- L’infotainment, un levier de communication pour le Premier Ministre
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- L’infotainment : un levier de communication politique pour les Premiers ministres
- Pourquoi les Premiers ministres s’emparent de l’info-divertissement
- Des Premiers ministres en mode spectacle : exemples marquants
- Avantages et limites : entre proximité citoyenne et risques de dépolitisation
- Quel impact sur le débat démocratique ?
- L’ère de l’infotainment et la métamorphose de la communication politique
L’infotainment, un levier de communication pour le Premier Ministre
L’infotainment, un outil pour Manuel Valls pour reconquérir l’opinion publique
L’expert en communication Florian Silnicki, à la tête de l’agence LaFrenchCom interrogé par Le Monde que le Premier Ministre tente de créer un lien avec le public en mettant en avant des traits de caractère. L’infotainment peut être un atout afin de renouer avec l’opinion publique qui échappe de plus en plus au locataire de l’Elysée comme à l’équipe en place. Ce format d’émission obéit à des règles propres.
Une communication politique plus directe et authentique
« Pour séduire les téléspectateurs qui sont des électeurs potentiels, le Premier Ministre doit sortir des sentiers battus de la communication politique et faire comprendre aux Français en quoi il est l’homme de la situation, sans langue de bois. Il faut rendre accessible le discours politique afin que les Français y adhèrent. Les Français rejettent aujourd’hui massivement les vieux codes de la langue de bois, de l’absence de réponses claires aux questions posées par les journalistes, etc… Enfin, la présence du public et d’autres invités appréciés des Français constituent des atouts dans une stratégie contemporaine de communication politique » détaille Florian Silnicki, Expert en stratégie de communication.
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L’infotainment : un levier de communication politique pour les Premiers ministres
Définition de l’infotainment et spécificités de l’outil politique
Le terme infotainment (ou info-divertissement) désigne le mélange des genres entre information et divertissement dans le traitement médiatique. Concrètement, il s’agit de présenter des contenus sérieux (actualité, politique) sur un ton ludique ou dans des formats empruntés au spectacle – par exemple des talk-shows, des sketches humoristiques ou des émissions de téléréalité impliquant des personnalités politiques. Né dans les années 1980 et rapidement entré dans les mœurs audiovisuelles aux États-Unis, le phénomène a mis plus de temps à s’imposer en Europe continentale. En France notamment, il a longtemps suscité des réticences, même s’il est aujourd’hui banalisé. Les émissions de talk-show sont devenues « un passage obligé pour les politiques », observe ainsi l’ancienne ministre Roselyne Bachelot. Autrement dit, la présence d’un responsable gouvernemental sur un plateau de divertissement choque de moins en moins – elle est même attendue de la part d’un communicant avisé.
En tant qu’outil de communication politique, l’infotainment a ses codes propres. Le format privilégie la personnalité du dirigeant autant, sinon plus, que son programme. L’homme ou la femme politique y soigne son ethos (son image de marque personnelle) dans un contexte plus décontracté qu’un discours officiel. Des études ont montré qu’à la télévision de divertissement, les acteurs politiques adoptent une stratégie de présentation de soi axée sur l’autopromotion et la recherche des “bonnes grâces” du public. Ils n’hésitent pas à livrer des anecdotes personnelles, à montrer de l’humour ou de l’émotion, autant de choses rarement vues lors de débats parlementaires. Bien sûr, cela n’empêche pas ces invités d’aborder le fond : même sur un plateau léger, ils cherchent souvent à faire passer leurs messages et promouvoir l’agenda de leur parti. Néanmoins, le ton et la mise en scène transforment la communication politique classique en véritable spectacle, où la forme importera presque autant que le fond.
