Olivier Véran face à la crise du COVID19

Communication de crise face au COVID-19 : analyse d’une stratégie gouvernementale

Convaincre l’opinion : un enjeu clé de la communication gouvernementale

Florian Silnicki, Président Fondateur de l’agence LaFrenchCom, était interrogé par le magazine Society sur l’efficacité de la stratégie de communication de crise du Ministre de la Santé Olivier Véran.

Les effets de l’épidémie liée à la contagion du coronavirus Covid-19 sont souvent comparés à ceux de la « grande » crise économique de 1929. Face à cette crise sanitaire, il était essentiel, pour la communication gouvernementale, de réussir à convaincre l’opinion publique de l’importance des enjeux et des moyens déployés par le Premier Ministre pour la combattre.

Entre critique et gestion de crise : l’équilibre fragile du gouvernement

Certains opposants politiques ont immédiatement endossé le rôle de détracteurs du gouvernement en lui reprochant d’en faire trop, de dramatiser les enjeux de la crise et de condamner la croissance économique tandis que d’autres lui reprochaient, dans le même temps, de ne pas en faire assez par démagogie politique et par manque de courage.

Face à la crise, la bonne stratégie de communication c’est d’abord celle qui évite la dramatisation qui exacerbe les menaces et mène nécessairement à la psychose en renvoyant aux peurs collectives.

Bien communiquer face à la crise sanitaire du COVID19, c’est aussi savoir faire respecter les mesures de prévention indispensables à l’endiguement de la propagation du virus. Qu’en est-il ? Comment la communication gouvernementale française s’est-elle positionnée ? Comment a-t-elle évolué ? Tour d’horizon d’un trimestre de communication gouvernementale française hésitante avec Florian Silnicki, Expert en communication de crise.

 

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COVID19 SOCIETY Florian silnicki com de crise

Une crise sanitaire et une communication sous tension

La pandémie de COVID-19 a plongé le monde dans l’une des crises sanitaires les plus graves du XXIᵉ siècle. Face à l’incertitude et au danger, les gouvernements ont dû non seulement gérer l’urgence sanitaire, mais aussi convaincre leurs citoyens de la pertinence des mesures imposées. La communication de crise est alors devenue un outil stratégique clé, un levier de confiance ou, à l’inverse, une source de méfiance et de contestation.

En France, Olivier Véran, ministre de la Santé, s’est retrouvé en première ligne dans cette bataille de l’opinion publique. Chargé de rassurer, d’expliquer et de justifier les décisions, il a multiplié les interventions publiques, tantôt pédagogue, tantôt autoritaire. Mais sa communication politique a-t-elle été efficace ? A-t-elle permis de renforcer l’adhésion des Français aux mesures sanitaires, ou a-t-elle contribué à nourrir le scepticisme et les polémiques ?

Entre hésitations, revirements et contradictions, la gestion de crise d’Olivier Véran a illustré les difficultés d’une communication gouvernementale soumise à la pression du temps et à l’attente d’une opinion publique fracturée. Retour sur une communication de crise sanitaire à la fois omniprésente et souvent mal calibrée.

Convaincre l’opinion : un enjeu clé de la communication gouvernementale

Dans toute crise sanitaire, la communication est sensible et essentielle pour mobiliser la population et garantir l’efficacité des mesures adoptées. Or, la gestion du COVID-19 en France s’est inscrite dans un climat de défiance généralisée envers la parole publique.

Les gouvernements précédents avaient déjà écorné la crédibilité institutionnelle en matière de santé publique (scandale du sang contaminé, crise de la grippe H1N1 et gestion controversée des vaccins par Roselyne Bachelot). L’opinion publique était donc déjà encline à remettre en cause la sincérité des annonces officielles.

Dès lors, Olivier Véran devait relever un défi colossal :

  • Rendre crédibles et cohérentes des mesures changeantes, dictées par une situation épidémiologique en constante évolution.
  • Gérer la cacophonie scientifique et politique, entre les alertes du Conseil scientifique, les doutes de certains médecins et les critiques de l’opposition.
  • Maintenir l’équilibre entre pédagogie et fermeté pour éviter le rejet des mesures sanitaires.

Mais à trop vouloir jouer sur plusieurs tableaux, sa communication politique a souvent viré à l’incohérence, affaiblissant la confiance du public.

Une communication politique en dents de scie : contradictions et revirements

L’un des principaux reproches adressés à Olivier Véran réside dans les contradictions répétées de sa communication.

Le fiasco des masques : de l’inutilité à l’obligation

Au début de la pandémie, le gouvernement assure que le port du masque est inutile pour le grand public. Olivier Véran déclare même que « le masque ne doit pas être considéré comme une protection magique ». Quelques mois plus tard, face à la pénurie et aux critiques, la position change radicalement : le masque devient obligatoire dans les espaces clos, puis en extérieur dans certaines zones.

