La problématique générale de la communication de changement
Pour toute organisation, institution publique ou entreprise privée, basculer d’une stratégie vers une autre est toujours une opération potentiellement à hauts risques susceptible de porter atteinte à l’image mais aussi de compromettre le changement stratégique.
L’expérience nous enseigne trois choses essentielles :
1- le risque est généralement mal apprécié, c’est-à-dire sous-évalué, par le décideur ;
Un risque c’est d’abord une probabilité d’occurrence mais c’est aussi une gravité d’impact et face à cette combinaison difficile à apprécier, notre tendance naturelle à la rationalité nous conduit parfois à pêcher par excès de confiance. Nous pourrions multiplier les exemples dans l’actualité récente –non augmentation des tarifs pourtant indispensable pour faire face à l’endettement / contestation d’un plan social pourtant très favorable aux salariés – qui attestent que les situations sensibles sont souvent dépourvues de rationalité. Ou plutôt, ces situations obéissent à une autre rationalité –politique, médiatique, concurrentielle, temporelle- qui n’a pas été spontanément prise en compte parce qu’elle ne relevait pas de l’environnement naturel et du périmètre d’évaluation du décideur concerné.
2- le véritable impact d’un incident est davantage fonction de la façon dont il est géré que de l’incident lui-même ;
C’est la raison pour laquelle les observateurs sont toujours stupéfaits d’observer que des « affaires énormes » sont rapidement passées sous silence alors que, dans le même temps, des faits comparativement mineurs débouchent sur des scandales. Nous savons que la réponse se trouve aussi dans la multiplicité des facteurs, dont certains totalement étrangers à l’institution et à son projet, qui peuvent jouer sur l’impact que va avoir, ou ne pas avoir, un incident (le choix des mots, le choix des actes, le choix du moment).
3- la pertinence des arguments opposables, c’est-à-dire la légitimité du projet mis en oeuvre, n’est jamais une assurance contre les mises en cause ;
En conduite de changement, il faut tout de suite oublier la formule « il ne peut rien m’arriver car je suis dans le vrai et s’il arrive quelque chose je n’aurai pas de difficulté à montrer que je suis dans le vrai, donc à faire cesser les critiques ». Ce qu’on dit et qui le dit devient parfois plus important que ce qui est.
En entreprenant un changement, une entreprise fait souvent face à une situation qui cumule de fait les inconvénients : réticence au changement, suspicion à l’égard des motivations du changement, non participation ou non implication des équipes dans ce changement qui les inquiètent) et ceux induits par la mutation elle-même (pertinence, efficacité, opportunité).
Trois questions vont nécessairement focaliser l’attention :
Pourquoi changer ?
C’est la question de la pertinence. Ce changement, tout bien pesé, se justifie-t-il vraiment ? Et ne soyons pas étonnés si cette question provient aussi de ceux qui critiquaient le précédent système de collecte. Ne pas oublier aussi que, dans un débat public, l’administration comme la grande entreprise part toujours avec un a priori défavorable. La première est toujours supposée inventer des choses qui ne servent à rien et l’autre à gagner plus d’argent sur le dos des plus faibles au lieu de se concentrer sur l’essentiel et sur l’intérêt collectif.
Pourquoi changer maintenant ?
C’est la question de l’opportunité, du choix du moment. Pourquoi maintenant ? Etait-ce si nécessaire que cela ? Si tel est le cas, pourquoi ne l’a-t-on pas fait avant ?
Pour quel surcroît d’efficacité ?
C’est la question du gain. Donc c’est la question de l’évaluation critique des avantages comparés de l’ancien système et du nouveau en terme d’utilité, de fiabilité, d’exploitabilité et de confidentialité. Autrement dit, le bénéfice escompté sera-t-il à la hauteur des moyens déployés et des contraintes imposées ?
L’enjeu pour toute entreprise confrontée au changement est de réussir la mutation : c’est-à-dire de légitimer la stratégie rénovée comme un outil d’accompagnement des choix économiques et sociaux de l’entreprise.
NOTRE APPROCHE DE LA COMMUNICATION SENSIBLE
La communication sensible est une démarche d’anticipation et d’accompagnement. Sa vocation est de s’assurer qu’aucun évènement, d’où qu’il provienne, ne vienne compromettre la réalisation des objectifs poursuivis. La communication sensible c’est le déploiement d’une stratégie de communication au service de la gestion des enjeux sensibles.
Elle intègre donc, en les appliquant à la gestion des situations sensibles, des techniques d’audit, de conseil et de communication (communication sensible, communication d’influence, communication de crise).
Nous ne sommes pas ici dans le domaine de la publicité ou de la communication institutionnelle. Des exemples récents illustrent combien une excellente campagne publicitaire promotionnelle peut déboucher sur une contestation majeure du produit tout simplement parce que le client n’a pas conçu sa campagne de changement de produit comme une campagne de communication sensible.
En communication sensible, le moteur de l’efficacité réside dans la combinaison de trois éléments clés :
- La capacité à collecter et à traiter l’information (savoir tout de suite tout ce qui se dit) ;
- La capacité à évaluer correctement la situation (comprendre ce qui se passe et anticiper ce qui peut se passer) ;
- La capacité à cibler et à maîtriser son expression publique (contrôler l’image qu’on renvoie et les messages qu’on délivre car il peut y avoir un décalage entre ce que l’on dit ou fait et la façon dont cela est perçue) ;
« Qualité d’information = capacité d’évaluation = rapidité de décision = efficacité d’action »
Pour s’assurer la maîtrise d’une opération comportant des risques, il faut donc réunir trois conditions ;
Etre bien organisé ;
Se poser les questions d’organisation au moment où l’on est confronté à une difficulté, c’est être certain de courir après l’évènement. En situation de crise, le temps perdu n’est jamais rattrapé. Ceux qui parlent en premier donnent le ton. Les autres se justifient.
Etre très réactif ;
La rapidité d’analyse, de décision et d’exécution est essentielle. Les premières minutes sont décisives. Sans une bonne organisation reposant sur une anticipation du champ des possibles, pas de capacité de réaction satisfaisante.
Etre assez pragmatique ;
Il faut accepter l’idée que la gestion d’une situation sensible n’offre parfois le choix qu’entre des mauvaises solutions. Chercher la solution idéale, c’est souvent se condamner à ne rien faire. Et ne rien faire, c’est subir. Le pilotage exige d’être en permanence en mouvement pour éviter les « coups » et chercher une « ouverture ». Il faut aussi, pour desserrer une contrainte, savoir céder sur l’accessoire afin préserver l’essentiel. On ne gagne pas toujours sur tout et tout de suite.