Pourquoi les Premiers ministres s’emparent de l’info-divertissement
Si de plus en plus de Premiers ministres – et de responsables politiques en général – investissent le registre de l’infotainment, c’est d’abord pour s’adapter à l’évolution du public. Dans de nombreuses démocraties, on constate une désaffection du public pour la politique traditionnelle: taux d’abstention en hausse, méfiance envers les discours officiels, saturation envers la « langue de bois ». Pour séduire l’opinion publique dans ce contexte, les dirigeants cherchent donc de nouvelles scènes d’expression. L’apparition sur un talk-show populaire ou dans une émission grand public permet de toucher des citoyens qui ne s’informent pas via les canaux politiques classiques. En effet, le public typique de ces programmes de divertissement est souvent moins politisé, plus jeune et peu réceptif aux médias d’information traditionnels. Comme le note un expert en communication politique, « si un candidat veut enthousiasmer des gens qui normalement ne votent pas, aller au-delà de Meet the Press n’est probablement pas une mauvaise idée ». Autrement dit, l’infotainment ouvre aux responsables un accès à des segments de l’électorat qu’ils peinent sinon à atteindre.
Un autre atout majeur de l’infotainment est qu’il humanise l’image des dirigeants. La personnalisation de la vie politique n’est pas neuve : dès les années 1980, les conseillers en communication de Margaret Thatcher l’incitaient à participer à des émissions de divertissement pour adoucir son image de « Dame de fer » jugée trop froide. De même, nombre de leaders au style jugé distant ou technocratique voient dans ces apparitions une occasion de montrer une facette plus accessible de leur personnalité. En se prêtant au jeu du divertissement, un Premier ministre peut apparaître plus proche des citoyens, quitte à rire de lui-même, à parler de sa vie privée ou à montrer un talent caché. Cette stratégie de “peopolisation” (people-isation de la politique) vise à créer de la sympathie et de la confiance. Elle s’inscrit dans une logique de campagne permanente : même hors période électorale, soigner son capital de popularité est crucial. À l’ère des réseaux sociaux, un bon mot ou une séquence insolite lors d’une émission de divertissement peuvent devenir viraux et offrir au responsable politique un surcroît de visibilité positive. Il n’est donc pas étonnant que les communicants encouragent leurs leaders à « sortir du cadre » pour dépoussiérer leur image. Comme le résume le présentateur Thierry Ardisson, lorsqu’un homme politique accepte l’invitation d’un programme de pur divertissement, il s’agit le plus souvent d’une véritable opération de communication orchestrée en ce sens.
Des Premiers ministres en mode spectacle : exemples marquants
Plusieurs Premiers ministres ont, ces dernières années, illustré cette tendance en utilisant l’infotainment pour soigner leur popularité ou reconquérir une partie de l’électorat déçu.
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Manuel Valls (France) – Lorsque qu’il était chef du gouvernement, Manuel Valls a créé l’événement en se rendant, le 16 janvier 2016, sur le plateau de l’émission de talk-show On n’est pas couché de Laurent Ruquier. C’était la première fois qu’un Premier ministre en exercice acceptait de passer près de deux heures dans ce cadre plutôt iconoclaste pour un politique. Pendant l’émission, Valls a alterné défense de son bilan gouvernemental et échanges plus personnels avec les chroniqueurs, le tout dans une atmosphère bien plus décontractée qu’une interview politique classique. L’opération a fait grand bruit jusque dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, certains députés s’en formalisant. Pourtant, du point de vue de la communication de Valls, ce fut un succès d’audience notable : 2,1 millions de téléspectateurs étaient au rendez-vous, offrant à ONPC sa meilleure audience de la saison. Valls s’est félicité d’avoir touché grâce à cette tribune “des citoyens qui ne voient la politique qu’à travers cette émission”. En d’autres termes, il a pu s’adresser à un public nouveau, moins politisé, dans l’espoir de renouer le dialogue avec des Français qui ne l’écoutaient plus forcément via les canaux traditionnels.
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Boris Johnson (Royaume-Uni) – Bien avant d’accéder au 10 Downing Street, Boris Johnson avait compris l’intérêt de mêler politique et humour. Dès la fin des années 1990, alors qu’il n’était encore qu’un jeune élu, il s’est fait connaître du grand public britannique en multipliant les apparitions truculentes dans l’émission satirique Have I Got News For You sur la BBC. Ces passages télévisés, où son allure échevelée et ses gaffes calculées faisaient mouche, lui ont valu une notoriété nationale immédiate. Loin de nuire à sa crédibilité, cette image de politicien atypique et divertissant a séduit une partie de l’électorat. Johnson a ainsi construit un capital sympathie qui l’a aidé tout au long de sa carrière politique, de maire de Londres à Premier ministre. Une fois à la tête du gouvernement, il a continué à jouer de son personnage médiatique volontiers amuseur – on se souvient de lui coinçant sur une tyrolienne avec deux petits drapeaux britanniques à la main, scène cocasse largement diffusée – pour entretenir sa proximité avec le « Britannique moyen ». Ce style volontiers showman lui a permis de faire passer des messages politiques complexes (comme le Brexit) sous un jour plus attrayant, en capitalisant sur sa personnalité de “performer” que les médias adorent couvrir.
