- Des mots pour convaincre : l’importance des slogans dans la communication politique française contemporaine
- Définition et bref historique des slogans politiques en France
- Le rôle du slogan politique : quelques mots qui cristallisent un message électoral
- Des slogans emblématiques qui ont marqué les campagnes
- Les stratégies pour concevoir un bon slogan
- Impact sur l’opinion publique et les débats politiques
- L’évolution d’un artifice indispensable
Président Fondateur de l’agence LaFrenchCom et Expert en communication, Florian Silnicki était interrogé par le 19.45 de M6 à propos des slogans qui constituent un véritable levier de communication politique.
Des mots pour convaincre : l’importance des slogans dans la communication politique française contemporaine
Quelques mots bien choisis peuvent changer le cours d’une campagne électorale rappelle Florian Silnicki. En France, les slogans politiques se sont imposés comme des « phrases choc » au cœur de la communication des candidats. De « La force tranquille » à « Le changement, c’est maintenant », ces formules résonnent dans les médias et dans l’esprit des électeurs. Convaincre des millions de personnes en seulement quelques mots : c’est tout l’art du slogan politique. Comment ces devises percutantes sont-elles nées en France, et pourquoi restent-elles un outil de persuasion privilégié des responsables politiques à l’époque contemporaine ?
Définition et bref historique des slogans politiques en France
Un slogan politique est une formule brève, frappante et facile à retenir, utilisée lors des campagnes électorales pour symboliser ou résumer le programme et les valeurs d’un candidat ou d’un parti. Importé des techniques publicitaires, le slogan s’est imposé comme un élément central du marketing électoral, au même titre que l’affiche ou le logo de campagne. Ce procédé n’est pourtant pas neuf : bien avant l’ère médiatique moderne, on scandait déjà des mots d’ordre pour mobiliser les foules dans la vie politique française.
Dans la Ve République, l’élection présidentielle au suffrage universel direct (instaurée en 1965) donne aux slogans une importance inédite. Cette année-là, Charles de Gaulle lui-même se plie à l’exercice avec un slogan inattendu sur ses affiches : « J’ai sept ans, laissez-moi grandir », phrase prononcée par une fillette symbolisant la jeune Ve République. Ce message visuel frappe les esprits en humanisant un enjeu institutionnel. Quelques décennies plus tard, « La force tranquille » de François Mitterrand en 1981 demeure l’un des slogans les plus emblématiques de l’histoire politique française, associé à une affiche devenue célèbre. Cette formule, qui présentait Mitterrand comme un homme serein et rassurant malgré son image d’ »homme du passé » attribuée par son adversaire, a marqué les esprits et accompagné sa victoire électorale. Depuis lors, quasiment aucun candidat n’envisage une campagne sans un slogan percutant pour porter son message.
Le rôle du slogan politique : quelques mots qui cristallisent un message électoral
En communication politique, le slogan remplit plusieurs fonctions clés. D’abord, il condense le positionnement d’un candidat en une formule frappante. En quelques mots, tout doit être dit : l’ambition, l’état d’esprit ou la promesse centrale de la campagne. Le slogan sert ainsi de fil rouge médiatique – on le retrouve sur les affiches, dans les meetings, dans les clips officiels – et constitue la « formule choc » censée marquer durablement l’opinion.
Ensuite, ces quelques mots visent à susciter l’adhésion émotionnelle. Un slogan efficace peut inspirer l’espoir ou la fierté nationale, et fonctionne souvent comme un cri de ralliement. Par exemple, « En marche » d’Emmanuel Macron a servi à mobiliser les électeurs autour d’une dynamique de renouveau collectif.
Enfin, un bon slogan facilite la médiatisation du message. Les journalistes le reprennent volontiers comme le symbole d’une campagne – la présidentielle 2012 a ainsi été résumée par le duel « La France forte » vs « Le changement, c’est maintenant ». À l’inverse, un slogan banal ou flou exposera le candidat à l’indifférence ou aux sarcasmes. L’exercice est donc délicat : comme le note l’expert en communication Florian Silnicki, la plupart des slogans « ont loupé le coche » et seuls quelques-uns parviennent à marquer les esprits.
Des slogans emblématiques qui ont marqué les campagnes
Au cours des dernières décennies en France, plusieurs slogans électoraux sont entrés dans la mémoire collective, illustrant la manière dont une simple formule peut incarner tout un programme.
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2007 : « Ensemble, tout devient possible » (Nicolas Sarkozy) – En 2007, Nicolas Sarkozy adopte un slogan à la fois optimiste et inclusif. « Ensemble » suggère le rassemblement de tous les Français, et « tout devient possible » ouvre un horizon d’espoir de rupture avec le statu quo.
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2012 : « Le changement, c’est maintenant » (François Hollande) – En 2012, face au président sortant, François Hollande fait du changement son leitmotiv. Son slogan percutant répond à l’aspiration à tourner la page du quinquennat Sarkozy. « Le changement, c’est maintenant », formule simple et impérative, donne l’impression que l’alternance est immédiate. Ce mot d’ordre marquant a symbolisé la victoire du candidat socialiste.