Effet immédiat : un effondrement de la confiance. Pour de nombreux Français, ce revirement n’est pas justifié par l’évolution des connaissances scientifiques, mais par la nécessité de masquer une pénurie de matériel. Résultat : un rejet massif des consignes sanitaires par une partie de la population.

Le « stop and go » des mesures sanitaires

La gestion des restrictions sanitaires a oscillé entre assouplissements soudains et durcissements brutaux. Le gouvernement affirme dans un premier temps qu’il n’y aura pas de reconfinement… avant d’en annoncer un quelques semaines plus tard. Le couvre-feu est présenté comme une mesure suffisante, puis jugé inefficace. Ces revirements successifs ont déstabilisé la population, renforçant le sentiment d’une improvisation constante.

La cacophonie sur les vaccins et le pass sanitaire

Autre exemple de communication brouillonne : la campagne vaccinale. Initialement, le gouvernement mise sur une approche volontaire, refusant toute obligation. Mais face à la montée du variant Delta, il opte pour l’instauration du pass sanitaire, sans transition ni véritable explication préalable. L’argumentation gouvernementale change en quelques semaines, alimentant une méfiance grandissante.

Problème : ces revirements ne sont pas accompagnés d’une communication pédagogique adaptée. Résultat : une montée en puissance des mouvements antivax et une explosion des contestations.

Entre critique et gestion de crise : l’équilibre fragile du gouvernement

Dès le début de la pandémie, Olivier Véran a été soumis à une double pression :

  • Celle des oppositions politiques, dénonçant tantôt une gestion catastrophique, tantôt une approche liberticide.
  • Celle d’une population divisée, oscillant entre ceux qui réclament plus de mesures pour protéger les plus fragiles et ceux qui jugent les restrictions excessives.

Dans cet environnement ultra-politisé, chaque mot du ministre de la Santé devient une cible potentielle.

Une communication perçue comme culpabilisante

L’une des erreurs majeures de la stratégie gouvernementale a été d’adopter un ton moralisateur et culpabilisant à l’égard des citoyens. À plusieurs reprises, Olivier Véran et d’autres membres du gouvernement ont dénoncé l’irresponsabilité des Français, pointant du doigt ceux qui ne respectaient pas les consignes.

Problème : cette approche a produit l’effet inverse de celui escompté. Plutôt que d’inciter à l’adhésion, elle a renforcé la défiance et l’opposition aux mesures.

Une approche trop verticale et technocratique

Contrairement à d’autres pays où des figures scientifiques indépendantes ont été mises en avant pour expliquer les mesures (comme en Allemagne avec Christian Drosten), la France a choisi une approche très centralisée. Résultat : Olivier Véran est apparu comme le porte-parole d’un gouvernement décidé à imposer des règles, plutôt qu’à dialoguer avec les citoyens.

Comparaison avec d’autres stratégies gouvernementales

D’autres pays ont adopté des approches plus efficaces en termes de communication de crise :

  • L’Allemagne a misé sur une parole scientifique indépendante, avec des experts crédibles et reconnus.
  • La Nouvelle-Zélande, sous l’impulsion de Jacinda Ardern, a adopté une communication transparente et empathique, renforçant la confiance des citoyens.
  • La Suède, bien que très critiquée pour son choix de non-confinement, a eu une ligne constante, sans revirements soudains.

À l’inverse, la stratégie française a souffert d’un manque de lisibilité, créant un climat de confusion et d’incertitude.

Leçons à tirer pour l’avenir

Si la crise du COVID-19 a mis en évidence l’importance de la communication de crise, elle a aussi révélé les erreurs à éviter :

  • Éviter les revirements contradictoires, qui décrédibilisent la parole publique.
  • Assumer l’incertitude, plutôt que de masquer des informations pour des raisons politiques.
  • Miser sur des porte-paroles scientifiques indépendants, pour restaurer la confiance du public.
  • Privilégier la transparence et l’empathie, au lieu d’une approche verticale et culpabilisante.

En somme, la gestion de crise d’Olivier Véran a été marquée par un manque de cohérence et une difficulté à convaincre l’opinion. À trop vouloir tout contrôler, le gouvernement a alimenté la méfiance, transformant une crise sanitaire en crise de confiance majeure.

La pandémie de COVID-19 a été une épreuve pour tous les gouvernements. Mais dans le domaine de la communication de crise, certaines erreurs sont évitables. Il faudra s’en souvenir lors des prochaines crises sanitaires ou politiques, au risque de voir la parole publique continuer à se déliter face à une opinion de plus en plus sceptique.