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Justin Trudeau (Canada) – À l’ère du numérique, certains dirigeants vont jusqu’à devenir de véritables personnalités pop. Le Premier ministre canadien Justin Trudeau a ainsi bâti une partie de sa popularité sur une communication très axée sur l’image et la connivence avec la culture populaire. Jeune, décontracté et présent sur les réseaux sociaux, Trudeau n’hésite pas à participer à des émissions de divertissement anglophones prisées du grand public, ni à multiplier les apparitions spontanées qui feront le buzz (on l’a vu par exemple faire un numéro de yoga sur un plateau télé, ou se déguiser lors d’événements culturels). Ce positionnement lui permet de toucher un public au-delà des seuls suiveurs de la politique canadienne, notamment aux États-Unis où il a été invité dans des late shows. Sa maîtrise de l’infotainment lui sert à humaniser son rôle de Premier ministre – en se montrant père de famille aimant, fan de comics ou professeur dans l’âme, il suscite l’empathie – tout en véhiculant les valeurs progressistes qu’il défend. Cette stratégie comporte des risques (chaque faux-pas “people” peut provoquer des moqueries, comme son voyage en Inde surjoué qui a été critiqué), mais elle a sans doute contribué à forger l’image d’ouverture et de modernité qui a séduit une partie de l’électorat canadien en 2015.
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Narendra Modi (Inde) – L’usage de l’info-divertissement n’est pas l’apanage des dirigeants occidentaux. Un exemple marquant est celui du Premier ministre indien Narendra Modi, qui a choisi en 2019 de participer à une émission d’aventure en pleine nature aux côtés de la star britannique de la survie, Bear Grylls. Ce programme spécial, diffusé sur Discovery Channel, a suivi Modi et Grylls dans la jungle du parc national Jim Corbett, alternant conversations sur la protection de l’environnement et scènes de trek en plein air. Pour Modi, l’objectif était de montrer une facette personnelle et engagée – celle d’un homme simple, courageux et concerné par l’écologie – loin de la politique politicienne. L’impact médiatique a été immense : l’épisode a réalisé un record d’audience historique pour la chaîne, avec 3,69 millions d’impressions lors de la première diffusion et 6,1 millions de téléspectateurs, du jamais-vu dans le genre infotainment. En s’exposant ainsi dans un contexte de divertissement éducatif, Modi a non seulement bénéficié d’une visibilité exceptionnelle, mais il a également pu renforcer son lien émotionnel avec une partie de la population, séduite de le voir hors de son costume de Premier ministre. Cet exemple illustre jusqu’où la logique de communication spectacle peut aller : investir des formats atypiques pour élargir son audience et travailler son image de marque personnelle.
Avantages et limites : entre proximité citoyenne et risques de dépolitisation
L’attrait de l’infotainment comme stratégie de communication politique tient à ses avantages évidents. D’une part, il permet de rapprocher le dirigeant des citoyens en cassant le mur protocolaire qui les sépare habituellement. Voir un Premier ministre plaisanter à la télévision ou partager un moment de vie rend la fonction plus accessible, moins intimidante. Cette proximité nouvelle peut favoriser une meilleure réception du message politique : un responsable perçu comme sympathique et « normal » aura plus de chances de convaincre ou du moins d’être écouté. D’autre part, le divertissement peut servir de porte d’entrée vers des sujets sérieux. Présentés de manière pédagogique et moins formelle, certains enjeux complexes peuvent être compris par un plus large public. Par exemple, un leader interrogé avec humour sur le plateau d’un late show pourra expliquer une réforme ou une politique publique en des termes simples, là où une conférence de presse classique n’aurait touché que les initiés. Selon Guillaume Erner, bien que décrié, l’infotainment « peut jouer un rôle pédagogique » dans la société. Dans le meilleur des cas, ce mélange des genres redonne de l’intérêt pour la chose publique à des citoyens initialement indifférents : on a pu observer que ce type d’apparition médiatique, en rendant un candidat plus mémorable et attachant, était susceptible de remobiliser des abstentionnistes ou des jeunes lors d’échéances électorales. En somme, sur le plan de la communication pure, l’infotainment est un puissant levier pour créer de la connivence avec l’opinion et élargir son audience au-delà du cercle des convaincus.
