La communication politique face aux crises sanitaires : les enseignements
La gestion des crises sanitaires a toujours mis la communication politique à l’épreuve. Dans une interview accordée à M6, Florian Silnicki, expert en communication de crise et fondateur de l’agence LaFrenchCom, est revenu sur deux épisodes marquants en France : la canicule de 2003 et la grippe H1N1 en 2009. Il décrypte les erreurs de communication et les stratégies qui auraient pu être adoptées pour préserver la confiance du public.
La canicule de 2003 : l’échec symbolique d’une communication déconnectée
En août 2003, alors que la France faisait face à une canicule exceptionnelle qui allait coûter la vie à près de 15 000 personnes, le ministre de la Santé de l’époque, Jean-François Mattéi, apparaissait au journal de 20h de TF1 en polo noir depuis sa maison de vacances dans le Var. Cette image a marqué les esprits par son apparente déconnexion avec la gravité de la situation sanitaire.
Florian Silnicki souligne que cet épisode illustre à quel point les symboles jouent un rôle essentiel en communication de crise. «Le ministre a donné l’impression qu’il n’était pas au cœur de l’action, qu’il ne partageait pas l’angoisse des Français à ce moment précis. Le choix vestimentaire et le décor, bien que secondaires en apparence, ont envoyé un message contradictoire avec la nécessité de mobiliser la nation autour de cet enjeu sanitaire majeur» analyse-t-il. Une communication politique plus adaptée aurait impliqué une posture symbolisant l’urgence et l’empathie, à l’instar d’un discours solennel depuis un centre de crise.
2009 : Roselyne Bachelot, de la critique au rétablissement
La crise de la grippe H1N1 en 2009 a également mis en lumière les difficultés auxquelles sont confrontés les responsables politiques en matière de communication. Alors ministre de la Santé, Roselyne Bachelot avait été très critiquée pour avoir commandé massivement des masques et des vaccins. Cette décision avait suscité des accusations de gaspillage financier, l’épidémie n’ayant pas eu l’ampleur redoutée.
Pourtant, Florian Silnicki souligne que cette gestion, alors controversée, s’est révélée visionnaire à l’aune de la crise du COVID-19. «Les responsables politiques doivent anticiper et parfois prendre des décisions impopulaires pour prévenir des catastrophes. Dans le cas de Roselyne Bachelot, ce qui était perçu comme une sur-préparation a été réhabilité comme un modèle de prévoyance dans une situation similaire» explique-t-il. Cette réhabilitation montre l’importance d’une communication pédagogique et transparente pour expliquer des choix stratégiques parfois complexes.
Les leçons d’une bonne communication de crise
Selon Florian Silnicki, ces deux épisodes soulignent des principes fondamentaux de la communication en situation de crise sanitaire :
- La symbolique est cruciale : Les responsables doivent apparaître comme mobilisés et empathiques. Chaque détail, du lieu d’où ils parlent à leur tenue vestimentaire, contribue à façonner la perception publique.
- La pédagogie renforce la crédibilité : Expliquer clairement les raisons derrière les décisions — même celles susceptibles d’être critiquées — permet de préserver la confiance.
- L’anticipation, un investissement nécessaire : Des mesures préventives peuvent sembler excessives sur le moment, mais elles préservent des vies et réduisent les coûts à long terme.
Vers une communication de crise sanitaire rénovée
Enfin, Florian Silnicki appelle à une évolution de la communication politique pour accompagner les crises sanitaires. « Il faut réinventer une forme de communication plus humaine, ancrée dans le réel, où l’authenticité prime sur la mise en scène. Dans un monde hyperconnecté, le public attend de la sincérité et de la cohérence » conclut-il.
Ces enseignements, tirés de deux épisodes emblématiques, résonnent aujourd’hui alors que la gestion des pandémies reste un enjeu majeur pour les dirigeants du monde entier.