste à descendre un à un les arguments soutenant la rumeur de sorte à la décrédibiliser;
  • la récupération: c’est la technique la plus courante. Elle consiste à désigner un bouc émissaire en lui attribuant la rumeur;
  • le silence: cette technique consiste tout simplement à ignorer la rumeur afin de ne pas l’amplifier;
  • l’ironie: ici on dénigre la rumeur révélant ainsi son caractère peu sérieux;

Examinons à présent quelques cas pratiques qui ont récemment défrayé la chronique.

L’affaire Tarik Ramadan : la chute d’une icône ?

Il est évident qu’à notre époque, celle de l’ère d’une émancipation de la femme et de la reconnaissance (enfin) de tous les droits qui lui sont à juste titre dus, être accusé par une femme de viol ou d’agressions sexuelles, est la garantie de se faire lynché par tous. Alors que dire lorsque l’on est accusé de telles ignominies par trois femmes! Beaucoup, même après avoir été blanchis n’ont jamais retrouvé leur aura d’antan. MeToo et BalanceTonPorc ont aussi servi de support à des accusations injustes et diffamatoires.

Tariq Ramandan, cet universitaire suisse, personnalité publique de surcroit fut libéré sous conditions après avoir passé un séjour carcéral de 9 mois. Il était accusé par trois femmes Henda Ayari, Mounia Rabbouj et Paule-Emma de faits d’agressions sexuelles aggravées de viols.

Le battage médiatique qui s’en suivit ne fut évidemment pas comme il est souvent le cas dans ces situations en sa faveur. Sa défense assurée par un pénaliste parisien réputé, l’avocat Maitre Emmanuel Marsigny opta dès le départ pour la stratégie de l’aveu partiel. En effet, le présumé innocent réfutait les accusations de viols mais reconnaissait tout de même des « rapports consentis ». Version qui fut corroborée par des messages retrouvés par les enquêteurs dans le portable de sa première accusatrice, Henda Ayari. Ce feuilleton judiciaire qui donna lieu à toutes sortes d’intrigues et de ruses tactiques de la défense, connu son épilogue le vendredi 16 novembre jour de sa libération.

L’affaire Carlos Ghosn: la chute d’un puissant ?

Certes, l’élite politique comme l’élite économique a trop souvent ces dernières années défrayé la chronique avec des « affaires » qui ont lassé les électeurs. L’un des cas encore frais dans l’inconscient collectif est celui de Jérôme Cahuzac alors ministre français du budget, notamment en charge de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale et qui fut démis de ses fonctions suite aux révélations d’un compte qu’il détenait dans un paradis fiscal. Mais comme toujours, dans cette nouvelle « affaire » Carlos Ghosn, on a tôt fait d’oublier le principe de présomption d’innocence.

Carlos Ghosn, du nom de ce Franco-libano- brésilien, PDG de Renault-Nissan est de ceux qu’une certaine presse aime bien qualifier d’oligarque. Le lundi 19 novembre l’on apprenait qu’il fut arrêté au Japon à bord de son jet privé pour des faits d’abus de biens sociaux. La presse ne se fit pas prier pour faire de cette nouvelle « affaire » son chou gras. Ce même lundi l’on pouvait lire dans certains médias des titres comme: « Carlos Ghosn: la fin d’un mythe » ou encore « Le Japon met fin à l’impunité de Carlos Ghosn ». D’autres médias pour enfoncer le clou révélèrent son salaire annuel de 16 millions d’euros soit  » 850 fois le SMIC ». Toute chose qui qui est de nature à réveiller la colère du « peuple » surtout un contexte médiatique dominé par les « Gilets jaunes ».

La chute d’un puissant est en effet généralement saluée par le « peuple ». L’on se souvient encore de certains cas célèbres dont celui de Pierre Suard, PDG de Alcatel-Alsthom en 1993, de Jay Y. Lee Samsung ou plus récemment celui de Martin Winterkorn, PDG de Volkswagen emporté par le scandale du logiciel truqué sur les émissions polluantes. Les réseaux sociaux servant ici de catalyseur des haines et des attaques les plus violentes.

En effet, les feuilletons judiciaires sont toujours envenimés par des révélations orchestrées par les médias, violant des principes juridiques basiques tels que la présomption d’innocence, mais plus grave, le secret d’instruction. Il serait cependant presque injuste de jeter uniquement l’opprobre sur la presse sans pour autant condamner leur source qui souvent se trouve être l’avocat de l’une des parties, la police ou la justice… Aussi, condamner la presse serait (presque) violer un autre principe cher à toute démocratie qui est la liberté de presse.

Seulement, ces fuites répétées sont des dérives graves qui entachent encore trop souvent et pour toujours l’image et la réputation de personnes ensuite blanchies par la justice républicaine mais à jamais soupçonnées par l’opinion publique.

Heureusement, il existe aujourd’hui des techniques désignées sous le nom de communication sous contrainte judiciaire, pour limiter les effets nocifs de cette vindicte populaire. Aux côtés des ténors du barreau, comment protéger l’image, la réputation et l’honneur d’un justiciable pas comme les autres, pris dans la fournaise judiciaire et l’irruption d’Internet comme source d’information continue ?

La communication sous contrainte judiciaire c’est savoir élaborer des séquences de communication de crise « on » et « off » avec les chroniqueurs judiciaires, de savamment les doser, de maitriser les risques de surmédiatisation d’un avocat au détriment de son client, et de gérer le temps en marge des procès, le temps médiatique et digital étant très différent du temps judiciaire. Veiller, protéger, influencer face à l’opinion, aux réseaux sociaux et à la justice : c’est tout l’art de cette nouvelle forme de communication dans et autour des prétoires : la communication sous contrainte judiciaire.