Cependant, cette stratégie n’est pas sans limites ni dérives potentielles. Le principal écueil pointé par ses détracteurs est le risque de dépolitisation du discours. À force de vouloir rendre la politique « fun » et digeste, on craint de la vider de sa substance. Le danger est que la forme l’emporte sur le fond : les analyses nuancées et les débats de fond peinent à trouver leur place dans ces formats courts et rythmés par le show. Comme le souligne le sociologue François Jost, « l’infotainment remplace petit à petit l’information sérieuse et contribue, une nouvelle fois, au discrédit de la vie politique ». Autrement dit, plus les responsables passent de temps à faire le spectacle, plus ils risquent d’affaiblir la perception du sérieux et de la crédibilité de l’action publique. Guillaume Erner abonde en ce sens en dénonçant l’introduction de “l’actualité divertissante” au sein de l’actualité importante : selon lui, convier des célébrités ou multiplier les artifices médiatiques autour de grandes causes relève du « faux militantisme » et « contribue à dépolitiser des questions très politiques ». Le public, amusé ou ému sur le moment, risque de rester en surface des sujets, sans en appréhender la complexité ni les enjeux réels. L’infotainment peut donc donner l’illusion de s’intéresser à un problème (climat, santé, économie…) alors que l’attention se focalise sur la personnalité du leader ou la mise en scène, plus que sur le problème lui-même.
Un autre revers de la médaille tient à la crédibilité et à l’image du responsable politique. À trop vouloir divertir, un Premier ministre peut être accusé de ne pas respecter la gravité de sa fonction. La frontière est ténue entre un dirigeant moderne, à l’aise dans la société du spectacle, et un “clown” médiatique qui ne serait plus pris au sérieux. Une communication trop axée sur l’anecdote ou l’émotion peut aussi se retourner contre un leader en cas de crise grave, le public attendant alors de lui de la hauteur et du sang-froid plutôt que des bons mots. De plus, l’authenticité de ces démarches est souvent questionnée. Les citoyens ne sont pas dupes que ces apparitions relèvent de la stratégie, voire de la mise en scène calculée. Roselyne Bachelot notait que les politiques s’y plient rarement par plaisir, et nombre d’observateurs y voient des coups de communication artificiels. Ainsi, un excès d’infotainment pourrait accentuer le cynisme ambiant vis-à-vis des élus, le public ayant le sentiment d’être manipulé par des opérations de charme scénarisées. Cet équilibre délicat entre proximité et présidentialité (ou entre sympathie et sérieux) est un fil sur lequel les communicants avancent prudemment. Ils savent qu’une blague mal dosée ou une apparition mal préparée peuvent générer un bad buzz aussi vite qu’elles avaient suscité de l’adhésion.
Quel impact sur le débat démocratique ?
La généralisation de l’infotainment dans la communication des dirigeants pose une question de fond : quelles sont les conséquences de cette tendance sur la qualité du débat démocratique ? Le risque pointé par plusieurs analystes est celui d’une dérive vers la démocratie du spectacle, où la politique se réduirait à un concours de popularité et d’habileté médiatique. Si les idées et les programmes s’effacent derrière les coups de communication, le débat public y perd en clarté et en profondeur. On peut craindre une forme de nivellement par le bas du discours public, où seules les petites phrases, les images choc et les traits d’humour subsistent dans l’espace médiatique, au détriment de l’analyse des projets et des visions à long terme. Dans un talk-show, un dirigeant aura tendance à éviter les sujets trop complexes ou clivants, pour ne pas plomber l’ambiance – ce qui peut conduire à édulcorer le discours politique et à esquiver les vraies confrontations d’idées. Sur le long terme, si l’essentiel de la communication politique passe par ces canaux, les citoyens pourraient avoir du mal à distinguer ce qui relève de l’information objective, du divertissement ou de la propagande, ce qui brouille les repères indispensables à un débat public éclairé.