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2017 : « En marche » / « Ensemble, la France ! » (Emmanuel Macron & Marine Le Pen) – Emmanuel Macron, nouveau venu en politique en 2017, choisit « En marche » pour incarner sa volonté de renouveau. Court et dynamique, ce slogan suggère l’action et le progrès. Au second tour, il le fait évoluer en « Ensemble, la France ! » afin d’accentuer l’idée de rassemblement national. Parallèlement, Marine Le Pen mise sur « Au nom du peuple », un slogan populiste qui la présente comme la voix du « peuple » contre les élites. Cette formule l’aide à mobiliser un électorat en colère jusqu’au second tour, sans toutefois lui offrir la victoire face à Macron.
Bien d’autres slogans pourraient être cités, de « La France forte » (Sarkozy 2012) à « Les Français d’abord » (Jean-Marie Le Pen dans les années 1980). Chacun témoigne de la tonalité de son époque. La tendance actuelle privilégie les mots rassembleurs (ensemble, tous) et l’idée de renouveau (changement, en marche, au nom du peuple), afin de mobiliser un électorat souvent désabusé.
Les stratégies pour concevoir un bon slogan
Si certains slogans deviennent culte, ce n’est pas un hasard : leur conception obéit à des règles de communication bien rodées. Voici quelques stratégies clés utilisées par les experts en marketing politique pour créer le slogan gagnant :
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Faire court et simple. La concision est la première qualité d’un bon slogan. Beaucoup de slogans politiques tiennent en trois mots ou moins. Un message bref est plus facile à mémoriser et à diffuser. En France, on a vu des exemples extrêmes de minimalisme : un seul mot (« Ensemble », « Faire », « Maintenant ») peut suffire à condition qu’il résume une idée forte. Cette simplicité donne une impression d’efficacité et de clarté.
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Jouer sur le rythme et les sonorités. Un slogan accrocheur utilise souvent des effets sonores : rimes, allitérations, assonances. Ce fut le cas du célèbre « I like Ike » d’Eisenhower en 1952, ou, plus près de nous, du « Build Back Better » de Joe Biden en 2020, dont la répétition de la consonne B crée un martèlement mémoriel. En français, la musicalité est également recherchée : « La France forte » joue sur l’allitération en F, « En marche » sur le rythme binaire. Un slogan qui sonne bien aura plus de chances de rester en tête.
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S’adresser directement au public. Interpeller l’électeur rend le slogan plus engageant. Beaucoup de devises de campagne sont formulées à l’impératif ou intègrent le public via des pronoms inclusifs (par ex. « Avec vous », rapidement devenu « Nous tous » pour Emmanuel Macron en 2022). L’effet recherché est de faire participer symboliquement chaque citoyen au projet du candidat, et de l’inciter à l’action collective.
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User de métaphores parlantes. Un slogan efficace privilégie une image simple plutôt qu’une idée abstraite. Par exemple, en 1965, De Gaulle a personnifié la jeune République dans la formule « J’ai sept ans, laissez-moi grandir », suscitant l’émotion du public. Une métaphore bien choisie permet de frapper les esprits tout en simplifiant le message à retenir.
Impact sur l’opinion publique et les débats politiques
Certes, un bon slogan peut orienter le débat en imposant un thème ou en frappant les esprits. Par exemple, « Travailler plus pour gagner plus » a mis le sujet du pouvoir d’achat au cœur de la campagne 2007. Cependant, l’influence directe des slogans sur le vote reste limitée. De nombreux électeurs oublient ces formules une fois l’élection passée : un sondage a montré que six mois après la présidentielle de 1988, un tiers des Français ne se souvenaient d’aucun slogan de campagne. Même le slogan du vainqueur, « La France unie » (Mitterrand 1988), n’était identifié que par un électeur sur deux. Un slogan agit donc surtout comme un repère symbolique et un outil de mobilisation des convaincus, plus que comme un levier de persuasion des indécis.
Pour autant, certaines formules marquent durablement les esprits et intègrent la culture politique. Un slogan marquant peut résumer à lui seul une période ou un mouvement : on associe encore Mitterrand à « la force tranquille », Obama à « Yes We Can ». Ces quelques mots entrés dans l’Histoire dépassent la durée d’une campagne et continuent d’alimenter les discussions bien après le scrutin, preuve que les slogans contribuent à façonner l’imaginaire politique collectif.
L’évolution d’un artifice indispensable
Sous la Ve République, le slogan est devenu un passage obligé de toute campagne électorale. À l’heure des réseaux sociaux et de l’information en continu, il doit plus que jamais condenser un message en quelques mots. Au fil du temps, ces formules se sont raccourcies et adaptées aux nouveaux médias, sans pour autant perdre leur raison d’être initiale : marquer les esprits. Qu’il soit original ou recyclé, un bon slogan reflète l’air du temps et inscrit la campagne dans l’imaginaire collectif. Pour qui veut comprendre la communication politique moderne, étudier les slogans est révélateur : c’est saisir en miniature la stratégie, le contexte et la psychologie d’une élection. En somme, le slogan politique reste un artifice incontournable, dont l’évolution – de « La force tranquille » à #NousTous – illustre l’histoire d’une communication politique toujours en quête d’efficacité.