Toutefois, il convient de nuancer le tableau. D’aucuns soulignent que l’infotainment n’est qu’un reflet des évolutions de la société et des médias, et que la démocratie sait s’adapter. Après tout, toucher un plus large public et stimuler l’intérêt pour la politique peut aussi avoir des effets positifs sur la participation citoyenne. Le vrai défi consiste alors à trouver un équilibre sain. Il importe que l’info-divertissement reste un complément aux formats de discussion plus approfondis, et non un substitut exclusif. Autrement dit, voir un Premier ministre danser ou raconter sa jeunesse à la télévision n’empêche pas qu’on puisse le retrouver le lendemain dans un débat contradictoire détaillant son programme. C’est lorsque le show se fait au détriment du fond que le débat démocratique s’appauvrit. Aux médias, aux communicants et aux responsables politiques de veiller à ne pas franchir cette ligne rouge. Le pluralisme d’expression et le temps long du débat d’idées doivent continuer à exister parallèlement aux nouvelles formes de communication plus ludiques.
Enfin, l’ère des médias numériques rebat encore les cartes. Les réseaux sociaux, YouTube ou TikTok encouragent une communication politique toujours plus instantanée, visuelle et émotionnelle – on l’a vu avec des leaders investissant des formats de vidéo courtes, des live informels, voire des mèmes. Cette évolution amplifie l’aspect infotainment de la politique contemporaine. Chacun peut diffuser ses propres contenus divertissants sans passer par les filtres des médias traditionnels. Cela ouvre de nouvelles opportunités pour informer différemment et mobiliser les jeunes générations, mais cela comporte aussi le risque d’une surenchère permanente du spectaculaire dans la compétition politique. Le débat démocratique devra ainsi trouver sa place dans cet univers médiatique en mutation rapide, sous peine de voir la rationalité et la délibération s’effacer devant l’émotion et le branding personnel.
L’ère de l’infotainment et la métamorphose de la communication politique
L’essor de l’infotainment comme levier de communication pour les Premiers ministres traduit une transformation profonde de la vie politique à l’âge médiatique. Désormais, gouverner ne suffit plus : il faut aussi savoir se raconter et mettre en scène son action pour capter l’attention d’un public volatile. Cette évolution a permis aux leaders d’explorer de nouvelles façons de dialoguer avec les citoyens, en investissant leurs loisirs et leurs écrans avec un visage plus humain. Elle a contribué à dépoussiérer l’image des dirigeants, à élargir les audiences et parfois à reconnecter une partie de l’électorat avec la sphère publique. Sur ce plan, l’infotainment s’est imposé comme un outil efficace, voire indispensable, de la panoplie communicationnelle des responsables contemporains.
Pour autant, cet âge de la politique-spectacle s’accompagne de défis majeurs. Comment conserver la substance du débat démocratique lorsque la forme ludique prend tant de place ? Comment maintenir la confiance du public sans tomber dans le cynisme ou la frivolité ? Ces questions restent ouvertes. Les avantages de l’infotainment – proximité, pédagogie, impact médiatique – doivent sans cesse être pesés face à ses écueils – simplification à outrance, personnalisation excessive, possible désengagement citoyen sur le fond. Les professionnels de la communication et les responsables politiques sont ainsi appelés à une réflexion éthique sur leurs pratiques : il en va de la qualité de notre vie démocratique.
En fin de compte, la communication politique à l’ère numérique sera probablement condamnée à réinventer en permanence son équilibre entre information et divertissement. L’infotainment n’est ni un bienfait absolu, ni un mal irréversible : c’est un outil, à utiliser avec mesure et intelligence. Employé judicieusement, il peut redonner de la vitalité au lien entre gouvernants et gouvernés. Poussé à l’excès, il pourrait contribuer à vider la politique de sa substance. Entre ces deux extrêmes, une voie existe pour que la politique reste à la fois attractive et signifiante – un enjeu crucial pour l’avenir du débat démocratique.